Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu

Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu

Montesquieu

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Montesquieu
Montesquieu en 1728 (peinture anonyme) musée national du château et des Trianons
Montesquieu en 1728 (peinture anonyme) musée national du château et des Trianons

Nom de naissance Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu
Naissance 18 janvier 1689
la Brède
Décès 10 février 1755 (à 66 ans)
Paris
Nationalité France France
Profession(s) philosophe

Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, connu sous le nom de Montesquieu (avant 18 janvier 1689 à la Brède (Gironde) - Paris le 10 février 1755) est un moraliste, penseur politique, précurseur de la sociologie, philosophe et écrivain français des Lumières.

Montesquieu, avec entre autres John Locke, est l'un des penseurs de l'organisation politique et sociale sur lesquels les sociétés modernes s'appuient. Il a notamment travaillé sur la répartition des fonctions de l'État entre ses différentes composantes, appelée postérieurement « principe de séparation des pouvoirs ». Sa grande contribution est d'avoir su exposer à ses contemporains deux modèles de liberté politique : la « liberté modérée » du régime monarchique et la « liberté extrême » incarnée par la Constitution d'Angleterre.

Sommaire

Biographie

Fils de Jacques de Secondat, baron de Montesquieu (1654-1713) et de Marie-Françoise de Pesnel, baronne de la Brède (1665-1696), Montesquieu naît dans une famille de magistrats de la bonne noblesse, au château de la Brède (près de Bordeaux en Gironde) dont il porte d'abord le nom et auquel il sera toujours très attaché. Ses parents lui choisissent un mendiant pour parrain afin qu'il se souvienne toute sa vie que les pauvres sont ses frères[1].

Après une scolarité au collège de Juilly et des études de droit, il devient conseiller du parlement de Bordeaux en 1714. En 1715, il épouse à 26 ans Jeanne de Lartigue, une protestante issue d'une riche famille et de noblesse récente qui lui apporte une dot importante. C'est en 1716, à la mort de son oncle, que Montesquieu hérite d'une vraie fortune, de la charge de président à mortier du parlement de Bordeaux et de la baronnie de Montesquieu, dont il prend le nom. Délaissant sa charge dès qu'il le peut, il s'intéresse au monde et au plaisir.

À cette époque l'Angleterre s'est constituée en monarchie constitutionnelle à la suite de la Glorieuse révolution (1688-89) et s'est unie à l'Écosse en 1707 pour former la Grande-Bretagne. En 1715, le Roi Soleil Louis XIV s'éteint après un très long règne et lui succèdent des monarques plus faibles. Ces transformations nationales influencent grandement Montesquieu ; il s'y référera souvent.

Il se passionne pour les sciences et mène des expériences scientifiques (anatomie, botanique, physique...). Il écrit, à ce sujet, trois communications scientifiques qui donnent la mesure de la diversité de son talent et de sa curiosité : Les causes de l'écho, Les glandes rénales et La cause de la pesanteur des corps.

Puis il oriente sa curiosité vers la politique et l'analyse de la société à travers la littérature et la philosophie. Dans les Lettres persanes, qu'il publie anonymement (bien que personne ne s'y trompe) en 1721 à Amsterdam, il dépeint admirablement, sur un ton humoristique et satirique, la société française à travers le regard de visiteurs perses. Cette œuvre connaît un succès considérable : le côté exotique, parfois érotique, la veine satirique mais sur un ton spirituel et amusé sur lesquels joue Montesquieu, plaisent.

En 1726, Montesquieu vend sa charge pour payer ses dettes, tout en préservant prudemment les droits de ses héritiers sur celle-ci. Après son élection à l'Académie française (1728), il réalise une série de longs voyages à travers l'Europe, lors desquels il se rend en Autriche, en Hongrie, en Italie (1728), en Allemagne (1729), en Hollande et en Angleterre (1730), où il séjourne plus d'un an. Lors de ces voyages, il observe attentivement la géographie, l'économie, la politique et les mœurs des pays qu'il visite. Avant 1735, il avait été initié à la franc-maçonnerie en Angleterre[2].

De retour au château de la Brède, en 1734, il publie une réflexion historique intitulée Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, monument dense, couronnement de ses années de voyages et il accumule de nombreux documents et témoignages pour préparer l'œuvre de sa vie, De l'esprit des lois. D'abord publié anonymement en 1748 grâce à l'aide de Mme de Tencin, le livre acquiert rapidement une influence majeure alors que Montesquieu est âgé de 59 ans. Ce maître-livre, qui rencontre un énorme succès, établit les principes fondamentaux des sciences économiques et sociales et concentre toute la substance de la pensée libérale. Il est cependant critiqué, attaqué et montré du doigt, ce qui conduit son auteur à publier en 1750 la Défense de l'Esprit des lois. L'Église catholique romaine interdit le livre - de même que de nombreux autres ouvrages de Montesquieu - en 1751 et l'inscrit à l'Index (La partie religion avait été écrite au même titre que les autres). Mais à travers l'Europe, et particulièrement en Grande-Bretagne, De l'esprit des lois est couvert d'éloges.

Dès la publication de ce monument, Montesquieu est entouré d'un véritable culte. Il continue de voyager notamment en Hongrie, en Autriche, en Italie où il demeure un an, au Royaume-Uni où il reste 18 mois. Il poursuit sa vie de notable, mais reste affligé par la perte presque totale de la vue. Il trouve cependant le moyen de participer à l'Encyclopédie, que son statut permettra de faire connaître[réf. nécessaire], et entame la rédaction de l'article Goût : il n'aura pas le temps de le terminer, c'est Voltaire qui s'en chargera.

C'est le 10 février 1755 qu'il meurt d'une fièvre inflammatoire.

Philosophie

Les principes

Article détaillé : De l'esprit des lois.

Dans cette œuvre capitale, qui rencontre un énorme succès, Montesquieu tente de dégager les principes fondamentaux et la logique des différentes institutions politiques par l'étude des lois considérées comme simples rapports entre les réalités sociales. Cependant après sa mort, ses idées furent souvent radicalisées et les principes de son gouvernement monarchique furent détournés. Ce n'est qu'au moment de la Révolution française que les révolutionnaires monarchiens tenteront vainement de les faire adapter par l'Assemblée constituante pour contrer l'Abbé Sieyès partisan de la rupture avec tout héritage et tout modèle.

Son œuvre, qui inspira les auteurs de la Constitution de 1791, mais également des constitutions suivantes, est à l'origine du principe de distinction des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, base de toute démocratie.

Il est aussi considéré comme l'un des pères de la sociologie, notamment par Raymond Aron.

Cependant, malgré l'immensité de son apport à la théorie moderne de la démocratie parlementaire et du libéralisme, il est nécessaire de replacer un certain nombre de ses idées dans le contexte de son œuvre, De l'esprit des lois :

  1. il n'a pas eu de réflexion réellement poussée sur le rôle central du pouvoir judiciaire ;
  2. il n'a jamais parlé d'une doctrine des droits de l'homme ;
  3. la réflexion sur la liberté a moins d'importance à ses yeux que celle sur les règles formelles qui lui permettent de s'exercer.

La distribution des pouvoirs

Montesquieu prévoit la « distribution des pouvoirs » au chapitre 6 de De l'esprit des lois. Montesquieu voit exister trois pouvoirs : la « puissance législative », la « puissance judiciaire des choses qui dépendent du droit des gens », chargée particulièrement des affaires étrangères et de la défense, et la « puissance exécutrice de celles qui dépendent du droit civil », c'est-à-dire le législatif, l'exécutif et le judiciaire. Ceux-ci devraient être séparés et dépendants les uns des autres afin que l'influence de l'un des pouvoirs ne prenne l'ascendant sur les deux autres. Cette conception était radicale en ce qu'elle éliminait la structure en trois États de la monarchie française: le clergé, l'aristocratie et le peuple, représentés au sein des États généraux, effaçant ainsi le dernier vestige du féodalisme.

Selon Pierre Manent[3], il n'y a principalement chez Montesquieu que deux pouvoirs : l'exécutif et le législatif, qu'un jeu institutionnel doit mutuellement restreindre. Le principal danger pour la liberté vient du législatif, plus susceptible d'accroître son pouvoir. Les deux pouvoirs sont soutenus par deux partis qui ne peuvent mécaniquement pas prendre l'avantage l'un sur l'autre. Il s'agit selon Manent de « séparer la volonté de ce qu'elle veut », ainsi c'est le compromis qui gouverne, et les citoyens sont d'autant plus libres.

Les régimes politiques

Montesquieu s'appuie sur l'importance de la représentation. Les corps intermédiaires sont les garants de la liberté - la Révolution française montrera toute son ambiguïté quand elle supprimera les corporations, défendant à la fois la liberté du travail et dissipant les corps intermédiaires, laissant l'individu seul face à l'État - et le peuple doit pouvoir simplement élire des dirigeants.

Montesquieu distingue alors trois formes de gouvernement[4], chacune soutenue par un principe :

  • La monarchie, « où un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies »[4], fondée sur l'ambition, le désir de distinction, la noblesse, la franchise et la politesse[5] ;
  • La république, « où le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple, a la souveraine puissance »[4], comprenant deux types :
    • Démocratie, régime libre où le peuple est souverain et sujet. Les représentants sont tirés au sort parmi les citoyens qui sont tous égaux. Elle repose sur le principe de vertu (dévouement, patriotisme, comportements moraux et austérité traditionaliste, liberté, amour des lois et de l'égalité)[6]. Montesquieu voit ce système comme plus adapté aux communautés de petite taille.
    • Aristocratie, régime où un type de personnes est favorisé à travers les élections. Repose sur le principe de modération (fondée sur la vertu et non sur une « lâcheté ou paresse de l'âme »[7]) pour éviter le glissement à la monarchie ou le despotisme.

Dans les deux cas la transparence est indispensable.

  • Le despotisme, régime d'asservissement où « un seul, sans loi et sans règle, entraîne tout par sa volonté et par ses caprices »[4] dirigé par un dictateur ne se soumettant pas aux lois, qui repose sur la crainte[8].

Actuellement il est surprenant de constater que pour Montesquieu la monarchie permet plus de liberté que la république puisqu'en monarchie il est permis de faire tout ce que les lois n'interdisent pas alors qu'en république la morale et le dévouement contraignent les individus.

Les régimes libres dépendent de fragiles arrangements institutionnels. Montesquieu affecte quatre chapitres De l'esprit des lois à la discussion du cas anglais, un régime libre contemporain dans lequel la liberté est assurée par la balance des pouvoirs. Montesquieu s'inquiétait que, en France, les pouvoirs intermédiaires, comme la noblesse, qui modéraient le pouvoir du prince s'érodaient.

Comme nombre de ses contemporains, Montesquieu tenait certaines opinions qui prêteraient aujourd'hui à controverse. Alors qu'il partageait l'idée qu'une femme pouvait gouverner, il tenait qu'elle ne pouvait être à la tête de la famille. Il acceptait fermement le rôle d'une aristocratie héréditaire et de la primogéniture. À notre époque, ses propos ont pu être sortis de leur contexte pour faire croire qu'il était partisan de l'esclavage alors qu'il a dénoncé cette pratique très en avance.

Alors que, selon Thomas Hobbes, l'homme a pour passion naturelle la quête de pouvoir, Montesquieu ne voit de danger que dans l'abus du pouvoir dont celui qui en dispose est naturellement porté. Il convient dès lors d'organiser les institutions : « Pour qu'on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »

Influences sur Catherine II

Montesquieu influença particulièrement Catherine II de Russie qui puisa abondamment dans De l'esprit des lois pour rédiger le Nakaz, un ensemble de principes. Elle avoua à d'Alembert qui le rapporta : « Pour l'utilité de mon empire, j'ai pillé le président de Montesquieu sans le nommer. J'espère que si, de l'autre monde, il me voit travailler, il me pardonnera ce plagiat, pour le bien de vingt millions d'hommes. Il aimait trop l'humanité pour s'en formaliser. Son livre est mon bréviaire ». L'Impératrice reprit de lui le principe de la séparation des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire et condamna le servage à défaut de l'abolir, mais malheureusement au cours de son règne, les conditions faites aux serfs furent plutôt aggravées.

Théories et prises de position de Montesquieu

L’esclavagisme

Montesquieu ne s’accommode pas de l’idée d’esclavage. Il décide donc de ridiculiser les esclavagistes dans le chapitre 5 du livre XV de De l’esprit des lois : « Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais ». Suit alors une liste d’arguments caricaturaux dont le grinçant « si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens », précurseur du « Pangloss » de Candide. C’est dans ce même livre, intitulé Comment les lois de l’esclavage civil ont du rapport avec la nature du climat, que Montesquieu commence à développer sa théorie sociologique des climats.

Certains ont considéré que Montesquieu avait eu des intérêts dans la traite négrière, s’appuyant sur le fait qu’en 1722, Montesquieu avait acheté des actions de la Compagnie des Indes. Mais, ainsi que l’a rappelé Jean Ehrard, il a réalisé cette transaction en tant que commissaire de l’Académie de Bordeaux et non à titre personnel[9].

Dans la fameuse satire citée, Montesquieu tourne en dérision l’esclavage[10]. Par un étrange retour des choses, ce texte est à tort parfois interprété au premier degré[11]:

Si j’avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les nègres esclaves, voici ce que je dirais :

Les peuples d’Europe ayant exterminé ceux de l’Amérique, ils ont dû mettre en esclavage ceux de l’Afrique pour s’en servir à défricher tant de terres.

Le sucre serait trop cher, si l’on ne faisait travailler la plante qui le produit par des esclaves.

Ceux dont il s’agit sont noirs depuis les pieds jusqu’à la tête ; et ils ont le nez si écrasé qu’il est presque impossible de les plaindre.

On ne peut se mettre dans l’esprit que Dieu, qui est un être très sage, ait mis une âme, surtout bonne, dans un corps tout noir.

Il est si naturel de penser que c’est la couleur qui constitue l’essence de l’humanité, que les peuples d’Asie qui font des eunuques, privent toujours les noirs du rapport qu’ils ont avec nous d’une façon plus marquée.

On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez les Égyptiens, les meilleurs philosophes du monde, étaient d’une si grande conséquence qu’ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur tombaient entre les mains.

Une preuve que les nègres n’ont pas le sens commun, c’est qu’ils font plus de cas d’un collier de verre que de l’or, qui, chez des nations policées, est d’une si grande conséquence.

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des hommes ; parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait à croire que nous ne sommes pas nous-mêmes chrétiens.

De petits esprits exagèrent trop l’injustice que l’on fait aux Africains. Car, si elle était telle qu’ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tête des princes d’Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d’en faire une générale en faveur de la miséricorde et de la pitié ?

Montesquieu, De l’esprit des lois, XV, 5

Citations sur l’esclavage : De l’esprit des lois (1748)

« [L’esclavage] n’est utile ni au maître ni à l’esclave ; à celui-ci parce qu’il ne peut rien faire par vertu ; à celui-là, parce qu’il contracte avec les esclaves toutes sortes de mauvaises habitudes, qu’il s’accoutume insensiblement à manquer à toutes les vertus morales, qu’il devient fier prompt, dur, colère, voluptueux, cruel ». (Livre XV, Chapitre I)
« Dans les pays despotiques, où l’on est déjà fous d’esclavage politique, l’esclavage civil est plus tolérable qu’ailleurs. Chacun y doit être assez content d’y avoir la subsistance et la vie. Ainsi la condition de l’esclave n’y est guère plus à charge que la condition de sujet. Mais dans un gouvernement monarchique […] il ne faut point d’esclaves ». (XV, I)
« Il y a des pays où la chaleur énerve le corps et affaiblit si fort le courage, que les hommes ne sont portés à un devoir pénible que par crainte du châtiment : l’esclavage y choque donc moins la raison. Aristote veut dire qu’il y a des esclaves par nature ; et ce qu’il dit ne le prouve guère. Je crois que, s’il y en a de tels, ce sont ceux dont je viens de parler. Mais, comme tous les hommes naissent égaux, il faut dire que l’esclavage est contre la nature, quoique, dans certains pays il soit fondé sur la raison naturelle ; et il faut bien distinguer ces pays d’avec ceux où les raisons naturelles même les rejettent, comme les pays d’Europe où il a été si heureusement aboli ». (Livre XV, chap. VII)

La théorie des climats

Article détaillé : Théorie des climats.

Une des idées les plus célèbres de Montesquieu, soulignée dans De l'esprit des lois et esquissée dans les Lettres persanes, est la théorie des climats, selon laquelle le climat pourrait influencer substantiellement la nature de l'homme et de sa société. Il va jusqu'à affirmer que certains climats sont supérieurs à d'autres, le climat tempéré de France étant l'idéal. Il soutient que les peuples vivant dans les pays chauds ont tendance à s'énerver alors que ceux dans les pays du nord sont rigides. Montesquieu fut là influencé par La Germanie de Tacite[12], un de ses auteurs favoris. Si cette idée peut sembler aujourd'hui relativement absurde, elle témoigne néanmoins d'un relativisme inédit à l'époque en matière de philosophie politique. Elle inaugure dans ce domaine une nouvelle approche du fait politique, plus scientifique que dogmatique, et s'inscrit ainsi comme point de départ des sciences sociales modernes.

De l'esprit des lois (1748)

« Les peuples des pays chauds sont timides comme les vieillards le sont ; ceux des pays froids sont courageux comme le sont les jeunes gens. (...) nous sentons bien que les peuples du nord, transportés dans les pays du midi, n'y ont pas fait d'aussi belles actions que leurs compatriotes qui, combattant dans leur propre climat, y jouissent de tout leur courage. (...) Vous trouverez dans les climats du nord des peuples qui ont peu de vices, assez de vertus, beaucoup de sincérité et de franchise. Approchez des pays du midi vous croirez vous éloigner de la morale même ; des passions plus vives multiplient les crimes (...) La chaleur du climat peut être si excessive que le corps y sera absolument sans force. Pour lors l'abattement passera à l'esprit même : aucune curiosité, aucune noble entreprise, aucun sentiment généreux ; les inclinations y seront toutes passives ; la paresse y sera le bonheur ». (Livre XIV, chap. II)
« La plupart des peuples des côtes de l’Afrique sont sauvages ou barbares. Je crois que cela vient beaucoup de ce que des pays presque inhabitables séparent de petits pays qui peuvent être habités. Ils sont sans industrie ; ils n'ont point d'arts ; ils ont en abondance des métaux précieux qu'ils tiennent immédiatement des mains de la nature. Tous les peuples policés sont donc en état de négocier avec eux avec avantage; ils peuvent leur faire estimer beaucoup des choses de nulle valeur, et en recevoir un très grand prix ». (Livre XXI, chap. II)

Points de vue sur Montesquieu

Le philosophe marxiste Louis Althusser le décrit comme un « libertin » partagé entre l'idéalisation de la problématique des contre-pouvoirs féodaux et le désir de grandeur parlementaire.

Les travaux de Louis Desgraves et Pierre Gascar ont montré, que contrairement à Voltaire, il était un homme bien intégré à la société de son temps, et nullement en révolte contre son monde : aristocrate et bon catholique, héritier et bon gestionnaire de ses biens, académicien soucieux de sa réputation, habitué des « salons ». Sa pensée échappe au caractère radical et dogmatique de la philosophie des Lumières. Ses incohérences et ses ambiguïtés sont les marques d'une œuvre dénuée d'esprit de système, qui tente de combiner la raison et le progrès avec les traditions et autres « irrationalités » que charrie l'histoire.

Selon plusieurs juristes, Montesquieu est le premier comparatiste du droit. Le droit comparé, qui est de plus en plus populaire est donc une discipline redevable en grande partie à Montesquieu. Les écrits de ce penseur sont toujours d'actualité.

Œuvre

Wikisource-logo.svg

Voir sur Wikisource : Montesquieu.

Annexes

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Bibliographie

  • Robert Shackleton, Montesquieu, bibliographie critique, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1977
  • Pierre Gascar, Montesquieu, Paris, Flammarion, 1988
  • Georges Benrekassa, Montesquieu, la liberté et l'histoire, Paris, Le livre de poche, 1988
  • Louis Desgraves, Montesquieu, Paris, Fayard, 1998
  • Alain Juppé, Montesquieu, le moderne, Paris, Perrin, 1999 (ISBN 2262014019)
  • Denis de Casabianca, Montesquieu, L'Esprit des lois, Paris, Ellipses, 2003
  • Louis Althusser, Montesquieu, la politique et l'histoire, Paris, PUF, 2003
  • Jacques de Saint-Victor, Les Racines de la liberté - Le débat français oublié, 1689-1789, Paris, Perrin, 2007. Un essai sur les origines du discours de la liberté lors du siècle avant la révolution et l'histoire des intellectuels (Fénelon, Boulainvilliers, Saint-Simond, Montesquieu, Turgot, Mably).
  • Domenico Felice, Oppressione e libertà. Filosofia e anatomia del dispotismo nell'Esprit des lois di Montesquieu, Pisa, ETS, 2000
  • Domenico Felice, Per una scienza universale dei sistemi politico-sociali. Dispotismo, autonomia della giustizia e carattere delle nazioni nell'Esprit des lois di Montesquieu, Firenze, Olsckhi, 2005
  • Domenico Felice (éd.), Montesquieu e i suoi interpreti, 2 tt., Pisa, ETS, 2005

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

  1. ce fait fut d'ailleurs mentionné dans l'acte paroissial : « Ce jour 18 janvier 1689, a été baptisé dans notre Eglise paroissiale, le fils de M. de Secondat, notre seigneur. Il a été tenu sur les fonds par un pauvre mendiant de cette paroisse, nommé Charles, à telle fin que son parrain lui rappelle toute sa vie que les pauvres sont nos frères. Que le Bon Dieu nous conserve cet enfant. »
  2. [Jean-Robert Ragache, Les Chroniques des franc-maçons, 1993
  3. cf. Histoire intellectuelle du libéralisme
  4. a , b , c  et d De l'Esprit des lois, II, 1.
  5. De l'Esprit des lois, IV, 2.
  6. De l'Esprit des lois, II, 2 ; IV, 5 ; V, 3.
  7. De l'Esprit des lois, III, 4.
  8. De l'Esprit des lois, III, 7 : « Il faut que la crainte y abatte tous les courages et y éteigne jusqu'au moindre sentiment d'ambition ».
  9. Lumières et Esclavage de Jean Ehrard, André Versaille éditeur, 2008, pp.27-28
  10. commentaire détaillé par René Pommier
  11. exemple d’interprétation au premier degré:[1]
  12. Aristote (Les Politiques, Livre VII, chap. VII), Poseidonios d'Apamée, Ibn Khaldoun (Les Prolégomènes, Livre I, section I) ou Jean Bodin (La République, Livre V, chap. I) avaient déjà prétendu établir une différenciation dans le tempérament attribué aux différents peuples et dans l'organisation politique des sociétés ou déterminer le plus ou moins grand degré d'avancement des civilisations par la théorie des climats.


Précédé par
Louis de Sacy
Fauteuil 2 de l’Académie française
1728-1755
Suivi par
Jean-Baptiste Vivien de Chateaubrun
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