- Eugene Victor Debs
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Eugene Victor Debs (né le 5 novembre 1855 et décédé le 20 octobre 1926) est un homme politique américain, syndicaliste et socialiste, un des fondateurs du syndicat des Industrial Workers of the World (IWW, Les travailleurs industriels du monde).
Il fut candidat du Parti socialiste d'Amérique pour les élections présidentielles à cinq reprises.
Sommaire
Les débuts de la popularité
Eugène Debs est né en Terre Haute dans l'Indiana, où il vécut presque toute sa vie. Son père, Jean-Daniel Debs, est un fils de bourgeois de Colmar, en Alsace (France). Il épouse une ouvrière, et ils émigrent aux États-Unis après l’échec de la révolution ouvrière de juin 1848 à Paris. Ses prénoms sont choisis en hommage aux écrivains Victor Hugo et Eugène Sue, sensibles au sort des ouvriers (voir notamment Les Misérables)[1].
À l'âge de 14 ans, il quitte le foyer familial et travaille dans les chemins de fer, pour devenir ensuite chauffeur. Il retourna chez lui en 1874 et travailla comme vendeur. L'année suivante il devient un membre fondateur de la nouvelle loge de la Fraternité des chauffeurs. Il progressa rapidement dans la fraternité, devenant d'abord assistant rédacteur en chef pour leur journal et puis rédacteur en chef et grand secrétaire en 1880. En même temps, il devient un protagoniste incontournable dans la communauté et est élu à la législature de l'État de l'Indiana pour le Parti démocrate.
Les fraternités du rail étaient des syndicats relativement conservateurs, plus concentrés sur la fourniture de services aux membres que dans la négociation collective. Debs devint peu à peu convaincu du besoin d'une approche plus globale et de confrontation. Après sa nomination comme Grand Secrétaire il organisa, en 1893, l'un des premiers syndicats industriels aux États-Unis, le Syndicat américain des chemins de fer (American Railway Union (ARU)). Le syndicat se battit et obtint satisfaction de la plupart de ses demandes en avril 1894 dans un conflit social contre le Great Northern Railway.
La grève de Pullman
Article détaillé : Grève Pullman.Plus tard dans l'année 1894, Debs fut emprisonné pour sa participation à la grève de l'entreprise de construction de wagons Pullman dont les travailleurs appelèrent en soutien l'ARU en demandant le boycott des wagons de l'entreprise. Debs essaya de convaincre les membres de son syndicat qui travaillaient dans les chemins de fer que le boycott serait trop risqué, étant donné l'hostilité à la fois de la compagnie de chemin de fer et du gouvernement fédéral, la fragilité du syndicat ARU, et la possibilité que d'autres syndicats brisent la grève. Les membres du syndicats ignorèrent ses remarques et refusèrent d'utiliser les wagons de l'entreprise Pullman, y compris les wagons transportant le courrier.
Le gouvernement fédéral intervint et obtint une injonction contre la grève car les grévistes obstruaient les chemins de fer en refusant de travailler. Le gouvernement envoya l'armée au motif que la grève empêchait la livraison du courrier. La grève causa des dommages estimés à 80 millions de dollars de l'époque, et Debs fut jugé coupable d'obstruction à la livraison du courrier et envoyé en prison.
Une décision de la Cour suprême des États-Unis confirma la motivation de l'injonction demandée par le gouvernement fédéral.
Leader socialiste
Au moment de son arrestation, Debs n'était pas un socialiste. Néanmoins, pendant sa détention, il lut les œuvres de Karl Marx. Après sa libération en 1895, il commença sa carrière d'homme politique socialiste. L'expérience radicalisa encore plus Debs. Il fut candidat à la campagne présidentielle de 1900 comme membre du Parti social démocrate. Il est plus tard candidat du Parti socialiste d'Amérique en 1904, 1908, 1912 et 1920, passant cette dernière campagne en prison.
Debs était néanmoins sceptique quant au processus électoral : il se méfiait des marchandages que Victor Berger et d'autres socialistes d'égout qui gagnaient quelques postes au niveau local. Il accordait beaucoup plus de valeur à l'organisation des travailleurs, et particulièrement dans l'industrie. Debs voyait la classe ouvrière comme la classe qui s'organise, s'éduque et s'émancipe par elle-même.
Debs est en même temps critique envers le syndicalisme apolitique de certains membres des IWW (Industrial Workers of the World). Supporter des IWW, il est encore plus critique avec ce qu'il considérait comme l'irresponsable politique d'action directe, surtout le sabotage.
Même s'il critiquait le syndicalisme pur et simple des fraternités des chemins de fer ainsi que des syndicats d'artisans (les corporations) de l'AFL, Debs ne considérait pas le racisme comme une forme particulière d'exploitation, et considérait le racisme comme un des aspects de l'exploitation capitaliste. Comme il l'écrivit en 1903, le parti n'a
"rien à offrir de spécifique au noir, et nous ne pouvons pas faire d'appel spécifique à toutes les races. Le Parti socialiste est le parti de la classe ouvrière, indifférent à la couleur : toute la classe ouvrière de toute la planète."
Debs n'était cependant pas aveugle au racisme et dénonçait le racisme à travers toute sa carrière socialiste, refusant de s'adresser à des audiences ségrégationnistes dans le Sud et condamnant le film de D.W. Griffith : "Naissance d'une nation" ("Birth of a Nation").
Debs était considéré comme un orateur charismatique qui utilisait le vocabulaire chrétien et son style était marqué par l'évangélisme bien qu'il ne montrait que dédain pour les institutions religieuses. Comme le fit remarquer Heywood Broun, en citant un compagnon socialiste de l'orateur :
"Ce viel homme aux yeux brûlants croit en fait qu'il peut y avoir une fraternité entre les hommes. Et c'est la partie la plus drôle de tout ça : aussi longtemps qu'il sera là, j'y croirai moi aussi."
Même s'il fut parfois appelé le "Roi Debs", Debs était lui-même gêné par sa position de leader et dit dans une conférence dans l'Utah en 1910 :
"Je ne suis pas un leader travailliste; je ne veux pas que vous me suiviez ou quoi que ce soit d'autres; si vous cherchez un Moïse pour vous guider en dehors de la folie capitaliste, vous resterez exactement là où vous êtes. Je ne vous guiderais pas jusqu'à la Terre Promise si je pouvais, parce que si je vous y menais, quelqu'un d'autre vous en sortirait. Vous devez utiliser vos têtes comme vos bras, et vous sortir de votre condition actuelle."
Opposition à la Première Guerre mondiale
Le 16 juin 1918, Debs fit un discours anti-guerre à Canton dans l'Ohio. Il fut condamné à 10 ans de prison et déchu de ses droits électoraux à vie. Lors de la sentence, Debs fit l'un de ses plus célèbres discours :
"Votre honneur, il y a des années de cela, j'ai reconnu mon affinité avec tous les êtres vivants, et je fus convaincu que je n'étais pas meilleur d'un iota du plus misérable sur Terre. Je dis alors, et je le dis maintenant, que tant qu'il y aura une classe inférieure, j'en suis, et tant qu'il y aura un élément criminel, j'en suis, et tant qu'il y aura une âme en prison, je ne serai pas libre."
Debs fit appel de la décision devant la Cour Suprême. Dans sa décision, "Debs contre les États-Unis", la Cour examina différents discours de Debs concernant la Première Guerre mondiale. Alors que Debs avait fait attention à ne pas faire de discours qui serait contraire à l'Espionage Act, loi sur l'espionnage, la Cour considéra qu'il avait toujours l'intention d'empêcher le recrutement pour la guerre. Parmi d'autres, la Cour citait les discours où Debs félicitaient les personnes emprisonnées pour obstruction au recrutement. Le juriste Oliver Wendell Holmes expliqua que de son point de vue, la situation de Debs ressemblait à celle dans la décision de la Cour dans le cas "Schenck contre les États-Unis", dans lequel la Cour avait eu une analyse similaire.
Debs fut emprisonné le 13 avril 1919. En protestation, Charles Ruthenberg mena une manifestation de syndicalistes, socialistes, anarchistes et communistes le 1er mai 1919 à Cleveland dans l'Ohio. La manifestation explosa en violents affrontements avec la police, les émeutes du 1er mai 1919.
Debs se présenta aux élections de 1920 alors qu'il était en prison à Atlanta, en Géorgie, dans le pénitencier fédéral d'Atlanta. Il obtint 913 664 voix (3,4 %), le deuxième meilleur résultat que le parti socialiste ait jamais obtenu, un peu plus en voix mais moins que celui de 1912 (901 551 votes, 6,0 %). Debs écrivit une série d'articles très critiques du système carcéral, articles publiés, du moins leurs parties les moins choquantes, dans son unique livre, Murs et Barreaux. Plusieurs chapitres ont été ajoutés de manière posthume.
Le 25 décembre 1921, le président Warren G. Harding libéra Debs de prison, commuant la peine de prison. Debs mourut cinq ans plus tard à l'âge de 70 ans à Elmhurst dans l'Illinois.
En 1924, Eugène Debs fut nommé de façon symbolique Prix Nobel de la paix (qui n'a pas eu le lauréat cette année-là) par le socialiste finlandais Karl H. Wiik qui justifia son choix en expliquant que
"Debs commença à travailler activement pour la paix pendant la Première Guerre mondiale, surtout parce qu'il considérait la guerre dans l'intérêt du capitalisme."
Citations
- « Tant qu'il reste un homme en prison, je ne suis pas libre. » - Extrait d'un Discours aux dockers
- « Je ne pourrai peut-être pas dire tout ce que je pense, mais je ne dirai rien que je ne pense pas. » - Discours - 1916
Voir aussi
Sources
Notes
- Jack London, Grève générale !, Paris, Libertalia, 2008, p 14 Noël Mauberret, Préface de
Catégories :- Candidat à la présidence des États-Unis
- Naissance en Indiana
- Naissance en 1855
- Décès en 1926
- Personnalité américaine d'origine française
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