- Affaire privée
-
Vie privée
Pour les articles homonymes, voir Vie privée (film).La vie privée est une notion impliquant celle de « respect de la vie privée », inconnue des Anciens[Qui ?] et ignorée au Moyen Âge est une catégorie de pensée moderne, qui accompagne l'invention de la modernité politique. Il s'agit là de catégories politique et juridique, donc, qui sont relativement récentes dans l'histoire de l'humanité. Ces notions proviennent de l'existence de l'État moderne à partir du moment où celui-ci, pour définir l'espace de liberté laissé à l'individu, implique la distinction entre État et société civile. Soit la distinction entre espace public et espace privé, et encore entre vie publique et vie privée. Elle suppose des droits accordés aux individus, qui sont exprimés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, et, pour l'Europe, par la Convention européenne qui en reprend les grands principes.
Cette notion peut être résumée par la phrase de Soljenitsyne « notre liberté se bâtit sur ce qu'autrui ignore de nos existences. »
Sommaire
Le concept de vie privée
Un concept moderne
La notion est d'abord et principalement constituée dans le cadre de la tradition libérale anglo-saxonne, elle-même née d'abord avec la notion d'habeas corpus, à l'époque où l'Europe est déchirée par les guerres dites de religion. Ensuite elle donnera lieu à théorisation autour du concept central de tolérance dont la théorie est d'abord le fait de Locke, auteur du célèbre Essai sur la tolérance, (1677) ainsi que de la Lettre sur la tolérance (1689), et du Traité du gouvernement civil (1690) soutenant que du moment que nos opinions ou nos manières de vivre ne portent pas atteinte à la préservation du gouvernement, elles ont droit à la tolérance. L'œuvre de Locke est l'œuvre de référence, pour la tradition anglo-saxonne, qui sera reprise, en France, à partir de la Révolution française, par le courant des Girondins du moins, puis par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen mais surtout dans la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 reprise après la Seconde Guerre mondiale et le nazisme.
En France, c'est Benjamin Constant principalement qui, reprenant la tradition anglaise est le représentant de ce courant de pensée privilégiant la liberté moderne des individus, et qu'on trouve exposé dans son célèbre ouvrage : De la liberté des Anciens comparée à celle des Modernes (1819)[1].
Ceci différemment et en parallèle aux philosophies de la liberté démontrant le bien-fondé de la liberté d'expression, qu'est essentiellement la philosophie de Spinoza (XVIIe siècle) écrivant le Traité théologico-politique, plus que celle de Rousseau inspirateur de la Révolution française qui produit une autre idée de la liberté, davantage celle du citoyen que celle de l'individu, puis encore en Allemagne, la philosophie de Kant.
Il existe des peuples et des civilisations où il n'y a ni vie privée, ni pareil besoin : les peuples sans État, d'une part, comme le sont encore quelques peuplades de plus en plus rares en Afrique, Amérique du Sud, Océanie, et d'autre part, les peuples dont la société n'est pas hors du contrôle du pouvoir politique et où l'État ne reconnaît pas un espace pour les libertés individuelles.
La notion de vie privée suppose la notion d'individu et implique une liberté reconnue à celui-ci, qui doit être libre, non seulement en tant que citoyen disposant de droits et en tant que sujet de droit régi par des lois, mais en tant que personne privée douée d'un espace privé distinct, à soi, et qui mérite respect et protection. Selon cette perspective la vie privée est protégée, c’est-à-dire qu'elle n'est protégée qu'à partir du moment où elle existe, distincte de la vie collective de la communauté, que celle-ci soit familiale, religieuse, clanique, tribale ou autre. La vie privée n'existe que dans les sociétés non-communautaires et où le collectif n'est pas tout, autrement dit dans les sociétés où l'individu existe. Ceci signifie qu'une certaine partie de la vie d'une personne peut rester confidentielle et n'appartenir qu'à elle, ne relever que de ses choix personnels : vie de famille, idées, croyances, particularités, choix, engagements divers, qui n'ont pas à être connus et communiqués à l'extérieur de sa sphère privée. En somme tout ce qui n'appartient pas à la sphère publique et tout ce que la personne choisit de ne pas révéler publiquement.
À l'époque contemporaine la notion de vie privée est ce concept moderne, construit sur une dichotomie vie privée/vie publique, permettant l'approfondissement d'une certaine idée de la liberté des individus, qui est le point d'ancrage à partir duquel se produit la critique du totalitarisme, tel qu'on le voit en particulier chez Hannah Arendt.
La Convention européenne dans ses principes directeurs rappelle le caractère objectif des droits de l'Homme, et prend appui sur ceux-ci qu'elle reprend et répète : il ne s'agit pas de droits attribués aux individus par le biais d'un statut juridique particulier, potentiellement révocable, mais de droits qui sont attachés à la seule qualité de personne humaine.
Les droits protégés sont énoncés par la Convention dans son titre I et ses Protocoles 1, 4, 6 et 7. Il s'agit avant tout de droits individuels, c'est-à-dire de droits dont l'individu est titulaire. Ils visent à protéger la liberté et la dignité de l'homme : ce sont des droits civils et politiques. Les droits économiques et sociaux sont eux énoncés dans le Charte sociale européenne de Turin de 1961, qui fait seulement l'objet d'un contrôle non judiciaire, par voie de rapports.
Si la CEDH est plus précise que la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, elle n'est guère originale.
Ensuite s'y ajoutent les analyses nées de la peur inspirée par la collecte de données concernant les individus, et de la croyance développée par Michel Foucault que le Savoir est irrémédiablement lié au Pouvoir. Les défenseurs de la vie privée voient en elle le moyen de lutter contre l'apparition d'une « société de contrôle ».
Cependant si elle est caractéristique de la « société des individus » (selon l'expression de Norbert Elias) l'individualisme auquel aboutit cette même société est également critiqué comme source de dépolitisation,
Le problème que pointe une certaine critique sociale, sociologique, plus ou moins dans la perspective de Bourdieu, consisterait plutôt à soutenir que ce problème n'est pas que l'on collecte des informations, mais que tout le monde n'ait pas l'accès à ces informations.
Réserves sur le concept
Quelques sociologues ne considèrent pas le respect de la vie privée comme une solution pour la société moderne, mais au contraire comme le problème. D'après eux, jamais on n'en a su aussi peu sur les personnes à qui on avait affaire dans le quotidien (par rapport à la vie rurale d'autrefois), ce qui nous oblige à sans cesse justifier de notre identitié, et à nous encombrer de paperasserie en tout genre. La réponse qui leur est souvent faite, sans pour autant contester cette remarque, est qu'il s'agit là d'un moindre mal.
Les limites du secret
Jean-Paul Sartre s'est expliqué par interview n'avoir pas davantage de tabou sur la vie privée de ses amis proches : « Je ne voyais pas d'inconvénient à lire une lettre qui ne m'était pas adressée, et ne comprenais pas le moins du monde qu'on pût s'en formaliser » expliquait-il.
Dans la vie politique, la vie privée est souvent mise en avant par les hommes politiques pour cacher ce qui pourrait nuire à leur carrière. On a vu ainsi des dirigeants mener une politique homophobe en étant eux-mêmes homosexuels, ou plus généralement mettre en avant leur intégrité morale, tout en menant une vie dissolue. Mais certains estiment qu'on ne doit juger un homme que sur ce qu'il montre, compétence affichée ou incapacité apparente à occuper un poste.
Un amateur qui admire une personne, s'estime fondé à tout découvrir sur elle, par tous les moyens possibles, sans intention de nuire - bien au contraire - et parfois pas même de publier. On peut voir cela comme la passion de Schliemann cherchant à tout savoir sur Troie, ou celles d'Howard Carter et de Lord Carnavon, qui - découvrant le tombeau de Toutankamon, n'en étaient pas pour autant des pilleurs de tombes. Bien au contraire, c'étaient des admirateurs éperdus de ce sur quoi ils effectuaient leurs recherches.
De même, tout un chacun peut se découvrir dans certains cas une curiosité immense vis à vis de l'objet aimé. Celle-ci, qui se canalise le plus souvent dans des choses anodines (petits tests psychologiques de salon, graphologie, astrologie, etc. a fini par devenir avec le temps une sorte de «témoignage d'affection» pour le sexe opposé.
La photographe Sophie Calle a réalisé une exposition photographique sur ce thème de la vie privée observée.
Droit de la vie privée
Droit international
La vie privée est protégée au niveau international par l'article 12 de la déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 : Nul ne sera l'objet d'immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes.
Droit communautaire
Article détaillé : Cour européenne des droits de l'homme#Le droit à la vie familiale et privée est garantie par l'article 8.Le droit à la vie privée est garanti par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, mais doit souvent être équilibré avec le droit à la liberté d'expression, garanti par l'article 10.
Droit français
Voir aussi Surveillance en droit français.
La Déclaration universelle de 1948 énonce les droits de l'individu et, parmi ceux-ci le droit à la protection de la vie privée que répète le droit français. Le seul texte capital concernant la vie privée en France est l'article 9 du Code civil français « Chacun a droit au respect de sa vie privée ». Il y aussi les articles R 226-1 et suivants du code pénal, pour les peines prévues. Le conseil constitutionnel considère que le droit à la vie privée découle de la liberté proclamée par l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789. Mais il n'y aucune définition légale de la vie privée. C'est la jurisprudence qui est chargée de dire ce qui est protégé. Elle inclut : le domicile, l'image, la voix, le fait d'être enceinte, l'état de santé, la vie sentimentale, la correspondance (y compris sur le lieu de travail)... La jurisprudence ne protège pas en revanche contre la divulgation de la situation patrimoniale d'une personne menant une vie publique (tel un dirigeant de grande entreprise), ni sa pratique religieuse... Les faits révélés par les comptes rendus de débats judiciaires ne sont pas protégés non plus.Le fait que la personne ait elle même révélé des faits n'autorise pas la redivulgation de certains de ces faits (droit à l'oubli). La redivulgation est soumise à autorisation spéciale, sauf lorsque la publication des faits ne vise pas à nuire et obéit à un intérêt légitime.
Le respect de la vie privée à l'embauche
Il n'est pas illégal en France de demander son âge à un candidat, et pas plus de lui demander une information, pourtant sans rapport avec sa démarche, qui est sa date de naissance, ce qui conduit à des abus tels que l'établissement de profils astrologiques des candidats par certains cabinets. En revanche, il est illégal de demander à un candidat son état de santé, ou sa volonté d'avoir des enfants, de déménager...
Aux États-Unis, demander l'âge d'un candidat à l'embauche est strictement interdit, et peut faire l'objet d'un procès en suspicion de discrimination d'âge.
Secret professionnel et vie privée
Le secret professionnel a été mis en place pour défendre la vie privée de chacun, et en particulier le secret médical pour protéger le patient contre la trop grande curiosité des employeurs, assureurs, et organismes de crédit.
Il n'est pas possible à un patient de délier son médecin du secret professionnel. Cela reviendrait à faire porter une suspicion sur ceux qui ne le font pas, ce qui reviendrait à supprimer indirectement ledit secret.
Respect de la vie privée à l'épreuve de l'informatique
Article détaillé : Vie privée et informatique.On traduit en français l'expression anglaise de privacy par respect de la vie privée. Ce concept comporte plusieurs aspects.
- Le plus indiscutable est celui de ne pas être ennuyé avec le spam sur Internet, ni avec les publipostages dans la vie courante
- Un autre est que personne n'aime se dire que ses goûts et opinions peuvent être tracés, car certains organismes pourraient en faire un mauvais usage : par exemple, la liste de tous les livres que vous auriez empruntés dans des bibliothèques publiques peut dissuader un employeur potentiel de vous embaucher; ou des prises de positions politiques pourraient vous valoir quelques désagrément.
- La notion de droit à l'oubli a récemment fait l'objet d'un regain d'actualité. Cette notion existait déjà dans la philosophie générale de la loi (amnistie, réhabilitation, peines sursitaires effacées des casiers judiciaires au bout de 5 ans). Mais l'apparition de l'Internet et l'ampleur du phénomène est venue changer la donne. Le revers de la puissance de l'internet est que les machines n'oublient rien: la mémoire se fait mondiale, intacte et directement applicable de partout et par n'importe qui. Les employeurs ont bien compris l'intérêt du système puisque certains peuvent taper dans le moteur de recherche (google notamment) le nom de leur (futur) employé afin d'en savoir plus sur sa vie privée.
Exemples
Un site qui viole la vie privée
Une société nommée Intelius a été créée aux États-Unis en 2003 par deux transfuges de Microsoft et d’Infospace. Par le biais de son site internet, elle donne l'occasion à tous les internautes américains de connaître des détails sur la vie privée de n'importe quel compatriote : ses factures, ses commandes sur catalogue, ses abonnements, les enregistrements de propriété immobilière. Moyennant un droit d'accès, Intelius retrace la vie privée (mariage, divorce, nombre d'enfants, déménagements) de la personne dont on aura entré le nom, le prénom... Par le biais d'Intelius, on peut connaître aussi son numéro de sécurité sociale, son revenu, la valeur de son bien immobilier, la surface de sa maison, le nombre de pièces et même le mode de chauffage. Une photo satellite affiche le plan du quartier, avec une fiche indiquant sa composition ethnique, le nombre de délits et de crimes qui y ont été commis, le niveau d'éducation et de revenus.
Pour une somme plus élevée, Intelius propose l'historique complète de la vie d'une personne, y compris son casier judiciaire si elle en a un. Les employeurs peuvent consulter ces services pour connaître le profil des demandeurs d'emploi et des employés.
Plusieurs sites violent les lois notamment des sites (blog) où il n'y a aucune règle à respecter . Le site d'Intelius a connu un succès considérable ; près de 30 millions de visiteurs s'y connectent chaque mois depuis son ouverture[réf. nécessaire]. Le site a enregistré 760% de progression depuis sa création, et un chiffre d'affaires de 40 millions de dollars[réf. nécessaire].
En 2006, Intelius s'est vue remettre la palme de la « meilleure nouvelle compagnie » par l'American Business Awards[réf. nécessaire].
Notes et références
Voir aussi
Liens internes
- Commission d'accès aux documents administratifs
- CNIL
- Éthique
- Fuite d'information
- vidéo-surveillance
- Droit à l'image
- Privacy International
- Electronic Frontier Foundation
Liens externes
- [1] Commissariat à la protection de la vie privée du Canada.
- [2] Commission d'accès à l'information du Québec.
- Commission de la protection de la vie privée en Belgique.
- ViePrivee.com, respect et protection de la vie privée
- Site de la Fédération Informatique et Libertés
- Portail du droit
- Portail de la sécurité de l’information
Catégories : NPOV Droit | NPOV Politique et société | Article soupçonné de partialité | Droit des personnes | Éthique | Vie privée
Wikimedia Foundation. 2010.