- Engagés
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Engagisme
L’engagisme est à l'origine un concept juridique de l'Ancien Régime apparenté au servage [1]. Suite à son abolition pendant la Révolution française, c'est devenu une forme de salariat contraint qu'ont imposé à des travailleurs immigrés venant principalement de l'Inde les grands propriétaires terriens des Antilles françaises et des Mascareignes qui se sont retrouvés dépourvus de main-d'œuvre docile à la suite de l'abolition de l'esclavage en France en 1848. Originaires du Tamil Nadu ou du Gujarat, les engagés avaient surtout pour vocation de remplacer les Noirs fraîchement affranchis dans les champs de cannes à sucre. L'indenture est un système équivalent dans le monde anglo-saxon.
Sommaire
À Maurice
L'île Maurice reçoit ses premiers engagés au début des années 1830. Ils transitent par des bâtiments aujourd'hui connus sous le nom d'Aapravasi Ghat, un site que l’UNESCO a classé à son patrimoine mondial le 12 juillet 2006 en le désignant comme le lieu où s'est constituée la première diaspora de travailleurs de l'époque moderne.
Les engagés, ou coolies, et, en anglais, indentured, quoique majoritairement indiens et chinois, sont d'origines diverses : Éthiopiens, Congolais, Mozambicains, Japonais, Malgaches, Bretons…
Le premier texte chantant la traversée océanique des engagés est Cale d'étoiles, coolitude, du poète Khal Torabully pour plonger au cœur du thème des migrations et des enjeux culturels, historiques et linguistiques que l'engagement, réactivé sous d'autres formes de nos jours, représente pour les sociétés humaines. L'auteur a souligné, par ailleurs, que le coolie trade, faisant suite à l'abolition de l'esclavage, rappelle, en de maints aspects, « une nouvelle forme de l'esclavage », comme l'a écrit l'historien britannique Hugh Tinker.
À la Réunion
À la Réunion, où l'abolition de l'esclavage a été proclamée par Joseph Napoléon Sébastien Sarda Garriga le 20 décembre 1848, le schéma engagiste a été à l'origine du doublement de la population en moins de 35 ans, les travailleurs sous-payés provenant également de Madagascar. De fait, entre 1849 et 1859, le nombre d'engagés indiens passe de 11 000 à 37 000, et il est encouragé à augmenter par les accords signés entre la France et le Royaume-Uni en 1860 et 1861[2].
Cet afflux massif de bouches à nourrir entraîna une explosion des importations de riz, une denrée dont les cours ne dépendaient guère de la colonie et se trouvaient alors particulièrement hauts. De fait, le recours à l'engagisme précipita la Réunion dans la crise économique que contribua par ailleurs à entretenir le percement du canal de Suez et l'éloignement plus au nord des trafics marchands.
La fin de l'engagisme fut prononcée avant la fin du XIXe siècle après avoir été remise en cause par la suspension de l'accord franco-britannique en 1882[2], mais cela n'empêcha pas la poursuite d'un afflux de travailleurs. Au contraire, elle encouragea certainement l'immigration des Chinois de la région de Canton au début du XXe siècle. Le dernier convoi d'engagés n'arriva qu'en 1933.
En outre, les travailleurs Indiens ne retournèrent pas dans la péninsule et s'établirent sur place en tant que tailleurs, bijoutiers ou vendeurs de tissus. Bientôt, une communauté relativement aisée et intégrée devait voir le jour, la communauté des « Zarabes ». Elle put faire inaugurer dès 1905 une mosquée qui est à ce jour la plus vieille existant sur le sol français : la mosquée Noor-e-Islam de Saint-Denis.
Aux Comores
À partir de 1886, Grande Comore, Anjouan et Mohéli et Mayotte, les Résidents, représentant de la France dans les protectorats, se substituent aux sultans. Les colons qui s'accaparent de vaste terres continuent à utiliser la main-d'œuvre locale en tant qu'«engagé volontaires» . Les exploitations coloniales finissent par occuper près de la moitié de la Grande Comore, 40 % d'Anjouan, 20 % de Mohéli. Alors que la main-d'œuvre devenait de plus en plus chère à la Réunion, les Comores, oubliées par l'administration centrale, offraient aux colons et aux sociétés coloniales (comme la Bambao) des perspectives et une main-d'œuvre peu chère dans les plantations de plantes à parfums et de vanille. Les exactions et abus furent tels que la France rattache administrativement à Madagascar. Peu à peu, les terres seront rétrocédées aux comoriens mais une révolte importante à eu lieu en 1915 en Grande Comore à cause de l'engagisme. En 1940, une autre révolte éclate pour protester contre ces engagements forcés dans les plantations par les représentants du gouvernement de Vichy.
Références
- Esclaves de la canne à sucre - Engagés et planteurs à Nossi-bé, Madagascar 1850-1880, J-E Monnier, préface V. Joly, L'Harmattan, 2006, 310 pp., (ISBN 2296009743), (ISBN 978-2296009745)
- ↑ Louis Firmin Julien Laferrière, Histoire du droit français, Joubert, 1837, p. 510 sq.
- ↑ a et b Bois-Rouge, une sucrerie réunionnaise, Bernard Leveneur.
Voir aussi
Articles connexes
Liens externes
- Dossier du collège Raymond-Vergès sur l'engagisme.
- Article sur coolitude.
- Khal Torabully, engagisme et esclavage
- A l'AApravasi Ghat, l'ile Maurice dialogue enfin avec l'Histoire
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