- Fonction réglée
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En mathématiques, une fonction réglée est une fonction qui est la limite uniforme d'une suite de fonctions en escalier.
Sommaire
Origine de la notion
Un enjeu important dans le développement des mathématiques a été la mesure des aires et des volumes. La méthode d'exhaustion d'Archimède consistait, par des constructions géométriques, à fournir des encadrements de l'aire ou du volume recherché. Exactement dans le même esprit, pour le calcul général de l'aire S délimitée dans le plan de coordonnées cartésiennes x et y, par l'axe des x, le graphe d'une fonction y = f(x), et les droites verticales x = a et x = b, et dont la valeur sera notée:
l'idée de l'Intégrale de Riemann est de positionner des rectangles verticaux avec leurs bords supérieurs soit en dessous du graphe, soit au-dessus, pour obtenir des estimations par en dessous et par au-dessus de S. Si l'écart entre les estimations en excès et par défaut peut être rendu arbitrairement petit, alors on dit que la fonction f est intégrable au sens de Riemann. Et c'est seulement à ce moment-là que notre aire prend un sens précis, car jusqu'à présent elle n'était invoquée que comme une notion intuitive en attente de formalisation. Que cette formalisation soit loin d'être une trivialité se traduit déjà par le fait qu'elle nécessite avant toute chose d'avoir construit les nombres réels et compris ce qui se rattache aux concepts de suites et de limites.
Les fonctions dont les graphes sont justement les bords supérieurs de rectangles, à un nombre fini de points près dont l'existence ne change pas l'aire, sont les fonctions en escalier. Elles forment donc une première classe de fonctions pour lesquelles l'aire est définie.
D'après la description heuristique donnée plus haut, il semble clair que si l'on peut arbitrairement bien approcher une fonction f par des fonctions intégrables gn, alors f est intégrable. Autrement dit la classe des fonctions intégrables au sens de Riemann est stable par limite uniforme. Il est donc très naturel de s'intéresser aux fonctions qui s'obtiennent à partir des fonctions en escalier par des limites uniformes. Ce sont là précisément les fonctions dites réglées.
Fonctions à valeurs dans un Banach
Plus généralement: soit E un espace de Banach et soit a < b deux nombres réels. Soit l'ensemble des fonctions en escalier de dans E. L'ensemble est un sous-ensemble de , l'ensemble des applications de [a,b] à valeurs dans E, que l'on munit de la norme de la convergence uniforme (les éléments f de n'ont pas tous , bien sûr). Une fonction de dans E est dite réglée si elle appartient à l' adhérence du sous-ensemble des fonctions en escalier.
Propriétés
- est un - sous-espace vectoriel de
Démonstrationest non vide car il contient la fonction constante 0.
Soit f et g deux éléments de et soit λ un réel quelconque. Il nous suffit de montrer que . Il nous suffit pour cela de montrer qu'il existe une fonction en escalier arbitrairement proche de λf + g.
Soit ε un réel strictement positif et arbitrairement proche de 0. Soit M un réel vérifiant M > 1 et M > | λ | . Comme f (resp. g) sont des fonctions réglées, il existe une fonction en escalier fe (resp. ge) tel que:
donc
Nous avons donc démontré qu'il existe une fonction en escalier λfe + ge arbitrairement proche de la fonction λf + g, ce qui démontre la proposition.
- Il existe une unique application linéaire sur à valeurs dans E telle que L(U) = (d − c)u lorsque U(x) = u pour c < x < d et U(x) = 0 lorsque x < c ou x > d, . On appelle L l'intégrale et on la note .
DémonstrationOn dit qu'une subdivision est adaptée à U si U est constante sur chaque ]xi − 1,xi[. La quantité
L(U) = ∑ (xi − xi − 1)U(ξi), i où la somme ne porte que sur les indices i avec xi − xi − 1 > 0 et ne dépend pas des choix faits. En effet il est facile de voir qu'elle ne change pas si on rajoute un nouveau point à la subdivision. Si donc deux subdivisions toutes deux adaptées à U sont données, les deux sommes sont identiques à celle donnée par l'union des deux subdivisions. À nouveau on prenant une subdivision suffisamment fine pour être adaptée aux deux fonctions en escalier U et V, il est immédiat que L(λU + μV) = λL(U) + μL(V), pour tous scalaires λ,μ. Ainsi L est une application linéaire sur à valeurs dans E.
- L' application linéaire intégrale Lse prolonge par continuité de à .
DémonstrationComme dans la démonstration précédente
L(U) = ∑ (xi − xi − 1)U(ξi) i et donc . Donc L est Lipschitzienne, et par conséquent uniformément continue sur . Toute fonction uniformément continue sur une partie d'un espace métrique et à valeurs dans un espace complet se prolonge de manière unique par continuité à son adhérence. Comme L est linéaire son prolongement le sera aussi.
- Si est réglée alors l'est aussi et .
DémonstrationSi est une fonction en escalier, alors , à valeurs dans l'est aussi. Et par les propriétés de la norme pour les sommes finies, . Si f est réglée, et si on prend pour chaque entier n une fonction en escalier Un avec , alors, compte tenu du fait que l'application est continue, de on déduit . Par ailleurs pour tout x on a donc il y a convergence uniforme sur [a,b] des fonctions en escalier vers la fonction (qui est donc réglée), et . Combinant tout cela il vient .
- Le sous-ensemble des fonctions continues de est inclus dans .
DémonstrationOn va utiliser le théorème de Heine. Soit f une fonction continue sur , alors le théorème de Heine nous indique qu'elle est uniformément continue. Si l'on reprend la définition de la continuité uniforme, on obtient:
Cette valeur η > 0 va nous permettre de construire une fonction en escalier proche de f au sens de la norme de la convergence uniforme.
Soit (xi), , une subdivision de [a,b] () telle que . Soit alors U définie par:
Par construction . Ce qui montre la proposition.
Intérêt des fonctions réglées
Leur intérêt principal a été montré dans la section précédente, pour des fonctions à valeurs dans un espace de Banach E, puisque l'on a pu définir une notion d'intégrale, d'abord pour les fonctions en escalier (l'intégrale est une somme finie), puis pour leurs limites uniformes . Ces limites uniformes de fonctions en escalier sont les fonctions réglées, et parmi elles se trouvent les fonctions continues à valeurs dans E.
Il n'est pas toujours possible d'imiter pour les fonctions à valeurs dans E ce que l'Intégrale de Riemann fait pour les fonctions à valeurs réelles (ou complexes), puisque pour cela il faudrait pouvoir parler de sommes supérieures et de sommes inférieures.
Par contre, pour les fonctions réelles (ou complexes), déjà l'Intégrale de Riemann intègre plus de fonctions que les seules fonctions réglées, et avec l'Intégrale de Lebesgue ou celle de l'intégrale de Kurzweil-Henstock, on va encore plus loin.
Caractérisation des fonctions réglées
On prouve qu'une fonction f sur [a,b] à valeurs dans un espace de Banach est réglée si et seulement si elle admet en tout point une limite à droite et aussi une limite à gauche (on retrouve que toute fonction continue est réglée, et on voit de plus, pour les fonctions réelles, que toute fonction monotone est réglée, ce qui peut se vérifier élémentairement). Il en résulte que l'intégrale indéfinie d'une fonction réglée admet en tout point une dérivée à droite et une dérivée à gauche.
Pour les fonctions réelles ou complexes réglées, on peut de plus affirmer que la limite à droite et celle à gauche coïncident en presque (au sens de la théorie de la mesure) tous les points, puisque toute fonction réglée est Riemann intégrable, et que toute fonction Riemann intégrable est presque partout continue.
Comme exemple d'une fonction non réglée, prenons f définie sur ]0,1] par et f(0) = 0. Cette fonction n'est pas réglée: elle n'admet pas de limite à droite en zéro. Mais elle est intégrable au sens de Riemann.
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