Affaire Fualdes

Affaire Fualdes

Affaire Fualdès

Le procès Fualdès.

LAffaire Fualdès est une affaire judiciaire qui défraya la chronique judiciaire de 1817 à 1818 dans la France de la Restauration et na cessé par la suite de susciter les passions.

Qui a horriblement égorgé lancien procureur impérial Fualdès, la nuit du 19 au 20 mars 1817 à Rodez, et qui a jeté son cadavre dans les eaux de lAveyron ?

Cest la France tout entière, puis lEurope et même lAmérique qui bientôt se passionnent pour cette énigme de province appelée à devenir une des plus célèbres affaires judiciaires du XIXe siècle.

Il est vrai que sy mêlaient des considérations politiques puisque lassassiné était accusé dêtre bonapartiste, que ses agresseurs étaient au contraire dans la mouvance royaliste et que le premier procès les condamnant à mort fut cassé à la fin de lannée 1817. Victor Hugo en parle au chapitre 169 des Misérables et Balzac y fait également allusion.

Sommaire

Les circonstances du meurtre

Dans la nuit du 19 mars 1817, dans Rodez endormie, Antoine Bernardin Fualdès, ancien procureur impérial du département de l'Aveyron est sauvagement assassiné au son dun orgue de Barbarie, destiné à couvrir ses cris.

Lenquête ne traîne pas, et bien quelle ait révélé les conditions particulièrement atroces dans lesquelles a été commis ce meurtre et qui frappèrent les imaginations (la victime ayant été pratiquement saignée à blanc), elle ne fait pourtant pas totalement la lumière, malgré les lourdes condamnations qui suivirent, sur les véritables coupables et leurs mobiles.

Les soupçons se portent vite sur les habitants de la maison Bancal, une maison mal-famée sise rue des Hebdomadiers, non loin de la demeure de Fualdès, et les responsables sont cherchés dans lentourage immédiat du magistrat : lagent de change Jausion, Bastide-Gramont, beau-frère et filleul de la victime, Collard, locataire des Bancal, le contrebandier Boch, la femme Bancal et sa fille Marianne, Bax, Anne Benoit, blanchisseuse, Missionier, son amant, et Bousquier, tous furent accusés de lui avoir tendu un guet-apens.

Il apparaît très vite que le vol ne constitue pas le mobile du crime. Une histoire antérieure, plane lombre dun infanticide qui aurait été commis par Jausion en 1809 et aurait été étouffé par amitié par Fualdès, sest imposée comme un mobile plus acceptable que la somme modique qui lui est dérobée.

Le côté sordide du meurtre, la faiblesse des mobiles, les zones dombres non-élucidées, limplication des élites, font que toute la villeet la Francebruit de rumeurs à tel point quon a pu parler de « lincroyable épidémie daffabulations » alimentée par la « curieuse personnalité » mythomane de Clarisse Manson, témoin par éclipse du meurtre.

Le procès dure du 19 mars 1817 au 12 septembre de la même année. Le verdict est à la hauteur de la cruauté du crime : quatre condamnations à mort, deux à perpétuité, un an pour Bousquier, Marianne Bancal sera acquittée.

Pour autant, laffaire ne sarrête pas . Les esprits étaient tellement surchauffés par cette parodie de procès les élites royalistes ont fait corps pour faire condamner les accusés quun vice de forme imputable aux greffiers est allégué pour faire annuler et dépayser le procès à Albi, et cest en Cour dassises du Tarn quest rejugée laffaire à partir du 25 mars 1818.

Au cours de ce second procès, la fameuse Clarisse Manson, « témoin » fascinant et séduisant, déconcerte le public par son passage incessant dune logique individuelle (elle na rien vu de ce meurtre) à une logique sociale (Clarisse répond alors à ce quon attend delle, elle remplit le rôle quon veut lui donner, elle sy conforme).

Lorsquelle nie, elle sexclut du jeu, devient par même déviante et soupçonnable. Pour la logique sociale dominante, quexprime lopinion, Clarisse ne peut pas ne pas avoir été chez Bancal au moment du crime : donc elle avoue. Mais en fait, sans doute ny était-elle pas : donc elle nie, à titre personnel. Exigences sociales et spécificités individuelles vont se combiner pour élaborer une alchimie instable, finalement déconcertante bien que profondément concertée.

Le repentir spectaculaire de certains soi-disant complices ajoute à la confusion, mais la sentence de la peine capitale est confirmée pour Bastide, Jausion, et Colard qui sont exécutés le 3 juin 1818. Bax et la Bancal voient leur peine commuée à perpétuité.

A-t-on assassiné Antoine Fualdès pour raison d'État ?

Le magistrat, en 1761 était un ancien révolutionnaire. Devenu sous lEmpire juge à Rodez, il ne faisait pas mystère de ses relations avec Barras et prétendait être très bien renseigné sur bien des choses, principalement sur lévasion de Louis XVII de la prison du Temple.

Lors du procès de ses prétendus assassins, Bastide, Jausion, la Bancal et Bousquier, Didier Fualdès son fils, partie civile, dépose le 7 février 1818 entre les mains dun magistrat une correspondance assez révélatrice, bien que non-signée. Il y est écrit que Fualdès avait été tué à cause de lévasion et de la survivance de Louis XVII.

Le document est transmis à Decazes, alors garde des Sceaux et ministre de la police alors quil aurait été naturel que le magistrat à qui lon avait remis cette lettre anonyme fasse faire une enquête. Celui-ci cacha dans son château de La Grave en Gironde des dossiers de lÉtat. Il fut trouvé dans cette cache, en 1898 lacte de décès du supposé Louis XVII. Quy a-t-il eu dautre de trouvé ? Decazes fils fut ministre des Affaires étrangères et navait jamais parlé des dossiers ou archives secrètes léguées par son père.

Plusieurs questions se posent quant à la véracité de la thèse retenue, appuyées sur plusieurs éléments. Les voici :

  • Enlèvement par les assassins des papiers de Fualdès, papiers sans intérêt pour les voleurs.
  • Les pressions du préfet de lAveyron sur madame Manzon, témoin indispensable.
  • Lettre de cette dernière au préfet, spécifiant quun ordre du souverain (Louis XVIII) lavait menacée de lexil et de la séparation de son enfant. Quel intérêt Louis XVIII avait-il de menacer cette dame vraisemblablement au courant de quelque chose dintéressant si celle-ci ne détenait pas des renseignements pouvant compromettre Louis XVIII et sa folle envie de monter sur le trône de son neveu ?
  • Mort suspecte de Bancal.
  • Défaut dintérêt des accusés principaux.
  • Cette petite phrase de Bastide, lun des accusés dans sa défense écrite : une « détestable ambition », celle de Louis XVIII ?
  • « Le misérable ! cest lui qui a fait assassiner mon pauvre père » : phrase prononcée par le fils de Fualdès passant devant les Tuileries se trouvait Louis XVIII.
  • la fameuse lettre de Rodez imprimée dans une des histoires du procès il y est fait mention « des passions plus fortes que la cupidité qui ont dirigé les poignards dans le sein de linfortuné Fualdès ».
  • Les journaux britanniques de lépoque écrivirent et proclamèrent bien haut que la question Louis XVII était liée à laffaire.

A celles-ci sajoutent 6 autres qui prirent corps après le procès ou dont on connut lexistence bien longtemps après :

  • Linnocence reconnue de Bastide et Jausion.
  • La pression exercée par monsieur de Faydel, Président des assises sur madame Manson pour lobliger à accuser Bastide et Jausion.
  • Limmixion du gouvernement dans cette affaire. Cette intervention exceptionnelle résultant du dossier secret qui obligea les magistrats à ne pas connaître certains points de laffaire.
  • Une lettre anonyme soustraite par la police et qui a disparu fut adressée au fils Fualdès pour lui révéler que son père avait été assassiné parce quon voulait semparer de ses papiers relatifs à la survivance de Louis XVII.
  • Fualdès fils écrivit au ministre de la justice une lettre violente dans laquelle il accusait le gouvernement de conserver des bandits dans son sein. Il faisait vraisemblablement allusion à Decazes mais ne fut nullement inquiété pour cette correspondance.
  • Lapparition dun mystérieux inconnu habillé de vert qui aurait empoisonné Bancal au moment il voulait parler. Il ne faut pas oublier, non plus, que ce fameux inconnu habillé de vert avait déjà sévi aux Incurables lorsque la femme Simon, malgré les ordres quelle avait reçus de se taire concernant la survivance, avait été intoxiquée. Dailleurs, sa mort serait due à un empoisonnement, car elle avait parfaitement reconnu son « Charles », comme elle nommait lorphelin du Temple, lors dune visite de celui-ci, accompagné dun homme de couleur, et elle gênait.

Il est peu probable que Fualdès, franc-maçon, ancien membre du tribunal révolutionnaire, persécuteur des royalistes durant les Cent-Jours, nait été assassiné que pour ces seules raisons. Mais autour de cette sombre affaire et de celle du Temple, combien de meurtres ? Combien de disparitions soudaines et opportunes, combien de mensonges et de trahisons, on en revient toujours à la même question : pourquoi Louis XVIII a-t-il fait ériger un monument à la mémoire de son frère et de sa belle-sœur et que ne la-t-il fait pour son neveu ? Pourquoi na-t-il pas voulu se faire couronner roi ?

Il se pourrait bien que les papiers que détenait Antoine Fualdès aient été de nature à lever ce secret.

[réf. nécessaire]

Depuis quelques années, une hypothèse sérieusement étudiée rend la société secrète des Chevaliers de la Foi responsable du meurtre du procureur Fualdès.

Lessor de la presse

À partir de laffaire Calas auquel Voltaire a donné le retentissement que lon sait, le public devient le rival du magistrat, le Tribunal cest lopinion publique.

Preuve sil en était de cette évolution lécho donné à laffaire Fualdès par un avocat de la Restauration.

Cest lavocat Romiguières, membre du barreau dAlbi, qui laisse à la postérité le récit de cette espèce célèbre dans les annales de la criminologie, aidé par lessor dun nouveau média : la presse nationale.

Il publie jour après jour les comptes-rendus des actes et des audiences du procès fait aux assassins, parce quécrit-il dans la préface « le résultat de cette procédure peut servir à résoudre ce problème de politique et de morale, si à mesure que les hommes en savançant dans les siècles acquerront plus de lumière et seront plus généralement éclairés, les forfaits devront se multiplier, en même temps quils seront plus inouïs ».

Cest le journaliste qui parle, mais aussi le juriste.

Au-delà de ces ambitions humanistes, laffaire offre à la presse et aux premiers « reporters » modernes dépêchés sur place loccasion de tenir la France et lEurope en haleine par un feuilleton haletant des événements, rumeurs et rebondissements de lenquête et du procès, nhésitant pas à forcer le trait pour décrire Rodez comme une ville sordide, étriquée et mesquine, image dont la capitale de lAveyron a eu du mal à se débarrasser.

La nouveauté du procédé, ainsi que le formidable retentissement quil provoqua, explique que laffaire Fualdès est considérée comme la première affaire criminelle judicio-journalistique de la presse européenne, genre qui fut promis au succès que lon sait.

Postérité littéraire et artistique de lAffaire

Littérature

Laffaire Fualdès frappa si fort ses contemporains, que lon en trouve de nombreuses mentions dans les ouvrages des plus grands auteurs des XIXe et XXe siècles :

sans compter les innombrables ouvrages qui ont été publiés pour tenter dexpliquer cette affaire, et dont on peut citer parmi les plus récents :

  • Michel-louis Rouquette : La rumeur et le meurtre. Laffaire Fualdès P.U.F (1992)
  • Philippe Meraux : Clarisse et les égorgeurs - LAffaire Fualdès Éditions du Rouergue (1999)

Peinture

Audiovisuel

Musique

Laffaire Fualdès a fait lobjet dune « complainte », cest-à-dire une chanson à nombreux couplets sur un sujet tragique ou sur une légende pieuse. La plus ancienne complainte notée qui ait été conservée a trait à la mort de Charlemagne. Le texte dun grand nombre de complaintes populaires anciennes commence, ainsi que celui des Passions, par une annonce ou une invitation à écouter. Une des plus fameuses est celle de Jean Renaud, dont on connaît de nombreuses variantes et dans laquelle on distingue des vestiges de mélodies religieuses du moyen âge. La Complainte du Juif-errant ne paraît pas remonter plus haut que le XVIIe siècle. La Complainte de Fualdès, qui passe pour un type du genre, se chante sur un timbre du XVIIIe siècle, appelé Air du maréchal de Saxe.

À la fin du second procès, la passion populaire est à son comble : les débats, la sentence et son exécution, tout concours à exacerber limaginaire populaire qui en redemande.

La complainte de Fualdès, sous la plume du dentiste Catalan, répond à cette attente.

Pas moins de 48 couplets (dont le 20e semble devoir être attribué à Bertin) retracent cette sinistre épopée du crime dans un style qui reste encore aujourdhui un modèle du genre.

Tous les artifices y sont, le burlesque, la caricature du genre humain plongé dans labime du mal avec bien sûr en conclusion le repentir du « mauvais larron » dont le dernier couplet moralisateur est pour rappeler quil nest jamais trop tard pour exprimer de bons sentiments.

Cette complainte a un succès foudroyant. Relayée aux quatre coins de la France et de lEurope, tout le monde veut en rajouter, ce sont les effigies de cire des protagonistes de laffaire qui sont exposées, des pièces de théâtresla couverture médiatique est extraordinaire.

Voir aussi

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