Guerre civile de Macédoine

Guerre civile de Macédoine

Conflit de 2001 en Macédoine

Conflit de 2001 en Macédoine
Informations générales
Date janvier 2001-août 2001
Lieu République de Macédoine
Casus belli opposition entre Macédoniens slaves et Albanais de Macédoine
Issue accords d'Ohrid
Belligérants
Macédoine Macédoine Uck Nla Logo.svg Armée de libération nationale
Commandants
Boris Trajkovski Ali Ahmeti

Le conflit de 2001 en Macédoine est une insurrection armée menée par l'Armée de libération nationale (ou UÇK-M), organisation d'origine kosovare, contre le gouvernement de la République de Macédoine. Cette organisation manifestait ainsi la volonté des Albanais de Macédoine d'accéder à plus d'autonomie et de reconnaissance de la part de l'État. Il a commencé en janvier 2001, lorsque l'UÇK-M a commencé à attaquer des policiers et des soldats macédoniens, et s'est achevé en août 2001, après des accords entre les deux parties. Cependant, des hostilités ont persisté jusqu'en novembre de la même année. Le conflit a mobilisé des troupes de l'OTAN, chargées de rétablir l'ordre et de désarmer les insurgés albanais.

Sommaire

Contexte

Carte ethnique de Macédoine représentant en orange les municipalités peuplées majoritairement d'Albanais

Lors de son indépendance vis-à-vis de la Yougoslavie en 1991, la Macédoine s'est qualifiée, par sa Constitution, comme l'État du peuple macédonien[1]. Or ce peuple, slave, ne regroupe pas les Albanais, les Turcs, les Roms... Ces ethnies, qui totalisaient ensemble plus du quart de la population du pays, ont été alors présentées comme des « minorités »[2]. Les Albanais, ethnie la plus importante (470 000 individus selon le recensement de 1991), ont alors protesté contre le manque de reconnaissance et d'estime à leur égard, et ce qui a souvent été qualifié de « citoyenneté de seconde classe »[3].

La langue posait également problème. La Constitution faisait du macédonien la seule langue officielle et les albanophones avaient donc des problèmes d'intégration, les étudiants albanais échouaient souvent à leurs examens à cause de leur niveau insatisfaisant en macédonien[4].

Afin de défendre leurs positions, les minorités de Macédoine fondèrent rapidement chacune des partis politiques, afin d'être présentes sur la scène nationale. Cependant, cette représentation et les quotas ethniques officiels ne suffisaient pas à faire évoluer les statuts.

En 1995, déjà, les Albanais de Macédoine avaient tenté de s'exprimer et de revendiquer des droits. Une université albanaise avait été ouverte à Tetovo, ville peuplée en majorité d'Albanais. Mais, l'État macédonien, qui avait toujours interdit les écoles albanaises afin d'éviter les organisations parallèles, l'avait fermé par la force deux jours plus tard. Cette fermeture avait entraîné de violentes manifestations dans la ville, contenues par la force[5].

Lors de la guerre du Kosovo, en 1999, la Macédoine accueille malgré elle de nombreux réfugiés albanais, installés par l'ONU dans des camps. Beaucoup de ces personnes s'installent définitivement en Macédoine, ce qui pose des problèmes d'intégration et d'accueil[6].

Déroulement

Début de l'insurrection albanaise

En orange, les zones de conflit

Au début de l'année 2001, les autorités macédoniennes constatent la renaissance sur leur territoire de l'UÇK, organisme extrémiste albanais qui avait auparavant mené la guerre contre les Serbes au Kosovo[7]. Cette renaissance s'explique rapidement par la présence de nombreux réfugiés kosovars en Macédoine, parmi lesquels se trouvent des anciens de l'UÇK, interdite dans son pays d'origine. Des militants de ce qui est rapidement appelé l'UÇK-M (ou UÇK de Macédoine) agressent alors des policiers et des militaires dans le nord du pays et volent leurs armes[7].

En réplique, le gouvernement macédonien ferme la frontière avec l'Albanie, afin d'éviter d'éventuelles arrivées d'armes et de combattants. Cependant, en mars, trois soldats macédoniens sont tués par des insurgés albanais près de Tetovo. Skopje fait alors appel à l'ONU, qui condamne ceux qu'elle qualifie de « terroristes »[7].

Amplification du mouvement

Les Albanais gagnent toutefois toujours du terrain et prennent le contrôle au fur et à mesure de nombreux villages du nord du pays, où la minorité albanaise est très forte. En mai, l'armée macédonienne bombarde ces villages ainsi que les autres positions de l'UÇK-M, mais finit par se replier[7]. Les troubles ethniques ont entraîné une crise politique qui conduit à un gouvernement d'union nationale, incorporant deux Albanais. Un conseil, formé de deux Slaves et de deux Albanais, est convoqué pour trouver une voie de sortie de crise[7]. L'ONU ordonne aux combattants armés stationnés à Aratchinovo, village proche de Skopje, de se rendre, puis l'état de guerre est déclaré en Macédoine[8].

Afin de remédier à une situation qui ne fait qu'empirer, l'Union européenne propose aux belligérants un changement de statut des Albanais, qui deviendraient « seconde nation constitutive » de l'État de Macédoine. Elle promet également, si le conflit s'arrête, d'amnistier les combattants. Les deux camps demandent ensuite l'intervention de l'OTAN et 20 000 Albanais fuient le conflit et rejoignent le Kosovo[8].

Fin du conflit

Le 5 juillet 2001 est signé un accord de cessez-le-feu entre l'UÇK-M et le gouvernement macédonien. Cet accord est encadré par l'ONU et l'OTAN et est signé par Pieter Feith, envoyé spécial de l'Union européenne, Ali Ahmeti, leader albanais, et les chefs de la police et de l'armée macédoniennes[8]. Cette dernière déploie des hommes à travers les zones rebelles pour collecter les armes. Au même moment les États-Unis proposent l'envoi de 3 000 hommes pour pacifier le pays[9]. La France et l'Allemagne s'engagent à envoyer des troupes sous l'autorité d'un général anglais[9].

L'opération de désarment des rebelles albanais prend le nom de Moisson indispensable. Son achèvement est reculé par de nouveaux affrontements à Tetovo, durant lesquels une dizaine de personnes trouvent la mort. A la fin du mois de juillet, l'UÇK-M contrôle toute cette ville[9].

Les pourparlers, qui avaient lieu à Tetovo, sont déplacés à Ohrid, loin des zones insurgées. Ils aboutissent le 13 août aux accords d'Ohrid, qui accordent davantage de droits à la minorité albanaise et prévoit la modification de la Constitution. Les combattants qui n'ont pas à passer au Tribunal pénal international de La Haye sont amnistiés et l'UÇK-M doit être désarmée[9]. Les accords sont signés par le VRMO-DPMNE et le SDSM, prinicipaux partis macédoniens, et par le PDA et le PDP, partis albanais[10].

Cependant, la paix n'est pas immédiate car l'explosion d'une mine à Ljuboton conduit les policiers et les militaires macédoniens à lancer des représailles qui font une vingtaine de morts. En réplique, l'UÇK-M enlève cinq ouvriers macédoniens qu'elle fait torturer[10].

Finalement, l'UÇK-M signe un traité de désarmement avec l'OTAN le 15 août et l'OTAN envoie 4 500 soldats (dont 530 Français) collecter les 3 300 armes estimées aux mains des Albanais[9]. Une fois la Moisson indispensable accomplie, l'Union européenne décide tout de même de maintenir une présence militaire. Les troupes de l'OTAN ne quittent la Macédoine qu'en février 2002, après que le parlement a voté en janvier une loi sur le renforcement des pouvoirs locaux. Cette loi permet à la Macédoine d'empocher 307 millions d'euros de la part de la Conférence des donateurs de Bruxelles[11].

Les accords d'Ohrid

Les accords d'Ohrid ont été signés le 13 août 2001 par deux partis macédoniens et deux partis de la minorité albanaise, avec un encadrement de l'ONU et de l'OTAN. Ils octroient aux Albanais de Macédoine des droits destinés à améliorer leur condition de minorité[9].

  • La langue albanaise devient officielle aux côtés du macédonien dans toutes les municipalités qui sont peuplées d'au moins 20 % d'Albanais.
  • L'usage de l'albanais est autorisé au Parlement.
  • Les effectifs de la police doivent comporter au moins 23 % d'Albanais.
  • La Constitution est amendée pour permettre aux députés albanais de s'opposer à toutes les décisions parlementaires concernant leur minorité (sans passer par la majorité des suffrages).
  • Les lois doivent être officiellement écrites en macédonien et en albanais.
  • Une université albanaise, l'Université de l'Europe du Sud-Est, est créée à Tetovo, l'État doit la financer en partie[9].

Situation de la Macédoine après le conflit

L'insurrection albanaise, en exacerbant les problèmes ethniques du pays, lui a probablement permis de ne pas imploser quelques années plus tard. Ainsi, lors des élections législatives de 2002, les partis politiques nationalistes tels que le VRMO-DPMNE ont été évincés par les partis modérés[12]. L'événement est cependant trop proche dans le temps pour conclure sur ses effets historiques.

Cependant, les droits octroyés aux Albanais par la Constitution ne sont pas toujours respectés. Par exemple, en 2008, seulement 25 % des élèves albanais ont un enseignement dans leur langue maternelle, alors que tous devraient y avoir accès[13].

Voir aussi

Liens internes

Notes et références

  1. La République de Macédoine: Nouvelle venue dans le concert européen, Christian Chiclet et Bernard Lory, éd. L'harmattan, 1998, p. 66
  2. op. cit., Christian Chiclet et Bernard Lory, p. 67
  3. Un pays inconnu : la Macédoine, Georges Castellan, éd. Arméline, 2003, p. 97
  4. op. cit., Georges Castellan, p. 72
  5. op. cit., Christian Chiclet et Bernard Lory, p. 73
  6. op. cit., Georges Castellan, p. 100
  7. a , b , c , d  et e op. cit., Georges Castellan, p. 104
  8. a , b  et c op. cit., Georges Castellan, p. 105
  9. a , b , c , d , e , f  et g op. cit., Georges Castellan, p. 106
  10. a  et b op. cit., Georges Castellan, p. 107
  11. op. cit., Georges Castellan, p. 108
  12. IPU.org - Ex-République yougoslave de Macédoine, Chambre parlementaire : Sobranie, élections tenues en 2002
  13. COLISEE - La politique des minorités en république de Macédoine


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