Cécil Saint-Laurent

Cécil Saint-Laurent

Jacques Laurent

Jacques Laurent-Cély, né le 5 janvier 1919 à Paris, mort le 29 décembre 2000 à Paris, était un journaliste, romancier, et essayiste français, ayant notamment publié sous divers pseudonymes dont celui de Cécil Saint-Laurent, et élu à l'Académie française en 1986. Militant royaliste dans sa jeunesse devenu anarchiste de droite[1], son nom reste associé au mouvement littéraire dit des Hussards.

Sommaire

Biographie

Jeunesse

Petit-fils du président du Conseil général de la Seine, fils d'un avocat inscrit au barreau de Paris, combattant de la Grande guerre et militant de Solidarité française de François Coty[2], Jacques Laurent-Cély était par sa mère neveu d'Eugène Deloncle.

Ayant suivi des études au lycée Condorcet, il entreprend une licence de philosophie à la Sorbonne[3], et s'engage rapidement à l'Action française de Charles Maurras, en écrivant au journal L'Étudiant français[4]. Il présentera plus tard son engagement ainsi : « c'est parce que je rencontrais l'Action française que j'échappais au fascisme[5] ».

En 1939, il doit interrompre ses études, à cause de la mobilisation[3]. Il ne joua qu'un rôle limité sous l'Occupation, avec un modeste poste au « Bureau d'études » du Secrétariat général à l'Information du régime de Vichy sous l'autorité de Paul Marion, où il fit la connaissance d'Angelo Tasca[6] mais aussi de François Mitterrand[7], et contribua à Idées, « revue de la Révolution nationale » fondée en 1941[8] . En août 1944, il est chargé d'établir un contact entre le maréchal Pétain et une unité auvergnate des Forces françaises de l'intérieur que dirige Henry Ingrand, Pétain envisageant alors un accord avec la Résistance pour rejoindre le maquis[9],[10]. Ce projet n'aura pas de suite, à cause du départ du maréchal à Sigmaringen, tandis que Jacques Laurent-Cély rejoindra à la fin du mois un bataillon des FFI devant opérer une jonction avec l'armée du général de Lattre de Tassigny[11]. Remonté à Paris sous l'épuration, il est brièvement incarcéré mais finalement relâché[12].

L'écrivain « Hussard »

Après la Guerre, il entreprend une carrière d'écrivain : ayant écrit sous divers pseudonymes « pour vivre » des chroniques théâtrales (Jean Paquin), quelques petits romans sentimentaux (Dupont de Ména, Roland de Jarnèze) ou policiers (Roland de Jarneze, Alain de Sudy, Gilles Bargy, Laurent Labattu, J.C Laurent), puis en 1948 une étude historique plus connue, Quand la France occupait l'Europe, sous le nom d'Albéric Varenne.

Mais il se fait véritablement connaître du public par des romans publiés dès la fin des années 1940, dont les plus célèbres restent Les Corps tranquilles, paru en 1948 (auquel Le Petit Canard, paru en 1954, constituera un post-scriptum), et la série populaire de Caroline Chérie, qui fera l'objet de douze traductions et de deux adaptations cinématographiques (en 1951, puis en 1968).

L'année 1951 voit la parution de son premier essai, Paul et Jean-Paul, dans lequel il se livre à un parallèle entre Paul Bourget et Jean-Paul Sartre, attaque Les Temps modernes et l'existentialisme. Dans le même temps, il fonde en 1952 la revue littéraire La Parisienne (qui accueillit la plume de Jean Cocteau, Jean-François Deniau, Henry de Montherlant, Jacques Perret ou encore Marcel Aymé), dans laquelle il écorna André Malraux, lui reprochant de « vivre tranquillement en pelotant des chefs-d'oeuvre plastiques après avoir envoyé tant de jeunes gens au casse-pipe[13] », puis dirige l'hebdomadaire Arts de 1954 à 1959. Son nom est alors associé au mouvement littéraire des Hussards, auxquels se rattachent aussi Antoine Blondin, Michel Déon et Roger Nimier, incarnant alors la droite littéraire[14]. A cette qualification, Bernard Frank préférera toutefois celle, plus ironique, de « fasciste[15] ».

Un auteur engagé

C'est par la guerre d'Algérie qu'il reprend son engagement politique : offusqué par la « trahison » du général de Gaulle par son projet d'autodétermination en 1959, il lance la revue L'Esprit public, qu'on présentera souvent comme « l'organe officieux de l'OAS ». Il la quitte toutefois en 1963, en désaccord avec les idées européistes et révolutionnaires de Jean Mabire[16].

En 1964, il attaque violemment le général de Gaulle par son pamphlet Mauriac sous de Gaulle, qui lui vaudra une condamnation pour « offense au chef de l'État ». Lors de ce procès, il déclara : « La situation de l'histoire des affaires est unique. Vingt ans après la Terreur, n'importe quel historien pouvait dire ce qu'il pensait de la Terreur ; vingt ans après le 18 brumaire, n'importe quel historien pouvait dire ce qu'il pensait du 18 brumaire ; vingt ans après la Terreur blanche, n'importe quel historien pouvait s'exprimer librement sur la Terreur blanche ; vingt ans après le 2 décembre, on pouvait parler du 2 décembre selon sa conviction ; vingt ans même, pour prendre un événement plus rapproché, après l'arrestation de Caillaux sous Clémenceau, on pouvait défendre Caillaux si on le voulait, ou en tout cas écrire un livre d'histoire absolument libre sur ce qui s'était passé entre 1914 et 1918. Mais vingt-cinq ans après le 18 juin, j'apprends par le réquisitoire qu'il est interdit de le commenter[17] ». Il publie peu après avec Gabriel Jeantet (ancien membre de La Cagoule puis résistant) Année 40, où il conteste l'importance de de Gaulle, le « planqué », dans l'organisation de la Résistance.

Retour au roman

Délaissant la politique (il y reviendra cependant par son autobiographie Histoire égoïste en 1976), Jacques Laurent refait surface dans le monde littéraire, par la publication de son roman Les Bêtises, qui obtiendra le prix Goncourt en 1971, puis avec Les Sous-Ensembles flous en 1981. L'ensemble de son œuvre sera couronné la même année par le Grand prix de littérature de l'Académie française et, deux ans plus tard, par le Prix littéraire Prince-Pierre-de-Monaco.

Fait chevalier de la Légion d'honneur, il est élu à l'Académie française le 26 juin 1986, au fauteuil 15, succédant à Fernand Braudel, et publia en 1988 un dernier essai remarqué sur Le Français en cage, dans lequel il s'en prend au « zèle excessif que déploient les policiers du langage dès que l'occasion leur est donnée de condamner ». Il meurt le 29 décembre 2000. Après sa disparition, il est remplacé à l'Académie par Frédéric Vitoux le 13 décembre 2001 .

Œuvres

Sous le nom de Jacques Laurent
  • 1947 : La Mort à boire, roman (Jean Froissart)
  • 1948 : Les Corps tranquilles, roman (La Table ronde)
  • 1951 : Paul et Jean-Paul, essai (Grasset)
  • 1954 : Le Petit Canard, roman (Grasset)
  • 1964 : Mauriac sous de Gaulle, essai (La Table ronde)
  • 1965 : Année 40, essai (avec Gabriel Jeantet) (La Table ronde)
  • 1966 : La Fin de Lamiel, essai (Julliard)
  • 1967 : Au contraire, essai (La Table ronde)
  • 1968 : Choses vues au Viêt Nam, essai (La Table ronde)
  • 1969 : Lettre ouverte aux étudiants, essai (Albin Michel)
  • 1971 : Les Bêtises, roman (Prix Goncourt, 1971) (Grasset)
  • 1972 : Neuf perles de culture, essai (avec Claude Martine) (Gallimard)
  • 1976 : Histoire égoïste, essai (La Table ronde)
  • 1979 : Le Nu vêtu et dévêtu, essai (Gallimard)
  • 1980 : Roman du roman, essai (Gallimard)
  • 1981 : Les Sous-Ensembles flous, roman (Grasset)
  • 1982 : Les Dimanches de Mademoiselle Beaunon, roman (Grasset)
  • 1984 : Stendhal comme Stendhal, essai (Grasset)
  • 1986 : Le Dormeur debout, roman (Gallimard)
  • 1988 : Le Français en cage, essai, (Grasset)
  • 1990 : Le Miroir aux tiroirs (Grasset)
  • 1994 : Du mensonge, essai (Plon)
  • 1994 : L'Inconnu du temps qui passe (Grasset)
  • 1997 : Moments particuliers (Grasset)
  • 1999 : L'Esprit des lettres (Éditions de Fallois)
  • 2000 : Ja et la Fin de tout (Grasset)
Sous le nom de J.C Laurent
  • 1950 : "Ne touchez pas à la hache !", roman policier (S.C.E.L / Editions "Je sers" n°1 de la Collection Oedipe)
Sous le nom de Cécil Saint-Laurent
  • 1961 : Les Agités d'Alger
  • 1963-1967 : Hortense 1914-18
  • 1969 : Les Petites Filles et les Guerriers
  • 1970 : La Communarde
  • 1972 : Lola Montes
  • 1975 : La Bourgeoise
  • 1978 : La Mutante
  • 1986 : L'Erreur
Sous le nom d'Albéric Varenne
  • 1948 : Quand la France occupait l'Europe (éditions le Portulan)

Bibliographie

  • Raphaël Chauvancy, "Jacques Laurent", Collection "Qui suis-je", éditions Pardès, 2009, 127 p.
  • Bertrand de Saint Vincent, Jacques Laurent, alias Cécil Saint-Laurent, Paris, Julliard, 1995, 453 p.

Lien externe

Notes et références

  1. François Richard, Les Anarchistes de droite, PUF coll. « Que sais-je ? », 1997, p.31
  2. Biographie de l'avocat Jean Laurent-Cély résumée par Henry Coston in Dictionnaire de la politique française, La Librairie française, 1972, p.368
  3. a  et b Biographie par l'Académie française
  4. Eugen Weber, L'Action française, Hachette Littérature, 1990, p.208
  5. Jacques Laurent, Histoire égoïste, La Table Ronde, 1976. Cité par Jean Sévillia, in Historiquement correct, Tempus, 2006, p. 316.
  6. Philippe Alméras, Vichy-Londres-Alger. Itinéraires tortueux et secrets mal gardés, Dualpha, 2002, p.92
  7. Emmanuel Faux, Thomas Legrand, Gilles Perez, La Main Droite de Dieu. Enquête sur François Mitterrand et l'extrême-droite, Seuil, 1994, p.156
  8. Voir Antonin Guyader, La Revue Idées, 1941-1944. Des non-conformistes en révolution nationale, L'Harmattan, 2006
  9. Jean-Raymond Tournoux, Pétain et la France, Plon, 1980, p.514 n.1
  10. Discours de réception à l'Académie française de Frédéric Vitoux
  11. A Guyader, op.cit., p.316 Lire en ligne
  12. P. Alméras, op.cit.
  13. La Nouvelle Revue d'Histoire n°27, nov-décembre 2006, p.40
  14. C'est le titre de l'essai de François Dufay, Le Soufre et le moisi : La droite littéraire après 1945. Chardonne, Morand et les hussards, Perrin, 2006
  15. Bernard Frank, Les Temps modernes, décembre 1952: « Nimier est de loin le favori d'un groupe de jeunes écrivains que par commodité je nommerai "fasciste", Blondin, Laurent en sont les prototypes. »
  16. Francis Bergeron et Philippe Vilgier, De Le Pen à Le Pen, Une histoire des nationaux et des nationalistes sous la Ve République, Dominique Martin Morin, 1986, pp.47-50
  17. Déclaration faite devant le Tribunal de la XVIIeme Chambre constitutionnelle, le 9 octobre 1965.


Précédé par
Fernand Braudel
Fauteuil 15 de l’Académie française
1986-2000
Suivi par
Frédéric Vitoux
Ce document provient de « Jacques Laurent ».

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