- Albrecht von Bollstädt
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Albert le Grand
Saint Albert le Grand
Albertus Magnus, fresque de Tommaso da Modena (1332)Docteur de l'Église Naissance entre 1193 et 1206
LauingenDécès 1280
CologneNationalité Allemande Béatification 1622
par Grégoire XVCanonisation 1931
par Pie XIFête le 15 novembre Saint patron des scientifiques et savants Serviteur de Dieu • Vénérable • Bienheureux • Saint Albrecht von Bollstädt connu sous l'appellation saint Albert le Grand, était dominicain, philosophe, théologien, naturaliste, chimiste et alchimiste germanique. Il fut professeur de renom au XIIIe siècle et notamment le maître de Thomas d'Aquin.
Il est surtout connu pour avoir laissé une œuvre scientifique d’une grande ampleur, particulièrement brillante dans le domaine des sciences naturelles. Il a également permis l'entrée des textes d'Aristote en Occident et a laissé une somme de théologie qui a servit de modèle à la Somme théologique de Thomas d'Aquin.
Sommaire
Biographie
Albert le Grand est né à Lauingen en Souabe entre 1193 et 1206. Il est mort à Cologne en 1280. Il a introduit dans les universités d’Europe les sciences grecques et arabes. Il était déjà surnommé « le Grand » de son vivant. Canonisé par l'Église catholique, il est fêté le 15 novembre.
Après des études à Paris, il entre, en 1221, dans l'ordre des Dominicains. De 1228 à 1240, il enseigna la théologie, puis obtint à Paris un poste de maître de théologie en 1245. C’est là et à Cologne qu’il a pour élève le jeune Thomas d'Aquin.
Découvrant les ouvrages grecs (dont Aristote) et arabes (Ibn al-Haytham, Avicenne (Ibn-Sinâ)...), il les étudie avec passion. Dans ses commentaires de l’œuvre d’Aristote, il consigne déjà ses désaccords avec les vues de celui-ci dans le domaine scientifique, comme l'avait fait Robert Grossetête, puis Roger Bacon (ces contestations sur l'œuvre de « l'homme qui pouvait tout expliquer », comme le nomme Jean-François Revel[1], se sont amplifiées sur le plan scientifique avec Galilée, puis sur le plan philosophique avec Descartes).
Albert fonda en 1248 à Cologne l’École supérieure de théologie (Studium generale).
En 1250, il traite de l'arc-en-ciel dans son ouvrage de Iride.
En 1260, il fut nommé évêque de Ratisbonne par le pape, mais après trois ans il demande au pape et obtient de celui-ci la permission d'abandonner sa charge.
Ne se contentant pas de contester ponctuellement les travaux d'Aristote, il entreprend une encyclopédie d'ambition comparable De animalibus. Elle comprend :- le classement de toute la faune d’Europe du Nord connue de son temps ;
- une description détaillée de la reproduction des insectes, la croissance du poulet, des poissons et de mammifères ;
Ce vaste traité, achevé vers 1270, comprend 26 livres. Les 19 premiers sont des commentaires de l'œuvre d'Aristote, les suivants sont consacrés aux animaux qui marchent, volent, nagent et rampent dans une classification inspirée de Pline l'Ancien. Dans ces derniers livres, il puise largement dans les matériaux du Liber de natura rerum de Thomas de Cantimpré. Cette œuvre qui restera isolée dans son temps tranche sur celles de ses prédécesseurs comme Isidore de Séville et comprend beaucoup plus de descriptions fondées sur des observations réelles.
Il n'empêche que pour encore longtemps la zoologie restera une branche de la théologie dans laquelle les animaux seront étudiés pour les symboles divins qu'ils véhiculent.
Albert le Grand écrit également des encyclopédies semblables pour les minéraux, le De mineralibus et pour les végétaux, le De vegetabilibus. Ce dernier ouvrage comprend e.a. une étude sur les effets respectifs de la lumière et de la température sur la croissance des végétaux, ainsi que la question des greffes.
Ces œuvres sont riches en enseignements historiques et nous apprennent par exemple qu'Albert ne connaissait l'usage du salpêtre que pour la fabrication de l'acide nitrique ou encore que l'ortie était encore citée comme fibre textile à cette époque [2]
Philosophie
Étant l'un des premiers à recevoir, commenter et enseigner les textes d'Aristote, son travail philosophique consista surtout à paraphraser Aristote et ses commentaires d’Averroès. Il a permis ainsi une première diffusion en Occident des philosophies grecques et arabes longtemps avant celle qui suivra la chute de Constantinople (vite relayé par son disciple Thomas d’Aquin) et à les confronter avec la doctrine chrétienne.
Théologie
Science
Conçus sur le modèle des traités d’Aristote, ses traités de sciences naturelles condensent les textes grecs et latins commentés et complétés par les Arabes (dans les domaines de l’astronomie, des mathématiques, de la médecine) ; mais Albert ajoute ses propres critiques et observations. Il prône l’expérience, n’hésitant pas à interroger lui-même les spécialistes. Il fut ainsi un inlassable encyclopédiste, qui n'hésitait pas à aller voir et interroger les experts directement.
Ainsi son traité Des Animaux est composé de dix-neuf livres rapportant les données antiques et de sept livres qui sont les fruits de ses observations et de ses enquêtes auprès de chasseurs, fauconniers, baleiniers... Il classe plus de quatre cents espèces végétales (Des Végétaux). S’autorisant à critiquer Aristote, il corrige chaque fois qu’il le juge utile les erreurs de l’héritage antique.
Postérité
- béatifié en 1622 ;
- canonisé par le pape Pie XI en 1931 ;
- proclamé docteur de l'Église en 1931 ;
- proclamé « saint patron des savants chrétiens » en 1941.
Il reste dans l'histoire connu comme le « Docteur universel », en compagnie du « Docteur angélique » (son propre élève saint Thomas d'Aquin), du « Docteur séraphique » (saint Bonaventure) et du « Docteur admirable » (le franciscain Roger Bacon, critique comme lui d'Aristote envers qui saint Thomas d'Aquin avait eu davantage d'indulgence). Ce qui donna naissance à l'idée selon laquelle « pendant longtemps, la philosophie a consisté essentiellement en une rédaction de notes de bas de page dans l'œuvre d'Aristote ».[réf. nécessaire] (détournement d'une réflexion de Whitehead sur Platon).
Albert le Grand alchimiste ou magicien ?
Albert le Grand fut-il alchimiste ? Il s'intéresse à l'alchimie dans ses Meteora et dans son De mineralibus, qui datent de 1250 environ. Selon Robert Halleux (Les textes alchimiques, Turnhout, Brepols, 1979, p. 103-104), "le corpus [alchimique] d'Albert le Grand comprend une trentaine de titres. L. Thorndike et J. R. Partington ont décelé dans son De coelo et mundi et dans ses Météorologiques une grande familiarité avec les thèmes alchimiques. Ceux-ci sont traités longuement dans le De mineralibus (1256). Sur la matière des métaux, il développe, contre Démocrite et Ibn Juljul, la théorie alchimique du soufre et du mercure, qu'il concilie avec les quatre Éléments et qu'il reprend à Avicenne. Le Alkimia[3] et le Alkimia minor semblent d'Albert. Le Semita recta (La voie droite) est une compilation de la Summa perfectionis du Pseudo-Geber (Paul de Tarente, 1280).[4] Ni le De occultis naturae, ni le Composé des composés (Compositum de compositis) (compilé en 1331) [1], ni le Libellus de alchimia. Semita recta, ouvrage d'alchimie pratique, clair[5], ne sont authentiques.[6] Voici les principes du Alkimia :
- "- L'alchimiste sera discret et silencieux. Il ne révélera à personne le résultat de ses opérations. - Il habitera loin des hommes une maison particulière, dans laquelle il y a aura deux ou trois pièces exclusivement destinées à ses recherches. - Il choisira les heures et le temps de son travail. - Il sera patient, assidu, persévérant. - Il exécutera d'après les règles de l'art les opérations nécessaires. - Il ne se servira que de vaisseaux (récipients ) en verre ou en poterie vernissée. - Il sera assez riche pour faire en toute indépendance les dépenses qu'exigent ses recherches. - Il évitera d'avoir des rapports avec les princes et les seigneurs."
Albert le Grand fut-il magicien ? Il le dit : "Bien plus, nous sommes experts en magie. Etiam nos ipsi sumus experti in magicis" (De anima, I, 2, 6 ; éd. Stroick p. 32). Il connaît les ouvrages magiques d’Ibn Qurra et le Picatrix. Il a pratiqué : "... vérité que nous avons expérimentée par notre pratique de la magie" (De anima, I). Il parle des sceaux et images occultes, des incantateurs. Mais le Speculum astronomiae, ouvrage de référence pour l'archimage Agrippa de Nettesheim, vient d'un autre, qui est peut-être Richard de Fournival[7], vers 1277.
Les spécialistes décèlent une évolution dans sa pensée : d’abord Albert le Grand accepte la magie et l’alchimie d’Hermès (De mineralibus, 1251-1254), ensuite il la rejette comme nécromancie, c’est-à-dire magie démoniaque (Summa theologiae, vers 1276). Le fameux livre de magie populaire Le Grand Albert n'est pas de lui, mais il contient certains éléments de son enseignement en gynécologie, vers 1245. « Quant à "l'histoire du fameux automate qu'Albert aurait construit et que Thomas d'Aquin aurait détruit", c'est une affabulation datant du XIXe s. » (Bernard Husson).
Bibliographie
- Albert Garreau, Saint-Albert le Grand, Desclée De Brouwer, 1932
Textes d'Albert le Grand
74 œuvres sont reconnues authentiques. Les plus connues sont les suivantes (par ordre alphabétique) :
- Alkymia : P. Kibre, An alchemical Tract attributed to Albertus Magnus, Isis, 35 (1944), p. 303-316.
- Commentarium in 'De generatione et corruptione' (1252-1256)
- Commentaire de la "Théologie mystique" de Denys le Pseudo-Aréopagite, suivi de celui des épîtres I-IV, Cerf
- De Anima libri tres. De Intellectu et Intelligibili libri duo (1254-1257). Venise : Joannes & Gregorius de Gregoriis, de Forlivio, 1494.
- De animalibus (1258), lib. XV. Éd. Rome, 1478 ; Venise, 1495 en ligne sur disponible sur Gallica; le chapitre sur les faucons, le De Falconibus, a connu une circulation manuscrite autonome et des traductions médiévales en allemand, en anglais, en catalan, en français et en italien
- Metaphysicorum libri XIII (1263-1267)
- Meteora (vers 1250)
- De mineralibus (1256). Cologne: Cornelius von Zieriksee. 1499. Albert le Grand, De mineralibus, trad. par Michel Angel : Le Monde minéral, Cerf, 1995, 448 p.
- De natura boni (1243)
- De natura locorum. Vienne : H. Vietor & J. Singriener, 1514.
- Philosophia pauperum. 1er édition, 1490, 2de édition Brescia Battista de Farfengo 1493
- Prima et secunda partes postille super Evangeliare Luce. Hagenau, Henricus Gran for Johannes Rynman 1504
- Scripta super quattuor libri Sententiarum Commentaire des Sentences de Pierre Lombard (1256-1259)
- Summa de Eucharistiae Sacramento. Ulm : Johann Zainer, 1474.
- Summa de mirabilia scientia Dei (1270)
- Summa de creaturis (vers 1240)
- Summa theologiae (1246)
- De vegetalibus et plantis (1256-1257)
- De Virtutibus, seu Paradisus animae, trad. : Le Paradis de l'âme, ou Petit livre des vertus, attribué au Bx. Albert le Grand, de Saint Albert le Grand et Gonzalve Vanhamme, 1921
La tradition manuscrite est très importante. Elle fait l'objet d'au moins trois publications de Winfried Fauser :
- Die Werke des Albertus Magnus in ihrer Handschriftlichen Überlieferung. Teil I, die echten Werke. Codices manuscripti operum Alberti Magni. Pars I, opera genuina, Münster, 1982
- premier supplément dans le Bulletin de philosophie médiévale, t. 24, 1982, p. 115-129
- deuxième supplément dans le Bulletin de philosophie médiévale, t. 25, 1983, p. 100-120
Pseudo-Albert-le-Grand
- Le Grand Albert (élaboré entre 1245 et 1703) : Claude Seignolle, Les Évangiles du Diable, Paris, Robert Laffont, collection "Bouquins", 2000.
- Le Petit Albert (1668) : Claude Seignolle, Les Évangiles du Diable, Paris, Robert Laffont, collection "Bouquins", 2000.
- Speculum astronomiae (Miroir d'astronomie), peut-être de Richard de Fournival vers 1277. Trad. an. : The "Speculum astronomiae and its enigma : astrology, theology and science in Albertus Magnus and his contemporaries, édi. par Paola Zambelli, Dordrecht Publications ; Boston ; London : Kluwer academic publ., 1992, XVI-352 p.
- Libellus de alchimia. Semita recta (fin XIII° s.) : ce texte alchimique est une compilation de la Summa perfectionis du Pseudo-Geber (Paul de Tarente). V. Heines, Albertus Magnus 'Libellus de alchimia (Semita recta)', Berkeley, 1958.
- De occultis naturae : P. Kibre, The 'De Occultis Naturae' attributed to Albertus Magnus, Osiris, 11 (1954), p. 23-39 ; Albertus Magnus. De Occultis Naturae, Ositis, 13 (1958), p. 157-183..
- Composé des composés (Compositum de compositis) (compilé en 1331). Theatrum chemicum, Strasbourg, éd. Zetzner, t. IV (1659), p. 825-841. [2]
Éditions de référence
Toute citation d'Albert doit être identifiée en référence à l'une de ces éditions de référence :
- Édition A. Borgnet, Paris, Vivès, 38 vol., 1890-1899 (de loin la plus disponible, reprise pour l'essentiel, mais avec des différences parfois notables, de l'édition de Pierre Jammy, OP, 21 volumes in fol., Lyon, C. Prost, 1651), seules éditions des œuvres complètes disponibles.
- Hermann Stadler, « De animalibus libri XXVI. Nach der Kölner Urschrift », dans Beiträge zur Geschichte der Philosophie des Mittelalters, 1916-1920.
- L'édition critique des œuvres complètes d'Albert le Grand est en cours, menée par le Albertus-Magnus-Institut de Münster (voir l'état d'avancement). Elle remplace les éditions antérieures.
Études
- Libera, Alain (de), Albert le Grand et la philosophie (A la Recherche de la vérité), Paris, Vrin, 1990
- Kenneth F. Kitchell et Irven Michael , Albertus Magnus, On Animals : A Medieval Summa Zoologica, The John Hopkins University Press.
- sur Albert le Grand et l'alchimie : Robert Halleux, "Albert le Grand et l'alchimie", Revue des sciences philosophiques et théologiques, 66 (1982), p. 57-80. P. Kribe, Alchemical Writings ascribed to Albertus Magnus, Speculum, XVII (1942), p. 499-518.
- sur Albert le Grand et la magie : Lynn Thorndike, A History of Magic and Experimental Science, New York, t. III, 1934.
- Stanford Encyclopaedia of Philosophy [3]
- sur les traductions du De falconibus: An Smets, « La réception en langue vulgaire du “De falconibus” d’Albert le Grand », dans Medieval Forms of Argument: Disputation and Debate (Disputatio 5), 2002, p. 189-199.
Notes et références
- ↑ Jean-François Revel, Histoire de la philosophie occidentale.
- ↑ Bertrand Gille (historien) Histoire des techniques
- ↑ Albert le Grand, Alkimia : P. Kibre, An Alchemical Tract ascribed to Albertus Magnus, Isis, 35 (1944), p. 303-316.
- ↑ W. Neewman, The Genesis of the 'Summa perfectionis' [du Pseudo-Geber], Archives internationales d'histoire des sciences, 35 (1985), p. 246-259.
- ↑ V. Heines, Albertius Magnus Libellus de alchimia (Semita recta), Speculum, 17 (1942), p. 499-518.
- ↑ P. Kibre, Alchemical writings ascribed to Albertus Magnus, Speculum, 17, 1942, p. 400-518.
- ↑ Bruno Roy, "Richard de Fournival, auteur du Speculum astronomiae ?", Archives d'histoire doctrinale et littéraire du Moyen Âge (AHDLMA), t. 67 (2000), p. 159-180.
Articles connexes
Liens externes
Albert le Grand "des secrets des vertus des Herbes, Pierres et Bestes" Publie en Angleterre en 1604. Version en ligne: Vertus Herbes, Pierres et Bestes
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