Cilicia

Cilicia

Cilicie

La Cilicie en tant que province de l'empire romain

La Cilicie est une ancienne province romaine située dans la moitié orientale du sud de l'Asie Mineure en Turquie. Elle était bordée au nord par la Cappadoce et la Lycaonie, à l'est par la Pisidie et la Pamphylie, au sud par la Méditerranée et au sud-est par la Syrie.

Elle correspond approximativement aujourd'hui à la province d'Adana : région comprise entre les monts Taurus, les monts Amanos et la Méditerranée.

Sommaire

Histoire

Pour Hérodote (Ve siècle av. J.-C.) la Cilicie (Κιλικια) est une seule satrapie Perse dont l’étendue est plus grande que dans les acceptions ultérieures données à ce nom. Au nord elle va jusque sur le cours du Halys (Kızılırmak). A l’est elle va jusqu’à l’Euphrate et au sud jusqu’aux environs de l’embouchure de l’Oronte[1]. Hérodote distingue la Cilicie montagneuse[2] et la plaine de Cilicie appelée Plaine Aléienne[3],[4]. La plaine Aléienne d’Hérodote correspond sans doute à la partie marécageuse en bord de mer, formée par les sédiments des deux fleuves Seyhan et Ceyhan[5] et qui correspond bien au vocable turc de Çukurova[6]. Le cours de ces deux fleuves s'est modifié à plusieurs reprises. A certaines périodes, ils ont eu une embouchure commune ce qui explique que le Seyhan n'est parfois cité que comme un affluent du Ceyhan[7]. Actuellement leurs embouchures sont distantes de plus de 60 km.

D’après la géographie de Strabon (fin du Ier siècle av. J.-C., début du Ier siècle) la Cilicie commence à Alanya (Coracesium[8]) à l'ouest et jusqu’à Tarse elle s’appelle Cilicie Trachée[9] à cause des rivages abrupts et de la pauvreté de ses villages ou Trachéotide[10]. Strabon signale un peu plus loin dans le texte que « quelques auteurs » font commencer la Cilicie non pas à Alanya, mais à Aydıncık (Celenderis) soit près de 130 km plus à l’est. À l'inverse, Pline l'Ancien place la limite occidentale de la Cilicie sur le fleuve Mélas (Manavgat Nehri) soit 55 km plus à l'ouest[11]. À Tarse (Tarsus, Ταρσός), ou plus précisément à Mezitli (Soli/Soles[12] ; appelée ensuite Pompeiopolis) on entre dans la plaine de Cilicie, dite Cilicie Pédicule[13], appelée Çukurova par les Turcs. Dans cette description de Strabon, la Cilicie Trachée comprend les districts d’Alanya et de Gazipaşa dans la province d’Antalya et l’İçel (province de Mersin) hormis les districts d’Anamur et de Bozyazı si l’on considère que limite ouest de la Cilicie est Aydıncık. Les districts du sud de la province d’Adana forment la Cilicie Pédicule. Les districts côtiers d’Erzin, Dörtyol, et Iskenderun dans le Hatay forment la Cilicie Issique[14].

Entre les années 1851 et 1853, Victor Langlois, effectue un voyage en Cilicie et dans le Taurus par ordre de l’empereur Napoléon III. Ce récit de voyage permet de résoudre nombre de problèmes posés par les changements de toponymes[15].

Antiquité

Dans L'Iliade, les Ciliciens, qui ont donné leur nom au pays, vivent dans le sud de la Troade, mais après la guerre de Troie, des Grecs conduits par le devin Mopsos donnèrent le nom de Cilicie à la nouvelle région où ils s'installèrent.

La partie occidentale était accidentée et montagneuse, mais l'est était occupé par une grande plaine très fertile.

Au IIe siècle av. J.-C., la Cilicie devint un bastion de pirates, et pour contrer cette menace, Rome en fit une de ses provinces en 102 av. J.-C.. Les pirates ne furent éliminés qu'en 67 av. J.-C., après une campagne de Pompée.

Cicéron fut gouverneur de Cilicie en 51-50 av. J.-C..

La ville la plus importante de Cilicie, autonome jusqu'à l'annexion de Pompée en  av. J.-C., fut Tarse, qui abritait une école de philosophie réputée et où l'apôtre saint Paul vit le jour (vers 10 ap. J.-C.).

Vers 27 ap. J.-C., sous l'empereur Tibère, la Cilicie est rattachée à la province de Syrie. Certaines parties de la région restent néanmoins dirigée par des souverains locaux jusqu'à l'annexion complète par Vespasien en 74 ap. J.-C. La province est suffisamment importante pour qu'un proconsul y soit nommé.

Vers 297, l'empereur Dioclétien opère une réforme des provinces. La Cilicie est alors divisée en trois parties : L'Isaurie au sud d'Iconium (Konya), approximativement les provinces turques de Konya et d'Antalya ; Cilicia prima avec comme capitale Tarse, et comme autres ville Adana et Pompeiopolis (Soles), approximativement la province de Mersin et une partie de la province d'Adana ; Cilicia secunda avec comme capitale Anazarbe (Aǧaçli) et comme villes Mopsueste (Yakapinar), Ægée (Yumurtalık) et Issos d'Alexandrie (aux environs d'Iskenderun), approximativement l'est de la province d'Adana et les districts maritimes de la province du Hatay.

Moyen Âge

La Cilicie arménienne, 1080-1375.
Article détaillé : Royaume de Petite-Arménie.

De nombreux Arméniens sont venus, sous l'impulsion de l'empire byzantin, se réfugier en Cilicie après l'invasion arabe de l'Arménie. Ces Arméniens sont au départ des colons militaires censés barrer la chaîne du Taurus.

Vers 1070, l'Arménien Philaretos Brakhamios domine une principauté qui englobe la Cilicie, Antioche et Édesse. Pendant la période des Croisades, le petit État arménien de Cilicie réussit à prendre son indépendance (1198). Se constitue donc le royaume arménien de Cilicie avec à sa tête son premier roi : Lévon II le Grand, reconnu par le Pape et les souverains d'Occident.

Le XIIIe siècle est le siècle le plus florissant pour le royaume. Dans le premier tiers du siècle, le roi se permet d'entrer dans les problèmes de succession de la Principauté d'Antioche. L'arrivée des Mongols en Grande Arménie, dans les années 1230, va pousser le royaume à se mettre sous la protection des Mongols. Le roi Héthoum va lui-même faire le voyage vers le Khan mongol pour conclure une alliance militaire dans les années 1250. En 1258, les Mongols s'emparent de Bagdad. Cet évènement annonce les attaques sur la Syrie qui vont scander la fin du treizième siècle. La première attaque a lieu en 1260. Le royaume arménien envoie des contingents qui participent à la prise d'Alep et de Damas. Le roi réussit à agrandir son territoire grâce à la prise de plusieurs places fortes de Syrie du Nord par les Mongols.

En 1266, les Mamelouks réalisent leur première incursion dans le royaume arménien. Leurs attaques se succèdent et peu à peu épuisent le royaume. La royauté passe finalement à la famille des Lusignans, alors à Chypre. Le dernier roi Léon V est capturé dans sa capitale de Sis en 1375, et emmené prisonnier au Caire. Il dicte son récit et celui de son royaume au moine Jean Dardel.

De l'Empire ottoman à la Turquie

Au XVIe siècle, les Ottomans envahissent la région. Au début du XIXe siècle, le succès de la révolte du pacha d'Égypte, Mehemet Ali, contre le sultan ottoman permit à son fils Ibrahim Pacha de conquérir la Syrie et la Cilicie en 1832. Moins d'une décennie plus tard, la diplomatie de la canonnière des Britanniques, aidée par la neutralité de la France, imposa au pacha l'abandon de ces conquêtes contre la reconnaissance de l'autonomie de l'Égypte. Cette période est un prélude au génocide arménien dans l'Empire ottoman avec les massacres d'Adana d'avril 1909[16].

Après le démantèlement de l'Empire ottoman, la région fut incorporée au mandat français en Syrie avant d'être cédée à la Turquie naissante dès 1920.

Notes et références

  1. Hérodote, « Histoire, Livre II, Euterpe. 34 » sur Méditerranées
  2. Cilicie montagneuse en grec : oreina Kilikia, ὀρεινα Κιλικία.
  3. Plaine Aléienne en grec : Aleïon pedion, , Ἀλήιον πεδίον, plaine sans moisson (c.-à-d. pauvre). Voir Hérodote, « Histoire, Livre VI, Érato. 95 » sur Méditerranées
  4. Louis Vivien de Saint-Martin, Kâtip Çelebi, op. cit., « Asie Mineure d’Hérodote », p. 305-306 
  5. Les noms des deux fleuves arrosant la plaine d'Adana, Seyhan (autrefois Sarus) et Ceyhan (prononcé djeyḥan, autrefois Pyramus) reprennent les noms donnés par les géographes arabes aux deux fleuves Seyhun (Syr-Daria, autrefois Yaxartes, en arabe : sīḥūn, سيحون) et Jihoun (Amou-Daria, autrefois Oxus, en arabe : jīḥūn, جيحون) qui délimitent la région d'Asie Centrale appelé Transoxiane en actuel Ouzbékistan. Voir : Victor Langlois, op. cit., « Cilicie orientale. », p. 464 
  6. Çukurova, écrit Tchukur-owa par Victor Langlois ce qui correspond à la phonétique du mot turc et qui signifie plaine basse. Voir : Victor Langlois, op. cit., « Cilicie montagneuse. », p. 231 
  7. Victor Langlois, op. cit., « Cilicie orientale. », p. 465 
  8. Alanya est appelée Coracesium en grec Korakenion, Κορακήσιον, par Strabon. Voir Strabon, « Géographie, la Cilicie XIV, 5 » sur Méditerranées
  9. Cilicie Trachée en grec : Tracheia Kilikia, Τραχεία Κιλικία, Cilicie âpre.
  10. Trachéotide en grec : Tracheiotis, Τραχειῶτις.
  11. Pline l'Ancien, Histoire naturelle. Livre V, chapitre XXII, La Cilicie et les nations avoisinantes. §3 [détail des éditions] [lire en ligne]
  12. Soli/Soles en latin :Soli, en grec : Soloï, Σόλοι.
  13. Cilicie Pédicule en latin : Cilicia Pedia, Cilicia campestris, en grec : Kilikia pedias, Κιλικία πεδιάς, Cilicie plate.
  14. Cilicie Issique en grec : Kilikia peri ton Isson, Κιλικία περὶ τὸν Ἰσσόν, La Cilicie autour d’Issos, en turc Issos Ovasi.
  15. Victor Langlois, op. cit. 
  16. Gérard Dédéyan (dir.), Histoire du peuple arménien, Privat, Toulouse, 2007 (ISBN 978-2-7089-6874-5), p. 518.

Voir aussi

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

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