- Garde imperiale (Premier Empire)
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Garde impériale (Premier Empire)
Pour les articles homonymes, voir Garde impériale.La Garde impériale fut créée par Napoléon Bonaparte le 28 floréal an XII (18 mai 1804) à partir de l'ancienne Garde des consuls.
Mais alors que cette dernière n'était qu'une simple unité assurant la protection du gouvernement à l'intérieur, la Garde impériale devint un corps d'armée d'élite, d'un effectif double et entièrement dévoué à la personne de Napoléon.
La Garde impériale constitua la force sur laquelle Napoléon pouvait s'appuyer en toutes circonstances. Composée des plus valeureux soldats de l'armée, son effectif ne cessa d'augmenter. De 9 798 hommes en 1804, elle atteint celui d'une armée, 112 482 hommes en 1814, placée sous les ordres directs de l'Empereur. Elle est finalement divisée en Jeune, Moyenne et Vieille Garde, chacune possédant leurs unités de cavalerie (dont les chasseurs à cheval au célèbre uniforme vert), d'artillerie et d'infanterie, dont les célèbres grenadiers.
Sommaire
Génèse
Ce corps servait à l'origine de garde particulière aux gouvernements de la révolution, (Garde du Directoire) puis aux Consuls (Garde Consulaire), puis à l'Empereur (Garde Impériale). Elle était à l'origine constituée de Grenadiers à pied, à cheval et de quelques unités d'artillerie. C'est sur cette Garde et sur les Grenadiers que Bonaparte s'appuiera pour son coup d'état du 18 Brumaire.
La Garde devant servir de modèle à l'armée, elle se transforma en unité combattante. Elle devint la réserve de l'armée. Elle est utilisée en dernier ressort, pour donner le coup de grâce, ou pour débloquer une situation périlleuse, à l'instar de la Garde prétorienne romaine.
Mission
La mission principale de la Garde était la protection de l'Empereur, mais rapidement la Garde est devenue une unité combattante. Réserve de l'armée, elle forme son épine dorsale. Servant de modèle à l'armée, elle doit être irréprochable. Passivement, elle encadre également les autres troupes, et renforce la cohésion au sein de toutes les unités par sa seule présence et son comportement. Elle est le ciment de la Grande Armée.
La Garde accompagne l'Empereur dans ses déplacements en campagne. Il n'est pas rare de la voir à marche forcée sur les traces de l'Empereur pour le rejoindre à tel ou tel bivouac prévu.
Quand Napoléon couchait au milieu de ses troupes, c'était invariablement au milieu de la Garde. La Garde possède un uniforme plus prestigieux et de meilleure coupe, ainsi qu'un armement qui lui est propre. La solde y est supérieure, la nourriture meilleure. Elle est prioritaire en ravitaillement pendant les campagnes. Et en temps de paix, elle a souvent le privilège de cantonner à Paris. Elle a son propre corps de musiciens. Au combat, la Garde porte la Grande Tenue (sauf à Waterloo).
La Garde comprend également des corps de cavalerie, dont les fameux Chasseurs à Cheval ainsi qu'une unité de Lanciers polonais, particulièrement fidèles à l'Empereur. Les Chasseurs à Cheval étaient les unités favorites de l'Empereur. Sachant ménager la chèvre et le chou, il dormait au milieu de la Garde à Pied mais portait très souvent l'uniforme vert de colonel des Chasseurs à cheval de la Garde. Citons aussi les Grenadiers à cheval, les Dragons de l'Impératrice, la gendarmerie d'élite, etc. Dans ces régiments montés l'on peut être de Vieille Garde, de Moyenne ou de Jeune Garde, les premiers régiments ou escadrons indiquant l'appartenance par ordre décroissant. La Garde possède également sa propre artillerie, à pied ou à cheval, célèbre pour ses pièces de 12, « les plus belles filles de l'Empereur ».
La Garde a compté dans ses rangs des régiments aussi hétéroclites que des mamelouks ou des éclaireurs tartares, des Gardes hollandais à l'uniforme blanc et une petite Garde attachée au Roi de Rome, fils de l'Empereur, futur Napoléon II qui sera l'Aiglon, au destin tragique. Il était d'ailleurs consigné que pour ces enfants le port de la moustache n'était pas obligatoire. Cette unité se battra avec courage dans les vignes de Montmartre en 1814, refusant de décrocher jusqu'à l'ultime instant, pendant que les vétérans réformés de la Garde, « les vieux de la Vieille » se battaient comme des lions autour des Invalides. Elle contient également des unités d'artillerie, redoutable et redoutée, de marins qui furent de presque toutes les campagnes en combattant à pied, remplaçant le plus souvent les artilleurs de la Garde tués au combat. La Garde a ses instructeurs et une administration qui lui est propre. Son service de santé est commandé par le célèbre chirurgien Dominique Larrey.
Pour l'anecdote, lorsqu'un soldat de la Vieille Garde part en retraite ou est réformé, il devient « un vieux de la Vieille », expression restée de nos jours. Napoléon est particulièrement bienveillant envers sa Vieille Garde, qui lui voue en retour une admiration sans bornes. L'Empereur, qui savait mener les hommes, utilisait fréquemment sur ces soldats des gestes symboliques qui galvanisaient ces troupes ; le fameux « tirage d'oreille », ou la remise de sa propre légion d'honneur, appelée « La croix », à un soldat particulièrement valeureux. Ainsi, le fin du fin était de recevoir de l'Empereur sa propre croix qu'il détachait de sa poitrine pour l'accrocher lui-même à l'uniforme du soldat courageux. Hors campagne, Napoléon se promenant dans les parcs avec l'Impératrice et son fils, confiait souvent ce dernier à un Vieux Grenadier ou Chasseur de service, qui le portait dans ses bras. C'était pour le vieux soldat la récompense suprême.
Ainsi, celui que l'on appellera ultérieurement l'Aiglon, le Roi de Rome, était pour eux aussi un objet de vénération. À la restauration de 1814, la Vieille Garde rebaptisée « Grenadiers de France » avait une fâcheuse tendance à tomber subitement aphone au moment de crier « Vive le Roi ». Ces fidèles de Napoléon, pour ne pas être punis, eurent recours au subterfuge suivant : ils criaient « Vive le Roi », puis quelques uns rajoutaient « de Rome », titre de l'Aiglon (il mourra en 1832).
Les vétérans de la Vieille Garde sont considérés comme les soldats les plus valeureux de l'histoire militaire française.
Formation et recrutement
La Garde Impériale est constituée au début de l'Empire par décret Impérial du 29 juillet 1804, la Garde Consulaire devient la Garde Impériale, bien que créée officieusement le 19 mai. Elle comprendra deux régiments, un de grenadiers et un de chasseurs. Chacun de ses régiments était composé de trois bataillons ; deux bataillons de Garde et un bataillon de Vélites, et organisé comme suit:
Chaque bataillon de Garde est constitué de 8 compagnies comprenant chacune : 1 capitaine, 2 lieutenants en premier, 2 lieutenants en second, 1 sergent-major, 4 sergents, 1 fourrier, 8 caporaux, 2 sapeurs, 80 grenadiers ou chasseurs et 2 tambours. Le bataillon de Vélites est constitué de 5 compagnies comprenant chacune : 1 premier lieutenant, 1 second lieutenant, 1 sergent-major, 4 sergents, 1 fourrier, 8 caporaux, 172 vélites et 2 tambours. L'encadrement est assuré par des colonels et généraux en premier et en second. À sa tête un général d'armée ou un Maréchal.
Le Vélite est un futur Garde, il est destiné à être versé dans les effectifs des deux premiers bataillons si besoin est, et formera son encadrement (départ pour les vétérans de la Garde, pertes subies, mutations, promotions ou exclusions).
Une taille minimale est imposée, environ 1m83 pour les grenadiers et 1m73 pour les chasseurs (cela est valable aussi pour les unités de cavalerie).
Il fallait un minimum de 10 ans de service pour entrer au 1e Régiment de Grenadier-à-Pied de la Garde Impériale, et 8 pour le second, ainsi qu'avoir eu aux cours de combats un comportement irréprochable, être de bonne moralité et savoir lire et écrire. Bien que cette dernière consigne semble avoir été quelques fois oubliée, elle est néanmoins une condition d'entrée. Pour les officiers, deux ans sont ajoutés à chaque critère. La valeur de ces régiments provient ainsi des rigoureuses conditions de recrutement. Les soldats sont admis dans la Garde pour leurs qualités de soldat, non par qualité de naissance ou par népotisme.
La discipline au sein de ce corps est dure, mais humaine. Une sanction d'expulsion vers la ligne est définitive. Chaque Garde obtient le grade supérieur dans la ligne. Un caporal de la Garde, par exemple, est caporal chef dans la ligne.
Les châtiments corporels y sont interdits, les Gardes se vouvoient et s'appellent « Monsieur ». Le port de la moustache « en crosse de pistolet » est obligatoire, ainsi que celui des pattes ou favoris. La moustache est cependant rasée pendant les quatre mois d'hiver. Les sapeurs portent la barbe. La Vieille Garde porte les cheveux longs en deux tresses nouées sur la nuque et poudrées de blanc/gris, attachées avec un cordonnet frappé d'une grenade d'argent ou à l'Aigle. Les cheveux poudrés blancs virant au gris ont contribué à son appellation « Vieille » Garde. Chaque soldat de la Vieille Garde porte, à chaque oreille, un anneau d'or de la taille d'un écu.
Outre la Vieille Garde on trouve aussi la Moyenne Garde constituée en 1806 avec les Vélites de la Garde et composée de Fusiliers Grenadiers et de Fusiliers Chasseurs, puis la Jeune Garde créée en 1808, composée de Tirailleurs (futurs Grenadiers) et de Voltigeurs (futurs Chasseurs), unités destinées à servir de pépinière à la Vieille Garde. La Moyenne Garde est plus exposée au combat que ses aînés. Quant à la Jeune Garde, elle y est engagée sans précautions particulières, et presque systématiquement ; ils formeront la future Vieille Garde et doivent donc être des combattants expérimentés. À Waterloo, la Moyenne Garde n'existe plus car elle est officiellement intégrée à la Vieille Garde. Néanmoins, ils sont toujours appelés Moyenne Garde par les autres troupes.
Tous les officiers de la Garde sont de Vieille Garde, les sous-officiers montent d'un cran dans la hiérarchie, un sous-officier de la Jeune Garde faisant partie de la Moyenne Garde, et ainsi de suite.
Notons que Napoléon veillait soigneusement à ce que rien ne soit écrit sur la Garde impériale. Même le journal militaire officiel ne publia jamais une seule ligne sur elle. Ainsi, l'ennemi pouvait difficilement en pénétrer la nature, ou en savoir la composition.
Période de la liste d'adresses (conseil d'administration) (1795–1799) :
- Année 1795 - 242 hommes.
- Année 1796 - 224 hommes.
- Année 1799 - 2 089 hommes.
Période du consulat (1799–1804) :
- Année 1800 - 4 178 hommes.
- Année 1802 - 7 266 hommes.
- Année 1804 - 9 798 hommes.
Période impériale (1804–1815) :
- Année 1805 - 12 187 hommes.
- Année 1807 - 15 361 hommes.
- Année 1808 - 15 392 hommes.
- Année 1809 - 31 203 hommes.
- Année 1810 - 32 150 hommes.
- Année 1811 - 51 960 hommes.
- Année 1812 - 56 169 hommes.
- Année 1813 - 92 472 hommes.
- Année 1814 - 112 482 hommes.
- Année 1815 - 25 870 hommes.
Combats de la Garde
La Garde impériale, unité prestigieuse, sert de réserve dans les batailles : elle n’est engagée qu’au moment décisif, ou même mieux, ne combat pas. Ainsi, de nombreux bulletins de victoire se terminent par les mots « La Garde n’a pas donné ».
Campagne d’Autriche
En 1805 en Allemagne, la Garde mène des combats sporadiques, combattant à Elchingen. À Langenau, les chasseurs à cheval chargent la division Wermeck à 400 contre 1 500. À Nuremberg, les chasseurs à cheval s'emparent d'un parc d'artillerie tandis que les grenadiers marchent en tête portant chacun un drapeau pris à l'ennemi, conséquence directe de la reddition d’Ulm.
À Austerlitz, la Garde à pied ne donne pas contrairement à l'artillerie et la cavalerie. Les grenadiers à cheval exécutent une charge contre la Garde impériale russe et font prisonnier le prince Repnine, commandant de cette dernière. Il y a au total 3 officiers (parmi lesquels le colonel Morland des chasseurs à cheval) et 22 sous-officiers et soldats tués ou mortellement blessés.
Campagne de Prusse
La Garde ne donne pas lors de la campagne de Prusse. À Eylau, le général Dalhmann, qui a succédé à Morland à la tête des chasseurs, est tué lors d'une charge. Le général Lepic traverse avec ses grenadiers à cheval plusieurs fois les rangs des grenadiers russes. Malgré tout, les Russes progressent vers l'église d'Eylau où Napoléon se tient avec son état-major. Napoléon ordonne aux 2e Chasseurs et 2e Grenadiers de les attaquer. C'est à ce moment que le général Dorsenne qui les commande crie à un grenadier qui voulait se servir de son arme : « Grenadiers, l'arme au bras ! La vieille garde ne se bat qu'à la baïonnette. »
La Garde arrête les Russes. Ney qui arrive tardivement sur le champ de bataille permet de remporter la victoire.
Campagne d’Espagne
En 1810–1811, la jeune Garde est engagée dans de nombreux combats contre les Espagnols, à Luzzara, à Acedo, Santa Cruz ou Fort Mayor. La mission de la jeune Garde est d'assurer la tranquillité sur le Douro, de protéger la Navarre et les communications sur Valladolid.
Campagne d’Autriche
Nouvelle campagne d'Allemagne, à Essling, l'empereur est touché à la jambe, le général Walther qui commande la Garde lui dit : « Sire, retirez vous ou je vous fais enlever par mes grenadiers. » Alors que la bataille est indécise, le général Mouton à la tête des tirailleurs de la jeune garde surgit sur les Autrichiens qui menaient une attaque à l'ouest. Cette petite victoire permet de faire retraite.
À Wagram, l'artillerie de la Garde enfonce le centre autrichien et permet au maréchal Macdonald de s'y engouffrer.
Campagne de Russie
En Russie, la Garde ne prend pas part aux combats, mais pendant la retraite, la Vieille Garde est la seule unité qui conserve un semblant d'ordre.
Campagne d’Allemagne
En Saxe en 1813, le maréchal Bessières commandant de la cavalerie de la Garde est tué d'un boulet. La jeune Garde combat à Lützen où elle reprend la village de Kaja massacrant la garde prussienne. La jeune Garde donne à nouveau à Dresde où elle empêche les Alliés d'entrer dans la ville.
Campagne de France
C’est pendant la campagne de France en 1814 que la Garde a le plus souvent donné. À Champaubert, la cavalerie s'empare de 21 canons et de l’état-major russe. À Montmirail, l'infanterie de la Garde se distingue. Mais la Garde, valeureuse, ne peut lutter indéfiniment contre la disproportion des forces. Napoléon qui avec la Garde, remporte de nombreuses batailles sur les arrières des alliés, ne peut éviter les défaites des maréchaux défendant la route de Paris. Il abdique à Fontainebleau, où il fait les adieux à sa garde. 600 soldats de la vieille garde accompagnent l'empereur sur l'île d'Elbe.
Bataille de Waterloo
À Waterloo l'Empereur reste près de la Haye Sainte avec trois bataillons de la Garde, le 2e bataillon du 2e régiment de Grenadiers et de Chasseurs, menés respectivement par les généraux Roguet et Christiani et le 2e bataillon du 1er Chasseurs, commandé par le général Pierre Cambronne, célèbre depuis. Tous sont de la Vieille Garde. L'Empereur les fait s'ordonnancer en vue d'une attaque avec un bataillon au centre déployé et deux en colonne sur chaque flanc. Il peut ainsi soit appuyer l'attaque de Ney, quoique improbable, soit porter un autre coup de boutoir au centre droit anglais, soit les placer en vue de faire front à une offensive prussienne.
Toutefois la volonté de les ordonnancer de la sorte indique que la Garde va partir à l'attaque, à ce moment précis Napoléon est toujours occupé à une offensive.
Pendant ce temps, Ney emmène ses bataillons toujours en carrés à l'assaut du mont Saint-Jean. La Ligne reçoit l'ordre de seconder son attaque.
L'artillerie à cheval de la Garde se glisse dans les espaces laissés entre les carrés. Quelques grenadiers à cheval survivant au carnage vont seconder leurs frères d'armes.
Ils s'avancent bravement contre la moitié de l'armée anglaise. Les cinq échelons vont bientôt être quatre, les deux bataillons du 3e Chasseurs s'étant rejoints et confondus. Sur la droite, le 1er bataillon du 3e Grenadier, ensuite le 4e Grenadier (un seul Bataillon), plus à gauche le 1er et 2e bataillon du 3e Chasseurs confondus ensuite le 4e Chasseur (un seul bataillon). La Ligne reçut l'ordre de seconder cette attaque, mais Reille a pris du retard et est maintenant distancé, trop loin pour être efficace. La Garde s'avance seule sur les Coalisés prévenus et préparés à l'attaque. Ney qui vient de perdre son cinquième cheval tué sous lui monte à pied à côté du général Friant. L'artillerie anglaise tire à double charge de mitraille, la Garde est battue de front et d'écharpe par l'acier ennemi. Les « Serrez les rangs » sont répétitifs, les carrés rétrécissent. « À chaque déflagration, les Français ondulaient comme blé au vent », racontent les Anglais. Bientôt à portée de tir des fusils, le calvaire de la Garde commence.
Le 1er bataillon du 3e Grenadiers emmené par Friant engage et met en déroute un corps de Brunswick, prend deux batteries anglaises et aborde la gauche de la 5e brigade britannique du Major Général Sir Colin Halkett (4 bataillons). Il refoule ensuite le 2e bataillon du 30e régiment (Cambridgeshire) ainsi que le 2e bataillon du 73e régiment (Highland) qui reculent en désordre.
Le général Friant, qui vient d'être blessé retourne près de l'Empereur pour lui annoncer que « Tout va bien », car les faits se déroulant sur une hauteur, il est impossible de les voir des lignes françaises. C'est vraisemblablement à ce moment que Napoléon fait mettre en colonne d'attaque sa Vieille Garde pour attaquer les Prussiens. En effet, l'Empereur n'ayant aucune raison de porter une attaque à un endroit où « Tout va bien », et sachant que les Prussiens menacent très sérieusement sa droite, c'est là qu'il décide de se porter. Ensuite il fera manœuvrer sur sa droite la Garde qui vient de monter dès qu'elle en aura fini avec les Anglais, puis il remontera à la Belle Alliance rechercher le 1er de la Garde, le lancera sur Plancenoit, puis après en avoir chassé les Prussiens continuera sa marche avec les troupes de la Garde déjà présentes à Plancenoit droit sur les Prussiens, le tout en appui avec la ligne. C'est en tout cas le scénario le plus vraisemblable: estimant maintenant l'armée de Wellington sur le point de rompre, l'on va tout naturellement se porter au devant des Prussiens.
Le Général hollandais Chassé, ancien officier Impérial, fait avancer la batterie Van der Smissen et prend de flanc le carré du 3e Grenadiers de la Garde déjà mal en point. Sortant de sa réserve, la brigade Detmer, forte de 3 000 hommes, écrase le faible carré français qui doit contenir moins de 400 hommes maintenant. Les grenadiers refoulés et rompus sont rejetés au bas de la pente, gravie si chèrement.
Le 4e Grenadier (un seul bataillon) avec à sa tête le général Harlet, engage pendant ce temps la droite de la même Brigade Colin Halkett, le 2e bataillon du 33e régiment (1er West Riding) et le 2e bataillon du 69e régiment (South Lincoln). Bien que fortement ébranlés, les Coalisés résistent. Halkett, le drapeau du 33e à la main, tombe grièvement blessé. Les balles pleuvent de part et d'autre. « C'est à qui tuera le plus longtemps », rapporte un soldat anglais.[réf. nécessaire]
Épisode célèbre, le bloc composé du 1er et 2e bataillon du 3e Chasseurs, menés respectivement par leurs chefs le général Michel et le Colonel Mallet, s'avance en direction du chemin creux de l'Ohain, distant de quelques dizaines de mètres. Devant eux un champ de blé, jaune doré d'abord, puis soudainement rouge, puis feu. Les 2 000 gardes de Maitland rangés sur quatre rangs se lèvent d'un bond et fusillent la Garde à moins de vingt pas. Ils étaient couchés attendant l'attaque de la Garde, et sortent comme un diable d'une boîte. Wellington en personne les commande, il est au bon endroit au bon moment. Le hasard porte un uniforme d'officier des carabiniers français.
Le choc est effroyable. Après le « carton » de l'artillerie sur ces Chasseurs, la fusillade tue net presque la moitié des deux bataillons. La ligne loin derrière déclarera que la fusillade était si intense qu'elle n'entendait plus ses propres coups de fusils. Il ne doit guère rester plus de 400 hommes à ce moment. À la prochaine salve, si un Anglais sur cinq fait mouche, l'échelon sera purement anéanti. Aussi brave soit-il, aucun guerrier n'arrête les balles. Le général Michel est tué net. L'attaque est brisée, les premiers rangs sont fauchés, il faut désormais enjamber les cadavres. Comme si l'ouragan n'était pas suffisant, les batteries anglaises Ramsay et Bolton crachent leur mitraille sur les flancs de cette misérable poignée d'hommes. Malgré tout, la Garde essaie de former une ligne pour répondre au feu anglais. On se fusille encore, les rangs français continuent de s'éclaircir, les Gardes de Maitland, désormais rassurés à près de 10 contre 1, chargent à la baïonnette. Contre toute attente, et fidèle à elle-même, la Garde, ou ce qui en reste, attend l'assaut, obligeant les batteries anglaises à cesser le tir pour ne pas blesser les leurs. Instant de répit sur les flancs pour prendre de face un choc dont l'inertie de la masse seule fait décrocher les survivants français. Les débris des deux bataillons de Chasseurs sont balayés du plateau, et se retrouvent en bas de la pente, Anglais et Français pêle-mêle.
Le bataillon du 4e Grenadiers suivant son chef, le général Henrion, débouche soudain et tente de dégager ses compagnons d'armes qui viennent d'être refoulés. Les Gardes de Maitland à sa vue remontent les pentes aussi vite qu'ils les ont descendues. Chasseurs survivants et Grenadiers se reforment et remontent à l'assaut, de nouveau sous la mitraille. À peine franchi le chemin d'Ohain, la brigade Adam forte d'un bataillon du 52e (Oxfordshire), du 71 e léger (Highland) et de six compagnies du 95e Rifles, qui s'était portée en potence sur les flanc de la Garde ouvre le feu. La Garde meurtrie est de nouveau fusillée. Les Gardes anglais de Maitland, s'arrêtant de courir, font demi-tour et recommencent à tirer sur les Français, épaulés par la brigade de Colin Halkett. Comme si cela n'était pas suffisant, les Hanovriens de William Halkett débouchant d'Hougoumont fusillent dans le dos les survivants français. Le Colonel Mallet tombe mortellement blessé. Les Coalisés voient néanmoins avec stupeur les débris du bataillon des Chasseurs se déployer face au Gardes de Maitland, les Grenadiers faisant marche sur la brigade Adam. La fusillade continue. Le colonel Colborn entraîne le 52e à la baïonnette, puis toute la troupe Coalisée à sa suite, les Chasseurs et les Grenadiers sont refoulés par cette marée humaine et retraitent, c'est la déroute.
Le cri de « la Garde recule », va par conséquent sonner le glas de la Grande Armée. L'inconcevable était arrivé. Pas tout à fait, car comme cela est expliqué dans l'annexe Garde Impériale, certains soldats de l'ancienne Moyenne Garde portaient des bonnets à poils, d'où la confusion. Pour les Anglais d'abord, qui crurent avoir repoussé la Vieille Garde, puis pour les Français qui prirent les débris de la Moyenne Garde pour la Vieille Garde. En tout cas, dans l'esprit qui régnait à ce moment là sur le front, la seule vue de la Garde repoussée aura servi de déclencheur. Mais ne nous y trompons pas, la Vieille Garde ne serait très vraisemblablement pas passée non plus. Ce n'est pas la qualité des soldats qui est en cause.
Des rumeurs de trahison circulaient depuis quelques jours ; on avait retrouvé des cartouches bourrées de son à la place de la poudre, la défection du Général Bourmont passé à l'ennemi avec son état-major, les manœuvres désorganisées et les attaques inefficaces avaient semé le doute parmi les soldats. L'enthousiasme montré par les Français n'était-il pour eux qu'une façon de se rassurer, d'essayer de conjurer le sort ? Une phrase de l'Empereur revient en mémoire : « Je gagne mes batailles avec les rêves de mes soldats endormis ». De quoi rêvaient-ils ces soldats, de paix, de foyers avec femmes et enfants ? Ou de cour Royale et de privilèges désormais perdus ?
Aux cris de « La Garde recule », l'infanterie et les débris de la cavalerie qui devaient seconder l'attaque s'arrêtent net, pétrifiés, et commencent à redescendre la pente. Les têtes de colonnes prussiennes abordent les fantassins de Durutte à Papelotte. Un autre cri : « Sauve qui peut, nous sommes trahis ! » se fait entendre sur le champ de bataille ; la déroute se propage.
Quelques soldats qui se battaient encore sont balayés, les Prussiens se ruent à l'assaut. De la gauche à la droite, la ligne française cède et se débande.
Wellington s'avance sur le bord du plateau et agite son chapeau, c'est l'assaut des troupes coalisées sur les fuyards. 40 000 hommes se ruent sur les débris de l'armée française. À cette vue, le peu d'infanterie qui tenait encore ses lignes fait demi tour et regrimpe vers la Belle Alliance, on abandonne Hougoumont, la Haye Sainte. La cavalerie coalisée, soudain plus courageuse, sabre les fuyards aux cris de No quarter! (« Pas de quartier »). C'est la plus épouvantable confusion. Napoléon, qui préparait l'attaque de la Vieille Garde, sait maintenant qu'il est vaincu mais espère organiser une retraite cohérente. Il fait rompre la colonne d'attaque de la Vieille Garde et la fait établir en carrés par bataillon. Pour mémoire, le 2e bataillon du 2e Grenadiers, commandé par Roguet, le 2e bataillon du 2e Chasseurs ayant pour chef Christiani, et le 2e bataillon du 1er Chasseurs avec à sa tête le futur légendaire Cambronne. Ils sont positionnés à environ cent mètres sous la Haye Sainte, le carré de droite sur la route de Bruxelles.
Les fuyards passent à côté de ces carrés, les hussards de Vivian se refusent à les combattre, les contournent pour sabrer les fuyards, proie plus facile. D'autres cavaliers coalisés les suivent. Napoléon lance contre eux ses escadrons de service qui sont submergés. Non loin de la route, Ney tête nue, l'uniforme déchiré et le visage noir de poudre, n'a plus qu'un tronçon d'épée à la main. Il court rallier la brigade Brue de la division Durutte, seule troupe de ligne qui se replie en bon ordre, les jette dans la bataille en hurlant, « Venez voir mourir un Maréchal de France ». La brigade est dispersée rapidement. Ney refuse de quitter le champ de bataille, et entre dans un carré de la Garde. Les trois bataillons de la Garde repoussent sans peine la cavalerie, mais les carrés sont une proie facile pour les fusiliers ennemis. Les trois bataillons sont cernés de toute part, mitraillés par l'ennemi, Les canons anglais tirent à 60 mètres. L'empereur ordonne à la Garde de quitter cette position intenable et de battre en retraite. Il galope ensuite vers la Belle Alliance.
Les bataillons de la Vieille Garde rejoints par le bataillon du 3e Grenadier de Poret de Morvan, placé précédemment en réserve, entament leur retraite pas à pas. Bientôt, les carrés sur trois rangs deviennent triangles sur deux rangs, tant les pertes sont lourdes. On trébuche à chaque pas, tous les cinquante mètres il faut s'arrêter pour repousser une charge de cavalerie ou répondre à un feu d'infanterie. La retraite est considérablement gênée par les fuyards, la marche entravée par les cadavres. La Garde est écharpée par les coalisés et bousculée par la ligne en déroute. Elle rétrograde entourée par l'ennemi qui est à portée de voix. Des officiers anglais crient à ces vieux soldats de se rendre. Exaspéré par la situation catastrophique et les incessantes sommations de l'ennemi, Cambronne à cheval au milieu d'un carré leur lance son fameux « Merde ! ». L'on prétend qu'un sous-officier rajouta « La Garde meurt, mais ne se rend pas ». Cambronne tombera de cheval quelques instants plus tard, blessé à la tête par une balle, inconscient. Le célébre tableau anglais montrant Halkett faisant prisonnier Cambronne au beau milieu de la Garde n'est qu'un tableau de gloriole parmi de nombreux autres. Cambronne sera fait prisonnier et épousera par la suite une anglaise.
Il semble d'ailleurs que le fameux « Merde » du général Cambronne soit un euphémisme, car plusieurs témoins ont déclaré : « Cambronne a dit aux Anglais d'aller se faire f…! ». Il y eut même un procès à ce sujet. En tous cas, la vraie version ne sera jamais connue. Seule certitude, Cambronne a dit quelque chose à l'adresse des Anglais, et ça n'était sûrement pas un compliment. Et au fond cela n'est pas très important. Plus ennuyeux est de voir Cambronne souvent associé aux Grenadiers alors qu'il commandait des Chasseurs.
La déroute est totale, les carrés de la Garde qui ont maintenant rejoint le plateau de la Belle Alliance sont presque anéantis. Le crépuscule ajoute à cette vision sa touche d'horreur. La confusion est telle que certains cavaliers coalisés se chargent mutuellement. La brigade Adam est prise pour cible par l'artillerie prussienne.
Dans Plancenoit c'est toujours le carnage, la Garde demeure inexpugnable. Les Prussiens des divisions Hiller, Tippelkirsh et Ryssel doivent prendre le village rue par rue, maison par maison, pièce par pièce. La résistance est farouche. Le village est en feu, les débris incandescents s'abattent sur les combattants, les toits de chaume s'embrasent. C'est un enfer. Un bataillon entier de la Jeune Garde est exterminé dans le cimetière. Son chef, Duhesme est mourant. Plancenoit sera le tombeau de la Jeune Garde. Le Tambour-Major Stubert du 2e Grenadiers assomme les Prussiens avec le pommeau d'argent de sa canne. On s'égorge comme à Ligny. Le Major Prussien Von Damitz, est obligé de constater : « Il faut anéantir les Français pour s'emparer de Plancenoit ».
Malgré une défense héroïque, la Garde ou du moins ce qu'il en reste, submergée, est chassée du village. Le général Pelet qui se trouve au milieu de l'ennemi avec une poignée d'hommes et le porte-aigle des chasseurs de la Vieille Garde rallie ses troupes qui reforment un carré au milieu de la cavalerie anglaise : « À moi chasseurs de la Vieille Garde, sauvons l'Aigle ou mourons près d'elle »[1]. Tous les Gardes valides entendant ce cri retournent se rallier autour de leur emblème. De Plancenoit déboulent pêle-mêle Français et Prussiens.
Le 1er Grenadiers de la Vieille Garde à la bataille de Waterloo
À Rossome, les deux impressionnants carrés du 1er Grenadiers de la Garde font bloc. C'est le corps d'élite de la Garde, l'élite de l'élite, la crème de la crème, vous diront les Anglo-saxons. Quatre sur dix sont légionnaires (récipiendaires de la légion d'honneur). Presque tous ont plus de quatorze ans de service, et les soldats à trois brisques[2] n'y sont pas rares. La taille moyenne du régiment est d'un mètre quatre-vingt-dix. Ces titans ont pris position devant la maison Decoster à gauche et à droite de la route.
Autour d'eux, le sol est jonché de cadavres et de chevaux d'imprudents ennemis venus provoquer ces briscards. Il y a aussi des cadavres de Français qui voulaient chercher protection à l'intérieur des carrés. La sûreté des carrés est à ce prix. « Nous tirions sur tout ce qui se présentait, amis ou ennemis, de peur de laisser rentrer les uns avec les autres, c'était un mal pour un bien », dira le Général Petit, commandant ce régiment. Les carrés sont débordés par la droite ou par la gauche, toutes les charges ennemies sont repoussées.
Ces deux bataillons tiennent tête à deux armées. L'Empereur qui à un moment a trouvé refuge dans l'un de ces carrés, ordonne de quitter la position. Le 1er Grenadiers commence sa retraite couvrant les arrières du fantôme de l'armée. Il s'arrête tous les 200 mètres environ pour rectifier la face des carrés et pour repousser l'ennemi qui depuis un moment hésite de plus en plus à charger ces redoutes vivantes. Qu'importe, ils sont victorieux. La bataille est presque terminée et personne n'a envie d'en être le dernier mort. L'empereur va rejoindre le 1er bataillon du 1er Chasseurs de Duuring, apprend qu'il a repoussé une attaque prussienne qui visait à couper la retraite de l'Armée. Il lui ordonne de suivre la colonne en marche et de se placer juste avant les grenadiers, qui ferment la marche. Plus tard, les Grenadiers du 1er de la Garde se mirent en colonne par section, l'ennemi n'osant plus l'attaquer. Blessée à mort, la Garde l'impressionne toujours. Mais l'épopée militaire impériale vient de s'achever.
« Comme s'envole au vent une paille enflammée, s'évanouit ce bruit que fut la Grande Armée »— Victor Hugo, Les châtiments
Sur le champ de bataille, près de 60 000 hommes gisent sur le sol, tués ou blessés. Certains blessés resteront sur le champ de bataille jusqu'au 21, attendant des secours débordés ou les pilleurs de morts. Charognards des champs de bataille, ceux-ci achèvent blessés et mourants pour dérober uniformes ou le peu d'objets de valeur que détiennent ces braves. Les Anglais fusillent sur place ceux qu'ils surprennent. La haine est tenace, certains soldats français blessés refusant les soins des ennemis. Des officiers de liaison prussiens affirmeront que le lendemain, des soldats de la Garde réfugiés dans les étages des maisons de Plancenoit les ont copieusement insulté et arrosé de cailloux, faute de munitions. Ceux-là se battent encore.
Épilogue
Le retour du corps de Napoléon Ier en France en 1840 donnera lieu à des scènes de ferveur. De nouveau, la France a basculé.
Les vieux soldats survivants ont ressorti leurs uniformes la veille, bivouaquant comme au bon vieux temps autour de feux de camps, le froid est intense. Le cortège funèbre est suivi par ces vieux grognards, traînant la patte, mais d'une dignité touchante. Le maréchal Moncey, 87 ans, qui depuis huit jours suppliait ses médecins de le faire vivre encore un peu pour « recevoir l'Empereur », aura à la fin de la cérémonie cette phrase qui résume bien la pensée des fidèles : « À présent, rentrons mourir ».
Unités
Voir la Liste des unités de la Garde impériale (Premier Empire)
Citations
« La Garde meurt mais ne se rend pas », citation apocryphe attribuée à Cambronne.
Notes et références
Voir voici
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