Dit des trois morts et des trois vifs

Dit des trois morts et des trois vifs
Miniature du XVe siècle, Maître d'Edouard IV

Antérieurement à la Danse macabre (qui met en scène la Mort entraînant à sa suite une farandole hiérarchique de vivants), le Dit des trois Morts et des trois Vifs (ou Dict, ou légende) représente, sous forme de peinture, de miniature, d'enluminure ou de sculpture, trois cadavres s'adressant à trois jeunes piétons (ou trois jeunes cavaliers) richement parés, souvent en train de chasser.

Ici, le thème n'est pas la mort en soi – celle des trois jeunes hommes –, comme dans le Triomphe de la Mort, l'Ars moriendi, les Vanités ou les Memento mori, mais plutôt la leçon, l'avertissement d'une décomposition, d'une pourriture à venir dans un futur plus ou moins lointain.

Le premier texte connu relatif au Dit des trois Morts et des trois Vifs date des années 1280. La bibliothèque de l'Arsenal conserve la plus ancienne gravure française, de la fin du XIIIe siècle. La plus ancienne représentation peinte, également du XIIIe siècle, était vraisemblablement celle de l'église Sainte-Ségolène de Metz, qui a disparu lors des travaux de restauration du bâtiment, entre 1895 et 1910.

Sommaire

Iconographie

Le Dit des trois morts et des trois vifs, église Saint-Pierre, Lancôme.

Les variations locales de représentation ne permettent pas de retracer avec précision l'évolution de l'iconographie. Cependant les premières iconographies représentent les jeunes gens à pied jusqu'au milieu du XIVe siècle. Ce n'est qu'après cette date qu'ils apparaissent en cavaliers. Les faucons et les chiens sont presque constants : la légende même exige la présence de trois seigneurs riches et puissants, et l'équipage de chasse met au mieux cet aspect en évidence [1]. Alors que les trois Vifs sont identiquement vêtus, on observe souvent une gradation dans la représentation des trois Morts : le premier squelette et son suaire en assez bon état, le deuxième suaire en lambeaux alors que le troisième suaire a quasiment disparu. Les trois Morts sont habituellement debout, surgissant du cimetière dans un effet saisissant de surprise, et peuvent être équipés de faux, d'arcs, de flèches... La croix – celle du cimetière – au centre de la composition sépare les deux groupes de personnages ; elle fait partie de la légende, qui est parfois racontée par saint Macaire, figurant alors sur la représentation.

Le Dit des trois morts et des trois vifs, église Saint Germain, La Ferté-Loupière, Yonne.

Textes

Parmi la vingtaine de textes qui sont parvenus jusqu'à nous, on peut citer :

  • Celui de Baudouin de Condé (actif de 1240 à 1280) accompagne la gravure conservée à la bibliothèque de l'Arsenal. En vingt-six vers, l'introduction présente les trois Vifs qui sont prince, duc et comte, apercevant brusquement les trois horribles Morts. Chaque Vif prend ensuite la parole pour décrire la vision insoutenable, comprendre la leçon faite à leur orgueil... Le premier Mort affirme qu'ils seront à leur tour aussi affreux qu'eux-mêmes, le deuxième accuse la méchanceté de la mort et se plaint de l'enfer, le troisième insiste sur la précarité de la vie et la nécessité de se tenir prêt à la mort, inéluctable. Ce poème se conclut par quatre vers « admirables d'espoir, de bonté, de repentir, de grâce divine » adressés par les morts aux vivants :

« Pries pour nous au patre nostre
S en dites une patesnotre
Tout vif de boin cuer et de fin
Que Diex vous prenge a boine fin. »

  • Le Dit de Nicolas de Margival (fin XIIIe siècle) présente les trois jeunes gens comme étant pleins d'orgueil, issus de très puissantes familles royale, ducale et comtale. Dieu, voulant les avertir, les met en présence de trois morts décharnés. Chaque personnage prend ensuite la parole, puis, dans la conclusion, les morts laissent les vivants pâles et apeurés, tirant la morale : « Menons la vie qui plaît à Dieu, gardons-nous d'aller en enfer, sachons que la mort nous saisira aussi, et prions Notre-Dame, à l'heure de notre mort, d'être près de son fils. »

Représentations murales

Le Groupe de recherche des peintures murales a recensé 92 peintures murales en France, il en existe autant en Europe.

Liste non exhaustive (source : Utzinger H. & B.) :

La fresque de la chapelle de Kermaria an Iskuit.

En France

En Europe

  • Augsbourg (Allemagne)
  • Badenweiler (Allemagne)
  • Bregninge (Danemark)
  • Bruxelles (Belgique)
  • Chammünster (Allemagne)
  • Kirkerup (Danemark)
  • Pise (Italie)
  • Sempach (Suisse), Kirchbühl
  • Skibby (Danemark)
  • Tüse (Danemark)
  • Überlingen (Allemagne)
  • Wismar (Allemagne)
  • Zaltbommel (Hollande)
  • Zutphen (Hollande)

Notes et références

  1. Utzinger (Hélène et Bertrand), Itinéraires des Danses macabres, éditions J.M. Garnier, 1996, ISBN 2-908974-14-2.

Voir aussi

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Références

1. Vers 1285, Paris, BNF, ms.3142, f.311v.
2. Vers 1310, Arundel ms.83, f.127.
3. Entre 1332-1349, New-York, Cloisters Mus., ms.1969, f.321v-322r.
4. Vers 1485-1489, Chantilly, mus. Condé, ms.65, f.86v.
5. Vers 1460, Moscou, mus. hist., Mus.388, f.17.
6. Vers 1500, Londres, British Library, ms.35313, f.158v.
7. Fin XVe siècle, Lewis, ms.E108, f.109v.

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