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Abbaye de Lobbes
L'ancienne Abbaye de Lobbes (dont le nom historique est Abbaye Saint-Pierre de Lobbes) était une antique et prestigieuse abbaye bénédictine située à Lobbes, près de Thuin en province de Hainaut (Région wallonne de Belgique). Fondée sur la Sambre vers 654 par Saint Landelin elle joua un rôle de première importance dans la vie religieuse, politique et intellectuelle de la principauté de Liège, surtout au début du second millénaire. Elle fut mise à feu et détruite par les révolutionnaires français en 1794.
Sommaire
Fondation
Lobbes appartient à la première génération de monastères créés en pays mérovingien, généralement autour d’un ermite dont l’austère vie de sainteté religieuse impressionne et attire adeptes qui deviennent disciples. À Lobbes, c’est Landelin, un brigand converti devenu ermite, qui attire. Il pose les fondements d’une église (sans doute en bois) en 638 pour y garder et vénérer les reliques du premier apôtre Saint Pierre qu’il a ramenées de son pèlerinage à Rome. Le nombre de disciples augmentant, cette église Saint-Pierre devient le centre d’une communauté monastique qui existe comme telle depuis environ 654. Mais, épris de solitude, Landelin confie sa communauté à son disciple Ursmer et quitte Lobbes pour s’installer à une dizaine de kilomètres en aval sur la Sambre. Il y sera à l’origine d'une autre abbaye, l'abbaye d'Aulne.
Histoire
Premiers siècles
Le vrai fondateur de l’abbaye de Lobbes, et son premier abbé (depuis 680) est Ursmer. En 697, en sa présence, l’église mise en chantier par Landelin est consacrée. Comme la présence des reliques du premier apôtre interdisait toute sépulture dans l’abbatiale, Ursmer construit une autre église sur une colline voisine : elle est à l’origine de la collégiale Saint-Ursmer. Comme il le fut à Lobbes, Ursmer sera l'animateur de l’abbaye d’Aulne, autre fondation de son maître spirituel, Landelin.
Saint Ermin est le second abbé de Lobbes (711-737). Nous en avons une première vita Ursmari. Avec cette œuvre commence l’activité intellectuelle du monastère, dont la bibliothèque va s’enrichir au fil de siècles. À Ermin succèdent (saint) Abel de Reims (missionnaire irlandais et évêque de Reims, mort en 764) et Théodulfe de Lobbes (mort en 776). Les sarcophages mérovingiens des saints Ursmer, Ermin (remarquablement conservé) et Abel de Reims se trouvent dans la crypte de la collégiale Saint-Ursmer.
De l’abbé - et ‘Bienheureux’ - Anson (776-800) on a une Vita Ermini. Un inventaire de la bibliothèque de Lobbes fait à cette époque recense 347 livres, un chiffre considérable. L’ampleur de la bibliothèque permet un travail intellectuel intense - on écrit beaucoup de ’vies de saint’ - et conduit à la création d’un atelier de copistes et d’une école de miniaturistes. Conformément aux vœux de Charlemagne une école abbatiale est fondée en 797.
Avec Francon, évêque de Liège (855 à 901) qui devient également abbé de Lobbes, le destin de l’abbaye se lie étroitement à celui du diocèse, tous les évêque de Liège jusqu’à Eracle (960) étant également abbé de Lobbes. L’abbaye en devient comme l’école officielle et pépinière de fonctionnaires ecclésiastiques. Avec Aletran envoyé par Eracle à Lobbes, l’abbaye reprend un peu de son indépendance.
Rayonnement et prospérité
Les Xe et XIe siècles sont les grands siècles de l’abbaye. Ses possessions s’étendent jusque loin en France. Le nombre de moines est élevé. La bibliothèque est fournie. La formation y est excellente et ses écolâtres recherchés : Wazon, Olbert et d’autres. Thierry de Leernes (1007-1087) est demandé comme écolâtre aux abbayes de Stavelot, Verdun, Mousson et Fulda avant d’arriver à Saint-Hubert dont il devient l’abbé.
L’atelier des copistes produit des œuvres de grande qualité. Un des chefs d’œuvre de la miniature mosane est la ‘Bible de Lobbes’ (maintenant conservée à Tournai) : elle date de 1084. Fait rare : on en connaît même le miniaturiste et calligraphe ; c’est le moine Goderan.
Au début du Xe siècle, ou peut-être même au IXe siècle, on construit une nouvelle abbatiale dont le célèbre chroniqueur Folcuin décrit avec admiration les proportions et la beauté. Elle est consacrée en 920 par Étienne, évêque de Liège (et abbé de Lobbes). Le même Folcuin devenu abbé de Lobbes (965 à 990), y accole un cloître. La Gesta abbatum Laubiensum de Folcuin, (une chronique de trois siècles dont le souci de vérité historique est évident) est une importante source d’information sur l’abbaye et son histoire.
La période de 930 à 1094 est le siècle des abbés dont la compétence et l’érudition donnent un grand prestige à l’abbaye. Aletran, envoyé par l’évêque de Liège Eracle (960) auquel succède Folcuin, le chroniqueur déjà mentionné (965 à 990). Ensuite c’est Hériger (990-1007), l’écolâtre au savoir encyclopédique et auteur de livres de théologie, musique, histoire et mathématique (il semble être un des premiers, en Occident, à avoir utilisé les chiffres arabes). Après une éclipse arrive Richard de Saint-Vanne. Il faut encore mentionner Rathier le latiniste raffiné, évêque de Vérone (mais aimant signer Monacus laubiensis).
La prospérité conduit à des travaux d’agrandissement et d’embellissement. Un oratoire dédié à Saint-Benoît est construit par Hériger, et surtout une troisième abbatiale est édifiée, plus vaste et plus belle, et consacrée en 1036, même si elle ne sera achevée que sous l’abbatiat d’Adélard (1053-1077).
XIIe au XVIe siècles
A partir du XIIe siècle le mouvement monastique en Europe est en décadence. Les universités remplacent progressivement les monastères comme centres intellectuels et religieux. Les nouvelles villes, luttant pour leur autonomie, prennent aux monastères (comme aux seigneurs féodaux) une grande partie du pouvoir politique et administratif. De nombreuses guerres laissent des traces par ou les armées passent. Lobbes perd son éclat et devient une abbaye comme les autres, luttant simplement pour la survie.
Avec la réforme catholique un renouveau monastique s'amorce au XVIe siècle. Le retour de vocations monastiques et une nouvelle prospérité permet de reconstruire l’abbatiale lorsque celle du XIe siècle est détruite dans un incendie (1546). La nouvelle église abbatiale est rapidement mise en chantier par l’abbé Caulier qui en pose la première pierre en 1550 : quatrième abbatiale de l’abbaye de Lobbes... Les travaux continuent sous Dominique Capron et la consécration a lieu en 1576 sous l’abbé Ermin François. C’est cette abbatiale que l’on peut voir sur des gravures du XVIIe et XVIIIe siècles.
Destruction: 1794
Le passage des troupes révolutionnaires françaises à Lobbes est particulièrement dévastateur. L’ensemble des bâtiments monastiques, avec l’église abbatiale est mis à feu en 1794. Les moines et le dernier abbé de Lobbes, Vulgise de Vigneron - élu depuis un an à peine (1793) - sont dispersés. L’abbaye est officiellement dissoute en 1796. Ce qu’il en reste est vendu comme ‘biens publics’. Des ruines le matériau qui a encore une certaine utilité est utilisé pour renforcer les fortifications de la ville de Charleroi (en 1816-1817).
Le seul vestige de quelque importance que l’on puisse voir aujourd’hui est une porte de l’enceinte de l’abbaye (dite Porte de Thudinie ou encore La Portelette) dont elle était la sortie sur la route conduisant à la ville de Binche. Elle fut sans doute construite par l’abbé Ursmer Rancelot (décédé en 1718) dont on sait qu’il fit d’importants travaux.
Ainsi pas moins de quatre églises abbatiales furent construites et détruites à Lobbes. Par contre la modeste église carolingienne destinées à recevoir les sépultures des moines survécut à toutes les tempêtes de l’histoire pour être aujourd’hui la collégiale Saint-Ursmer qui se dresse sur la hauteur du village de Lobbes. En fait : une des plus anciennes églises de Belgique.
Bibliographie
- BERLIÈRE, Monasticon Belge, Vol. I, Bruges, 1890-97.
- LEJEUNE : Monographie de l'ancienne Abbaye de St. Pierre de Lobbes, Mons, 1883.
- VOS, Joachim : Lobbes, son abbaye et son chapitre (2 vols.), Louvain, 1865. [présentation en ligne]
- de MOREAU, Edouard : Histoire de l'Église en Belgique, Bruxelles, 1945.
- BRIGODE, Simon : Les anciennes abbatiales et l'église carolingienne Saint-Ursmer de Lobbes, Tournai, 1949 (1973).
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