Douleur émotive

Douleur émotive

Douleur

La douleur est la sensation ressentie par un organisme dont le système nerveux détecte un stimulus nociceptif. Habituellement, elle correspond à un signal d'alarme de l'organisme pour signifier une remise en cause de son intégrité physique. Ce mot peut également désigner des souffrances d'ordre sentimentales, par exemple, suite à un décès ou une rupture amoureuse.

D’après l’IASP (International Association for the Study of Pain) : « La douleur est une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable, liée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle, ou décrite en termes d'une telle lésion. »[1]

La personne a une sensation extrêmement désagréable, voire insupportable, qui peut provoquer un mouvement réflexe de retrait (au niveau des membres et des extrémités) ou un changement de position du corps.

La douleur peut être provoquée par un traumatisme (brûlure, plaie, choc ) ou une maladie, mais aussi par un mauvais fonctionnement du système nerveux responsable de sa transmission.

Sommaire

Physiologie de la douleur

Circuit de la douleur

Les connaissances concernant les voies neurologiques de la douleur sont actuellement en pleine mutation. Actuellement, il est individualisé par les voies nociceptives ascendantes de la périphérie du corps vers le cortex cérébral en passant par la moelle épinière et les voies de contrôles de la sensation nociceptive partant du cortex cérébral vers la périphérie. Leur but est la modulation de la perception de la douleur dans le sens d'une diminution ou aggravation de la sensation douloureuse. Ces voies nociceptives transmettent l'information du stimulus nociceptif grâce à des mécanismes électro-biochimiques faisant intervenir de nombreuses molécules et acides aminés.

Vitesse de la douleur

La douleur traverse le corps en 106 ms[réf. nécessaire]

Elle est véhiculée en premier lieu par les fibres A-delta qui conduisent le message nocicepteur à une vitesse de 15 à 30 m/s

Conséquences de la douleur

Outre le sentiment de souffrance, la douleur peut provoquer un malaise vagal par stimulation des nerfs vagues (nerfs pneumogastriques). Les symptômes de cette excitation vagale sont toutes ou parties des signes suivants :

La douleur prolongée est inhibée par le corps par sécrétion d'endorphines (ou endomorphines). La production d'endorphine se fait initialement aux niveaux des nerfs proches du siège de la douleur ; lorsque cette production ne suffit plus (douleur prolongée), c'est un site plus proche du cerveau qui prend le relais dans la sécrétion. On a ainsi une douleur qui va et qui revient par vagues.

Anthropologie de la douleur

La question de la variation culturelle de la façon dont les peuples appréhendent la douleur a fait l'objet de nombreuses investigations anthropologiques, notamment de la part de Mark Zborowski et David Le Breton.

Les trois grands mécanismes de genèse de la douleur

Il existe trois grands mécanismes de genèse de la douleur physique : la douleur par excès de nociception, la douleur neurogène et la douleur psychogène.

La douleur par excès de nociception

Les douleurs par excès de nociception sont provoquées par la mise en jeu normale des voies neuro-physiologiques de la douleur. C'est ce qui se passe lorsque vous frappez votre index au lieu du clou avec le marteau. Elles résultent de lésions des tissus périphériques, qui provoquent un excès d'influx douloureux transmis par le système nerveux intact.

La douleur neurogène

La caractéristique de la douleur neurogène, encore appelée douleur neuropathique, est d'être ressentie comme des décharges électriques, des élancements, des sensations de brûlures, des sensations de froid douloureux et des picotements dans le territoire des nerfs atteints. Ce sont des qualificatifs proposés par le questionnaire de la douleur St-Antoine (QDSA), mais aussi le DN4 (Douleur neuropathique - 4 questions). C'est aussi la douleur que ressentent les malades amputés et en particulier la sensation perçue dans un membre qui a disparu (membre fantôme).

La douleur psychogène

La douleur psychogène existe en l'absence de lésion. C'est une douleur réellement ressentie par l'individu (à différencier de la simulation). Les mécanismes physiologiques de ces douleurs ne sont pas clairement définis mais l'utilisation d'antalgique semble inefficace. Ces manifestations douloureuses sont liées à la somatisation des problèmes psychologiques, psychiques ou sociaux de l'individu et c'est en traitant ces problèmes que l'on traite ces douleurs.

Les trois dimensions de la douleur

  • Biologique : le caractère physique de la douleur telle qu'elle peut être représentée.
  • Psychologique : en relation avec la douleur ressentie personnellement.
  • Sociologique : l'interprétation des autres de sa douleur, et rôle des renforcements positifs et négatifs qu'elle induit dans la personnalité.

Différents types de douleur

La douleur aiguë et la douleur chronique

On différencie la douleur aiguë et la douleur chronique.

La douleur aiguë

La douleur aiguë est une douleur vive, immédiate, et généralement brève. Elle est causée par une stimulation nociceptive de l'organisme, tel une lésion tissulaire, pouvant se produire sous la forme d'un stimulus thermique (contact de la peau avec du feu ou de l’azote liquide) ou mécanique (un pincement, un coup).

La douleur chronique

  • Les douleurs chroniques sont des douleurs prolongées dans le temps : plusieurs jours, plusieurs mois voire plusieurs années.
  • Les douleurs chroniques sont insupportables tout autant par leur chronicité que par leur intensité : une douleur peu intense mais permanente peut être très difficile à vivre.

Mécanismes de la douleur

Les douleurs surviennent à partir de systèmes complexes. Elles se résument schématiquement en douleurs par excès de nociception, douleurs neurogènes, douleurs psychogènes, douleurs aiguës et chroniques.

Les douleurs par excès de nociception sont des douleurs mettant en jeu les voies normalement fonctionnelles de la transmission nociceptive. Les douleurs neurogènes sont liées à un défaut majeur de la transmission douloureuse avec génèse d'influx douloureux au sein des voies de la douleur alors qu'aucune lésion apparente n'existe. Elles surviennent de façon spontanée ou pour des mouvements minimes, persistant en fond douloureux accentués par des paroxysmes. Les douleurs psychogènes sont dépendantes du psychisme. Elles sont aussi appelées douleurs fonctionnelles ou psychosomatiques. Néanmoins, ce sont de vraies douleurs.

La douleur inflammatoire

  • La douleur inflammatoire est plus importante le soir et en début de nuit (lorsque le taux sanguin de cortisol naturel est au plus bas).
  • La douleur inflammatoire diminue ou disparaît après échauffement et à l'effort (activité professionnelle ou sportive) : douleur de dérouillage.

La douleur mécanique

  • La douleur mécanique est constante, ne diminue pas voire s'accentue à l'effort.
  • La douleur mécanique n'augmente pas le soir et en début de nuit.
  • La douleur mécanique diminue lorsque la mobilisation s'arrête.

La douleur musculaire

Lors de l'examen médical des muscles, en particulier en médecine du sport, ces différents temps de l'examen permettent de faire la distinction entre les différentes pathologies possibles.

La douleur (musculaire) à l'effort

La douleur musculaire est présente à l'effort. L'arrêt de l'effort physique ou la baisse de son intensité fait diminuer ou disparaître la douleur.

La douleur (musculaire) au repos

La douleur musculaire est présente au repos, lorsque les muscles sont "froids".

La douleur (musculaire) à la palpation

La palpation du muscle concerné provoque ou augmente la douleur : rictus douloureux sur le visage du sujet examiné, réaction de retrait…

La douleur (musculaire) à la contraction

La contraction volontaire provoque ou augmente la douleur.

La douleur (musculaire) à l'étirement

L'étirement du muscle provoque ou augmente la douleur.

Siège de la douleur

Les douleurs portent des noms différents selon leur siège. Ces noms sont en général en « -algie » :

Évaluation et traitement de la douleur

La perception de la douleur, de son intensité, est en partie subjective. Le même phénomène (traumatisme, maladie) sera ressenti différemment selon la personne et selon la situation. La douleur peut aller d'une simple incommodation jusqu'à un malaise, voire la mise en danger du pronostic vital ou psychiatrique de la personne. Par ailleurs, la douleur va être mémorisée, et ce souvenir risque de « ressortir » lors d'un événement similaire et donc notamment de « parasiter » le diagnostic dans l'avenir ; par exemple, une personne ressent une douleur aigüe au réveil d'une opération, mais ce n'est en fait que le souvenir de la douleur initiale, ou bien une personne se blessant deux fois ressent une douleur « surévaluée » lors du second traumatisme car le traumatisme précédent était extrêmement douloureux.

Il importe donc de pouvoir évaluer le ressenti par la douleur lors du diagnostic. Il convient de distinguer auto-évaluation et hétéro-évaluation.

Auto-évaluation

L'auto-évaluation consiste à demander directement au patient le niveau de sa douleur. Il nécessite une coopération et une bonne compréhension.

Le système le plus simple et le plus couramment utilisé est l'échelle numérique (EN) qui consiste à demander au patient de noter sa douleur de 0 à 10, 0 étant l'absence de douleur et 10 la douleur maximale imaginable. L'échelle visuelle analogique ou EVA consiste à présenter une réglette graduée et à demander au patient de positionner un curseur, la position à gauche étant l'absence de douleur et la position à droite une douleur insupportable. Côté praticien, la réglette est graduée de 0 à 10, 1 étant une légère incommodation et 10 étant une douleur insupportable. Une estimation supérieure à 5 est en général considérée comme étant une douleur importante devant être prise en compte spécifiquement (c'est-à-dire qu'il faut traiter en compte également la douleur et pas seulement le traumatisme et la maladie).

On utilise aussi l'« échelle verbale simple » (EVS) : on propose au patient une série d'adjectifs pour qualifier la douleur (absente > faible > modérée > intense > extrêmement intense > douleur maximale imaginable), qui est ensuite convertie en une valeur numérique (de 0 pour absente à 5 pour la douleur maximale).

On utilise aussi dans certains cas l'« échelle verbale relative » (EVR) : le principe est similaire à l'EVS, mais on distingue et quantifie séparément les différents types de douleur et leurs répercussions : fourmillements, décharges électriques, élancement, coup de poignard, douleur énervante, épuisante…

Hétéro-évaluation

Ces échelles sont basées sur l'observation du comportement du patient. Contrairement aux échelles d'auto-évaluation elles ne nécessitent pas la participation du patient et sont de ce fait recommandées dans l'évaluation de la douleur chez les personnes agées ou non communicantes mais aussi chez l'enfant.

  • personne âgée, notamment atteinte de troubles cognitifs comme la maladie d'Alzheimer (Échelle Doloplus [2])
  • les handicapés cérébro-moteurs. Il faut alors s'aider de l'interrogatoire de l'entourage qui les connait au quotidien et évaluer les changements survenus.
  • les nourrissons. Le signe majeur pour le petit enfant est le cri que la mère arrive souvent à distinguer des autres cris (peur, faim...). À un stade supérieur de douleur le nourrisson est souvent prostré. Deux échelles existent, bien que peu utilisées en pratique, il s'agit de la grille DESS (Douleur Enfant San Salvadour) et de l'échelle NCCPC (Non Communicating Children’s Pain Checklist) ou GED-DI (Grille d’Evaluation de la Douleur Déficience Intellectuelle)

Le problème principal de ces échelles et qu'elles comportent des items longs à répertorier et ne sont pas utilisable en urgence.

Traitement de la douleur

En France, le traitement de la douleur a longtemps été considéré comme secondaire, pour de nombreuses raisons culturelles :

  • on a longtemps cru que les nourrissons ne souffraient pas, car leur système nerveux n'est pas mature (les neurones sont incomplètement myélinisées) ; par ailleurs, ils n'expriment pas leur douleur de manière spécifique (autre que par des cris et des pleurs, qui sont leur mode de communication habituel) ;
  • la douleur révèle une affection, l'enlever supprime un élément de diagnostic : ceci n'est valable qu'avant le diagnostic (il est vrai qu'une autre douleur peut apparaître et être masquée par le traitement antalgique) ; par ailleurs, certains actes diagnostics sont eux-mêmes générateurs de douleur, notamment les actes invasifs comme une ponction osseuse ;
  • le traitement de la douleur aiguë fait appel à des médicaments classés comme stupéfiants, on avait peur que le patient devienne dépendant : ceci est insignifiant dans le cas d'un patient en fin de vie ;
  • certains avancent le poids de la culture judéo-chrétienne dans laquelle l'homme et la femme ont été destinés à souffrir en étant chassés du paradis.

Maintenant, la douleur est considérée comme une affection spécifique, et parfois même comme une urgence (par exemple, colique néphrétique).

Le traitement de la douleur dépend de l'intensité et de son origine, le traitement définitif étant le traitement de la cause, lorsque cela est possible. Il peut faire appel :

  • à un réconfort, au fait de détourner l'attention, au fait d'expliquer ce qui se passe (diminuer l'anxiété) ; cela est particulièrement flagrant avec les enfants ;
  • à une position d'attente : installation du patient dans une position qui minimise la douleur (le patient adopte en général instinctivement cette position) ;
  • au froid ou au chaud : suivant le type de douleur(mécanique ou inflammatoire), et appliqué localement et avec modération, il calme la douleur ;
  • à la dentisterie : douleurs posturales (muscles, myalgies) induites par une hauteur inadaptée des dents naturelles (voir "Science de l'occlusion dentaire") ;
  • à la kinésithérapie, massage, physiothérapie ;
  • à l'hypnose ;
  • à des anti-inflammatoires ;
  • à des antalgiques ;
  • à des sédatifs ;
  • dans les cas extrêmes à l'anesthésie ;
  • et dans certains cas, on a recours à l'antalgie interventionnelle.

Dans le cas de douleurs intenses, on peut laisser au patient la possibilité de gérer l'antalgie lorsque celle-ci est administrée par perfusion de morphine : le patient dispose d'un bouton poussoir qui active l'injection de morphine, la quantité injectée étant limitée par un réglage de l'appareil sur prescription médicale. Cette modalité d'analgésie est appelée analgésie contrôlée par le patient (ACP) ou PCA en anglais.

Le traitement de la douleur peut aussi reposer sur des méthodes de traitement physique: kinésithérapie, ostéopathie, ergothérapie, rééducation sensitive de la douleur, etc.

Réaction à la douleur

La réaction à la douleur est utilisée pour évaluer l'état neurologique d'un patient, et notamment son état de conscience. Il fait partie du bilan des secouristes ainsi que de l'échelle de Glasgow.

Si la victime n'a pas de réaction spontanée, ni au bruit ou au toucher, on teste sa réaction à la douleur. Il convient d'exercer une stimulation qui ne cause pas de blessure ni d'aggravation de l'état. Plusieurs méthodes peuvent être employées.

On a longtemps pratiqué un pincement de la peau ; celui-ci doit être évité. Sur une personne consciente, on n'utilise qu'un léger pincement aux extrémités (dos de la main ou dessus du pied, face interne du bras) pour vérifier si la personne ressent ce qu'on lui fait, mais pas comme méthode de stimulation d'une personne sans réaction.

  • une pression avec les doigts sur l'arrière de la mâchoire inférieure (nomenclature internationale = mandibule), sous les oreilles,
  • une pression appuyée au niveau sus-orbitaire.

La prise en charge médicale de la douleur

Cadre législatif

Le nombre de textes de loi qui traitent de la douleur prouve que celle-ci n’est plus un sujet délaissé par la politique de santé de notre pays. La prise en charge de la douleur est un droit pour les personnes soignées et un devoir pour les soignants, et revêt un aspect légal, éthique et moral que chaque soignant doit intégrer.

  • Décret de compétence n°2004-802 du 29 juillet 2004, relatif aux actes professionnels et à l'exercice de la profession d'infirmier

Article 2 : « Les soins infirmiers (…) ont pour objet (…) de participer à la prévention, à l'évaluation et au soulagement de la douleur et de la détresse physique et psychique des personnes».

Article 5 : « Dans le cadre de son rôle propre, l’infirmier accomplit les actes ou dispense les soins suivants visant à identifier les risques et assurer le confort et la sécurité de la personne (…) : recueil des observations de toutes natures susceptibles de concourir à la connaissance de l’état de santé de la personne : évaluation de la douleur ; (…) »

Article 7 : « L'infirmier est habilité à entreprendre et à adapter les traitements antalgiques, dans le cadre des protocoles préétablis, écrits, datés et signés par un médecin. Le protocole est intégré dans le dossier de soins infirmiers. » L’infirmière a donc pour obligation de prendre en compte et d’aider à soulager la douleur des personnes soignées.

  • Décret N°93-221 du 16 février 1993, relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières

Article 2 « L'infirmier ou l'infirmière exerce sa profession dans le respect de la vie et de la personne humaine. Il respecte la dignité et l'intimité du patient et de sa famille » Ceci implique que nous devons aussi reconnaître la personne et sa souffrance dans le respect de la vie.

  • La charte du patient hospitalisé

« Au cours de ces traitements et ces soins, la prise en compte de la dimension douloureuse, physique et psychologique des patients et le soulagement de la souffrance doivent être une préoccupation constante de tous les intervenants. Tout établissement doit se doter des moyens propres à prendre en charge la douleur des patients qu’ils accueillent et intégrer ces moyens dans son projet d’établissement. L’évolution des connaissances scientifiques et techniques permet d’apporter, dans la quasi totalité des cas, une réponse aux douleurs, (…) qu’elles soient ressenties par des enfants, des adultes ou des personnes en fin de vie. »

  • La charte de l’enfant hospitalisé (EACH, 1998)

Article 5 : On évitera tout examen ou traitement qui n’est pas indispensable. On essaiera de réduire au minimum les agressions physiques ou émotionnelles et la douleur.

Ces deux chartes permettent aux personnes soignées, enfants ou adultes (parents) de prendre connaissance de leurs droits en matière de soin, et notamment en ce qui concerne la prise en charge de leur douleur.

  • Circulaire DHOS/E2 n°2002-266 du 30 avril 2002, relative à la mise en œuvre du programme national de lutte contre la douleur 2002-2005 dans les établissements de santé.

Ce programme quadriennal (2002-2005) poursuit les axes d'amélioration du plan précédent. Il comporte par ailleurs trois nouvelles priorités, dont la douleur de l’enfant. Ces priorités s'articulent autour de cinq objectifs, dont le renforcement du rôle infirmier notamment dans la prise en charge de la douleur provoquée. »

  • Les principes de base des codes éthiques

Principe de non maléfiance : (depuis le serment d’Hippocrate) Ne pas utiliser ce que l’on sait pour faire du mal. Ce principe englobe non seulement le mal lui-même, mais aussi les risques de faire du mal. »

Principe de bénéficience : utiliser toutes nos connaissances en vue de faire le plus grand bien possible dans telle situation. »

Les soignants sont donc tenus, pour respecter l’aspect moral de leur profession, de ne pas ignorer l’inconfort, voire la souffrance que peut engendrer la douleur physique ou psychologique.

Anthropologie, sociologie

La douleur n’est pas du tout considérée ni prise en compte de la même manière selon les cultures. Chaque peuple a sa propre conception de la douleur. Cette notion s’applique aussi bien aux bénéficiaires de soins qu’aux valeurs des soignants. En effet, « ce ne sont pas seulement les malades qui intègrent leur douleur dans leur vision du monde, mais également les médecins et les infirmières qui projettent leurs valeurs, et souvent leurs préjugés, sur ce que vivent les patients dont ils ont la charge. » (LE BRETON D., 1995, p.136). Les religions sont aussi sources de valeurs, et donc d’interprétation de la douleur d’autrui. Voyons ce qu’il en est en fonction de leurs différences:

  • Dans la Bible, la douleur est associée à une punition divine lors du non-respect des lois dictées par Dieu : « Les récits de la Bible associent souvent la prospérité et la santé à la fidélité des hommes aux commandements de Dieu. Le malheur, la souffrance, la douleur frappent toute infraction à la loi. » (LE BRETON D., 1995, page 82). Mais l’interprétation qu’en fait la religion catholique est différente : « La tradition chrétienne assimile en revanche la douleur au péché originel, elle en fait une donnée inéluctable de la condition humaine. (…) L’acceptation de la douleur est une forme possible de dévotion qui rapproche de Dieu, purifie l’âme. Elle fut longtemps considérée, surtout dans l’Antiquité et au Moyen Âge, comme une grâce particulière. (…) La mort de Jésus sur la croix est essentiellement un mystère de la souffrance, un récit de la rédemption par une douleur infinie seule propre à absorber l’infini péché de l’homme. Longtemps pour le chrétien la douleur est participation sur un mode mineur aux souffrances exemplaires du Christ… » (LE BRETON D., 1995, p.89-91). Cette conception de la douleur est récurrente dans notre culture, ce qui expliquerait que dans nos sociétés occidentales, principalement judéo-chrétiennes, la douleur est sous estimée, voir complètement occultée.
  • Dans la religion musulmane : « Le musulman est moins confronté que le chrétien ou le juif au paradoxe du juste souffrant, car si pour ces derniers Dieu est amour, pour le premier il est surtout puissance absolue. Le fidèle se remet avec patience entre les mains de Dieu et témoigne de son endurance devant l’épreuve. (…) La douleur n’est pas la sanction d’une faute, elle est prédestinée, inscrite en l’homme bien avant sa naissance. (…) Mais si Dieu a créé la douleur il a aussi donné à l’homme les moyens de la combattre par la médecine et la prière. » (LE BRETON D., 1995, p.97-98). Ce qui signifie que les musulmans n’ont jamais refusé de soulager la douleur, ils sont même plus souvent demandeurs de soin que les juifs ou les chrétiens car la médecine est une science connue depuis de très nombreux siècles. De plus, la religion n’entrave pas la prise en charge de la douleur.
  • Quant aux spiritualités orientales : « Le corps est douleur, parce qu’il est le lieu de la douleur. » . « La misère humaine n’est pas le fait d’une punition des dieux, mais de la seule ignorance des hommes. La libération réside dans la révélation grâce à laquelle toute souffrance s’évanouit. » (LE BRETON D., 1995, p.100). En ce qui concerne les religions polythéistes, telles que le bouddhisme ou l’hindouisme par exemple, la religion permet aux hommes de s’affranchir de la douleur par la spiritualité.
  • La douleur a une signification même pour les individus athées : « La douleur est une incisive figure du mal. Constant rappel de la fragilité morale de l’homme. (…) L’idée de la maladie méritée, de la souffrance venant punir la conduite réprouvée d’un individu est encore profondément enracinée dans les consciences contemporaines. » (LE BRETON D., 1995, p. 104-105). Même chez les individus non religieux, la douleur est considérée comme la punition d’une faute commise.

D’autre part, les cultures aussi sont sources de valeurs et de croyances. Voici un exemple qui illustre très bien les différences qui existent entre les cultures en ce qui concerne le sens même que l’on donne à la douleur : « Un ethnologue raconte que dans la société qu’il étudie, une femme sachant qu’il possède une trousse de secours lui amène son enfant dont elle dit qu’il a un léger « bobo » au pied, la mère comme l’enfant ne semblent pas considérer la blessure avec gravité. Lorsque l’ethnologue détache le bandage en feuille de bananier de l’enfant, il découvre avec stupéfaction que l’on aperçoit l’os de l’enfant dont le pied ressemble, selon les termes de l’ethnologue à « une masse gélatineuse ». Dans cette même société, on l’appelle une autre fois au chevet d’une petite fille souffrant d’une constipation. Ce dernier cas, d’une gravité moindre aux yeux de l’ethnologue est considéré comme très grave par les membres de cette société du sud-ouest de la Tanzanie, car la constipation peut-être due à une action malveillante, par exemple celle d’un sorcier. ». Pour évaluer la douleur, il est donc primordial de prendre en considération l’origine ethnique des personnes soignées, et, dans le cas d’enfants hospitalisés, de l’origine de leurs parents. Ils exerceront un œil critique sur la prise en charge de la douleur de leur enfant, en fonction de leurs croyances et de leurs origines ethniques.

Psychologie

La prise en charge de la douleur peut s’expliquer par le fait que « (…) la pratique quotidienne d’actes douloureux oblige le soignant à mettre en œuvre un certain nombre de mécanismes de défense visant à le protéger, à le prémunir contre l’enlisement et la contamination par la souffrance de l’autre… » On peut noter un aspect intéressant de l’écho que peut produire la douleur de l’enfant chez le soignant : le déni. « Reconnaître, admettre la réalité de la douleur de l’enfant est un exercice difficile pour beaucoup d’équipes accueillant des enfants. D’autant que la non reconnaissance de la douleur est plus facile chez l’enfant car ses moyens d’expression sont plus limités. » (…) « Ce déni est souvent le reflet d’un malaise chez les soignants, d’une incompréhension de l’attitude de l’enfant, d’un dysfonctionnement au sein d’un service. » . On entend encore malheureusement dans les services : « Ce n’est pas de la douleur, c’est de la peur ou de l’anxiété… », ou bien : « C’est de la douleur mais il oubliera… », ou bien encore : « C’est dans la tête, c’est psychologique… ». Le déni de la réalité est un mécanisme de défense des soignants qui nient totalement une part plus ou moins importante de la réalité externe. « Le déni est un mécanisme psychologique où la personne réagit comme si sa pensée était toute puissante et qu’il suffisait de refuser la pensée d’une chose pour que cette chose n’existe pas. Mécanisme pathologique quand il est prévalent et rigide mais qui se retrouve sous une forme atténué chez tout un chacun sous la forme : « il ne faut pas penser au malheur, à la mort, etc. » ; héritage de la pensée magique chez les jeunes enfants. Dans la relation de soin, ce déni se manifeste rarement de façon ouverte mais plutôt de manière inconsciente qui peut se traduire par la persistance d’attitudes nocives (le déni favorise les conduites à risque)… ». Il existe une autre notion qui peut rentrer en ligne de compte dans ce déni des soignants face à la douleur de l’enfant : le concept d’amnésie infantile qui fait partie du développement psychologique de l’enfant. Il est vrai « que nous avons tous été des enfants ». Mais cette période de notre vie que nous avons tous en commun est recouverte « d’un voile d’étrangeté », peu, voir aucun souvenir de cette époque nous revient consciemment à la mémoire. « Qu’il est donc difficile de comprendre ce que veut, ce que cherche, ce que demande un enfant ! » : cela explique cette facilité des soignants à ne pas prendre en compte la douleur de l’enfant qu’il soigne, ne se souvenant pas eux-mêmes de ce qu’ils ont ressenti et vécu à cette période de leur vie. Un autre concept intéressant concernant le vécu de la douleur par les soignants est le transfert. Les soignants adultes résistent mieux à la douleur en général, et donc transfèrent leurs ressentis et leurs émotions sur la personne qu’ils soignent. Ils pensent que l’enfant supporte la douleur de la même façon qu’ils le feraient.

Pousser un juron peut également avoir un effet anti-douleur[3].

Les caractéristiques de la douleur dans l'examen clinique

Le clinicien, lorsqu'il recherche les signes fonctionnels dans l'examen clinique de son patient, va demander et noter les différentes caractéristiques de la douleur que son patient lui reporte:

  • Le siège.
  • Le type de douleur, (électrique, brûlure etc...).
  • L'intensité.
  • L'évolution de la douleur: depuis combien de temps le patient a t-il cette douleur? cela a t-il commencé brutalement ou progressivement?
  • Les possibles irradiations.
  • Les facteurs déclenchant, (par exemple la prise d'un repas).
  • Les facteurs apaisant, (par exemple la prise d'un médicament).
  • Les signes associés.

Cela va permettre au clinicien de mieux comprendre l'origine de cette douleur et mieux la soigner.

Notes et références

  1. Chapitre 5 - Douleur, cours en ligne sur le site de la Faculté de Médecine Pitié-Salpêtrière, http://www.chups.jussieu.fr, page consultée le 22 janvier 2008.
  2. Échelle Doloplus
  3. Stephens R, Atkins J, Kingston A, Swearing as a response to pain, Neuroreport. 2009;20(12):1056-1060

Voir aussi

Bibliographie

  • Douleur et médecine, la fin d'un oubli, Isabelle Baszanger du CERMES, Ed. Seuil, 1995
  • La prise en charge de la douleur, Annales pharmaceutiques françaises, Ed. Masson, 2000
  • La douleur, le réseau et le médecin généraliste, Francine Hirszowski, Francis Diez et François Boureau, Ed. John Libbey Eurotext, 2001
  • Combattre la douleur, Raoul Relouzat et Jean-Pierre Thiollet, Anagramme Ed., 2002
  • De la douleur, F.J.J. Buytendijk, Éd PUF, Paris, 1951
  • Histoire de la douleur, Roselyne Rey, Ed. La Découverte Poche (sciences humaines et sociales), 2000
  • Anthropologie de la douleur, D. Le Breton, Éditions Métailié, Paris, 1995, 237 pages
  • Apprivoiser la douleur, B. Calvino (Le Pommier, 2004) (ISBN 2746501791)
  • De la douleur, Jean-Pierre Peter, Éd Quai Voltaire, Paris, 1993
  • Penser l'humain à l'aune de la douleur, Ophir Levy, Éd L'Harmattan, Paris, 2009
  • Manuel de rééducation sensitive, Claude Spicher, Éd Quai Médecine & Hygiène, Paris, 2003^

Liens externes

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Voir « douleur » sur le Wiktionnaire.

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  • Thérèse de Lisieux — Pour les articles homonymes, voir Sainte Thérèse. Sainte Thérèse de Lisieux Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus et de la Sainte Face en 1895 …   Wikipédia en Français

  • amortir — [ amɔrtir ] v. tr. <conjug. : 2> • fin XIIe; lat. pop. °admortire, de mortus → 2. mort 1 ♦ Rendre moins violent, atténuer l effet de. ⇒ affaiblir, diminuer, réduire. Tampons destinés à amortir un choc. Il est tombé sur un massif qui a… …   Encyclopédie Universelle

  • IMPUISSANCE — Le terme d’impuissance recouvre une très grande complexité de faits cliniques. E. Bergler définit ce trouble de la réaction sexuelle de l’homme comme «une inhibition centrale qui se manifeste localement au niveau du pénis, organe exécutif de la… …   Encyclopédie Universelle

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