Compagnie francaise des Indes orientales

Compagnie francaise des Indes orientales

Compagnie française des Indes orientales

Armoiries de la Compagnie des Indes Orientales avec sa devise Florebo quocumque ferar, (Je fleurirai là où je serai portée).

La Compagnie des Indes orientales – plus précisément Compagnie française pour le commerce des Indes orientales – est une compagnie commerciale créée par Colbert en 1664 dont l'objet était de « naviguer et négocier depuis le cap de Bonne-Espérance presque dans toutes les Indes et mers orientales », avec monopole du commerce lointain pour cinquante ans.

Sa création avait pour but de donner à la France un outil de commerce international avec l'Asie et de concurrencer les puissantes Compagnies européennes fondées au XVIIe siècle, comme la Compagnie anglaise des Indes orientales et surtout la Compagnie hollandaise des Indes orientales. Cependant, la guerre d'usure avec les Hollandais puis le choc frontal avec les Anglais en Inde la conduiront à sa perte, après seulement un siècle d'existence.

Article détaillé : Compagnie des Indes.

Sommaire

Naissance du nouveau commerce français avec l'Asie

Des initiatives éparses contrées par les Hollandais

Dès le milieu du XVIe siècle, suivant la trace des Portugais — premiers à ouvrir les routes de l'Inde et de l'Asie du Sud-Est —, quelques explorateurs français, des corsaires et des aventuriers arment des navires pour rejoindre "Cathay" et "les Indes" et en rapporter des épices. Ils ne rencontreront pratiquement aucun succès commercial.

À partir de 1600, les premières expéditions commerciales de commerçants malouins ou Dieppois sont régulièrement lancées vers l'Asie. Une série d'éphémères compagnies de commerce qui bénéficient par lettres patentes d'un monopole commercial sont lancées (Compagnie Le Roy et Godefroy en 1604 devenue Compagnie des Moluques en 1615, Compagnie de Montmorency pour les Indes orientales, créée en 1611 par Charles de Montmorency-Damville, Amiral de France). Elles ne génèrent pas un courant commercial significatif d'autant que leurs vaisseaux sont systématiquement détruits ou confisqués par les Hollandais de la VOC (compagnie hollandaise des Indes orientales).

La politique volontariste de Richelieu

Cardinal de Richelieu, par Philippe de Champaigne.

L'arrivée de Richelieu au pouvoir en 1624 et la signature du traité de Compiègne avec les Provinces-Unies (Pays-Bas) qui reconnaît la liberté du commerce vers les « Indes occidentales et orientales » relance l'activité des Français en direction de l'Asie avec un double but, missionnaire et commercial. La route terrestre est explorée avec le réseau des frères capucins du Père Joseph et c'est un missionnaire – Pacifique de Provins – qui réussit à établir en 1628 des liens officiels entre la France et la Perse ouvrant par le golfe persique la route de l'Inde.

L'ordonnance royale de 1629, dite code Michau, encourage les Français à créer des compagnies de commerce à l'image des Hollandais et des Anglais.

À partir des années 1630, les Français s'intéressent au sud de l'océan indien et prennent possession de sites et de ports – notamment Fort-Dauphin et Port-Louis – à Madagascar et dans les Mascareignes (île Bourbon, île de France, île Rodrigues) ; La compagnie d'Orient est créée par lettre patente de juillet 1642 avec monopole de 15 ans sur Madagascar et les îles environnantes.

Au-delà de ces îles, la route des Indes est reprise par des missionnaires sous l'impulsion du jésuite Alexandre de Rhodes et de la Compagnie du Saint-Sacrement et qui privilégie la péninsule indochinoise.

En 1660, enfin est fondée la Compagnie de Chine, avec tous les puissants de l'époque, comme Mazarin ou Fouquet, souvent membres de la Compagnie du Saint Sacrement. Mais celle-ci se consacre exclusivement à des activités commerciales.

Création de la Compagnie

Une société organisée par Colbert

Jean-Baptiste Colbert.

Imaginée par Colbert, elle est créée par la Déclaration du Roi portant établissement d'une Compagnie pour le commerce des Indes orientales signée par Louis XIV le 27 août 1664 et des lettres patentes enregistrées par le Parlement de Paris. Les statuts en font une manufacture royale avec tous les privilèges associés, en particulier exemption de taxes, monopole exclusif du commerce dans l'hémisphère oriental (auquel s'ajoutent au XVIIIe siècle les côtes ouest de l'Afrique (Sénégal, Guinée), garantie sur trésor royal, pouvoir de nommer des ambassadeurs, de déclarer la guerre et de conclure des traités. Elle est dotée d'un capital initial de 8,8 millions de livres et d'une devise : « Florebo quocumque ferar », (« Je fleurirai là où je serai portée »).

La Compagnie se voit définir des objectifs plus vastes que le suggère son nom et qui sont de trois ordres : le commerce, évidemment, et la lutte contre les produits anglais et hollandais ; la politique, en contribuant au développement d'une marine nationale et en affirmant la présence française sur les mers ; la culture et la religion : en propageant la civilisation française et en évangélisant les « païens ».

Son premier directeur nommé par Colbert est François Caron, un huguenot exilé ayant œuvré 30 ans au sein de la VOC. A partir de 1666, le port de Lorient nouvellement créé en devient le siège.

Les indiennes de coton, enjeu important pour Colbert

Attentif à la question du textile, Colbert s'est intéressé aux efforts de ses prédécesseurs à l'époque d'Henri IV, pour développer la culture de la soie. Il sait que la communauté arménienne de Marseille, par ses liens avec l'Orient, importe des indiennes, ces cotonnades légères et fines, qui plaisent par leurs couleurs gaies.

La Compagnie des Indes Orientales vise d'abord cette activité, alors que le commerce du poivre est dominé par la compagnie néerlandaise des Indes orientales. Lorsqu'elle prend son essor, de Pondichéry et Calcutta, 8 à 10 vaisseaux chargés de tissus arrivent annuellement à Lorient, port important dans l'histoire des indiennes de coton en Europe.

En 1669, Colbert crée le port franc de Marseille où des Arméniens s’installent à sa demande, pour apprendre aux Marseillais à peindre les cotonnades et les approvisionner. Mais à partir de 1671, il entre en demi-disgrâce auprès de Louis XIV et la guerre de Hollande de 1672 nuit à ses projets.

Les premiers succès dans le Sud de l'Océan indien

Tout en échouant à créer une véritable colonie sur l'île de Madagascar (Fort-Dauphin), la compagnie réussit cependant à établir des ports sur l'île Bourbon et l'île de France, deux îles voisines, aujourd'hui la Réunion et l'île Maurice. Son capital est alors de 15 millions de livres (la famille royale en souscrit 3). Elle a pendant 50 ans le monopole du commerce entre le Cap Horn et le Cap de Bonne Espérance.

La guerre de Hollande en désorganise le fonctionnement. En 1682, la compagnie perd son privilège. En 1719, elle est absorbée par la Compagnie fondée par John Law.

Victime provisoire des manipulations financières de Law

En 1719, au bord de la faillite, John Law la fusionne avec d'autres sociétés de commerce françaises pour former la Compagnie perpétuelle des Indes. Cependant, elle retrouve son indépendance en 1723.

Dupleix et la conquête de l'Inde

Les comptoirs Européens en Inde.

Une pénétration réussie en Inde

En 1719, elle s'établit en Inde. Avec le déclin de l'Empire moghol, la Compagnie décide d'intervenir dans les affaires politiques indiennes de façon à protéger ses intérêts, notamment en forgeant des alliances avec les dirigeants locaux de l'Inde du sud. Vincent Pierre Fromager est directeur de la Cie des Indes[1]. En 1741, Joseph François Dupleix, qui recevra de l'empereur moghol le titre de nabab en 1750, mène une politique agressive contre les Britanniques.

Compétition frontale avec les Anglais

Lord Clive rencontre Mir Jafar après la bataille de Plassey.

Malgré plusieurs défaites infligées par le Britannique Robert Clive, la stratégie de Dupleix montre ses fruits et les Britanniques reprendront bientôt sa politique à leur compte. En 1753, les ventes de la Compagnie sont presque équivalentes à celle de la Compagnie anglaise des Indes orientales.

Cependant, les actionnaires français ne soutiennent plus désormais cette déviation du strict axe commercial et Dupleix est révoqué en 1754.

Échec

La Compagnie était à son époque considérée comme un placement solide et sûr. Voltaire y avait placé une partie de ses économies, sans nécessairement savoir le détail des opérations couvertes par celle-ci.

Mais en 1763, après le traité de Paris, la France perd son premier empire colonial, en particulier ses territoires du Deccan en Inde. Il ne lui reste en Inde que les cinq comptoirs de Pondichéry, Karikal, Yanaon, Mahé et Chandernagor, qu'elle conservera sous la forme des Établissements français de l'Inde jusqu'en 1949.

La Compagnie a été durement touchée par la Guerre de sept ans, à la perte de ses établissements en Asie s'ajoutant celle d'une partie de sa flotte. Malgré ces revers et son endettement, elle réussit à redresser sa situation commerciale[2], mais non à regagner la confiance de Choiseul, soucieux de contrôler les dépenses publiques[2]. Sous la pression des économistes et des armateurs, la compagnie est "suspendue" en 1769, et l'Asie ouverte au commerce privé[2].

Une seconde tentative : Compagnie des Indes orientales et de la Chine

En 1784, Guillaume Sabatier et son associé Pierre Desprez entreprennent un voyage à Londres. À la demande de Calonne, contrôleur général des Finances, ils négocient avec le gouvernement anglais la création d'une nouvelle compagnie française des Indes. Le 3 juin 1785 est créé une Compagnie des Indes orientales et de la Chine. Dotée d'un capital de vingt millions de livres, cette société détient le privilège du commerce au-delà du Cap de Bonne-Espérance (monopole confirmé par un arrêt du Conseil le 21 septembre 1786). Le monopole ne concerne pas les Mascareignes, les ports de l'Île de France et de l'Île Bourbon restant accessibles à tous les navires français[2].

La compagnie installe ses bureaux parisiens à l'hôtel Massiac, place des Victoires, et prend possession des bâtiments, magasins et ateliers de l'ancienne compagnie à Lorient et à Marseille. Elle ouvre des comptoirs dans les établissements français (à Canton, à Pondichéry, sur les côtes du Bengale, de Coromandel et de Malabar, à Moka, à Mahé et sur l'île Maurice) et envoie également des correspondants dans les ports le long de la route maritime des Indes (de Lisbonne à Canton).

Louis XVI nomme douze directeurs : Bernier, Gougenot, Sabatier, Dodun, Moracin, Demars, Gourlade, de Montessuy, Bérard, Bézard, Périer et J.J. Bérard. Obligation leur est faite de détenir chacun 500 actions de mille livres soit 20 % du capital porté à 30 millions par le décret de septembre 1786. La compagnie arme une quinzaine de bateaux et prospère très rapidement. Les bénéfices permettent de distribuer un dividende de 18 % en 1788 et de 16% en 1789.

Le 3 avril 1790, l'Assemblée nationale décrète que « le commerce de l'Inde, au-delà du cap de Bonne-Espérance, est libre pour tous les Français » et prive ainsi la compagnie de son monopole. Réunis en assemblée générale le 10 avril, les actionnaires nomment huit commissaires chargés d'étudier une éventuelle continuation de l'activité, parmi ceux-ci Dangirard, Monneron (fondateur de la Caisse des Comptes Courants), et Sabatier. Le 23 mai, les actionnaires décident la reprise d'activité et nomment 4 commissaires -Delessert, Fulchiron, Gauthier et Mallet- chargés de rédiger les statuts de la nouvelle Compagnie des Indes. Le capital est réduit à trente millions et le nombre de comptoirs ramené à sept : Pondichéry, Yanaon, Mahé, Canton, Surat, l'île Maurice et l'île de la Réunion. La libéralisation et la Révolution ne gênent pas la marche des affaires qui connaissent une croissance régulière et le cours de l'action atteint 1.500 livres.

Années Chiffres d’affaires Bénéfices
1786 14.631.807 livres
1787 12.805.994 livres
1788 19.157.615 livres
1789 11.088.028 livres 7.226.550 livres
1790 26.660.471 livres 8.013.363 livres
1791 35.154.473 livres 8.176.691 livres
1792 8.837.124 livres
1793 7.805.902 livres

Pendant la Terreur la Compagnie des Indes est soupçonnée d'activités contre-révolutionnaires et la Convention décrète le 26 juillet 1793 l'apposition des scellés sur ses bâtiments. Un deuxième décret du 11 octobre 1793 supprime la Compagnie des Indes et réquisitionne les marchandises et les navires (le tout estimé à 28.544.00 livres) ; les directeurs de la compagnie sont emprisonnés, beaucoup sont guillotinés, les autres échappent à la peine capitale en se faisant interner comme malades mentaux à la maison de santé du docteur Belhomme sur recommandation de Cambacérès, cousin de Sabatier et président de comité de législation.

Après le 9 Thermidor, Cambacérès, devenu président du comité de salut public, libère les directeurs rescapés. La direction de la compagnie est recréée sous une forme réduite : 10 personnes dont Sabatier, Mallet et Moreau. Le 30 mai 1795, une députation de quinze personnes (parmi lesquelles Lecouteulx, Audibert, Devaisnes, Mallet et Moreau) est envoyée à la Convention pour solliciter la restitution des biens saisis. En juillet 1795, le séquestre est levé et trois navires sont rendus. Mais la Compagnie des Indes ne peut reprendre ses activités commerciales et les actionnaires décident la liquidation.

Décidés à obtenir réparation des réquisitions de 1793, les commissaires-liquidateurs Mallet, Martin fils d'André et Rodier entament une procédure judiciaire contre l'État qui se termine en 1875.

Notes et références

  1. Pages de données
  2. a , b , c  et d "Quelques aspects du commerce entre la France et l'Asie à la fin du XIIIe siècle, 1765-1793, Philippe Haudrère in Révolution française et océan Indien, ISBN 2-7384-4110-6

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • René Favier, Les Européens et les Indes orientales au XVIIIe siecle ; aspects maritimes, commerciaux et coloniaux, Ophrys, 2000
  • Philippe Haudrère, Gérard Le Bouëdec, Les Compagnies des Indes, éd. Ouest-France, Rennes, 1999.
  • Philippe Haudrère, Les Compagnies des Indes orientales : Trois siècles de rencontre entre Orientaux et Occidentaux (1600-1858), Paris, Desjonquères, 2006 - ISBN 2-84321-083-6
  • Louis Mézin, Gérard Le Bouëdec, Philippe Haudrère, Les Compagnies des Indes, Ed. Ouest-France - 2005 - ISBN 2-73733-869-7
  • Michel Morineau, Les Grandes Compagnies des Indes Orientales, coll. Que sais-je ?, 1999
  • Philippe Haudrère, « La Direction générale de la Compagnie des Indes et son administration au milieu du XVIIIe siècle », L’Administration des finances sous l’Ancien Régime - Colloque tenu à Bercy les 22 et 23 février 1996 - Comité pour l’histoire économique et financière de la France.
  • Philippe Haudrère, La Compagnie française des Indes au XVIIIe siècle (1719 - 1795), Librairie de l’Inde - 1989.
  • Jules Sottas, Histoire de la Compagnie Royale des Indes Orientales - 1664 - 1719, Édition La Découvrance, Rennes, 1994.
  • Compagnie des Indes orientales de Saint-Malo (1711 à 1793) > Fonds Magon de la Balue, Archives I&V, fonds 11 J, (3,40 ml) (suite de 1 F 1897 à 1924 ; voir aussi 39 J 1 à 39 J 9).

Liens externes

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