- Pierre Abelard
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Pierre Abélard
Pierre Abélard Philosophe et Scientifique
Époque médiévale
Abélard et Héloïse.Naissance : 1079 (Le Pallet, près de Nantes) Décès : 21 avril 1142 à l'abbaye de St-Marcel près de Chalon École/tradition : Scolastique, Rationalisme, Scepticisme, Dialectique, Logique Principaux intérêts : Théologie, Réalisme, nominalisme Idées remarquables : Théorie des universaux dite du "statut", application généralisée de la dialectique en théologie Influencé par : Platon, Aristote, Guillaume de Champeaux Pierre Abélard ou Pierre Abailard ou encore Pierre Abeilard (né en 1079 au Pallet près de Nantes - mort en 1142 près de Chalon-sur-Saône) est un théologien, philosophe et compositeur français. Il a été un penseur majeur sinon l'un des fondateurs de la méthode scolastique avec Alexandre de Hales. Il influença l'évolution du scepticisme et du rationalisme.
Le 16 juin 1817, ses restes et ceux d'Héloïse sont transférés au cimetière du Père-Lachaise[1]
Sommaire
Biographie
Pierre Abélard est issu d'une famille noble. Sa mère se prénommait Lucie, son père, Béranger, lequel se chargea de l'éducation de ses enfants. Pierre eut trois frères et une sœur : Raoul, Porcaire, Dagobert et Denyse. Il mourut à 63 ans.
Il ne souhaitait pas faire le métier des armes. Après l'éducation que lui apporta son père, il suivit l'enseignement de Roscelin de Compiègne à Loches, et sans doute celui d'autres maîtres dans la vallée de la Loire (notamment à Angers et Tours[2]), puis vint à Paris vers 1100. Il y suivit l'enseignement de Guillaume de Champeaux, archidiacre de Notre-Dame, mais il s'opposa vite à celui-ci dans la Querelle des Universaux en prenant parti contre le réalisme, ce qui fera des deux hommes des rivaux jusqu'à leur mort.
À Paris, comme à Laon où il étudie ensuite auprès d'Anselme, alors que Guillaume de Champeaux a réussi à l'écarter de son enseignement parisien, Abélard se fait remarquer par l'originalité de sa pensée et son caractère incommode (qui sera souvent source de ses ennuis).
Revenu vers 1102 à Paris et devenu maître (nom donné à un enseignant dans le monde médiéval) où il rompt avec l'école capitulaire de Notre-Dame, il s'installe dans les environs de Paris sur la montagne Sainte-Geneviève où il fonde une école de rhétorique et de théologie ouverte par lui-même où il s'établit en 1108. Dans cette école, il enseigne la rhétorique et la philosophie scolastique, et propage ses idées dans les écoles de Melun, de Corbeil et de Paris. Il jouit très rapidement d'une grande renommée dans le monde des intellectuels et passe vite pour l'un des philosophes les plus importants de sa génération.
C'est un maître brillant qui a un grand succès. Cette école fut fréquentée par plus de 3000 auditeurs de toutes les nations, et d'où sortirent plusieurs hommes célèbres, tels que Jean de Salisbury, Robert de Melun, Pierre Lombard, Gilbert de la Porrée ou le pape Célestin II.
Il débute tardivement ses études de théologie, mais son succès est aussi important dans l'enseignement de cette matière que la philosophie. Il se trouve opposé à des personnalités éminemment importantes comme Bernard de Clairvaux et Guillaume de Saint-Thierry, qui le considèrent comme un hérétique au vu de ses positions théologiques et doctrinaires sur la question de la trinité et sur la foi. « La foi, disait Abélard est l'opinion qu'on se fait des réalités cachées, non évidentes »[3]. Or la foi n'habite pas dans le cœur de l'homme à la manière d'une opinion[4], elle est un don (une grâce) de Dieu que nous ne pouvons acquérir par nous-mêmes, mais que nous pouvons soit accepter soit refuser[5]. Dans une longue Disputatio[6], Guillaume de Saint-Thierry réfute treize propositions d'Abélard, puis il alerte Bernard de Clairvaux par lettre. Finalement, le concile de Sens condamne Abélard en juin-juillet 1140, qui se soumet.
L'abbé Bernard de Clairvaux, qui juge dangereuse l’influence de la pensée d’Abélard, demande au concile de Sens et au pape Innocent II de le condamner pour le scepticisme et le rationalisme de ses écrits et de son enseignement (1140). En se rendant à Rome pour faire appel de sa condamnation, Abélard accepte l’hospitalité de Pierre le Vénérable, abbé de Cluny, et y demeure plusieurs mois. Il meurt dans le prieuré clunisien de Saint-Marcel, près de Chalon-sur-Saône le 21 avril 1142. Son corps est transporté au Paraclet et Héloïse, morte en 1164, sera enterrée à ses côtés. En 1817, la ville de Paris, soucieuse de réaliser un geste fort à destination des Parisiens de l'est de la capitale, organise le transfert de la dépouille d'Héloïse et Abélard au cimetière du Père-Lachaise.
On peut voir aujourd'hui les restes du monastère (le Paraclet) fondé par Abélard près de Troyes, non loin de Provins.
La vie et le caractère de Pierre Abélard nous sont connus en détail grâce à sa correspondance. Une lettre adressée à un ami inconnu présente son autobiographie, sur le modèle des Confessions de saint Augustin : Historia Calamitatum - L'Histoire des mes Malheurs. La correspondance comprend également les célèbres lettres échangées avec Héloïse.
Cette correspondance n'est connue qu'au travers de copies plus tardives. Il est donc impossible d'en assurer l'authenticité. Même si d'autres attributions ont été proposées (le nom de Jean de Meung fut par exemple avancé[7]) l'authenticité des lettres semble aujourd'hui la thèse la plus probable.
Héloïse
Abélard est connu auprès du grand public, non pour ses écrits de logique et de théologie, mais pour sa liaison tragique avec Héloïse, qui fut une de ses élèves. À cette époque la jeune Héloïse[8] se faisait remarquer par son esprit, ses connaissances et sa beauté. Dans la perspective de diriger les études d'Héloïse, Abélard fut en pension chez le chanoine Fulbert, oncle d'Héloïse, et bientôt leur relation ne fut plus un mystère.[9]
Abélard expédie Héloïse dans sa famille en Bretagne. Elle y met au monde un fils qu'elle nomme Astrolabe.
Ils se marieront en secret par la suite, sur l'insistance de Fulbert. Héloïse y était opposée. Abélard lui, craignait que la divulgation de son mariage ne nuise à sa carrière universitaire. Ils veulent donc garder le mariage secret. Mais le chanoine Fulbert révèle le mariage au grand jour. Abélard ayant placé Héloïse au couvent d'Argenteuil, le chanoine crie à la répudiation. Hors de lui, il ordonne à des hommes de main d'aller mutiler Abélard. Celui-ci est émasculé : le scandale est énorme car c'est une punition réservée aux adultères. S'agissant d'une vengeance privée, commise au sein même du chapitre de Notre-Dame et sur le plus illustre clerc de son temps, elle consterne tout le royaume.
Les deux malfrats sont punis de la loi du talion – on leur creva les yeux, en prime –, et Fulbert est suspendu. Héloïse reste au couvent où elle prend le voile, non sans continuer d'entretenir une correspondance avec son mari, correspondance publiée vers 1130 [réf. nécessaire] sous le titre de Lettres d'Abélard et d'Héloïse.
Par la suite, elle sut maintenir son indépendance d'une façon rare[réf. nécessaire] mais soutint toujours, malgré les soucis, Abélard.
Philosophie
Article détaillé : universaux.Pierre Abélard est un spécialiste du langage. Chez lui, la dialectique s'apparente à la logique. Avant Descartes, il pratique le doute méthodique : « En doutant, nous nous mettons en recherche, et en cherchant nous trouvons la vérité ».
Abélard fut sans doute le plus grand défenseur du nominalisme au Moyen Âge. Il s'attaque au réalisme enseigné par Guillaume de Champeaux et au nominalisme de Roscelin. Il réussit à dépasser les contradictions de ces deux doctrines dans un système : le conceptualisme (ou théorie non-réaliste du "statut"). Essayant de sortir de l'opposition entre vox (voix) et res (chose), il remplace la voix par le mot (nomen). Les mots sont conventionnels, mais ils ont une valeur significative pour la pensée. Ce sont des termes qui par fonction ont le pouvoir d'être attribués à plusieurs. C'est le langage qui est créateur de termes universels. Ce qui correspond dans la réalité aux universaux, c'est une chose à l'individualité irréductible. L'universel est donc une appellation conventionnelle. L'esprit opère sur l'individuel un travail d'abstraction qui le dépouille de ses particularités pour ne considérer que les éléments communs. Les universaux ont donc un fondement objectif dans la réalité.
Comme ce n'est pas une essence ou une nature commune qui est à l'origine des universaux, mais un "statut": cette notion abélardienne a, au cours des temps, donné lieu à deux interprétations dont aucune ne fait encore l'unanimité de nos jours. La première dit que le statut est pour ainsi dire une "manière d'être"; ainsi, deux hommes auraient le même "statut" d'homme car ils partagent tous deux la même cause d'attribution du nom "homme", cause qui ne doit pas être considérée comme un être réel subsistant dans ceux-ci, comme c'est le cas dans le réalisme. La deuxième, quant à elle, considère qu'Abélard entendait par "statut" uniquement un être de raison fruit d'une activité abstractive de l'esprit extrayant et combinant en une notion générale les propriétés identiques présentes chez les différents membres d'une espèce.
Il faudrait noter sur ce sujet que Abélard demeure, malgré sa position proche du nominalisme, tributaire de la théorie néo-platonicienne des idées divines. Ainsi, dans sa théorie, un homme particulier appartient à l'espèce "homme" car il tire son origine de l'idée d'homme qui réside dans la pensée divine. Il est possible à l'homme de parvenir à une certaine connaissance de cette idée, mais cette connaissance ne peut être que confuse étant données les limites du processus d'abstraction et celles de la raison humaine elle-même. Aujourd'hui encore, la solution d'Abélard apparait comme ayant le mérite d'être à la fois naturelle et dénuée de dogmatisme.
Selon certains interprètes de son œuvre, Abélard aurait défendu une telle position au sujet des universaux à cause du problème du mal: celui-ci aurait pensé qu'adopter la théorie réaliste reviendrait à donner au mal une existence réelle, contredisant ainsi la théorie commune tenue depuis saint Augustin disant que le mal n'était qu'une "privatio boni" (privation d'un bien).
La philosophie d'Abélard ne se limite pas à sa théorie des universaux. Nous lui devons également, en plus de nombreuses œuvres de logique, un traité intitulé "Scito te ipsum" ("Connais-toi toi-même"), où celui-ci élabore une théorie morale fondée sur l'intention. Également, avec le Sic et Non (oui et non, 1123), recueil de citations extraites des Pères de l'Église, Abélard cherche à résoudre les oppositions sur des questions où ceux-ci font des affirmations s'opposant entre elles. L'ouvrage dont on ne connait que deux manuscrits a été publié pour la première par Victor Cousin en 1836. Abélard veut provoquer l'intérêt de ses étudiants et favoriser l'exercice de la réflexion. Abélard invente ainsi une science du langage qui doit étudier le sens des mots, un même mot pouvant avoir plusieurs sens. Il contribue ainsi au développement de la scolastique.
En ce XIIe siècle où les civilisations entrent en contact, Abélard est aussi un précurseur du dialogue interculturel. Il écrit le Dialogue entre un philosophe, un juif et un chrétien (1142), qui restera inachevé.
Théologie
La pensée d'Abélard demeure l'un des principaux points de repère dans l'histoire de l'introduction de la méthode dialectique dans la théologie qui allait culminer avec la scolastique un siècle plus tard. En théologie, sa doctrine est fondée sur une position selon laquelle il serait impossible d'arriver à la connaissance du monde sans répudier le réalisme des choses. Ses nombreuses innovations dans le domaine de la foi, en particulier celles trouvées dans son traité "Theologia summi boni" où il utilise la dialectique pour traiter d'une manière systématique du dogme de la Trinité, provoquèrent les foudres de Bernard de Clairvaux. Entre autres, sa manière de rapporter les termes Puissance, Sagesse et Bonté aux trois personnes de la Trinité (Père/Fils/Saint Esprit) amena certains à l'accuser de trithéisme (cette accusation avait déjà été formulée contre son maître Roscelin); d'autres, par après, se mirent au contraire à penser qu'Abélard niait en fait la réalité des personnes divines en ramenant leurs noms à des attributs du divin hypostasiés (voir modalisme). Des spécialistes modernes (tels que Jean Jolivet) ont depuis nié qu'Abélard ait pu défendre de telles opinions.
Une autre position théologique que l'on attribue communément à Abélard est la théorie selon laquelle l'incarnation et la mort du Christ n'auraient servi qu'à donner aux hommes un exemple moral à suivre[réf. nécessaire]. Cette thèse, qui va à l'encontre des positions orthodoxes sur le sujet, a refait surface vers le dix-neuvième siècle avec le développement du libéralisme théologique, trouvant en la personne du théologien protestant Schleiermacher l'un de ses principaux représentants.
Musique
Abélard fut également un compositeur apprécié de son temps. Les chansons d'amour composées pour Héloïse connurent un grand succès, si l'on en croit les lettres de celle-ci. Ces chansons ne furent toutefois pas retrouvées.
On connaît en revanche les nombreux hymnes et planctus qu'il composa pour les moniales du Paraclet. Notons qu'il s'agit là d'un cas assez exceptionnel, l'anonymat étant très fréquent dans la musique médiévale.
Ses œuvres
- Theologia (dans cet ouvrage, il est le premier à employer le terme théologie)
- Dialectica
- Historia Calamitatum (Histoire de mes malheurs), une des toutes premières autobiographies médiévales.
- Six planctus (musique - neumes)
- Dialogue entre un philosophe, un juif et un chrétien (1142)
Théologie
- Theologia Summi Boni
- Theologia Christiana
- Theologia Scholarium
- Sic et Non
- Ethica sive Scito te ipsum
- Dialogus inter Philosophum, Christianum et Iudaeum
- Soliloqium
- Commentaria In Epistolam Pauli ad Romanos
- Problemata Heloissae
- Apologia Ne juxta Boethianum
- Confessio fidei Universis
- Confessio fidei ad Heloisam
- Sermones - Epistola introductoria Abaelardi
- Expositio Orationis Dominicae
- Expositio Symboli Apostolorum
- Expositio Symboli Athanasii
- Expositio in Hexaemeron
Dialectique
- Dialectica
- De intellectibus
- Glossae super Topica
- Introductiones parvulorum
- Logica Ingredientibus
- Logica Nostrorum Petitioni
- De generibus et speciebus
- Sententie secundum Magistrum Petrum
Voir aussi
Bibliographie
- Suzanne Bernard, La fin d'Abelard
- Pierre Aubé, Saint Bernard de Clairvaux, Fayard, Paris, 2003 (ISBN 2-213-61539-X).
- Étienne Gilson, Héloïse et Abélard. Paris, Vrin.
- Michael Clanchy, Abélard, Grandes bibliographies, Flammarion, 2000(ISBN 2-08-212524-6).
- Jean Jolivet :
- Arts du langage et théologie chez Abélard, 1969
- Abélard, ou la philosophie dans le langage, 1969
- Abélard, Du Bien Suprême, (trad., intro. et notes), 1978
- Abélard et son temps, Actes du colloque international de Nantes, , Les Belles Lettres, 1979
- La théologie d'Abélard, éd. du Cerf, 1997
- Jean Jolivet et Jacques Verger, Bernard, Abélard, ou le cloître et l'école, 1982.
- Jean Jolivet et Henri Habrias, Pierre Abélard, colloque international de Nantes, Presses Universitaires de Rennes, Isbn :2-86847-777-1, 2003
- J.P. Letort-Trégaro, Pierre Abélard, Petite Bibliothèque Payot, Isbn : 2-228-89069-3, 1997
- (en) John Marenbon, The Philosophy of Peter Abelard, Cambridge University Press, 1997 (ISBN 0-521-66399-7)
- (de) Ursula Niggli (éd.), Peter Abelard. Leben, Werk, Wirkung, Forschungen zur europäischen Geistesgeschichte, Herder 2003.
- Roland Oberson, Héloïse-Abélard. Correspondance, Éditions Hermann, 2008.
- Roland Oberson, Héloïse revisitée, Éditions Hermann, 2008.
Liens externes
- Dialogus inter philosophum, iudaeum et christianum
- Bibliographie des études sur la logique d'Abélard
- Association culturelle Pierre Abélard - Le Pallet
- Pierre Abélard, à l'aube des universités, Université de Nantes
Notes et références
- ↑ Les sépultures successives d'Abélard et d'Héloïse
- ↑ http://www.abaelard.de/abaelard/040108pallet.htm
- ↑ Introduction à la théologie, l., 1
- ↑ St Thomas rapporte, IIa IIae, q. 4 :
Damascène : « la foi est un consentement sans discussion »
« La foi est une certitude de l’esprit en matière de réalités absentes, certitude supérieure à l’opinion » - ↑ St Thomas, IIa IIae, q. 5 : la foi, quant à l’adhésion qui en est l’acte principal, vient de Dieu qui nous meut intérieurement par sa grâce.
- ↑ Disputatio adversus Petrum Abaelardum, PL 180, 249-282
- ↑ H. Silvestre, L'idylle d'Abélard et d'Héloïse : la part du roman, dans Bulletin de la Classe des Lettres et des Sciences Morales et Politiques de l'Académie Royale de Belgique, 5e série, 71, 1985, p. 157-200
- ↑ La rencontre entre le maître et l'élève se fait alors qu'elle a 16 ans
- ↑ Héloïse et Abélard
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