Friedrich Karl Forberg

Friedrich Karl Forberg

Friedrich Karl Forberg est un philosophe et philologue allemand, à Meuselwitz, dans le duché de Saxe-Altenbourg le 30 août 1770, mort à Hildburghausen le 1er janvier 1848.

Sommaire

Biographie

De son adolescence à sa mort, survenue à soixante-dix-huit ans, Forberg fut un homme détudes à lancienne, cest-à-dire un consciencieux humaniste. La philosophie, lexégèse sacrée, la philologie le retinrent tour à tour. Finalement, ce fut à cette dernière quil sattacha, la connaissance approfondie quil avait des littératures grecque et latine lui permettant de déchiffrer les auteurs anciens plus exactement que ne lavaient fait ses prédécesseurs. Mais avant den venir à lexplication de ce quAristophane, Martial, Horace et beaucoup dautres satiriques présentent dobscur, Forberg, comme la plupart des intellectuels allemands de sa génération, sétait vivement intéressé aux débats philosophiques. À lépoque de ses vingt ans, l'influence de Kant, de Goethe et des Encyclopédistes français se faisait sentir dans toutes les universités germaniques, divisant celles-ci en clans dont les guerres de la Révolution et de lEmpire allaient encore renforcer lantagonisme.

Nommé privat-docent à luniversité dIéna en 1792, puis en 1793 professeur adjoint de la chaire de philosophie enseignait Fichte, Forberg commença par adhérer sans restriction aux théories sociales de ce dernier, selon qui lhomme de lettres est, de tous les hommes, le plus complet. Ses premiers ouvrages eurent un caractère philosophique : sa thèse de 1792, Dissertatio inauguralis de aesthetica transcendentali, un Traité des bases et des règles du libre arbitre (en allemand, Iéna, 1795), et un Fragment tiré de mes papiers (en allemand également, 1796). Mais, dès avant 1800, la philosophie proprement dite, il avait pensé « planter sa tente pour la vie », cessa de lui apparaître comme la science par excellence. Il sen laissa distraire à la fois par des travaux dexégèsed ses Animadversiones in loca selecta Novi Testamenti (Saalfeld, 1798) — et par le souci de défendre Fichte, dont il était devenu lami, et qui avait été accusé dathéisme (motif officiel cachant peut-être une raison moins avouable). Fichte dut senfuir à Berlin, et Forberg fit aussitôt imprimer à Gotha une Apologie pour son prétendu athéisme, destinée à laver le philosophe des accusations portées contre lui.

Par même, sans doute, Forberg compromettait-il quelque peu sa propre carrière, mais on peut supposer quil ne sen alarmait pas autrement, car il ne sembla pas avoir jamais nourri de grandes ambitions. Installé depuis 1796 dans la petite ville de Saalfeld, qui faisait alors partie du duché de Saxe-Cobourg, il ne chercha pas à se faire confier ailleurs un poste plus important que son modeste semi-rectorat. Il se trouvait encore à Saalfeld lorsque, au mois doctobre 1806, les troupes de Lannes et de Suchet remportèrent aux abords de la ville, sur larmée prussienne, une victoire quallait bientôt confirmer la fameuse bataille dIéna. Que pensait-il de ces guerres, au cours desquelles les petits souverains allemands étaient déchirés entre leur fidélité à la Prusse et lattrait de lempire napoléonien ? Il ny a rien -dessus, apparemment, dans les écrits quil a laissés.

L'Hermaphroditus de Panormita et ses Apophoreta

En 1807, Forberg fut nommé conservateur de la bibliothèque aulique de Cobourg. Parmi les ouvrages dont il avait désormais la charge, il découvrit un manuscrit de l'Hermaphroditus, recueil dépigrammes et de fragments extraits des auteurs latins par un littérateur italien du XVe siècle, Antonio Beccadelli, dit « Le Palermitain », ou Panormita. De cet Hermaphroditus, dont le critique Bernard de La Monnoye veut quil doive son titre aux « ordures touchant lun et lautre sexe qui font la matière du volume », Alcide Bonneau semble avoir assez exactement défini limportance, en écrivant que si la valeur littéraire en est médiocre, les anathèmes prononcés contre lui, la destruction de plusieurs de ses copies, brûlées sur la place publique à Bologne, à Ferrare, et à Milan, ont, en fin de compte, attiré sur lui lattention des bibliophiles. À cela, on doit ajouter que Beccadelli, loin davoir à regretter laudace de sa compilation, se vit féliciter et récompenser en 1432 par lempereur dAllemagne Sigismond, qui, entré à Milan lannée précédente, sy était fait proclamer roi dItalie. Il est vrai que lempereur semble avoir été un personnage fort dissolu, au moins autant que son épouse Barbe, quItaliens et Allemands tenaient communément pour une nouvelle Messaline.

LHermaphroditus ne circula longtemps quen manuscrits. La première édition ne devait en être établie quen 1791, à Paris, par labbé Mercier de Saint-Léger, lequel lui adjoignit diverses pièces de vers dues à Jean Second et à trois autres poètes érotiques qui ont, eux aussi, composé en latin : Ramusio de Rimini, Massimo Pacifico, et Giovanni Joviani Pontano (Quinque illustrium poetarum, 1791). Bien que le manuscrit dont il disposait à Cobourg ne contînt que la seconde moitié de lœuvre, Forberg reconnut la nécessité dune édition nouvelle, et surtout celle dun commentaire, car outre les fautes quavait laissé passer le premier éditeur, il ne sétait pas soucié de dissiper lobscurité de nombreux passages, les érotiques latins se sont exprimés par allusions ou en jouant sur les mots. Aussi le savant Forberg sattacha-t-il à annoter le recueil de Beccadelli chaque fois que dutiles rapprochements avec un ou plusieurs auteurs anciens pouvaient faciliter lintelligence de ce texte. Mais, en matière de littérature grecque et latine, le commentateur était si érudit que, très vite, ses scholies submergèrent les pages auxquelles elles se rapportaient: dans ces conditions, il ne pouvait être question de les aligner au bas desdites pages. D la décision que prit Forberg de diviser son édition de l'Hermaphroditus en deux parties, composées, la première de louvrage de Beccadelli, et la seconde de son propre travail, quil qualifia dApophoreta, mot grec latinisé désignant des friandises ou de petits présents que les convives pouvaient emporter chez eux à lissue du repas. Lensemble forme un volume in-8°, publié en 1824, et à peu près introuvable de nos jours. Les Apophoreta ont leur propre page de titre (p. 203) et commencent p. 205, précédés du sous-titre De Figuris Veneris. Ils sont suivis d'un index des auteurs (pp. 387-406) et de Corrigenda et Addenda (1 feuillet non paginé).

Page de titre de l'Hermaphroditus de Beccadelli dans l'édition de Forberg (1824).

Laissant de côté la compilation de Beccadelli, cest aux Apophoreta quon sintéresse dhabitude, à la suite de la traduction procurée par Alcide Bonneau en 1882, et présentée par lui comme un « manuel dérotologie classique ». Ne saurait-on pas que Forberg avait été professeur quon pourrait le deviner rien quà la façon dont il a conçu son travail, au soin quil a pris de distribuer en huit parties nettement tranchées les renseignements, les détails, les traits de satire quen trente années de lectures il avait su découvrir non seulement chez les poètes grecs et latins, mais aussi chez les historiens, les moralistes, les lexicographes anciens, et même chez quelques Pères de l'Église, comme Tertullien ou saint Grégoire de Nazianze.

Ce nest pas sa moindre singularité que de sêtre distingué dans le genre didactique en traitant de plaisirs et de dépravations sur lesquels les auteurs universitaires se montrent dordinaire fort discrets. De la futution, de la pédication, de lirrumation, de la masturbation, des cunnilingues, des tribades, du coït avec les bêtes, et des postures spintriennestels sont les sujets minutieusement examinés par Forberg du seul point de vue de lhistoire littéraire classique ou néo-classique, en adjoignant aux écrivains de lAntiquité un petit nombre de modernes qui, comme Nicolas Chorier, sous le règne de Louis XIV, cultivèrent encore avec amour le domaine latin.

Sur les différentes manières dhonorer Vénus, ou de la bafouer, aucun commentateur navait, avant Forberg, fourni la moitié ni même le quart des précisions et des références que contiennent ses Apophoreta. Dans chacun des chapitres, note Bonneau, il a même « trouvé à faire des subdivisions, comme le sujet le requérait, à noter des particularités, des individualités, et le contraste entre cet appareil scientifique et les facétieuses matières soumises aux lois rigoureuses de la déduction et de la démonstration, nest pas ce quil y a de moins plaisant. Un grave savant doutre-Rhin était peut-être seul capable davoir lidée de classer ainsi par catégories, groupes, espèces, variétés, genres et sous-genres toutes les sortes connues de voluptés naturelles et extra-naturelles, daprès les auteurs les plus dignes de foi. »

Quelques lignes, pour finir, sur ce que Forberg dit de soi-même dans de trop rares passages de son livre. Sans trop insister, il a tenu à marquer quil nétait pas « homme à chercher de la gloriole en dévoilant les résultats dexpériences personnelles. » Au seuil de son chapitre sur la pédication, il précise quil est, quant à lui, « tout à fait étranger aux pratiques de ce genre. » Il laisse aux « gens experts » le soin de décider sil est vrai que « quiconque une fois a irrumé, ne peut plus sen passer », et il feint même de ne pas savoir sil existe encore des femmes qui néprouvent damour que pour les personnes de leur sexe (ce que la reine Victoria, dit-on, refusait de croire). Pour excuser la naïveté quil professe, « nous ne sortons pas des livres, dit-il ; à peine fréquentons-nous les hommes. » Et le fait est quun ouvrage tel que le sien suppose, de la part de son auteur, une application, une contention, quun peu de vie mondaine eût sans doute rendue impossible. Pour autant, le critique Pascal Pia incline à penser « quon ferait injure à Forberg en le considérant comme un Cosinus littéraire qui naurait su que par ouï-dire comment lesprit vient aux filles. À la manière dont il parle de son ignorance des cas peu ordinaires, ou delhonnêteté des mentules de Cobourg”, nous ne saurions limaginer autrement que surveillant dun regard en coin leffet que ses propos font sur nous… »

Bibliographie

  • Antonii Panormitae Hermaphroditus. Primus in Germania edidit et Apophoreta adjecit Frider. Carol. Forbergius. Coburgi : sumtibus Meuseliorum, 1824 (le bas de la p. 406 porte un colophon : « Rudolphopoli, prodiit ex typographeo Froebeliano »). Pet. in-8° (reliure : 181 x 116 mm), XVI + 406 p., 1 feuillet n. ch. À certains exemplaires sont jointes 21 planches au trait représentant les camées de d'Hancarville cités par l'auteur. Ces derniers sont également publiés à part sous le titre « ΕΙΚΟΣΙΜΗΧΑΝΟΝ. Quisquis ades, faveas : inguen lustramus utrumque. Adnue : quid refert, clamve palamve vores? » Melocabi [Meuselwitz], apud haeredes Philaenidis, 1824. In-8° couronne (11,8 x 18,2) de 3 ff. (dédicace, titre et table), plus 21 figures. Il s'agit de la troisième partie (tertia mensa, littéralement : troisième service) annoncée et décrite dans le volume de texte, p. 379-384.
  • Quinque illustrium poetarum Ant. Panormitae ; Ramusii, Ariminensis ; Pacifici Maximi, Asculani ; Joan. Joviani Pontani ; Joan. Secundi, Hagiensis. Lusus in Venerem Partim ex Codicibus manuscriptis nunc primùm editi. Parisiis, Prostat ad pistrinum in vico suavi [chez Molini (« au moulin »), rue Mignon], 1791. Pet. in-8° (18,6 x 11,4 cm), (iv) + viii + 242 p. + 1 p. derrata quaedam.

Éditions bilingues

  • Manuel dÉrotologie classique (De Figuris Veneris). Texte latin et traduction littérale par le traducteur des Dialogues de Luisa Sigea (Alcide Bonneau). Paris : Isidore Liseux, 1882. 2 vol. in-8°, xvi + 240 p. et (ii) + 240 p. (Musée secret du Bibliophile, n° 3). Tiré à 100 exemplaires. La traduction française dAlcide Bonneau a été rééditée de nombreuses fois. Elle a été traduite en anglais (ci-dessous), en allemand et dans dautres langues. En fait, elle est légèrement incomplète, le traducteur ayant supprimé plusieurs passages des Dialogues de Luisa Sigea, de Chorier, que Liseux avait édités peu auparavant.
  • De Figuris Veneris (Des formes du baiser). Seule traduction entièrement conforme à lédition de Cobourg (1824). Paris : Henri Daragon, 1907. In-8°, iv + 285 p., 26 pl. gravées, couverture avec une vignette coloriée. La couverture porte en outre : « Collection EROS. Ouvrage accompagné dun album de 26 planches gravées reproduisant les camées de dHancarville cités par lauteur. Traduction littérale. Cet ouvrage réservé aux seuls souscripteurs nest pas mis en vente. Il a été déposé conformément à la loi. »
    • Remarque : seule édition bilingue des Apophoreta de Forberg avec une traduction française réellement complète, mais jamais rééditée depuis 1907.
  • Manual of classical erotology. Latin text and English translation. Two volumes in one. New York : Grove Press, Inc., 1966. In-8°, (vi) + XVIII + 262 et (iv) + 250 p., reliure de léditeur, jaquette. Fac-similé de lédition de Manchester : one hundred copies privately printed for Viscount Julian Smithson M. A., and friends, 1884 (2 volumes in-8°). Bien que la traduction anglaise soit dite « entirely new and strictly exact », elle semble intégralement conforme au texte français de Bonneau, avec les coupures faites par ce dernier et rétablies dans lédition Daragon de 1907. Le lapsus recutitorum inguina virorum de Bonneau (1882, tome I, p. 203, note) n'a pas été corrigé : sans doute le traducteur anglais n'avait-il pas remarqué la liste des errata (p. 238 du tome II de Bonneau), dans laquelle figure la correction nécessaire.

Édition française avec illustrations

  • Manuel dÉrotologie classique (De Figuris Veneris). Traduit du latin par Alcide Bonneau. Avertissement d'Alcide Bonneau. Postface de Pascal Pia. Illustré d'un frontispice et de 19 planches de Paul Avril dont 12 sont coloriées. Paris : Éditions Joëlle Losfeld, 1995. Album à litalienne (longueur 27 cm ; hauteur 21,5 cm) ; 246 p., 19 pl. h. t. (12 coul.).
    • Reproduction fac-similé de lédition publiée à Paris par Charles Hirsch en 1906 et illustrée de 20 « compositions originales » libres en chromolithographie. La traduction française est attribuée à Isidore Liseux. [Une première version de cette reproduction, tirée à 1 000 exemplaires numérotés, a paru en 1994. La postface de Pascal Pia (p. 237-246) reproduit la préface figurant dans la réédition de louvrage procurée par lui en 1959 au Cercle du livre précieux et reprise en 1969 dans la collection Bibliothèque privée.]

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