- De La Rocque
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François de La Rocque
Le colonel François de La Rocque de Severac, (6 octobre 1885 à Lorient, mort le 28 avril 1946 à Paris) est un militaire et un homme politique français, président des Croix-de-feu issu des anciens combattants de la Grande Guerre, puis du Parti social français, premier parti de masse de la droite française, résistant fondateur du réseau Klan, mort des suites de sa déportation. Il fut remarquable par son opposition à la collaboration et aux mesures prises contre les Juifs pendant l'Occupation.
Famille
Il était le troisième fils du général Raymond de La Rocque (1841-1927), ancien élève de l'école polytechnique, servant dans l'artillerie de marine et basé à Lorient, et d'Anne Sollier. Son frère aîné, Raymond de La Rocque (1875-1915), chef de bataillons, a été tué pendant la guerre de 14-18, tandis que le cadet, Pierre de la Rocque (1880-1954), était conseiller du Comte de Paris. Leur famille était originaire et tenait son nom du hameau de La Rocque à Saint-Clément en Haute-Auvergne où il est enterré avec ses deux fils Jean-François (1914-1940), et Jacques (1919-1948), tous deux aviateurs morts pour la France. Il possédait sur la commune voisine, le château d'Olmet, dont sa dernière fille Edith de La Rocque, devenue religieuse, a fait un établissement de séjour et de travail pour les handicapés.
Officier d'active et ancien combattant
Après avoir fait Saint-Cyr, il combat durant la Grande Guerre, et fut en 1918, à l'âge de trente-trois ans, le plus jeune commandant de l'armée française.
Patriote et traditionaliste, La Rocque milite en faveur du Catholicisme social (créé par Félicité Robert de Lamennais au début du XIXe siècle), puis rejoint les Croix de Feu, mouvement politique d'anciens combattants fondées par Maurice d'Hartoy.
L'aventure des Croix de Feu (1931-1936)
Le lieutenant-colonel François de La Rocque devient le principal animateur et dirigeant des Croix de Feu de 1931 jusqu'à leur dissolution en juin 1936 (voir l'article consacré aux Croix de Feu pour plus de précisions).
Avec La Rocque, les Croix de Feu se distinguent des autres ligues par son respect de la légalité républicaine (refus de profiter des violences du 6 février 1934[1]), son rejet de l'antisémitisme biologique et sa défense des juifs assimilés[2], création du PSF lorsque le Front populaire au pouvoir interdit les CF à l'été 1936[3], un nationalisme mystique et non raciste (dans la même lignée que Charles Péguy et Charles de Gaulle). Un exemple : il envisage favorablement la perspective d'États-Unis d'Europe construits progressivement et démocratiquement : "L'union des États de l'Europe semble donc devoir débuter sous l'aspect d'un accord, d'une combinaison d'accords commerciaux. Elle s'amorcerait de la sorte par un régime simplificateur des relations réciproques entre les peuples et par un commencement de stabilité dans les échanges commerciaux. Les États-Unis d'Europe ne sauraient être que l'élargissement d'une entente économique préliminaire[4].".
Le fondateur du Parti social français (1936-1940)
La Rocque se lança alors dans la politique en fondant le Parti social français, dont la devise fut reprise, sans lui demander son avis, par Vichy : Travail, Famille, Patrie. Dans son livre "Service Public". La Rocque préconise un régime présidentiel, la "participation -association du capital et du travail" et le vote des femmes.
A la veille de la guerre, le Parti social français est le premier parti de France (plus d'un million d'adhérents).
Le "sursis de guerre" et le rejet des deux totalitarismes
L'attitude du colonel de La Rocque durant les années 1938-1939 se distingue du pacifisme ambiant dans une bonne partie de la classe politique française, à gauche comme à droite. Il estime en particulier que la France, "en sursis de guerre", doit avant tout se mobiliser pour être capable d'affronter l'Allemagne avec succès[5].
La Rocque a très tôt rejeté dans un refus commun les deux régimes soviétique et nazi. "Notre idéal de liberté et de défense de la civilisation chrétienne repousse également le joug hitlérien et la tyrannie moscovite", écrit-il en 1937-1938. [6] Il diffère donc d'une grande partie de la droite qui avait fini par penser "plutôt Hitler que Staline"[7].
Dès 1937, soit deux ans à l'avance, il pressent, grâce à sa grille de lecture "chrétienne" de la politique, le pacte germano-soviétique de l'été 1939, qui surprendra cependant le monde entier. La Rocque écrit ainsi dans Le Petit Journal du 14 juillet 1937 : "Le danger allemand est, aujourd'hui, au premier plan visible. Le danger russe est surtout d'ordre moral. Mais l'un est complémentaire de l'autre : l'un et l'autre peuvent momentanément s'associer contre nous."[8]
Vichy, Résistance et déportation (1940-1946)
Le 16 juin 1940, La Rocque, directeur du Petit Journal, lance le premier appel à la "Résistance".[réf. nécessaire] Quand survient l'armistice du 22 juin 1940, La Rocque rappelle que cette situation dramatique ne suspend nullement les hostilités et dénonce la collaboration avec l'Allemagne "pas de collaboration sous l'occupation". À l'égard du régime de Vichy, il précise : « loyalisme à l'égard de Pétain, mais réserve absolue à l'égard du gouvernement de Vichy ».
Si certaines idées du régime de Vichy (les plus modérées) pouvaient se rapprocher des siennes (corporatisme, politique de la jeunesse et des sports, politique sociale, politique de la famille, etc.), François de la Rocque réprouvait à la fois la dictature (qui l'empêchait de s'exprimer librement), le principe de réformer la France sous occupation ennemie, la collaboration (condamnation du STO, de la Milice, de la LVF) et plus encore le fascisme et le nazisme dans lequel il voyait depuis plusieurs années une résurgence du paganisme.
La Rocque finit par entrer en Résistance dès août 1940 en collectant des renseignements, formant ainsi le réseau Klan qui se branchera en mai 1942 sur l'Intelligence service britannique via le colonel Charandeau à Madrid (réseau Alibi). Le réseau Klan, considéré comme un sous-réseau du réseau Alibi, sera félicité deux fois par l'Intelligence Service britannique. Il semble qu'à la demande des britanniques, la Rocque ait dû, pour ne pas éveiller les soupçons, garder officiellement une attitude extérieurement bienveillante à l'égard du maréchal Pétain.
François de La Rocque est arrêté par la police allemande le 9 mars 1943, ainsi que, dans les deux jours qui suivent, 152 dirigeants du Parti social français. Selon Jacques Nobécourt, "Jusqu'à la fin de sa liberté, la Rocque resta convaincu qu'il avait le devoir d'éclairer Pétain sur les égarements dans lesquels l'entraînait son entourage. Il finit par en obtenir trois rendez-vous au début de mars 1943. Quarante-huit heures plus tard, il était arrêté par la Gestapo de Clermont-Ferrand, en même temps qu'une centaine de cadres du PSF dans toute la France."[9] Pour certains historiens, cette arrestation proviendrait des tentatives faites par le colonel de La Rocque pour convaincre le maréchal Pétain de partir en Afrique du nord.
Arrêté et déporté en 1943 en Tchécoslovaquie puis en Autriche, où il a la surprise de retrouver Edouard Daladier, Paul Reynaud, Jean Borotra, Léon Jouhaux. Après une opération chirurgicale, La Rocque rentre en contact avec des parachutistes américains. C'est la 103e Division Américaine qui libère François de La Rocque et les otages détenus à Itter le 7 mai 1945.
La Rocque revient en France libérée le 9 mai 1945 et se voit placé en internement administratif jusqu'au 31 décembre 1945 afin de l'éloigner des affaires politiques, notamment des négociations du Conseil National de la Résistance. La commission de vérification des internements administratifs réclame sa libération, mais le gouvernement ne tient pas compte de cet avis. À sa sortie d'internement administratif il est assigné à résidence et décède quelques mois plus tard le 28 avril 1946 des suites de plusieurs années de détention et des suites d’une intervention chirurgicale. Ses proches ont toutefois pu créer un Parti républicain social de la réconciliation française qui évoque le défunt PSF.
Le lieutenant-colonel François de La Rocque fut décoré à titre posthume, en 1961, de la médaille des déportés et se vit attribuer la carte de résistant, qui lui avait été refusée de son vivant. De Gaulle rendit hommage alors, en tant que Chef de l'Etat à la "mémoire du Colonel de La Rocque, à qui l'ennemi fit subir une cruelle déportation pour faits de Résistance et dont, je le sais, les épreuves et le sacrifice furent offerts au service de la France". Le Gouvernement de Michel Debré présenta "les excuses du Gouvernement pour une injustice dont il mesure la profondeur" (Le Monde, 30 avril 1961).
Polémiques sur le colonel de La Rocque
Dans les années 1930, le colonel de la Rocque est devenu, pour l'opinion publique de gauche, le symbole du fasciste français. Cette image a perduré, même si la grande majorité des historiens (l'école française, mais pas certains américains tels Robert Soucy) la considèrent comme une erreur historique.
L'image de "fasciste" de La Rocque reposait essentiellement sur les traits suivants :
- Les Croix de Feu étaient au départ très nationalistes et cette mauvaise réputation leur restera auprès de leurs adversaires. Mais l'attitude de La Rocque a progressivement expurgé les Croix de Feu de leurs éléments extrêmes, jusqu'au flirt du PSF avec le parti radical (centriste) à la fin des années 1930. Par l'attitude modérée de La Rocque, Croix de Feu puis PSF se sont régulièrement purgés de leurs éléments extrémistes.
- Il soutenait une ligne antiparlementaire, en faveur d'un régime présidentiel, ce qui, dans l'esprit des républicains de gauche, suffisait à le faire passer pour un fasciste (la même chose se produira pour de Gaulle en 1947 et en 1958).
- Le PSF était devenu le premier parti de droite de masse, ce qui était suspect au yeux de ses opposants.
- L'attitude complexe de La Rocque face au régime de Vichy (proche de celle du maréchal de Lattre et de celle de François Mitterrand, par exemple) fut incomprise en 1945 lorsque les choses se devaient d'être toutes blanches ou toutes noires.
L'image dont le colonel de La Rocque souffrira longtemps est également due aux injures et aux calomnies venues tout autant de l'extrême gauche que de l'extrême droite.
- Les plus durs furent finalement l'extrême droite, qui ne pardonna jamais à La Rocque d'avoir refusé de soutenir une prise de la Chambre des députés le 6 février 1934 (on traite alors les Croix-de-feu de "froides-queues"), d'avoir refusé de se joindre aux coalitions nationalistes (Front de la liberté, etc.) dans les années 1930, d'avoir refusé de rejoindre le régime de Vichy et la Collaboration (La Rocque était traité d'"enjuivé").
Avis sur La Rocque
- L'historien Jean-Noël Jeanneney : "La gauche ayant à l'époque désigné en face d'elle l'homme des Croix de feu et du PSF comme un adversaire majeur, elle l'avait, dans la chaleur des affrontements, caricaturé jusqu'à en faire le leader d'un fascisme français. Que cette déformation fût en soit un fait historique est incontestable. Mais au premier degré, l'étiquette était erronée, donc injurieuse pour qualifier un homme que, parmi les droites, distinguait sa fidélité au christianisme social, qui ne songea pas à franchir le Rubicon et qui, sous Vichy, fut finalement déporté par les Allemands" [10]
Il est à signaler que le Nouvel Observateur et Jean Daniel ont défendu la mémoire de La Rocque (cf éditorial de Jean Lacouture dans Le Nouvel Observateur en 1997).
Références
- ↑ Il s'est contenté de commander, à partir de son « poste de commande » à quelques rues de la chambre des Députés, la participation (de façon « disciplinée ») de ses troupes aux manifestations.
- ↑ En particulier ceux de droite et les anciens combattants de 14-18. Après 1936, il dénonce les immigrants juifs, en particulier, ceux du Front populaire et, en 1940, il accuse la « purulence juive soutenue par les complots francs-maçons », Disciplines d'action, Éditions du Petit Journal, Clermont-Ferrand, 1941, p.91, 97-99, 146.
- ↑ Il déclare à ses troupes, à cette époque : « La seule idée de briguer un mandat me donne des nausées : c’est une question de tempérament » (Archives Nationales 451 AP 129 (2 janvier 1936).
- ↑ Service public, Grasset, Paris 1934, p. 171.
- ↑ Le Petit Journal du 30 septembre 1938, 13 octobre 1938, 20 octobre 1938 et discours du meeting du Vel d'Hiv, 3 novembre 1938, 7 novembre 1938 et discours de Metz, 9 mars 1939, etc. cités in Bulletin des Amis de La Rocque (ALR) n°60, décembre 1998
- ↑ La Rocque, Bulletin d'information du PSF du 8 juillet 1938, discours au Congrés PSF de Marseille, le 8 juin 1937, in Bulletin des Amis de La Rocque n°60, décembre 1998
- ↑ Jacques Nobécourt, La Rocque, 1996, page 663
- ↑ La Rocque, Le Petit Journal du 14 juillet 1937 cité in ALR n°60
- ↑ Jacques Nobécourt, communication à l'académie de Rouen, 7 février 1998, in ALR n°61, juillet 1998
- ↑ Jean-Noël Jeanneney, Le passé dans le prétoire, Le Seuil, 1998.
Oeuvres de François de La Rocque
Livres
- François de la Rocque, Service public, Grasset, 1934.
- François de la Rocque, Au service de l'avenir, réflexions en montagne, Société d'édition et d'abonnement, 1949.
Autres
François de La Rocque, chef de parti politique, a été amené à écrire de très nombreux discours et articles, notamment :
- François de la Rocque, Pour la conférence du désarmement. La Sécurité française, Impr. De Chaix, 1932.
- François de la Rocque, Le Mouvement Croix de feu au secours de l'agriculture française, Mouvement Croix de feu, 1935.
- François de la Rocque, Pourquoi j'ai adhéré au Parti social français, Société d'éditions et d'abonnements, Paris, décembre 1936.
- François de la Rocque, Union, esprit, famille, discours prononcé par La Rocque au Vél'd'hiv, Paris, 28 janvier 1938, Impr. Commerciale, 1938.
- François de la Rocque, Paix ou guerre (discours prononcé au Conseil national du P.S.F., suivi de l'ordre du jour voté au Conseil ; Paris, 22 avril 1939), S.E.D.A., Paris, 1939.
- François de la Rocque, Discours, Parti social français. Ier Congrès national agricole. 17-18 février 1939., SEDA, 1939.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
Textes contemporains du sujet
- Croix-de-Feu, Le Complot communo-socialiste, l'insurrection armée dans l'unité d'action, Grasset, 1935.
- Mouvement social français de Croix-de-Feu, Pourquoi nous sommes devenus Croix de Feu (manifeste), Siège des groupes, Clermont, 1937.
- Henry Coston, La Rocque et les Juifs: un nouveau scandale, 1937
- Paul Creyssel, La Rocque contre Tardieu, F. Sorlot, Paris, février 1939.
- Maurice Pujo, Comment La Rocque a trahi, Sorlot, 1938.
Livres postérieurs à 1945
- Jacques Nobécourt, Le Colonel de la Rocque, ou les pièges du nationalisme chrétien, Fayard, Paris, 1996
- René Rémond, La droite en France, paris, Aubier-Montaigne, 1968.
- René Rémond: "La République souveraine - Histoire de la vie politique en France de 1879 à 1939", Fayard, 2002
- Michel Winock, Le Siècle des intellectuels, Seuil, 1999
- Michel Winock, « La Rocque et les Croix de Feu », Vingtième Siècle, Presses de la Fondation des Sciences Politiques, avril juin 2006 no 90 (avec en annexe le témoignage de Jean Boissonnat : "Mon Père était Croix de Feu"
- J. Brumeaux, dir., La Vérité sur La Rocque, des faits, des documents, comprenant :
- Audrain et Nielly, "La Rocque", 30 pp., 1 photo.
- J. Brumeaux, La Rocque chrétien, 38 pp., ill.
- J. Brumeaux, La Rocque et l'armée. 40 pp., 3 photos
- J. Brumeaux, Conférence faite le 18 juin 1950 à Vic-sur-Cère, à l'occasion du pèlerinage sur sa tombe.
- Dayras, La Rocque en déportation. 24 pp.
- (François de La Rocque), Deux prières de La Rocque déporté, 32 pp., ill., fac-similés.
- (François de La Rocque), Noël de La Rocque déporté, 16 pp., ill.
- A. de Préval, In Memoriam François de La Rocque, 28 pp., 2 ill.
- (François de La Rocque), Conférence faite le 6 octobre 1946.
- Maxime Weygand, La Rocque, 32 pp.
- J G L d'Orsay et J Brumeaux, Les Droits de La Rocque homme et citoyen. 64 pp.
- S.I.P.R.E., Le Petit Journal acquitté en cour de justice. Directeur : La Rocque., 1948, 64 pp.
- N**, Pourquoi nous suivons La Rocque, Mars 1945, in-16, 28 pp.
Liens externes
- Biographie par le Centre d'Histoire de Sciences Po
- Biographie 1
- Biographie 2
- Critique par Pascal Ory de la biographie de Jacques Nobécourt sur www.lire.fr
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