- Cesare Battisti (1954)
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Cesare Battisti est un ressortissant italien né le 18 décembre 1954 à Sermoneta, dans la province de Latina, au sud de Rome. Durant les « années de plomb », il est membre des Prolétaires armés pour le communisme (PAC), classés comme terroriste par la magistrature italienne[1]. À ce titre, il est condamné par contumace pour quatre assassinats commis durant cette période. Réfugié en France durant des années, il y publie plusieurs romans policiers. Après que la France décide de l'extrader, il s'enfuit.
Le 8 juin 2011, six des neuf juges qui se sont prononcés ont entériné la décision du président Lula, ouvrant la porte à la libération de l'ancien activiste italien qui est sorti de la prison de haute sécurité de Papuna peu après minuit, le lendemain[2].
Sommaire
Biographie
Emprisonné en 1979 et condamné en 1981 pour appartenance à une bande armée, Cesare Battisti s'évade et se réfugie alors au Mexique. En 1988, il est jugé par contumace par la Cour de Milan et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité pour l'assassinat du surveillant de prison Antonio Santoro (Udine, 1978) et de l'agent de police Andrea Campagna (Milan, 1979), ainsi que pour complicité dans les assassinats le 16 février 1979 du boucher Lino Sabbadin (Santa Maria di Sala, Vénétie) et du bijoutier Pierluigi Torregiani (Milan).
Il s'installe en France en 1990 et bénéficie de la « doctrine Mitterrand » : une demande d'extradition vers l'Italie est refusée en 1991. Il séjourne librement en France, devient gardien d'immeuble et publie plusieurs romans noirs à partir de 1993.
Battisti déclarait en 2001, à propos des crimes lui ayant valu sa condamnation, « Politiquement, j'assume tout »[3]. Il a commencé à affirmer son innocence à partir de 2004, quand la situation judiciaire lui est devenue défavorable en France[4],[5].
En 2004, le gouvernement français s'apprête finalement à l'extrader en Italie, ce qui nourrit un débat français sur l'opportunité de cette extradition. Cesare Battisti est alors en fuite, jusqu’à son arrestation au Brésil, le 18 mars 2007.
Période italienne
Les faits
Dès 1968, il entre en contact avec la contestation étudiante[6].
Il vit de menus larcins et fait des séjours réguliers en prison à partir de 1971 pour des délits mineurs[6]. Il devient progressivement un délinquant : il est arrêté et condamné à six ans de prison pour vol à main armée en 1974. C'est lors de ses séjours en prison, qu'il entre en contact avec des militants d'extrême gauche qui influeront sur son évolution. Il est libéré puis poursuivi à nouveau en 1976 ; il rejoint alors la clandestinité et la lutte armée dans le cadre du groupuscule Prolétaires armés pour le communisme (PAC), dont l'organisation dite « horizontale » est peu structurée, contrairement aux Brigades rouges.
L'organisation des Prolétaires armés pour le communisme a commis des hold-ups et quatre meurtres ont été revendiqués au nom des PAC : ceux du gardien de prison Antonio Santoro (6 juin 1978 à Udine), du bijoutier Pierluigi Torregiani (16 février 1979 à Milan), du boucher Lino Sabbadin[7] (le même jour près de Mestre) et du policier Andrea Campagna (le 19 avril 1979 à Milan), en tirant plusieurs fois au visage. Lors de la fusillade contre Pierluigi Torregiani, une balle perdue, tirée par Torregiani lui-même[8], a blessé son jeune fils Alberto Torregiani, avec qui il se promenait[9], ce dernier en est resté paraplégique. Les quatre tireurs, Gabriele Grimaldi, Giuseppe Memeo, Sebastiano Masala et Sante Fatone, ont été identifiés et condamnés en 1981[10],[11]. Les PAC reprochaient aux commerçants Torregiani et Sabbadin d'avoir résisté aux braquages commis par des membres de leur groupe[12].
Dans plusieurs textes publiés des années plus tard, Cesare Battisti indique avoir renoncé à la lutte armée en 1978, à la suite de l'assassinat d'Aldo Moro et se dit innocent des quatre assassinats revendiqués par les Prolétaires armés pour le communisme|PAC[5].
Il est arrêté le 26 juin 1979 et condamné en 1981 pour appartenance à une bande armée[11].
Le 4 octobre 1981 des membres de PAC organisent son évasion de la prison de Frosinone et Cesare Battisti s'enfuit d'Italie pour rejoindre la France puis le Mexique en 1982.
Pietro Mutti, un des chefs des PAC recherché pour le meurtre de Santoro (condamné par contumace), est arrêté en 1982 ; suite à ses déclarations, Cesare Battisti est impliqué par la justice italienne dans les quatre meurtres commis par les PAC, directement pour les meurtres du gardien de prison et du policier et pour complicité dans ceux des deux autres victimes. Le procès de Cesare Battisti est donc rouvert en 1987, et il sera condamné par contumace en 1988 pour un double meurtre (Santoro, Campagna) et deux complicités d'assassinat (Torregiani, Sabbadin). La sentence est confirmée le 16 février 1990 par la 1re cour d'assises d'appel de Milan, puis après cassation partielle, le 31 mars 1993 par la 2e cour d'assises d'appel de Milan[13]. Il en résulte une condamnation à réclusion criminelle à perpétuité, avec isolement diurne de six mois, selon la procédure italienne de contumace.
Le débat
Dans son livre sur le sujet, Guillaume Perrault fait la liste des éléments que la cour d'assises a recensés comme preuve : analyses balistiques, documents retrouvés dans la planque de 1981, et recoupements de témoignages extérieurs et de repentis des PAC[14]. Selon Fred Vargas[11] et d'autres auteurs (Valerio Evangelisti[15], Bernard-Henri Lévy[16]), aucune preuve matérielle n'incriminerait Cesare Battisti (y compris les analyses balistiques) et ce procès aurait été entaché d'irrégularités.
Dans les publications issues de l'affaire de 2004, les indications divergent sur la façon dont Cesare Battisti a été défendu lors de ces procès en Italie à partir de 1987. Ce dernier affirme qu'il n'a pas eu de communication avec sa défense, tandis que le gouvernement italien indique qu'il menait sa défense secrètement depuis sa fuite. Ce point semble important dans la perspective de l'affaire en France, car ce n'est que dans le cas où il est réputé avoir pu mener sa défense lui-même, que la contumace italienne, qui ne permet pas de nouveau procès, peut être compatible avec les règles françaises de l'extradition[17]). Sur ce point, Guillaume Perrault, journaliste au Figaro, rappelle à son tour qu'« en Italie, au contraire [de la France], un accusé a le droit de ne pas comparaître devant les jurés s'il l'estime utile à son système de défense. Qu'il attende en face du tribunal ou soit en fuite sous les tropiques, l'essentiel est qu'il ait eu connaissance de sa convocation, des voies de recours possibles et, surtout, qu'il ait pu préparer librement sa défense avec les avocats de son choix[18] ». Il rappelle en outre[18],[19] que cette procédure de contumace a été approuvée, le 14 décembre 1993, par le comité des ministres du Conseil de l'Europe, instance politique chargée de l'application des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, bien que, comme l'indique la défense de Cesare Battisti, les décisions judiciaires de la Cour de Strasbourg en elles-mêmes aient plusieurs fois contesté la condamnation par contumace italienne[20],[21],[22].
En fuite
Au Mexique, il vit de petits boulots. Il travaille dans des restaurants. Il crée une revue littéraire (via Libre en 1986, dont une version électronique existe encore aujourd'hui[23]), participe à la création du Festival du livre de Managua, organise la première Biennale d'Arts Graphiques à Mexico. Il commence à écrire sous l'impulsion du romancier Paco Ignacio Taibo II, il collabore à plusieurs journaux.
En 1985, le président François Mitterrand s’engage à ne pas extrader les anciens activistes italiens ayant rompu avec la violence, à l'exclusion des crimes de sang[24]. C'est la doctrine Mitterrand. Sur la base de cet engagement politique, Cesare Battisti revient en France en 1990.
Il y est cependant arrêté à la demande de l'Italie en 1991. Il passe cinq mois à la prison de Fresnes. La chambre d’accusation de la cour d’appel de Paris rejette la demande d'extradition le 29 mai 1991, par deux arrêts ; à l’époque, la justice française estime que les lois adoptées en Italie contre le terrorisme « allaient à l’encontre de la conception française du droit »[25], notamment en appliquant le principe Non bis in idem, selon lequel on ne peut être jugé deux fois pour les mêmes faits[26].
Les craintes d'extradition vers l'Italie écartées, sous la protection juridique de la France, il s'installe à Paris, où il prend un travail de gardien d'immeuble, en même temps qu'il continue son activité littéraire et commence une carrière d'écrivain qui va lui conférer une certaine notoriété et des articles favorables dans des journaux orientés à gauche[3].
Il écrit son premier roman Les Habits d'ombre. Ce roman et les deux qui suivront L'Ombre rouge et Buena onda sont des romans noirs qui prennent pour toile de fond le monde des exilés italiens à Paris. Il publie également Dernières cartouches qui se déroule dans l'Italie des Années de plomb.
Pendant ce temps, le 31 mars 1993, il est condamné définitivement pour assassinat (Antonio Santoro, Andrea Campagna) et complicité d'assassinat (Lino Sabbadin).
L'affaire Battisti
2004-2007 : en France
Le 10 février 2004, il est à nouveau arrêté à Paris pour être extradé, à la suite d'une nouvelle demande de l'Italie. C'est le début de l'« affaire Battisti ».
Cette affaire suscite une vive polémique en Italie et en France. Plusieurs artistes, écrivains, journalistes, personnalités politiques et publiques, incluant une partie de la gauche et l'extrême gauche française protestent contre l'extradition de Battisti, dont le collectif du Poulpe, qui rassemble des auteurs de polars, dont la romancière Fred Vargas, l'humoriste Guy Bedos, le chanteur Georges Moustaki, le maire de Paris Bertrand Delanoë, le philosophe Bernard-Henri Lévy, l'Abbé Pierre. François Hollande lui rend visite à la prison de la Santé alors que Battisti y est incarcéré. Le gouvernement français communique que cette procédure est habituelle[27]. Le 2 mars 2004, le Conseil de Paris vote une résolution le soutenant[28]. Ces réactions de soutien suscitent par ailleurs des critiques en France, comme celle du journaliste Guillaume Perrault qui, dans un ouvrage consacré à l'affaire, estime que les supporters de Battisti obéissent essentiellement à une logique politique et ne défendent pas son innocence mais demandent l'« indulgence due à la pureté de sa cause »[29].
Ces réactions de soutien suscitent en retour des réactions de groupes politiques français et italiens, et d'une partie de l'opinion publique internationale[30] et italienne. L'Italie, tout comme la France, est divisée sur l'affaire mais le sentiment prédominant est défavorable à Battisti : il est condamné aussi bien par la gauche et la droite politique, par la plupart des médias, ainsi que par les autorités[31],[32]. Le traitement de l'affaire diffère également entre les médias français et italiens : tandis que la majorité des médias français utilisent pour décrire Cesare Battisti le qualificatif d'« activiste », les médias italiens adoptent pour la plupart celui de « terroriste ».
Dans cette polémique, les deux parties s'accusent mutuellement de campagne de désinformation. Le procureur adjoint de Milan, Armando Spataro, qui était déjà procureur (it) à l'époque et avait participé aux procès de Cesare Battisti, parle dans l’Express de « formidable désinformation en France[33] », tandis que Cesare Battisti et ses soutiens parlent de cet acharnement, cette intoxication, et cette désinformation[34].
Cesare Battisti est mis en liberté surveillée le 3 mars 2004.
Le 30 juin 2004, la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Paris rend une décision favorable à son extradition[35],[36].
Le 2 juillet 2004, le président de la République française Jacques Chirac déclare qu'il ne s'opposera pas à la décision de la justice française de l'extrader[37]. Dominique Perben, Garde des sceaux, confirme ce changement de position : « Il n’y a pas d’ambiguïté. Il y a un changement d’attitude de la part de la France et je l’assume » (en référence à la doctrine Mitterrand)[38],[39]. Le 8 juillet 2004, le gouvernement retire le décret d'application[réf. nécessaire] concernant sa naturalisation, qui était en passe d'aboutir suite à une procédure débutée en 2001[40].
Le 21 août 2004, Cesare Battisti se soustrait à son contrôle judiciaire, et annonce qu'il reprend la clandestinité[41],[42]. Il était alors recherché par la police française. Cesare Battisti affirme en janvier 2009 que cette fuite a été facilitée par les services secrets français[43].
Un pourvoi formé devant la chambre criminelle de la Cour de cassation française est examiné le 29 septembre, puis rejeté le 13 octobre 2004[44].
Le décret d'extradition est signé par le premier ministre. Les avocats introduisent un recours en annulation devant le Conseil d'État français, qui confirme le décret d'extradition le 18 mars 2005[13].
Cesare Battisti dépose une plainte auprès de la Cour européenne des droits de l'homme, au titre que son extradition vers l'Italie porterait atteinte à son droit à un procès équitable (en référence au fait, entre autres, qu'il n'était pas présent lors de son procès). La Cour européenne des droits de l'homme, à l'unanimité, a déclaré, par la décision du 12 décembre 2006, que les jugements sur Battisti en Italie ont été effectuées en stricte conformité avec les principes de procédure régulière[45].
La Cour européenne des droits de l'homme déclare le 19 mars 2007 que sa demande est irrecevable[46],[47]. Là elle motive sa décision par le motif qu'il avait « renoncé d'une manière non équivoque à son droit de comparaître personnellement et d'être jugé en sa présence » en étant en fuite et note que « le requérant, qui avait délibérément choisi de rester en situation de fuite après son évasion en 1981, était effectivement assisté de plusieurs avocats, spécialement désignés par lui durant la procédure »[48],[49]
À partir de 2007 : au Brésil
Il est arrêté par la police brésilienne le 18 mars 2007,[50],[51],[50],[52] à Rio de Janeiro. Dès les premiers jours, la presse a relayé qu'il avait été arrêté en compagnie d'une femme, Lucie Abadia, membre de son comité de soutien, prise en filature depuis la France, et qui allait lui apporter 9 000 €, mais cette version a été par la suite contestée[53],[54],[55]. L'opération était appuyée par des policiers français, présents lors de l'arrestation.
L'Italie a appelé immédiatement à son extradition, mais la justice brésilienne doit elle-même se prononcer, auparavant, sur la légalité de cette procédure[56], c'est-à-dire déterminer si le jugement italien, y compris la procédure de jugement par contumace, est en conformité avec la procédure criminelle brésilienne.
Le 20 mars 2007, la Cour suprême brésilienne donne quarante jours à l'Italie pour présenter une demande formelle d'extradition de Cesare Battisti. Suite à quoi, la cour pourra statuer dans un délai non précisé. Si la Cour conclut que les crimes dont il est accusé constituent des actes de terrorisme, il pourra être extradé, mais s'il demande et obtient le statut de réfugié politique, l'extradition ne pourra pas avoir lieu. La cour devra également prendre en compte le fait que le Brésil n'extrade pas pour des peines de plus de trente ans de prison et que les lois brésiliennes ne reconnaissent pas les jugements prononcés en absence de l'accusé (alors qu'il est condamné à perpétuité par contumace)[57].
Les autorités judiciaires italiennes se disent satisfaites de cette arrestation[58],[59]. Romano Prodi, président du Conseil a félicité Giuliano Amato, ministre de l'Intérieur, de l'arrestation de Battisti. En effet, des membres de la police antiterroriste italienne, l'Ucigos, se trouvaient depuis le mois d'octobre au Brésil à la recherche de l'ex-membre des Prolétaires armés pour le communisme.
À la suite son arrestation, Piero Fassino, secrétaire général des Démocrates de gauche (Democratici di sinistra, DS) et porte parole du plus important parti de la coalition au pouvoir, déclara qu'il était temps « que les responsables de graves actes de terrorisme ayant fait des victimes innocentes et bouleversé la vie de ce pays paient leur dette envers la justice »[60],[61]. Cesare Battisti a obtenu le soutien de quelques rares personnalités italiennes, comme l'écrivain Valerio Evangelisti. Des personnalités et des groupes se sont manifestés et réclament une amnistie pour cette période de l'Histoire de l'Italie[62], mais ils sont une minorité en Italie, et sont face à une opposition virulente de la part des associations de victimes. Maurizio Puddu, président de l'Association italienne des victimes du terrorisme a déclaré que « la grâce et l'amnistie ne peuvent pas être appliquées envers qui a commis des crimes de terrorisme et de massacre. De nombreux terroristes se sont réfugiés en France et ont reconstruit leur vie mais nos proches ne peuvent pas le faire, car ils sont dans des cimetières[63] ».
La classe politique et l'opinion française ont aussi réagi. La droite se félicitant de sa capture. Tandis que des responsables de la gauche française et le centriste François Bayrou, appellent le gouvernement français à faire pression sur l'Italie pour que Cesare Battisti soit rejugé (dans l'hypothèse d'une extradition, et en référence au fait qu'il n'aurait pas pu présenter sa défense lors de sa contumace de 1988)[64]. Constatant la participation de policiers français présents à l'arrestation, et la proximité avec la présidentielle française, des observateurs, avec parmi eux les sympathisants de Cesare Battisti, voient dans cette arrestation une manipulation de Nicolas Sarkozy, lui-même candidat. Le quotidien italien La Repubblica a par ailleurs indiqué que Nicolas Sarkozy savait dès 2006 où se trouvait Cesare Battisti[65],[66],[67],[54]. Dans des propos rapportés par Bernard-Henri Lévy, Cesare Battisti raconte comment il était surveillé de près depuis un an par la police[55]. Nicolas Sarkozy répond en arguant que c'est une coïncidence, et que l'assistance de la police française était un devoir en vertu de la demande de collaboration émise par la justice italienne[68]
Certains, au Brésil, ont protesté contre l'extradition. Le Groupe Tortura Nunca Mais/RJ[69], la Commission des droits de l’homme de l’Ordre des avocats du Brésil (OAB-CE), des groupements sociaux, des partis politiques, des avocats et des enseignants ont lancé une campagne contre l'extradition. Ils demandent l'octroi de l'asile politique à Cesare Battisti en s'appuyant sur la tradition d'asile qu'a jusqu'ici accordé le Brésil aux réfugiés italiens des années de plomb (Luciano Pessina ex-militant du mouvement Autonomie Ouvrière, Toni Negri) et sur l’article 5º, alinéa LII de la Constitution : « Il ne sera accordé aucune extradition d’étranger pour crime politique ou d’opinion »[70].
À l'issue du délai de quarante jours accordé par le Brésil, le ministre de la Justice italienne, Clemente Mastella, a fait une demande formelle d'extradition. Afin d'éviter un blocage dû à la législation brésilienne qui refuse l'extradition pour des peines de plus de trente ans de réclusion, le ministre italien a précisé que la peine de Cesare Battisti ne serait pas nécessairement une perpétuité effective[71], ce qui a déclenché une polémique en Italie et la colère des victimes des Prolétaires armés pour le communisme.
Le 5 avril 2008, le procureur général de Brasilia a donné un avis favorable à l'extradition de Cesare Battisti considérant que ce dernier avait bien « des motivations politiques », mais que celles-ci étaient insuffisantes pour justifier « la mise en danger de responsables de l'autorité et de civils sans défense »[72], ses crimes étant marqués par une « certaine froideur et un certain mépris pour la vie humaine »[73]. Le procureur a également précisé qu'en cas d'extradition, la condamnation à perpétuité de Battisti devra être transformée en trente ans de réclusion et le temps passé en prison au Brésil décompté de sa peine[73]. La commission nationale pour les réfugiés refuse pour sa part le statut de réfugié politique à Cesare Battisti[74].
Le 14 janvier 2009, le ministre brésilien de la justice Tarso Genro émet une opinion contraire à celles du procureur général de Brasilia et de la commission nationale pour les réfugiés et donne un avis favorable à l'octroi à Battisti du statut de réfugié politique, arguant d'une « crainte fondée de persécution » dans son pays[75]. La décision revient désormais à la Cour suprême du Brésil. En Italie, l'association « Domus Civitas » regroupant victimes du terrorisme et de la mafia, a qualifié la demande du ministre brésilien d'« humiliation ». Sabina Rossa, députée du Parti démocrate et membre d'une autre association de victimes du terrorisme, dont le père a été tué par les Brigades rouges, a déclaré que la décision du ministre brésilien « démontre encore une fois une insensibilité totale et un manque de respect pour notre démocratie ». Le ministère italien des affaires étrangères a aussitôt demandé au président brésilien Lula de revenir sur la décision de son ministre[76]. Le 27 janvier, l'Italie rappelle pour consultations son ambassadeur au Brésil. Sergio Romano, dans un éditorial du Corriere della sera, commente : « Le Brésil, en ce moment, se sent puissant en vertu de son succès économique et du modèle qu'il représente et il est vraiment dommage qu'il n'ait pas compris qu'il y avait en Italie cette blessure encore ouverte du terrorisme »[77]. Battisti demeure incarcéré en l'attente d'une décision de la cour suprême du Brésil.
Dans une lettre publiée par ses avocats le 30 janvier 2009, Cesare Battisti nie une nouvelle fois avoir commis les meurtres pour lesquels il fut condamné et dénonce nommément quatre de ses anciens complices des PAC – Gabriele Grimaldi, Sebastiano Masala, Giuseppe Memeo et Sante Fatone, tous condamnés des années plus tôt et dont l'un est décédé en 2006 – comme responsables des assassinats[78]. Les trois ex-membres des PAC répliquent en qualifiant l'attitude de Battisti d'« infamante »[79].
Le 31 décembre 2010, le président Lula fait annoncer au dernier jour de son mandat son refus de l'extradition. La classe politique italienne s'insurge contre cette décision. Le gouvernement italien rappelle pour consultation son ambassadeur au Brésil, Gherardo La Francesca, et promet des sanctions contre le Brésil[80], envisageant également un recours devant la Cour pénale internationale de La Haye[81]. Les soutiens français de l'ex-militant italien se sont félicités de la décision du président brésilien. « Je me réjouis de la sagesse du président Lula. C'est une décision avisée. C'est la décision d'un homme qui a pris le temps de se plonger dans le dossier, de vérifier ses nombreuses irrégularités et de prendre la mesure de sa dimension exagérément passionnelle », écrit le philosophe Bernard-Henri Lévy sur son site internet, La règle du jeu[82]. En Italie, des manifestations ont lieu contre la décision du président brésilien, et réunissent des responsables politiques de droite et de gauche. Silvio Berlusconi, tout en promettant la fermeté, déclare ne pas souhaiter que l'amitié entre l'Italie et le Brésil souffre de l'affaire, ajoutant « cette affaire ne concerne pas les rapports entre nos deux pays, c'est une affaire judiciaire »[83].
Le 6 janvier 2011, le Tribunal fédéral suprême du Brésil rejette la demande de libération présentée par les avocats de Cesare Battisti, et renvoie l'affaire à l'un de ses magistrats, déjà rapporteur du cas Battisti, et partisan de l'extradition devant la cour suprême. Plusieurs juristes brésiliens se déclarent convaincus que l'Italie obtiendrait gain de cause en cas de recours à La Haye[84]. Le 20 janvier 2011, le Parlement européen approuve, avec un seul vote contre, une résolution demandant l'extradition de Cesare Battisti. La Commission européenne estime pour sa part que le différend à ce sujet doit être réglé de manière bilatérale entre l'Italie et le Brésil[85].
Le 9 juin 2011, Cesare Battisti est sorti de la prison de haute sécurité de Papuna[86] près de Brasilia où il était incarcéré depuis quatre ans, après que la Cour suprême du Brésil a rejeté son extradition vers l'Italie.
Ouvrages
Romans
- Cesare Battisti (trad. Gérard Lecas), Les Habits d'ombre [« Travestito da Uomo »], Paris, Gallimard, coll. « Série noire », 1993 (réimpr. 2004) (ISBN 2070493202 et 2070316297) (réimpr. 2006, Gallimard, coll. « Folio policier » (ISBN 207033791X))
- Cesare Battisti (trad. Monique Baccelli), Nouvel an, nouvelle vie [« Anno nuovo, vita nuova »], Paris, Mille et une nuits, coll. « Mille et une nuits », 1997 (ISBN 2842051408)
- Cesare Battisti (trad. Gérard Lecas), L'Ombre rouge [« Orma rossa »], Paris, Gallimard, coll. « Série noire », 31 décembre 1994, 302 p. (ISBN 2070494241)
- Buena onda « Buena onda », (trad. de l'italien par Arlette Lauterbach), Gallimard / NRF, coll. « Série noire », Paris, 1996, (ISBN SN n°2432) [présentation en ligne]
- J'aurai ta Pau, (trad. de l'italien par Arlette Lauterbach), La Baleine, coll. « Le Poulpe », Paris, 1997, [présentation en ligne]
- Pixel « Copier coller », (trad. de l'italien par Anna Buresi), Flammarion, coll. « Père Castor », Paris, 1997, Poche
- L'Ultimo sparo « Dernières cartouches », (trad. de Gérard Lecas, préface de Valerio Evangelisti) (Joëlle Losfeld dir.), Gallimard, coll. « Littérature étrangère/Joëlle Losfeld », 1998, 180 p. (ISBN 2844120024) [présentation en ligne]
- Tempo da insetti « Jamais plus sans fusil », (trad. de l'italien de Gérard Lecas), Le masque, Paris, octobre 2000, [présentation en ligne]
- Avenida Revolución « Avenida Revolución », Rivages thriller, Paris, novembre 2001, [présentation en ligne]
- Le Cargo sentimental, Joëlle Losfeld, 2003
- Vittoria, Cesare Battisti, illustrations d'Alain Korkos (trad. de l'italien par Mariette Arnaud), Eden Productions, Paris, novembre 2003, 80 p. (ISBN 291324579X) [présentation en ligne]
- L'Eau du diamant, (trad. de Gérard Lecas), Le masque, Paris, avril 2006, [présentation en ligne]
- Ma Cavale, (Préface de Bernard-Henri Lévy, postface de Fred Vargas), Grasset/Rivages, France, 27/4/2006, 376 p. (ISBN 2 246 70851 6)[présentation en ligne]
Collectif, recueils et anthologies
- Via Libre 5, Cesare Battisti (dir.), [présentation en ligne] [lire en ligne]
- « Quattro passi di danza », dans : Daniele Brolli (dir.) et al. (collectif), Italia odia, Arnoldo Mondadori Editori
- « Super snail in action », (trad. de l'italien par Sonia Fanuele et Catherine Siné), dans : Serge Quadruppani (dir.) et al. (collectif) (entretien-préface avec Valerio Evangelisti), Portes d'Italie, Fleuve Noir, 2001, [présentation en ligne]
- « Choice », dans : Gérard Delteil (dir.) et al. (collectif), Noir de Taule, Société d'Édition Les Belles Lettres, 2001
- « L'air de rien », dans : J.P. Pouy (dir.) et al. (collectif), Paris rive noire, Autrement, Paris, 1996
- Terres brûlées, Cesare Battisti (dir.) et al. (collectif), Rivages thriller, 2000, [présentation en ligne]
Bibliographie
- Fred Vargas (dir.) et al. (collectif), La Vérité sur Cesare Battisti, Viviane Hamy, 2004-05
- Comité lyonnais de soutien à Cesare Battisti (collectif), Cesare Battisti face au marchandage, Jean-Paul Rocher, Lyon, 02/9/2004, 88 p. (ISBN 2-911361-69-5)
- Guillaume Perrault (préface de Gilles Martinet), Génération Battisti. Ils ne voulaient pas savoir, Plon, février 2006, 186 p. [présentation en ligne]
- Recueil de textes sur l'affaire, sur les réfugiés italiens, pétitions, expressions de soutien et site de l'auteur : Cesare Battisti, Valerio Evangelisti (collectif), ViaLibre5 (consulté le 06/7/2006) < http://www.vialibre5.com/ >
- Pierre-André Sauvageot, Cesare Battisti, Résistances, Label Video-Planète-France3 Corse, 2004, documentaire, [présentation en ligne]
- Cesare Battisti (Préface de Bernard-Henri Lévy, postface de Fred Vargas), Ma Cavale, Grasset/Rivages, France, 27/4/2006, 376 p. (ISBN 2 246 70851 6) [présentation en ligne]
- Mensonges en-deçà des Alpes et mensonges au-delà. Entretien d'Olivier Favier avec Fred Vargas. Décembre 2009. Revue des ressources.
- Giuseppe Cruciani, Gli amici del terrorista. Chi protegge Cesare Battisti, Milan, Sperling & Kupfer, 2010.
Notes et références
- Sentence de la seconde cour d'appel de Milan, condamnant les membres du groupe, 31 mars 1993.
- « Brésil : l'Italie déboutée, Cesare Battisti retrouve la liberté », Le Monde, 9 juin 2011.
- Journal, 27/04/2001. L’homme aux semelles de plomb.
- Pourquoi Battisti n'a-t-il pas dit son innocence plus tôt ? Par Fred Vargas
- http://www.vialibre5.com/je-n-ai-pas-tue.htm > Résumé de l'argumentaire officiel de Cesare Battisti : Cesare Battisti, Je n'ai pas tué, 06/8/2004 <
- lire en ligne] Cesare Battisti, « Cesare Battisti : biographie », dans Via Libre 5, Cesare Battisti (dir.), [
- Lettre ouverte à Fred Vargas par Gilda Piersanti). Ces propos sont confirmés par le procureur adjoint de Milan dans L'Express L'écrivain italien Gilda Piersanti rappelle que ce n'est pas pour leurs sympathies d'extrême droite que ces commerçants furent assassinés mais pour s'être défendu face à un braquage des PAC. Ces derniers « les ont revendiqués comme exemple de justice prolétaire contre deux commerçants coupables d’avoir tiré, pour se défendre, sur les braqueurs armés de ces mêmes PAC. » (
- La balle perdue qui a rendu paraplégique le fils du bijoutier a été tirée par son père in Guillaume Perrault, Génération Battisti. Ils ne voulaient pas savoir, février 2006 p. 188
- Du correspondant à Rome Richard Heuzé, « Une victime de Battisti parle », dans Le Figaro, mars 2007 [texte intégral (page consultée le 18 mars 2007)]
- lire en ligne] Fred Vargas, « Et si Battisti était vraiment innocent ? » dans Le Monde, 13/11/2004 [
- lire en ligne] Fred Vargas, « Cesare Battisti : À la recherche de la justice perdue », dans La Règle du Jeu, n°30 (janvier 2006), [
- Gilda Piersanti, « Cara Fred, (lettre ouverte à Fred Vargas sur l'affaire Battisti) », Le Mague, 02/6/2004
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- Guillaume Perrault, Génération Battisti. Ils ne voulaient pas savoir, février 2006, p. 32
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- en préfacep. 13
Cesare Battisti, Ma Cavale, 27/4/2006,
- Fred Vargas écrit : « L'autre grande force du dossier de Battisti était qu'il avait été condamné en Italie en son absence. Selon la loi française, il devait donc bénéficier d'un nouveau procès en sa présence, et ne pouvait donc pas être envoyé directement en prison en Italie, encore moins pour une peine de perpétuité » dans la postface de Cesare Battisti, Ma Cavale, 27 avril 2006, p. 370.
- présentation en ligne], p. 28-29 Guillaume Perrault (préface de Gilles Martinet), Génération Battisti. Ils ne voulaient pas savoir, Plon, février 2006, 186 p. [
- Guillaume Perrault sur Primo Europe Elle « respectait pleinement le principe du débat contradictoire » in
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- lire en ligne],
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- lire en ligne] Via Libre 5, Cesare Battisti (dir.), [
- Les réfugiés italiens (...) qui ont participé à l'action terroriste avant 1981 (...) ont rompu avec la machine infernale dans laquelle ils s'étaient engagés, ont abordé une deuxième phase de leur propre vie, se sont inséré dans la société française (...). J'ai dit au gouvernement italien qu'ils étaient à l'abri de toute sanction par voie d'extradition (...). [La France] refusera toute protection directe ou indirecte pour le terrorisme actif, réel, sanglant."
- lire en ligne], (27/5/2004), [lire en ligne] Jacques Vallet, « Á propos de Cesare Battisti », dans Le Monde libertaire, Bernard Touchais (dir.), [
- Christophe Kantcheff, « Cesare Battisti : l’État français aux ordres de Berlusconi », Politis, 19 février 2004
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- lire en ligne]) Vœu déposé par l'exécutif municipal et les élus du groupe socialiste et radical de gauche, du groupe Les Verts, du groupe communiste et du groupe Mouvement républicain et citoyen, 01/3/2004 [
- Guillaume Perrault, Génération Battisti - Ils ne voulaient pas savoir, éd. Plon, 2005, 205 pages
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- Irène Terrel, Jean-Jacques de Félice, Réflexions sur l'arrêt du 30/06/2004, Vialibre5 [lire en ligne] Commentaire de l'arrêt par les avocats de Cesare Battisti (point de vue défavorable) :
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- lire en ligne]. NdT : le groupe GTNM/RJ s’est créé en 1985 à l’initiative d’anciens prisonniers politiques torturés par le régime militaire et par les parents de personnes mortes ou disparues pour des raisons politiques, il constitue une référence importante sur la scène nationale brésilienne. Au sein de l'État de Rio de Janeiro, le GTNM/RJ est membre permanent du « Conseil de la Communauté du District de Rio de Janeiro » chargé de la surveillance des violations des droits des prisonniers dans les commissariats de police et les prisons. Tortura Nunca Mais / Rio De Janeiro, « Brésil - Communiqué du Groupe "Tortura Nunca Mais / Rio De Janeiro" », (21/3/2004), [
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- Le Brésil donne son feu vert à l'extradition de Cesare Battisti | Rue89
- Le Monde.fr : Archives
- http://www.myboukin.com/en-bref/revue-de-presse/554-bresil-refuse-asile-politique-a-cesare-battisti.html
- Le Brésil accorde l’asile politique à Cesare Battisti », Le Monde diplomatique, 15 janvier 2009. «
- Le Figaro, 14/09/09
- Rome dénonce le "terroriste" Battisti et rappelle son ambassadeur à Brasilia, Le Matin, 27 janvier 2009
- Battisti: «Sono innocente, gli assassini sono i miei quattro complici», Corriere della sera, 30 janvier 2009
- Anche gli ex compagni contro Battisti «Per i fatti di 30 anni fa abbiamo pagato», Corriere della sera, 31 janvier 2009
- Battisti : l'Italie dénonce "l'affront" de Lula. Le Monde/AFP, 31 décembre 2010
- Caso Battisti, Italia non si arrende: pronta a ricorrere all'Aia, TMNews, 2 janvier 2011
- Battisti: ses soutiens français se félicitent de la décision de Lula. Le Point, 31/12/2010.
- Battisti: manifestations en Italie, Berlusconi promet la fermeté, L'Express, 4 janvier 2011
- Brasile, prima sconfitta per Battisti, Corriere della sera, 6 janvier 2011
- Il Parlamento europeo approva la risoluzione italiana su Battisti, La Stampa, 20 janvier 2011
- « Cesare Battisti est libre », Le Point, 9 juin 2011.
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