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Emil Racoviţă
Emil Racoviţă Emil Racoviţă à bord de la Belgica en AntarctiqueNaissance 1868
Iaşi, RoumanieDécès 1947 (à 79 ans)
Cluj, RoumanieNationalité Roumaine Profession(s) naturaliste roumain Autres activités explorateur Distinctions membre de l'Académie Emil G. Racoviţă, souvent écrit Émile Gustave Racovitza (1868-1947) est un biologiste, zoologiste, océanographe et spéléologue roumain. Explorateur de l'Antarctique, il est aussi le père de la biospéléologie.
Sommaire
Biographie
Jeunesse
Il est né le 15 novembre 1868 à Iaşi en Moldavie, dans une famille passionnée de musique et de poésie. Son père souhaitait le voir faire des études littéraires ou de droit.
Sa formation intellectuelle a été favorisée par le contact avec des personnalités culturelles de l'époque. La rencontre avec Grigore Cobălcescu, un géologue et naturaliste roumain, a été également décisive, car celui-ci lui a inculqué pendant le lycée l'amour des sciences naturelles et lui a fait découvrir la théorie de l'évolution de Charles Darwin. Plus tard, en signe de reconnaissance, Racovita donnera le nom de son professeur à une île près du Pôle Sud.
Après le baccalauréat (1886), Emil Racoviţă a poursuivi ses études à Paris et en 1889 il a obtenu la licence en droit selon les souhaits de sa famille. Il n'exercera jamais dans le domaine de la justice, car il se consacrera entièrement à l'étude en parallèle des sciences naturelles qui le passionnaient depuis le lycée.
Celui qui fut son guide pendant une longue période a été le zoologiste et le biologiste Henri de Lacaze-Duthiers (1821-1901), professeur à la Sorbonne et au Muséum national d'histoire naturelle et membre de l'Académie des sciences.
Racoviţă a passé en 1891 son examen de licence en sciences naturelles, sortant premier de sa promotion. 1891 marque également le début de la sa spécialisation de Racoviţă dans l'étude de la faune marine et ses premières publications spécialisées.
Sa thèse de doctorat de mai 1896 sur "Le lobe céphalique et l'encéphale des annélides polychètes", renforce sa position de spécialiste dans ce domaine, position due à des études approfondies basées sur la méthode historique de recherche. L'ouvrage du jeune roumain est beaucoup apprécié par les milieux scientifiques français en raison de son originalité, de sa vision d'ensemble et de son approche.
Après la fin de ses études, Racoviţă rentrera dans son pays d'origine pour y effectuer son service militaire.
Le premier hivernage en Antarctique
La renommée internationale dont il jouissait à l'époque le fait remarquer par Henryk Arctowski (1871–1958) qui le recommande au commandant belge Adrien de Gerlache (1866-1934) en vue de l'expédition antarctique que ce dernier prépare. L'expédition internationale de la Belgica(1897-1899) a été l'expression de la témérité humaine lancée à l'assaut de l'une des dernières "tâches blanches" de la Terre. Deux siècles étaient passés depuis que James Cook avait navigué dans les mers du sud, découvert l'Australie et la Nouvelle-Guinée et révélé le premier au monde le continent du sud extrême. Lors de la préparation de l'expédition, il existait peu d'informations et des indices vagues sur les terres autour du Pôle Sud. La "Belgica" a quitté le port d'Antwerpen/Anvers le 18 août 1897. Les 19 membres de l'expédition étaient originaires de Belgique, de Norvège, de Pologne, des USA et de Roumanie. Le plus âgé avait 32 ans.
Racoviţă participe ainsi au premier hivernage antarctique à bord de la Belgica en compagnie d'Adrien de Gerlache, de Henryk Arctowski, de Roald Amundsen (1872-1928), Frederick Cook (1865-1940), Antoine Dobrowolski (1872-1954), Émile Danco (1869-1898) et et de Georges Lecointe (1869-1929). L'expédition part vers l'Antarctique le 18 août 1897 et revient à Anvers le 5 novembre 1899, avec des résultats scientifiques exceptionnels (en 2008 leur dépouillement n'est pas encore complètement achevé !).
Concernant le choix de Racoviţă comme zoologiste de l'expédition, le médecin américain du navire, Frederick Cook, écrivait après le retour de l'expédition : Des efforts extraordinaires ont été faits pour avoir un zoologiste compétent, qui ait les qualités nécessaires à un explorateur polaire. Ce fut une des plus grandes difficultés. On en a cherché en vain en Belgique et en France et on a trouvé finalement Racovitza, qui avait été recommandé à Gerlache par son maître Lacraze-Duthiers et par Edouard von Beneden, membre de la commission "Belgica", qui connaissait ses qualités exceptionnelles et lui faisait totalement confiance. Mais Racovitza faisait son service militaire et on craignait que les interventions diplomatiques nécessaires pour sa permission eurent été trop lentes. Heureusement, il a été libéré et il a pu ainsi se joindre la famille croissante des pionniers.
Désireux d'arriver en avance au point de départ sud-américain de l'exploration polaire proprement dite, Racoviţă embarqua à Rio de Janeiro sur un autre navire plus rapide que la "Belgica", afin de débarquer à Punta Arenas à temps pour pouvoir explorer cordillère des Andes, la Patagonie méridionale et la Terre de Feu avant l'arrivée du navire de l'expédition. Ainsi, durant trois semaines, Racoviţă recueillit des observations intéressantes sur la population, les fossiles, la faune et la flore de la région. Il déplora la spoliation des Amérindiens, écrivit un dictionnaire entre la langue Ona et le Français, explora des grottes où l'on trouvait des fossiles de Mylodon, et envoya toutes ses notes, cartes, clichés et dessins à Bucarest... pour le cas où il ne reviendrait pas de l'expédition.
Puis il rembarqua sur "Belgica" lors de sa dernière escale d'approvisionnement à Punta-Arenas. L'expédition aborde la zone antarctique le 13 décembre, en plein été austral : elle y restera environ 15 mois. Les explorateurs durent affronter les icebergs, les tempêtes terribles du sud. Ils découvrirent des côtes, des golfes, des îles jamais explorés et qui seront inscrits pour la première fois sur les cartes. En signe de respect pour le grand professeur qui avait marqué les débuts de Racoviţă comme naturaliste, l'expédition baptisa l'une des îles Cobălcescu (malheureusement mal orthographiée sur les cartes ultérieures). Après avoir pénétré beaucoup plus vers le sud, "Belgica" fut prise dans une banquise et immobilisée dans le désert de glace. À partir du 28 février 1898, elle a hiverné dans la banquise australe, au-delà du 70ème parallèle, pendant 13 mois.
Pendant ce temps, l'équipage s'est constamment occupé, maintenant son rythme circadien malgré la nuit polaire, et n'interrompant ses sorties sur la banquise qu'en cas de blizzard : entretien du bord, prélèvements, observations et mesures météorologiques, hydrologiques, astronomiques et magnétiques, exploitation des données recueillies, rédaction des notes, chasse et pêche alimentaires, étude de la banquise, des oiseaux et des autres animaux occupèrent tous les hommes. Racoviţă s'avéra le boute-en-train et le caricaturiste de l'équipe, contribuant ainsi à sa cohésion et au maintien d'un moral élevé durant les mois de nuit polaire continue.
Après un an d'isolement dans les glaces, alors que les provisions allaient s'épuiser, les membres de l'équipage décidèrent de forcer la banquise en creusant eux-mêmes un canal dans la glace. Au prix d'efforts épuisants, ils réussirent ainsi à sortir le navire dans la mer libre. Le 25 mars 1899, "Belgica" était de retour à Punta Arenas et le 5 mai, à Anvers où il fut reçu triomphalement.
Sous-directeur du laboratoire "Arago" de Banyuls
Après le retour de cette expédition, Racoviţă commence à s'affirmer dans le domaine de la science. À Bruxelles en 1899, à Paris, à la Sorbonne, en 1900, et en Roumanie, la même année, il présente devant un grand et enthousiaste auditoire les résultats de ce voyage extraordinaire. Plus de 1 200 exemplaires du monde animal, 400 du monde végétal, des centaines de clichés sont le résultat de ses recherches de 15 mois près du Pôle Sud. Distribués aux chercheurs et aux savants d'Europe, ils ont constitué l'objet de plus de 600 études scientifiques publiées sous les directives d'Emil Racoviţă.
En 1893, Racoviţă est élu membre de la Société zoologique de France. Cela a ouvert la série des honneurs qui lui ont été accordées par des institutions scientifiques, sociétés et académies du monde entier. Il fut également nommé président d'honneur de la Société spéléologique de France.
On lui propose de s'établir à Bruxelles, à Paris, à Banyuls-sur-Mer, et on le rappelle en Roumanie où on lui propose une chaire à l'Université de Bucarest, dans l'intention de créer à Constanţa un laboratoire d'études maritimes (celui-ci sera finalement créé par son ami et collègue Grigore Antipa, fondateur de la géonomie. En effet Racoviţă, lié par des engagements antérieures en France, y restera jusqu'en 1920.
Il travaillera à Banyuls comme sous-directeur du laboratoire Arago et co-directeur de la revue "Archives de zoologie expérimentale et générale", où il restera pendant deux décennies qui ont été extrêmement fructueuses sur le plan scientifique. C'est là que Louis Boutan prit les premières photographies sous-marines au monde. Racoviţă déploie son activité aux côtés d'un de ses professeurs les plus appréciés, G. Pruvat. Ils font des études marines sur une barque à voiles et ensuite sur une barque à vapeur "Roland" et participe à la logistique des premiers clichés sous-marins. Il élargit ses recherches dans la Méditerranée occidentale, le long de la côte catalane et les îles Baléares. De nombreux scientifiques français participent à ces recherches. Le centre dirigé par Racoviţă et Pruvat devient un centre de recherches très réputé en Europe.
Les débuts de la biospéléologie
Lors du voyage effectué le 15 juillet 1904, sur l'île de Majorque, Racoviţă explore la grotte de Cueva del Drach. Pendant trois jours, il étudie les organismes adaptés à la vie des cavernes. L'un de ces invertébrés, Thyphlocirolana moraguesi, visiblement issu de lignées d'organismes marins déjà connus hors du monde souterrain, détermine Racoviţă à se consacrer prioritairement à l'étude des cavernicoles, jetant ainsi les bases d'une nouvelle science: la Biospéléologie.
Il explorera des grottes dans toute l'Europe, accompagné pendant un certain temps par une jeune Française, Hélène Boucard, qu'il épouse en 1907. Les recherches faites avant celles du savant roumain n'attribuaient au milieu souterrain que peu de chances d'existence de la vie. Partant de la découverte du cavernicole dans la grotte de Cueva del Drach, Racoviţă a montré que la faune des cavernes est beaucoup plus riche et variée que l'on ne le pensait, et que son étude peut aboutir à des découvertes intéressantes. L'une d'elles, et non des moindres, sera de démontrer quelques années plus tard que la répartition des faunes terrestres ne peut s'expliquer que par la dérive des continents, théorie émise en 1911 par le climatologue Alfred Wegener et alors encore rejetée par tous les géologues (elle ne sera admise par eux qu'à partir de 1976, après la découverte de la tectonique des plaques).
Après avoir étudié avec Hélène Boucard et avec son collaborateur René Jeannel de nombreuses grottes d'Europe et d'Afrique, en 1907 Racoviţă commença la publication de la revue de spécialité "Biospeologica" où il publiera ses observations sur les grottes sous le titre "Énumération des grottes visitées". Il publiera également dans cette revue l'étude "Essai sur les problèmes biospéléologiques", considéré comme "le certificat de naissance" de la biospéléologie.
Retour en Roumanie
La fin de la Première Guerre mondiale et les appels répétés des autorités roumaines déterminent Racoviţă à rentrer finalement en Roumanie (son épouse avait appris la langue) où il est nommé professeur titulaire de la nouvelle la chaire de biologie de l'Université de Cluj, ouverte le 2 février 1920.
Le 26 avril 1920, une loi décide de la création de l'Institut de spéléologie de Cluj, le premier du genre au monde. A l'unanimité du conseil scientifique, Emil Racoviţă est nommé directeur à vie de cet institut, où viennent le rejoindre ses amis et collègues René Jeannel et Alfred Chappuis.
Racoviţă a également participé à des expéditions spéléologiques, notamment dans les Monts Apuseni et dans les Carpates. Rien que dans la période 1920-1927 ont été étudiées et inventoriées 1116 grottes, inconnues en grande partie.
En 1920, il est élu membre titulaire de l'Académie roumaine. De 1926 à 1929 il a été président de l'Académie. Jusqu'en 1940, la vie de Racovita s'écoule riche en événements scientifiques.
Racoviţă n'a pas été oublié par sa patrie d'adoption, la France, qui l'a apprécié même après son retour en Roumanie. Il est invité d'honneur à Banyuls-sur-Mer en 1932, lors du cinquantenaire du laboratoire "Arago". Il visite Paris en 1936 où il tient trois conférences à la Sorbonne. De retour à Cluj, il continue son activité jusqu'en 1940, année du Pacte germano-soviétique et du Diktat de Vienne consécutif, qui contraignent Emil Racoviţă, septuagénaire, à s'établir à Timisoara, Cluj revenant à la Hongrie (à noter toutefois que les Hongrois maintinrent l'Institut de Biospéléologie, alors dirigé par l'ami Suisse de Racoviţă: Alfred Chappuis). Il rentre en 1945 à Cluj, où son nom était devenu un symbole de sa probité scientifique. Il a travaillé jusqu'au dernier jour de sa vie, le 19 novembre 1947.
Emil Racoviţă est l'auteur notamment d'un Essai sur les problèmes biospéologiques (1907) et de Speology (1927). Jusqu'en 1920, il dirige la revue intitulée Archives de zoologie expérimentale et générale. Il est fondateur de la biospéléologie et est considéré comme un des plus grands scientifiques européens.
Principaux ouvrages
- Essai sur les problèmes biospéléologiques (1907)
- La spéléologie (1927)
- L'évolution et ses problèmes (1929)
Sources
- Alexandru Marinescu: L'expédition "Belgica", Ed. Ion Creangă, Bucarest, 1991, (ISBN 973-25-0281-9)
- Anca Bănărescu, Alexandru Iftimie et Alexandru Marinescu: Le journal antarctique d'Emil Racoviţă, Ed. Compania, Bucarest, 1997, (ISBN 973-99224-6-4)
- Alexandru Marinescu: Emil Racoviţă et l'expédition "Belgica", Ed. All, Bucarest, 1999, (ISBN 973-9431-06-2)
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