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Fable
Pour les articles homonymes, voir Fable (homonymie).La fable est un court récit écrit plutôt en vers qu’en prose et ayant un but didactique. Elle se caractérise généralement par l’usage d’une symbolique animale, des dialogues vifs, et des ressorts comiques. La morale est soit à extraire de l’implicite du texte, soit exprimée à la fin ou, plus rarement, au début du texte. Les fables les plus caractéristiques comportent un double renversement des positions tenues par les personnages principaux.
Sommaire
Historique
La fable était déjà pratiquée en Mésopotamie, près de deux milles ans avant notre ère. Des tablettes provenant de bibliothèques scolaires de l’époque racontent brièvement des histoires de renard flatteur, de chien maladroit, (« Le chien du forgeron, n’ayant pu renverser l’enclume, renversa le pot d’eau »), d’éléphant présomptueux (« Un moustique s’étant posé sur le dos d’un éléphant lui demanda si son poids lui était supportable ou s’il devrait plutôt s’envoler »). Beaucoup de ces textes montrent une grande affinité avec les proverbes et ont une construction antithétique (« Ce que tu as trouvé, tu n’en parles pas ; mais ce que tu as perdu, tu en parles »). Toutefois, ils ne possèdent pas de morale explicite.
La fable dans l’Antiquité grecque
La première fable connue est « Le Rossignol et l’Épervier », que raconte Hésiode, aux alentours du VIIIe siècle av. J.-C., dans Les Travaux et les jours. On y voit un pauvre rossignol qui, pris dans les serres d’un épervier, lui fait la leçon. Cette fable vise à faire réfléchir sur la notion de justice, à l’aide d’un raisonnement antithétique où le personnage principal exploite outrageusement sa position de force.
À l’époque classique, Socrate lui-même aurait consacré ses moments de prison avant sa mort à mettre en vers des fables d’Ésope. Il s’en serait expliqué de la façon suivante : « Un poète doit prendre pour matière des mythes [...] Aussi ai-je choisi des mythes à ma portée, ces fables d’Ésope que je savais par cœur, au hasard de la rencontre. » (61b)
Démétrios de Phalère publie le premier recueil de fables historiquement attesté. Ce recueil, perdu, a donné naissance à d’innombrables versions. Une de celles-ci a été conservée sous la forme d’un ensemble de manuscrits datant probablement du Ier siècle de notre ère, appelée Augustana. C’est à cette collection que l’on se réfère lorsqu’on parle aujourd’hui des « fables d’Ésope ».
De la Grèce, la fable passe à Rome. Horace propose une remarquable adaptation du « Rat de ville et du Rat des champs » (Satires, II, 6) que certains critiques estiment supérieure à la version de Jean de La Fontaine. Il sera suivi par Phèdre qui va véritablement faire de la fable un genre poétique.
La vogue de la fable est grande dans le monde gréco-romain. Au IVe siècle, le poète romain Avianus en laisse une quarantaine, pour la plupart des adaptations de Phèdre mais dont plusieurs ne sont attestées nulle part ailleurs et sont fort bien construites.
Au Moyen Âge
La fable continue à se transmettre à travers tout le Moyen Âge sous des noms d’auteurs ou de collections qui ressemblent à des pseudonymes : Romulus, Syntipas, pseudo-Dosithée. Mais la qualité littéraire est alors délaissée au profit des moralités.
Au Moyen Âge, un recueil de fables s'appelait un Isopet.
La thématique de la fable prend une singulière expansion avec le Roman de Renart, collection de récits dus à des clercs anonymes du XIIe siècle. Dans ces histoires inspirées d'Ysengrinus, œuvre latine du poète flamand Nivard de Gand, la lutte du renard contre le loup sert de prétexte à une vigoureuse satire de la société féodale et de ses injustices. La fable cède ici la place à une comédie animale où tout se tient.
Au XIIe siècle, Marie de France publie un recueil de 63 fables.
À la Renaissance
À la Renaissance, le genre des emblèmes fut très à la mode pendant tout le XVIe siècle. Après n’avoir désigné que la seule gravure, le sens du mot « emblème » va s’étendre pour s’appliquer également à la poésie qui lui sert de légende ou de commentaire. On écrit alors des livres d’emblèmes, à l’imitation de ceux de l’Italien Alciato, comme ceux de Guillaume Guéroult qui semble s’être spécialisé dans ce genre avec le Blason des Oyseaux (1551), les Hymnes du Temps et de ses parties (1560), les Figures de la Bible (1564) composés sur le même modèle d’une gravure accompagnée d’une courte pièce de vers. Au nombre des emblèmes de Guéroult dont le sujet a été repris par Jean de La Fontaine, on compte :
- Le Coq et le Regnard ;
- Le Singe et le Chat ;
- L’Araignée et l’Hirondelle ;
- La Cour du Lion ;
- L’Astrologue qui se laisse tomber dans un puits
D’autres écrivains pratiquent la fable en Europe comme le portugais Sá de Miranda.
Après Jean de La Fontaine
En France, le succès prodigieux des fables de Jean de La Fontaine inspire bien des vocations : du grand seigneur au commis, en passant par le magistrat, le curé ou le marchand, tout un chacun s’essaie alors au genre de la fable. Le jésuite François-Joseph Desbillons, professeur, en produit cinq cent soixante. Boisard publie un recueil qui en contient mille et une. Jean-Pons-Guillaume Viennet publie en 1843 les fables qu’il a écrites pendant toute sa vie. Même Napoléon Bonaparte, avant d’être sacré empereur, en compose une, jugée assez bonne à l’époque. Tous ces auteurs sont retombés dans l’oubli.
XVIIIe siècle
Un seul nom a survécu durablement au côté de celui de La Fontaine ; celui de Florian (1755-1794). Son recueil compte une centaine de fables. Celles-ci sont orientées soit vers une morale politique, soit vers une morale privée. Ce dernier auteur s’inspire parfois de l’Anglais John Gay ou de l’Espagnol Tomás de Iriarte y Oropesa.
Gotthold Ephraim Lessing illustre le genre en Allemagne, Ignacy Krasicki en Pologne.
XIXe siècle
Au XIXe siècle, la fable ne sera guère plus pratiquée. En Russie, toutefois, Ivan Krylov en fera son genre de prédilection. Cristóbal de Beña (Fábulas políticas) et Juan Eugenio Hartzenbusch en feront autant en Espagne.
Si Ambrose Bierce utilise la fable pour la satire politique aux États-Unis , Beatrix Potter (1866-1943) reste plus conventionnelle en Grande-Bretagne.
Schéma narratif
La fable classique repose sur une double structure. Dès le titre, on trouve une opposition entre deux personnages dont les positions subjectives sont dissemblables : l’un est placé en position haute et l’autre en position basse. Grâce à un évènement narratif imprévu, celui qui était en position haute se retrouve en position basse et vice versa. Ce schéma est désigné par Christian Vandendorpe comme « un double renversement.[1] » Ce schéma, qui se retrouve dans des dizaines de fables (souvent les plus populaires), permet de « bloquer » la compréhension et de véhiculer une moralité claire.
Comme le dit Hegel, « La fable est comme une énigme qui serait toujours accompagnée de sa solution[2]. »
Même si la fable n’a plus la popularité qu’elle a connue, le schéma qui en fait la force se retrouve dans le fait divers[3] et dans la légende urbaine[4].
La fable théâtrale
Pour Aristote, la fable est l’un des six éléments de la tragédie, avec les caractères, le chant, l’élocution, la pensée et le spectacle[5]. La fable tragique est l’enchaînement des actions et des faits exposés, formant la narration. Autrement dit, dans le langage cinématographique, le scénario.
Les fables aux XXe et XXIe siècles
Après la guerre, le poète et écrivain Jean Anouilh publia en 1961 un recueil de 43 Fables qui se vendit à des milliers d’exemplaires et qui resta comme l’un des meilleurs recueils de fables du XXe siècle. Actuellement, la fable reste vivace sous sa forme la plus traditionnelle dans l’œuvre de Jean Chollet, qui en a publié plus de deux cent cinquante dans le goût de La Fontaine et en s’inspirant souvent de l’actualité. Chambaron publie en 2004 un recueil, Petits Métiers… dans lequel il revendique cette ascendance : des personnages aux fonctions surprenantes y remplacent le monde animalier. En 2007, Pierre Coutant dans L'Homme affable brocarde dans des fables traditionnelles les grandes hypocrisies de son époque.
Notes et références
Liens internes
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