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Robert Grossetête
Robert Grossetête ou Grosseteste, dit aussi Robert de Lincoln, est un érudit anglais, séculier proche de l'Ordre franciscain, évêque de Lincoln, né vers 1175 et mort en 1253.
Une première Renaissance de l'Europe, assez timide, eut lieu aux XIe et XIIe siècles, peu de temps après l'impulsion donnée par Gerbert d'Aurillac (Sylvestre II) qui y ramena d'Espagne les chiffres arabes, l'abaque et l'astrolabe. Si cette Première Renaissance commence avec Pierre Abélard, un autre de ses représentants est Robert Grossetête.
Sommaire
Contexte
Les centres intellectuels de l'Europe à l'époque semblent avoir été l'École de Chartres, Paris et Oxford, cette dernière ville donnant à l'Europe Roger Bacon. Mais celui-ci ne se reconnaissait en dehors du monde antique qu'un maître, qui était Grossetête – bien que les deux hommes ne se soient pas rencontrés.
Sa vie
Né en 1175, il étudie à Oxford et à Paris. En 1224, il devient chancelier de l'université, en 1230 il enseigne au studium franciscain d'Oxford d'où sortira 20 ans plus tard Roger Bacon. Passionné de grec dont il encouragea l'étude, il traduit lui-même l'Éthique à Nicomaque et les œuvres du Pseudo-Denys l'Aréopagite, effectue plusieurs commentaires sur l'œuvre d'Aristote, et fait venir à Oxford des lettrés de plusieurs pays - y compris la Grèce - en leur demandant d'apporter avec eux tout ce qui leur était possible comme traités de grammaire - ce qui contribue à asseoir la réputation de cette université. Il confirme la rotondité de la Terre indiquée par Ptolémée, mais ajoute des explications naturelles indiquant que les planètes doivent être rondes elles aussi.
En 1235, il est nommé évêque de Lincoln. Il meurt en 1253.
L'érudit
Optique
Dans son ouvrage De luce, Robert Grossetête présente la lumière (lux) comme à l'origine de toute chose: la lumière visible (lumen), la chaleur, la matière. Il développe la théorie selon laquelle tout le monde physique peut se décrire par de la géométrie. S'appuyant sur les traités d'optique d’Ibn al-Haytham, il étudie les rayons directs, les rayons réfléchis, les rayons déviés. Il s'intéresse à la formation de l'arc-en-ciel (De iride) et travaille sur les lentilles et les miroirs. Il découvre ainsi que les lentilles, non seulement ont la propriété de pouvoir mettre le feu, mais aussi peuvent servir plus simplement de loupe. Il étudie la réfraction de la lumière à travers un récipient sphérique rempli d'eau (De natura locorum). Il est à l'origine d'une règle (imparfaite) sur la notion de réfraction : "l'angle de réfraction est égal à la moitié de l'angle d'incidence".
Concernant les couleurs, dans son ouvrage De colore, il est un des premiers à faire une distinction entre :
- le blanc (lux clara ou albedo) et le noir (lux obscura ou nigredo)
- les 7 couleurs fondamentales
À chaque couleur, il affecte une autre propriété : la luminosité, permettant ainsi de faire la différence entre en bleu lumineux et un bleu terne.
À la suite d'Ibn al-Haytham, il défend l'idée que la science se bâtit par l'expérience.
Mathématiques
Conscient que la mathématique est l'outil privilégié des autres sciences, il s'intéresse principalement à la géométrie (De lineis, angulis et figuris) et à l'astronomie (theorica planetarum, De accessione et recessione maris). Il développe une conception de l'infini et a l'intuition que certains infinis sont plus grands que d'autres. Bien que son argumentation soit fausse - il affirme que l'infinité des nombres pairs est inférieure à l'infinité des entiers - on ne peut lui dénier l'idée révolutionnaire de considérer l'infini comme une quantité mesurable. Il faudra attendre Georg Cantor pour avoir le premier exemple d'un infini plus grand qu'un autre- l'infini des nombres réels (aleph1) plus grand que celui des entiers (aleph0).
Philosophie
Philosophe et théologien, il traduit et commente un grand nombre d'ouvrages tant religieux que classiques. On lui doit par exemple des commentaires des psaumes, des épîtres de Paul, des lois de l'Ancien Testament. Ses commentaires sur Aristote marqueront pendant longtemps le système de pensée occidental.
Sa théorie sur la lumière (origine de toute chose) est autant scientifique que philosophique et théologique où il défend l'idée de l'illumination dans l'accession à la foi. Il place la volonté (affectus) comme supérieure à l'intellect (aspectus), thèse qui sera reprise par le courant franciscain.
Littérature
On lui doit également un long poème allégorique sur la création du monde et la rédemption intitulé Le chastel d'amors ainsi que plusieurs poèmes ou textes sur l’étiquette courtoise et la gestion domestique. Il est aussi l’auteur d’un certain nombre d’ouvrages théologiques dont un Hexameron.
L'évêque
Nommé évêque de Lincoln en 1235, il entreprend sans tarder de réformer la morale et la discipline dans son diocèse. Cela le conduit à rentrer en conflit avec les membres même de sa communauté qui n'apprécient pas son ingérence dans leur domaine. Le conflit fait rage de 1239 à 1245 et nombreux sont ceux qui reprochent à Grossetête son manque de retenue dans ces débats. Ce n'est qu'en 1245 que le conflit s'éteindra après qu'une visite à la cour papale de Lyon donne raison à Grossetête.
Il entreprend des réformes dans l'esprit de Becket. Il revendique pour l'Église un pouvoir que le pouvoir séculier n'est pas prêt à lui accorder. C'est ainsi que, par deux fois, il reçoit un avertissement de la cour d'Henri III. Par ses positions réformatrices, il entre en conflit autant avec le roi arguant qu'il se doit d'obéir au Saint-Siège, qu'avec la papauté auprès de laquelle il défend la thèse que les postes anglais doivent être tenus par des Anglais et non des Italiens. C'est ainsi qu'il demande au roi la libération de certains disciples d'Oxford qui avait agressé le légat Otho. Il se soumet au moins jusqu'en 1247 avec une relative bonne grâce aux ingérences du Saint-siège, obtenant cependant le droit de gérer son diocèse avec des Anglais. Il est moins tolérant vis-à-vis de l'autorité royale. En 1244, devenu porte-parole de l'église, il rentre en conflit avec la baronnie pour des questions de subventions et demande au roi la séparation du clergé et de la baronnie, demande qui lui sera refusée.
Cependant, il est clair que le roi et le pape sont loin d'être favorable à l'indépendance que Grossetête souhaite donner à l'Église d'Angleterre. En 1250, Grossetête rentre en conflit direct avec la curie au sujet de la gestion des finances et, dans une lettre envoyée au pape Innocent IV, la rend responsable de tous les maux de l'Église. Cette lettre n'a aucun effet et si Grossetête échappe aux sanctions pour son audace, ce n'est que parce que les Cardinaux le jugent trop influent. Déçu, il songe même à démissionner. Reprenant cependant la lutte, il s'insurge à nouveau en 1251 quand un mandat papal enjoint à l'Église d'Angleterre de donner au roi Henri III le dixième de ses revenus pour financer une croisade. Il attire l'attention sur la somme annuelle de 70 000 marks réclamée à l'Église d'Angleterre par les étrangers sélectionnés à Rome. En 1253, il refuse à un neveu du pape une place dans son diocèse.
Dans ses lettres au pape et aux représentants du roi, se dessinent les principes d'une église indépendante : l'obéissance au Pape n'est obligatoire que si ses ordres sont conformes à l'enseignement du Christ et des apôtres.
Il compte parmi ses amis Simon V de Montfort.
Pour en savoir plus
- Œuvres de Grossetête
- Traduction française du "De luce"
- Une biographie de Grossetête
- Robert Grosseteste et la théologie à l'Université d'Oxford (1190-1250) de James McEvoy. ISBN 2204060496
- Robert Grosseteste, Le château d'amour de Robert Grosseteste, évêque de Lincoln, Éd. J. Murray, Paris, Champion, 1918
Liens externes
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