Bus Blancs

Bus Blancs

Bus blancs

"Bus blancs" de la Croix-Rouge suédoise, probablement à proximité du domaine de leur quartier général à Friedrichsruh

Le terme Bus blancs a été utilisé pour une opération humanitaire dont le fer de lance fut le comte suédois Folke Bernadotte sous les auspices de la Croix-Rouge à la fin de la Seconde Guerre mondiale, sauvant des milliers de Norvégiens et de déportés politiques norvégiens et danois des camps de concentration allemands et aussi un grand nombre de Juifs. Les descendants (et dans quelques cas des survivants encore en vie) de ces Juifs vivent dans le sud de la Suède et, dans d'autres cas, en grand nombre comme dans la ville de Malmö où beaucoup d'entre eux y entrèrent, en arrivant en Suède. Ce terme "bus blancs" a pour origine la pratique de peindre en blanc avec des croix rouges les côtés et le toit des bus pour qu'il n'y ait aucune confusion avec des véhicules militaires.

En mars et avril 1945, quelques 15 000 Scandinaves et d'autres nationalités furent enlevés de l'emprisonnement et du confinement nazis et conduits en Suède. Le programme continua après la capitulation allemande, en en rapatriant encore 10 000 vers la Suède.

Au Danemark et en Norvège, l'opération est considérée comme un succès humanitaire énorme qui sauva beaucoup de vies. Elle a cependant aussi été sujet à des critiques comme celle de favoriser les Scandinaves par rapport aux victimes venues d'autres pays.

L'association norvégienne des Bus blancs organise des excursions à Sachsenhausen et aux sites d'autres camps de concentration, pour des classes d'école, en coopération avec les témoins de cette époque.

Sommaire

Prisonniers scandinaves en Allemagne

Danemark et Norvège furent envahis par l'Allemagne le 9 avril 1940, et à peine deux mois plus tard les forces d'occupation établirent le premier camp de prisonniers à Ulven à l'extérieur de Bergen. Comme la résistance contre l'occupation prenait plus d'ampleur, encore plus de Norvégiens furent arrêtés. La plupart furent gardés dans des camps en Norvège et pour des raisons diverses des milliers de Norvégiens furent aussi envoyés dans des camps et des prisons en Allemagne, le premier déjà à l'automne 1940. Les arrestations au Danemark débutèrent avec la démission de la coalition gouvernementale le 29 août 1943.

Les prisonniers scandinaves en Allemagne furent divisés en catégories variées, des fonctionnaires internés ainsi nommés qui vivaient de façon privée et avait une certaine liberté, à ceux de déportés Nacht und Nebel qui étaient destinés au travail jusqu'à la mort. Comme le nombre de prisonniers scandinaves augmentait, différents groupes s'organisaient pour travailler à leur assistance. Les prêtres des marins norvégiens à Hambourg, Arne Berge et Conrad Vogt-Svendsen, visitaient des prisonniers, les aidant en leur fournissant de la nourriture et leur prenant les lettres adressées à leurs familles en Norvège et au Danemark. Vogt-Svendsen prit contact aussi avec les fonctionnaires internés à "Gross Kreutz", les familles norvégiennes Hjort et Seip. Ensemble avec d'autres Scandinaves, le groupe à Gross Kreutz compila de vastes listes de prisonniers et d'adresses. Les listes furent alors envoyées au gouvernement norvégien en exil à Londres par l'intermédiaire de l'ambassade suédoise à Berlin. A Stockholm, le diplomate norvégien Niels Christian Ditleff s'engagea lui-même fortement pour le sort des prisonniers scandinaves. A la fin de l'année 1944, il y avait environ 8 000 prisonniers norvégiens en Allemagne, sans compter quelques 1 125 prisonniers de guerre norvégiens.

Du côté danois, l'amiral Carl Hammerich avait travaillé longuement à des plans secrets pour une expédition, nom de code le "Jyllandskorps", pour sauver des déportés danois et norvégiens des camps allemands. Hammerich avait de bons contacts avec les deux prêtres des marins norvégiens, le groupe Gross Kreutz et avec Niels Christian Ditleff à Stockholm. Au début de 1945, il y avait environ 6 000 déportés danois en Allemagne. Pendant l'année 1944, les Danois firent des efforts importants de planification, incluant l'enregistrement des prisonniers et des plans pour transporter des ressources, de la nourriture disponible, des abris et des quarantaines éventuelles pour les déportés, s'ils devaient atteindre le Danemark. Hammerich visita Stockholm en février, avril et juillet 1944 et discutait à propos de ces plans avec Ditleff.

Evacuer ou "rester sur place" ?

Pendant que les forces alliées, à la presque fin de 1944, s'approchaient de l'Allemagne, le SHAEF décida de ce qui devait être fait concernant les déportés alliés. A l'intérieur du gouvernement norvégien en exil, le commandant Johan Koren Christie écrivait un mémorandum le 23 septembre 1944 ; les déportés norvégiens devaient "rester sur place", attendre jusqu'à qu'ils soient libérés par les forces alliées avançantes. Le groupe Gross Kreutz prit connaissance de cette ligne de conduite le mois d'après et réagit rapidement avec Johan Bernhard Hjort écrivant un rapport déconseillant de suivre cette proposition. Ses arguments étaient que les déportés risquaient d'être massacrés et qu'ils devaient être sauvés de l'Allemagne avant que le pays ne soit libéré, il écrivait :

"Il est par conséquent fortement suggéré au gouvernement norvégien de considérer la possibilité que le gouvernement suédois pourrait être incité à intervenir pour aider au moins les déportés fonctionnaires norvégiens et danois en Allemagne, y compris ceux en prison, avec l'objectif de les transporter vers la Suède, où, si c'est réalisable, ils pourraient rester jusqu'à ce la guerre soit finie."

Le rapport d'octobre 1944 de Hjort était la première fois qu'une opération suédoise pour sauver les déportés scandinaves fut mentionnée ; la proposition fut toutefois initialement défavorablement reçue. Sauver des déportés était vu comme une responsabilité norvégienne et le gouvernement norvégien en exil était peu disposé à donner une chance aux Suédois de les différencier d'eux-mêmes jusqu'à la fin de la guerre.

L'énergique diplomate Niels Christian Ditleff à Stockholm n'accepta pas ces règles de conduite de la part du gouvernement norvégien en exil à Londres et garda de l'influence à la fois sur les Suédois influents individuellement et sur le ministère des affaires étrangères suédois pour que la Suède continue à sauver des déportés scandinaves. En septembre 1944, Ditleff souleva la question avec le comte Folke Bernadotte qui immédiatement fut convaincu par ce plan. Le 30 novembre 1944, Ditleff transmit son mémorandum "Raisons pour une opération suédoise ayant pour but de sauver des déportés" au ministère des affaires étrangères suédois, mais ce fut encore de sa propre initiative. Le 29 décembre 1944, le gouvernement norvégien en exil changea sa position et informa son ambassade à Stockholm de la possibilité d'une opération suédoise concernant les déportés scandinaves.

Pendant que Ditleff essayait d'influencer le gouvernement norvégien en exil, les Danois obtenaient la permission des Allemands de ramener des déportés. Les premiers transportés pour le retour au Danemark furent des policiers danois de Buchenwald et le premier transport démarra le 5 décembre 1944. Jusqu'à fin février 1945, les Danois transportèrent 341 déportés, la plupart malades. Ces transports donnèrent aux Danois une expérience précieuse qui, plus tard, bénéficiera aux "Bus Blancs".

Aide suédoise aux prisonniers

La Suède était le seul pays nordique qui resta neutre durant la Seconde Guerre mondiale, mais sa neutralité fluctuait avec la guerre. Si jusqu'à la défaite allemande de la bataille de Stalingrad, la Suède fut obligeante envers l'Allemagne, elle modifia sa politique graduellement pour devenir plus proche des forces alliées.

Le finlandais Felix Kersten était le masseur personnel d'Heinrich Himmler. Il vivait à Stockholm et agissait comme un intermédiaire entre le ministère des affaires étrangères suédois et Himmler. Himmler et son subordonné en qui il avait confiance, Walter Schellenberg, avaient depuis longtemps l'idée que l'Allemagne perdrait la guerre, et ils examinèrent la possibilité d'un traité de paix séparée avec les puissances occidentales ; dans ce cas, la Suède pouvait être un intermédiaire utile. Avec l'aide de Kersten, le ministère des affaires étrangères suédois était capable de libérer 50 étudiants norvégiens, 50 policiers danois et 3 Suédois en décembre 1944. Une condition absolue pour la libération des déportés était qu'elle devait être cachée à la presse ; si Hitler arrivait à connaître cela, les extraditions suivantes seraient impossibles.

Ditleff envoya un nouveau mémorandum, le 5 février 1945, cette fois comme une requête officielle norvégienne. La Suède fut sollicitée pour l'envoi d'une délégation de la Croix-Rouge à Berlin afin de négocier le sort des déportés scandinaves, et si c'était un succès, envoyer une expédition d'assistance suédoise. Le ministre des affaires étrangères suédois Christian Günther y était favorable, et le gouvernement suédois donna la permission au comte Folke Bernadotte, comme vice-président aux commandes de la Croix-Rouge suédoise,

"d'essayer d'obtenir la permission de l'Allemagne de transporter vers la Suède ou le Danemark des déportés norvégiens et danois internés."

Folke Bernadotte s'envola vers Berlin le 16 février 1945 et eut des rencontres avec plusieurs leaders nazis ; le ministre des affaires étrangères allemand Joachim von Ribbentrop, Ernst Kaltenbrunner, chef du Sicherheitsdienst, Walter Schellenberg et Heinrich Himmler, Reichsführer-SS. Himmler, comme commandant en second après Hitler et le deuxième plus puissant personnage en Allemagne nazie était initialement opposé au transports de déportés vers la Suède neutre. Des prisonniers pouvaient être formés comme troupes de police, comme la Suède l'avait déjà fait avec d'autres Norvégiens et Danois. Bernadotte se replia sur sa seconde proposition, que les déportés seraient assemblés dans un camp aussi longtemps que la Croix-Rouge suédoise pouvait les entretenir. Bernadotte dit à Himmler qu'il estimait que le nombre de déportés scandinaves devait être aux alentours de 13 000, tandis qu'Himmler tenait à ce qu'ils ne puissent être plus de deux à trois mille.

Durant une seconde rencontre avec Schellenberg le 21 février 1945, Bernadotte déclara qu'Himmler avait accepté la proposition de rassembler les déportés scandinaves dans un camp. Pendant la visite à Berlin, Bernadotte eut aussi plusieurs entretiens avec le groupe Gross Kreutz, Didrik Arup Seip, Conrad Vogt-Svendsen, Wanda Hjort et Bjørn Heger. La seconde proposition de Bernadotte à Himmler, qu'il accepta, fut préparée par Heger.

Organisation de l'expédition

La planification de l'expédition des Bus blancs s'étala sur plusieurs années d'organisation et de récoltes d'informations par les Danois et les Norvégiens. Celle qui était faîte par les Suédois le fut sans beaucoup de changement. La Croix-Rouge suédoise contacta l'armée suédoise qui fournit la capacité de transport nécessaire. En réalité, ce fut

"l'expédition de l'État suédois –- le personnel était presque entièrement composé de volontaires venus des forces armées, l'équipement était fourni à partir des stocks des forces armées et les dépenses étaient couvertes par les coffres de l'État."

Composition de la force d'expédition

  • 308 personnes, parmi elles environ 20 du personnel médical (docteurs, infirmières), le reste furent des volontaires venus des régiments de ravitaillement T1, T3 et T4 ; le commandant était le colonel Gottfrid Björck, inspecteur général pour les forces de ravitaillement suédoises.
  • 36 bus-ambulances
  • 19 camions
  • 7 voitures
  • 7 motos
  • des camions de secours, camions-ateliers et cuisines de campagne
  • tout l'équipement nécessaire (nourriture, fuel, pièces de rechange), rien de ce qu'on pouvait trouver une fois en Allemagne
  • Le navire Lillie Matthiessen à Lübeck avec 350 tonnes de fuel et 6 000 rations de nourriture pour les déportés, un peu plus tard aussi le Magdalena, tous les deux de la compagnie de navigation Salèn

Cette force était divisée en trois sections de bus (chacune avec 12 bus), une section de camions (avec 12 camions) et une section de ravitaillement. La capacité totale de transport pour cette force était de 1 000 personnes pour les plus longues distances, 1 200 personnes pour les plus courtes pendant lesquelles les camions pouvaient être aussi utilisés.

Les bus consommaient du Motyl (un mélange à 50 % d'essence et 50 % d'alcool), avaient huit civières ou des sièges pour 30 passagers. Ils consommaient 0,5 litre au kilomètre, réservoir plein ils pouvaient couvrir 100 kilomètres. Chaque bus avait deux chauffeurs qui se relayaient.

Pour éviter la publicité dans les journaux, le bureau d'information d'État suédois distribuait des papiers surnommés "notices grises" où les rédacteurs informaient pour éviter la désinformation au sujet de cette expédition.

L'ambassadeur danois à Stockholm avait offert une force encore plus grande (40 bus, 30 camions, 18 ambulances et d'autres véhicules). Même si Folke Bernadotte, plus tôt, avait pensé à une expédition mixte suédoise-danoise, cette offre fut écartée le 23 février 1945, suite à la requête allemande demandant que la force d'expédition soit uniquement suédoise.

Départ

La première section de l'expédition partit d'Hässleholm le 8 mars 1945 et embarqua sur le ferry qui allait de Malmö à Copenhague. Pour des raisons de sécurité, le mouvement de la résistance danoise fut informé mais aucun problème ne survint –- au contraire, l'expédition de la Croix-Rouge suédoise fut très bien reçue. Le 12 mars 1945, la première partie de l'expédition avait atteint ses quartiers généraux, le château Friedrichsruh situé à 30 km au sud-est de Hambourg. Le château était proche de la frontière danoise et près du camp de concentration de Neuengamme, où les déportés scandinaves devaient être rassemblés. Le château Friedrichsruh était la propriété d'Otto von Bismarck, un ami de Folke Bernadotte et marié à une Suédoise. Les membres de l'expédition furent logés dans le château et dans un bistrot proche, pendant que les hommes établirent un camp de tentes dans le parc entourant le château.

Des hommes de la Gestapo escortant les "bus blancs"

L'expédition avait des officiers de liaison ; le plus important d'entre eux était l'officier de communication d'Himmler, l'Obersturmbannführer SS Karl Rennau tandis que Franz Göring était l'officier de liaison avec la Gestapo. L'expédition était composée d'environ 40 officiers de communication, d'officiers SS et d'officiers de la Gestapo, les Allemands demandèrent que chaque second véhicule ait un officier allemand à bord. L'expédition des "Bus Blancs" fut totalement dépendante de la coopération avec les Allemands car l'Allemagne était sous l'ordre nazi et de cette police d'état, avec ce personnel de liaison venu de la Gestapo et des SS l'expédition pouvait se déplacer sans restrictions.

Bernadotte avait promis à Schellenberg que l'expédition serait à Warnemünde le 3 mars 1945, mais elle prit un retard de plus d'une semaine. La principale raison à cela était les difficultés pour avoir des garanties de la part des forces alliées afin que l'expédition ne soit pas attaquée. A ce moment de la guerre, les avions alliés avaient le contrôle total de l'espace aérien et attaquaient régulièrement les transports sur les routes allemandes. L'expédition des "Bus blancs" se déplacerait principalement à l'intérieur des zones contrôlées par la RAF britannique. Le 8 mars 1945, le gouvernement britannique informa le ministère des affaires étrangères suédois qu'il était informé au sujet de l'expédition mais qu'il ne pouvait donner aucune garantie en ce qui concerne les attaques, l'expédition suédoise était là de son propre chef à l'intérieur de l'Allemagne. Quelques-uns des transports furent touchés par l'aviation alliée qui effectua des mitraillages le long des routes, tuant un chauffeur suédois et 25 déportés de camp de concentration.

Renégociation

Le 6 mars 1945, Folke Bernadotte arriva de Stockholm par avion à Berlin et continua ses négociations avec les autorités allemandes. Le masseur d'Heinrich Himmler, Félix Kersten, était déjà là et le ministère des affaires étrangères suédois informa l'ambassadeur suédois, Arvid Richert, d'aider Kersten de telle manière qu'il puisse influencer Himmler. Parallèlement à cela, les autorités danoises, particulièrement l'ambassadeur danois à Berlin, Otto Carl Mohr, essaya d'obtenir la libération de davantage de déportés danois. Les objectifs suédois et danois étaient quelque peu différents. Les Suédois négociaient avec Himmler et Schellenberg, et se concentraient sur le rassemblement des déportés à Neuengamme. Les Danois négociaient avec Kaltenbrunner et essayaient d'obtenir la permission d'avoir des déportés libérés ou si possible internés au Danemark.

Le 12 mars 1945, les Danois obtenaient la permission pour trois transports et jusqu'au 21 mars 1945, un total de 262 déportés danois de différentes catégories furent transportés au Danemark avec des véhicules danois. A partir de ce jour, il y eut une pause dans les transports danois et les Suédois prirent le relais.

Départ des transports

Carte des camps de concentration allemands

L'expédition à Friedrichsruh fut divisée en deux groupes, le premier à qui fut assigné la responsabilité de transporter des déportés de Sachsenhausen, au nord de Berlin, à Neuengamme. Les transports se mirent en route le 15 mars 1945 et la distance était d'environ 540 kilomètres. Avec ces sept transports, quelques 2 200 Danois et Norvégiens furent transférés à Neuengamme. Sven Frykmann, qui commandait un de ces transports, écrivait au sujet des déportés et du trajet :

"En général, ils étaient en relative bonne forme comparés aux autres déportés que j'avais vus et on ne pouvait pas se plaindre en ce qui concerne leur état physique. Ils nous dirent que les rations de nourriture qu'ils avaient reçues de Norvège et du Danemark leur avaient fait garder le moral, et récemment leur traitement avait été amélioré de façon perceptible. Ils étaient tous "touchés" [sic], reconnaissants et heureux. Je crois que tous ceux parmi nous qui avaient eu le choix d'aider ces pauvres gens en Allemagne ont connu une telle gratitude démonstrative, et que cela suffirait pour le reste de nos vies"

Comme les déportés furent ramassés à Sachsenhausen, les noms furent contrôlés avec le groupe de "Gross Kreutz," pour être sûr de n'oublier personne.

L'autre groupe était responsable de la collecte des déportés du Sud de l'Allemagne. Cela incluait Dachau au nord de Munich, Schönberg (quelque 80 kilomètres au sud de Stuttgart) et Mauthausen (12 kilomètres à l'est de Linz). Les distances pour cette mission étaient longues, comme Munich qui était juste 800 kilomètres plus loin. Pour ajouter à ces difficultés, les transports firent face à un retard dû au manque de fuel. La première colonne démarra le 19 mars 1945, comprenant 35 véhicules sous la direction du colonel Björck, qui retourna à Neuengamme le 24 mars 1945. Le voyage de retour fut difficile car la plupart des déportés étaient en mauvaise condition physique, comme l'infirmière suédoise Margaretha Björcke le déclara :

"Je n'ai jamais, durant mes douze années de pratique comme infirmière, vu autant d'états physiques aussi pitoyables comme j'en ai été le témoin ici. Des jambes, des dos et des cous pleins de plaies d'un type qu'un Suédois moyen en serait malade, juste pour l'une d'entre elles. J'en comptais vingt sur un seul déporté, et il ne se plaignait pas."

Le premier transport collecta 550 déportés pendant que 67 déportés très malades étaient laissés derrière. Un énorme problème durant les transports furent les diarrhées chroniques des déportés. Après un temps, cette situation fut corrigée par les Danois qui fournirent des toilettes portables d'un type qu'ils avaient utilisé durant leurs transports.

A cause des transports suédois, Neuengamme recevait toujours plus de déportés et la concentration de déportés scandinaves qu'Himmler avait promis, ne se réalisait pas. Le personnel de santé suédois n'était pas autorisé à entrer dans le camp. Durant les premiers transports, les bus aussi ne furent pas autorisés à entrer dans le camp et les déportés devaient marcher les derniers mètres car les Allemands ne voulaient pas laisser les Suédois en charge des bus voir l'intérieur du camp.

Suédois en Suède

Déjà au début de février, un petit détachement de la Croix-Rouge suédoise sous le commandement du capitaine Hultgren arriva à Berlin ; six hommes, deux bus et une voiture personnelle. La mission était de transporter vers la Suède des femmes nées en Suède, mariées à des Allemands, essayant d'échapper à la chute imminente de l'Allemagne. Les transports débutèrent le 26 mars 1945, et jusqu'au 20 avril 1945 1 400 femmes et enfants d'origine suédoise arrivèrent à Malmö via Lübeck et par le Danemark.

Assistance des SS

Le camp de concentration de Neuengamme était surpeuplé. Pour avoir de l'espace pour les déportés scandinaves, les SS demandèrent que les déportés des autres nationalités soient déplacés vers d'autres camps. Le commandant SS du camp n'avait aucun moyen de transport à lui ; il demanda que les "Bus blancs" acceptent ces transports afin que les Scandinaves nouvellement arrivés puissent avoir le bâtiment nommé "Schonungsblock".

Environ 2 000 déportés français, belges, néerlandais, russes et polonais furent transférés dans d'autres camps. Ces déportés étaient très malades, car le "Schonungsblock" était de simples baraques pour déportés, non adaptées au travail de déportés maladifs et moribonds. Déjà durant les transports, quelques 50 à 100 déportés moururent et beaucoup d'autres moururent dans les pires conditions dans les nouveaux camps où ils entrèrent, ou dans de nouveaux transports pour éviter les armées alliées qui avançaient.

La plupart des transports de déportés pour les SS eurent lieu entre le 27 mars et le 29 mars 1945, à partir de Neuengamme vers les camps annexes d'Hanovre, Salzgitter et Bergen-Belsen. Le sous-lieutenant suédois Åke Svenson écrivait :

"Nous pouvions maintenant voir comment les Allemands traitaient les déportés en général, Français, Belges, Néerlandais, Polonais et Russes. C'était terrible. Le temps que les Allemands nous avaient autorisé à pénétrer dans le camp, à peine ils pouvaient parcourir la distance minimale entre les baraques et la route. De ces baraques, un groupe de créatures était maintenu, que rien ou à peine ne faisait plus ressembler à des êtres humains.

Le dernier transport pour les SS fut entrepris aussi tard que le 13 avril 1945, avec environ 450 déportés français, des personnalités de haut rang (sénateurs, préfets, hommes d'affaires de premier plan, etc.) que les Allemands voulaient rapatrier via la Suisse. Les déportés devaient, selon le plan, être délivrés dans le camp de concentration de Flossenbürg, et de là ils seraient transportés vers la Suisse par la Croix-Rouge suisse. Le transport suivant par la Croix-Rouge suisse fut un mensonge car le camp était plein, aussi les déportés furent emmenés à Theresienstadt où les "Bus blancs" récupérèrent 400 Juifs danois.

Rassemblement à Neuengamme

Des convois du 30 mars 1945 et du 2 avril 1945 venus des camps de Torgau, Mühlberg et Oschatz de la région de Leipzig collectèrent la police danoise et quelques Norvégiens, soit au total 1 200 personnes. Les policiers danois formant deux colonnes danoises prirent le chemin vers le Danemark du 3 avril 1945 jusqu'au 5 ; le 23 avril 1945, quelques 1 000 de ceux-ci furent envoyées en Suède.

Le 29 mars 1945, le personnel de la Croix-Rouge suédoise put finalement donner accès aux médicaments, couvertures, articles d'hygiène personnelle et à la nourriture à Neuengamme. Un bloc scandinave fut installé et les conditions devinrent si bonnes que les déportés des autres nations eurent une attitude négative envers les déportés scandinaves privilégiés.

Folke Bernadotte arriva de Stockholm à Berlin le 28 mars 1945 pour renouer des négociations avec Himmler. Il devait pousser plus loin pour avoir la permission de transférer les déportés scandinaves de Neuengamme vers la Suède, avoir accès à l'ensemble du camp et si possible reprendre aussi des déportés juifs pour la Suède. Le 30 mars 1945, Folke Bernadotte eut sa première occasion pour visiter le camp de Neuengamme et un déporté danois, J. B. Holmgård a écrit :

"Pour la première fois dans l'histoire de Neuengamme, les bouchers nazis Pauly et Thuman n'étaient pas deux représentants fanfarons et arrogants de la race supérieure avec des cravaches virevoltantes. Ils se déplaçaient à pas de chat derrière Bernadotte, soudainement accommodants, serviables et dociles, s'approchant avec un servilité cajolante, une cajolerie typique si étrangère à ces bouchers de la race des maîtres, car il leur apparaissait que leurs jours étaient comptés. Maintenant nous étions assurés que nous serions capables de revenir chez nous."

Au début d'avril 1945, la plupart des déportés scandinaves en Allemagne étaient réunis à Neuengamme. La mission se terminait ; le colonel Björck retourna en Suède et le nouveau commandant pour cette colonne fut le commandant Sven Frykman. Quelques membres du personnel voulurent partirent aussi, mais après une promesse de doublement de la paye journalière, presque la moitié de la force, environ 130 hommes restèrent.

Le 2 avril 1945, une nouvelle colonne suédoise fut mise en place pour le sud de l'Allemagne, les déportés restants de Mauthausen et Dachau devaient être réunis. Un bus avec le docteur norvégien Bjørn Heger fut assigné pour rechercher 30 déportés du groupe "Gross Kreutz" présumé être dans la zone entourant Schömberg. Les conditions étaient difficiles et le Suédois Molin écrivait :

"...sur le chemin allant à Schömberg l'activité dans les airs était très soutenue et nous fûmes survolés beaucoup de fois par des chasseurs alliés qui ne nous attaquèrent pas. Le long de l'autobahn, il y avait beaucoup de voitures endommagées et des personnes sévèrement blessées. A certains endroits le chaos régnait, nous ne pouvions pas simplement juste passer à travers avec notre bus blanc marqué de croix rouges mais devions nous arrêter et donner les premiers secours. Dans certains cas, les dommages étaient énormes."

Dans le camp annexe de Vaihingen, 16 des 30 déportés furent trouvés vivants ; les autres étaient morts. Parmi les survivants (qui étaient tous sévèrement affaiblis), il y avait Trygve Bratteli et Kristian Ottosen. Cette colonne sauva un total de 75 déportés : 16 de Vaihingen, 16 déportées "Nacht und Nebel" de Mauthausen et 43 déportés sérieusement malades de Dachau.

La jonction avec les Danois

Le 5 avril 1945, près de la moitié des Suédois étaient retournés en Suède, ils furent remplacés par les Danois. Cela avait été accepté par les Allemands et le ministère des affaires étrangères suédois. Les Danois rassemblèrent 33 bus, 14 ambulances, 7 camions et 4 autos privées, ils furent dirigés par Frants Hvass du ministère des affaires étrangères danois. Le contingent danois était coordonné avec les Suédois et à partir du 8 avril 1945 les "Bus blancs" furent une expédition mixte suédoise-danoise, où les Suédois étaient aux commandes. Les véhicules danois étaient peints également en blanc mais arboraient le drapeau danois, le Dannebrog, à la place de la Croix Rouge.

Les prisonniers gardés dans des prisons ordinaires étaient une catégorie séparée et les "Bus blancs" furent autorisés à ramasser uniquement cette catégorie de prisonniers en avril. Le 9 avril 1945, une colonne mixte suédoise-danoise, sous le commandement du capitaine Folke, voyagea vers Berlin pour transporter 200 prisonniers de différentes prisons, la connaissance de leurs localisations était le résultat du travail du révérend Vogt-Svendsen. Un total de 211 prisonniers fut réunit, originaires de 20 prisons différentes, parmi elles, Waldheim (est de Dresde), Dresde, Cottbus, Luckay, Zeithin et Groitsch. Pendant le voyage de retour vers Neuengamme, le 11 avril 1945, la colonne fut le témoin, pour la première fois, qu'une voiture allemande affichait les mêmes marques que les "Bus blancs" ; blanche avec des croix rouges. Le 15 avril 1945, un transport collecta 524 prisonniers des prisons du Mecklembourg.

Theresienstadt

Les Juifs danois qui n'avaient pas pu échapper aux arrestations de 1943 avaient été déportés à Theresienstadt près de la ville de Terezín, actuellement en République tchèque. Cela prit du temps avant que les Allemands donnent la permission et le temps s'amenuisait ; les forces alliées approchaient. À la fin, l'officier de liaison allemand Rennau s'arrangea pour avoir la permission de la Gestapo et le 12 avril 1945 une colonne démarra sous le commandement du capitaine Folke avec 23 bus suédois, 12 voitures privées, des motos et nombre d'ambulances danoises avec des docteurs et des infirmières danois à bord.

La situation en Allemagne était critique maintenant et les chauffeurs suédois furent informés que le voyage serait très dangereux. À la dernière minute, le ministère des affaires étrangères suédois essaya de le stopper car il avait été informé que les forces soviétiques avaient bloqué la route mais la colonne prit quand même le départ. Le 15 avril 1945, la colonne rassembla 423 Juifs scandinaves de Theresienstadt et commença à rouler sur les routes dangereuses pour retourner au Danemark. Sur le chemin la colonne passa à Dresde qui venait juste d'être bombardée et eut un arrêt d'une nuit près de Potsdam qui fut bombardée la même nuit. Le transport atteint Padborg sans dommages le 17 avril 1945. Le jour suivant, les Juifs sauvés furent transportés avec le ferry jusqu'à Malmö en Suède.

La première attaque contre les "Bus blancs" arriva le 18 avril 1945 ; le camp danois à Friedrichsruh fut attaqué par des avions, des chasseurs alliés, quatre chauffeurs et une infirmière furent légèrement blessés tandis que dix véhicules furent détruits. Les jours suivants plusieurs attaques aériennes de ce type se produisirent, avec plusieurs morts et blessés.

"Nous allons en Suède"

À travers de nouvelles négociations, Folke Bernadotte libéra de son temps pour l'évacuation des déportés sévèrement malades, le premier transport démarra de Neuengamme le 9 avril 1945 ; il était composé de 12 bus suédois et 8 ambulances danoises. 153 déportés, la plupart d'entre eux confinés dans leurs lits, furent emmenés à la frontière danoise et déposés à Padborg où les Danois avaient un emplacement pour la mise en quarantaine. Les déportés prirent un repos plus conséquent et des traitements avant qu'ils ne repartent traverser le Danemark avec des bus danois puis des trains et envoyés ensuite par ferry à Malmö en Suède. Jusqu'au 18 avril 1945, un total de 1216 déportés danois et norvégiens malades furent acheminés en Suède.

Dans la soirée du 19 avril 1945, l'évacuation des déportés scandinaves de Neuengamme fut discutée lors d'une rencontre au manoir Friedrichsruh. Bernadotte, Frykmann et Richert du côté suédois, Rennau du côté allemand, tandis que Hvass et Holm représentait le côté danois. La situation était critique et les véhicules suédois et danois existants à Friedrichsruh n'avaient pas assez de capacité pour évacuer suffisamment vite les déportés. Les Danois offrirent des véhicules supplémentaires du "Jyllandskorpset" et cela fut accepté.

Le 20 avril 1945, tous les déportés scandinaves de Neuengamme étaient évacués.

Un total de 4 255 déportés danois et norvégiens furent ainsi évacués par 100 bus danois et 20 bus suédois. Après quelques jours au Danemark, les déportés furent envoyés par ferry à Malmö en Suède.

Evacuation de Ravensbrück

Ravensbrück était un camp de concentration situé à environ 90 kilomètres au nord de Berlin, établi en 1938, destiné aux femmes déportées. Le 8 avril 1945, quelques 100 déportées scandinaves (ainsi que deux Françaises) furent rassemblées dans le camp et transportées directement à Padborg au Danemark. A ce stade, Folke Bernadotte avait eu la permission de collecter tous les déportés malades. Le 22 avril 1945, une colonne avec 15 ambulances danoises, sous le commandement du capitaine Arnoldson, démarra de Friedrichsruh pour emmener les femmes malades de Ravensbrück.

Déportées à Ravensbrück, la croix à la craie blanche indique qu'elles ont été choisies pour être évacuées.

Quand la colonne arriva dans le camp, c'était le chaos car il devait être évacué à cause de l'avancée des forces soviétiques, et Arnoldson dut admettre qu'il ne pouvait collecter toutes les déportées françaises, belges, néerlandaises et polonaises, soit un total d'environ 15 000 femmes. Arnoldson accepta, même si cela faisait trois fois plus que ce que les "Bus blancs" avaient pu sauver à cette période. Les ambulances collectèrent 112 femmes malades et arrivant à Lübeck, Arnoldson trouva le moyen d'informer Folke Bernadotte qu'une capacité de transport supplémentaire était nécessaire et il fut promis que toutes les ressources disponibles seraient mobilisées.

Deux nouvelles colonnes arrivèrent à Ravensbrück ; l'une prit le départ le 23 avril 1945 avec 786 femmes, la plupart françaises et elles furent transportées directement à Padborg. La seconde colonne collecta 360 Françaises. Les dernières colonnes arrivèrent à Ravensbrück le 25 avril 1945. La situation intérieure de l'Allemagne se détériorait rapidement, avec des tirs fréquents sur les transports car les forces alliées continuaient à avancer. Dans le camp, un total de 706 Françaises, Belges, Néerlandaises et Polonaises furent regroupées en une colonne avec des ambulances danoises et des camions de la Croix-Rouge internationale. Sur le chemin vers Padborg, ce transport fut attaqué par des avions chasseurs alliés, au moins 11 personnes furent tuées et 26 sévèrement blessées ; le nombre final de tués fut estimé à 25.

La dernière colonne, dirigée par le sous-lieutenant Svenson, avait regroupé 934 femmes dans 20 bus, la plupart polonaises, mais aussi françaises, américaines et anglaises. Le transport se reposait durant la nuit, il fut attaqué par des avions chasseurs mais il n'y eut aucune victime et la colonne arriva à Padborg le 26 avril 1945. Ce fut le dernier transport suédois avant que l'Allemagne ne capitule. Les Suédois furent heureusement capables d'utiliser et d'aménager un train de 50 wagons de marchandises avec 80 déportées par wagon. Le train démarra de Ravensbrück le 25 avril 1945 et arriva à Lübeck le 29 avril 1945. Après avoir été ravitaillé, il continua en direction du Danemark, un total de 3 989 déportées furent sauvées avec ce transport par train. Pendant ce peu de jours, environ 7 000 déportées furent sauvées de Ravensbrück pour aller jusqu'au Danemark et enfin en Suède neutre.

Les derniers évacués

Le 28 avril 1945, le capitaine Ankarcrona emmenait une colonne de la Croix-Rouge Internationale au camp de Neubrandenbourg. Le transport franchit les forces soviétiques avançantes, rassemblant 200 déportées qui furent forcées à marcher et retourner avec eux à Lübeck. L'officier de la Gestapo, Franz Göring, organisa un transport par train à partir de Hambourg avec 2 000 femmes (960 Juives, 790 Polonaises et 250 Françaises), ce train arriva à Padborg le 2 mai 1945. Ce transport n'est pas comptabilisé dans le sauvetage des déportés par la Croix-Rouge suédoise, mais il semble approprier de le mentionner en rapport avec l'opération des "Bus blancs".

Le 30 avril 1945, les deux navires suédois "Magdalena" et "Lillie Matthiessen" partaient de Lübeck, le premier avec 223 déportés et le second avec 225 à bord. Le transport avait été organisé par le docteur suédois Hans Arnoldsson avec l'aide de Bjørn Heger. Ils laissèrent derrière eux des milliers de déportés embarqués sur plusieurs autres bateaux qui furent bombardés le 3 mai 1945 par des avions britanniques (voir la tragédie du Cap Arcona). Le dernier groupe de déportés voyagea de Copenhague à Malmö par ferry le 4 mai 1945.

Réception et comptabilité

La principale station de réception au Danemark était dans la ville de Padborg, à la frontière avec l'Allemagne ; les déportés recevaient de la nourriture et des traitements médicaux avant qu'ils ne soient transportés via le Danemark vers Copenhague. Le transport en Suède se faisait par ferry jusqu'à Malmö où les déportés étaient reçus par le Länsstyrelsen (l'administration du conté) et le Civilförsvaret (défense civile). Chaque déporté qui arrivait était placé en quarantaine à cause des risques de propagation des infections. En tout, il y avait 23 zones de cantonnement, la plupart d'entre elles à Malmöhus län avec environ 11 000 lits. Des centrales sanitaires ambulantes, la plupart gérées par des docteurs et des infirmières norvégiens et danois (eux-mêmes étant refugiés) soignaient les déportés. Pour certains d'entre eux, il était trop tard, 110 moururent après leur arrivée en Suède ; le plus grand nombre furent les déportés polonais.

Selon la Croix-Rouge suédoise, un total de 15 345 déportés furent sauvés [1], 7 795 étaient scandinaves et 7 550 d'autres pays. Environ 1 500 germano-suédois furent acheminés en Suède. Un total de 2 000 déportés fut transporté de Neuengamme vers d'autres camps pour faire de la place aux déportés scandinaves. 400 déportés français furent transportés de Neuengamme et laissés à Theresienstadt car ils ne pouvaient être envoyés au camp de Flossenbürg.

L'expédition des "Bus blancs" fut un triomphe suédois qui donna beaucoup de joie à ce pays et les transports de retour par le Danemark rencontrèrent des foules extatiques. Le 17 mai, Jour de la Constitution norvégienne, le comte Folke Bernadotte af Wisborg était au balcon du château royal à Oslo avec le prince de la couronne de Norvège. Le diplomate britannique Peter Tennant qui était basé à Stockholm durant la guerre écrivait :

"Les efforts humanitaires suédois pendant et après la guerre firent beaucoup pour enlever le déshonneur que le pays a éprouvé durant ses exercices acrobatiques pour maintenir sa neutralité politique."

Chronologie de l'opération des "Bus blancs"

Année Mois/Date Evénement
1940 Août Les premiers prisonniers politiques norvégiens sont déportés en Allemagne.
1942 Octobre La famille du fonctionnaire Johan Bernhard Hjort interné en Allemagne, commence à travailler pour soutenir des déportés.
1943 Septembre La coalition gouvernementale danoise se soumet ; déportations de prisonniers danois en Allemagne.
1944 Janvier Niels Christian Ditleff établit le contact avec le groupe à "Gross Kreutz".
Février Carl Hammerich visite la Suède et a une première rencontre suivie de plusieurs autres avec Ditleff, discutant du sort des déportés scandinaves.
22 septembre Ditleff rencontre Folke Bernadotte et suggère une expédition suédoise pour sauver les déportés scandinaves.
23 septembre Le commandant Johan Koren Christie écrit un mémorandum qui spécifie que les déportés "Resteront Sur Place".
Octobre Un rapport du groupe de la "Gross Kreutz", écrit par Johan Bernhard Hjort, soutient que les déportés scandinaves doivent être évacués d'Allemagne avant la fin de la guerre.
Décembre Felix Kersten, masseur du chef des SS Himmler, arrive à obtenir la libération de 103 déportés scandinaves.
29 décembre Le gouvernement norvégien en exil à Londres change d'avis et demande à l'embassade à Stockholm de rechercher la possibilité d'une expédition suédoise pour sauver des déportés en Allemagne.
1945 5 février Ditleff envoie un mémorandum officiel norvégien au ministère des affaires étrangères suédois, demandant une expédition suédoise pour sauver les déportés scandinaves.
16 février Le Comte Folke Bernadotte af Wisborg prend l'avion pour Berlin, rencontre Himmler et discute de la libération de déportés politiques.
12 mars Les "Bus blancs" arrivent à Friedrichsruh, la base de départ pour l'expédition en Allemagne.
15 mars Premier transport de Sachsenhausen à Neuengamme ; 2 200 norvégiens et danois rassemblés.
19 mars Premier transport réunissant des déportés dans le sud de l'Allemagne ; 559 transportés vers Neuengamme.
26 mars Premier transport, de retour en Suède, de Suédoises mariées à des Allemands.
27 mars Transport de déportés français, belges, néerlandais, polonais et russes à partir de Neuengamme pour faire de la place à des prisonniers scandinaves supplémentaires.
29 mars La Croix-Rouge suédoise à accès au camp de concentration de Neuengamme.
30 mars Transport à partir de la zone de Leipzig ; quelques 1 200 déportés rassemblés, 1 000 d'entre eux étaient de la police danoise, furent acheminés vers le Danemark.
2 avril Une nouvelle colonne suédoise arrive dans le sud de l'Allemagne, aux camps de Mauthausen, Dachau et Vaihingen ; 75 déportés transférés à Neuengamme.
5 avril Environ la moitié du contingent suédois retourne en Suède ; ils sont remplacés par des Danois.
8 avril Premier transport venant de Ravensbrück ; 100 déportées transportées directement à Padborg au Danemark.
9 avril Une colonne suédoise et danoise en direction de Berlin pour rassembler des déportés politiques sortis des prisons ; 211 déportés transportés à Neuengamme. L'évacuation des déportés malades vers le Danemark commence.
15 avril Un total de 524 déportés politiques sortis des prisons du Mecklenburg réunis ; 423 Juifs transportés de Theresienstadt vers le Danemark et la Suède.
8 avril Première attaque aérienne contre les "Bus blancs", quatre chauffeurs danois et une infirmière légèrement blessés au camp danois de Friedrichsruh.
20 avril Début d'évacuation de tous les déportés scandinaves de Neuengamme vers la Suède à travers le Danemark.
Avril  Transport de déportées malades de Ravensbrück ; deux colonnes de 786 et 360 déportées à Padborg.
2 avril Une colonne avec 934 femmes et un train avec 3 989 déportées ; dernier transport de "Bus blancs" à partir de Ravensbrück.
30 avril Les navires Magdalena avec 223 déportés et Lillie Matthiessen avec 225 déportées lèvent l'ancre au départ de Lübeck.
2 mai 2 000 déportées (960 Juives, 790 Polonaises et 250 Françaises) arrivent à Padborg en train.
3 mai Cap Arcona, un ancien paquebot et le Thielbek, un cargo allemand remplis de déportés venus du camp de Neuengamme sont attaqués par la RAF ; la presque totalité des 8 000 déportés à bord de ces navires y perdront la vie.
4 mai Dernier transport de déportés politiques sauvés, évacués par ferry de Copenhague occupée au Danemark vers Malmö en Suède neutre.

Débat après coup

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, l'expédition des "bus blancs" fut populaire, et ce à juste titre, car –- beaucoup de déportés avait été sauvés. Mais durant des années, des questions furent soulevées au sujet de la priorité donnée aux déportés scandinaves, parmi celles-ci le livre Blind Fläck (Point aveugle) par l'historienne Ingrid Lomfors. Le débat a eu lieu à la fois dans les journaux suédois et norvégiens. Dans une lettre adressée au journal norvégien Aftenposten, le 14 octobre 2005, plusieurs anciens déportés politiques écrivaient un critique très forte envers Lomfors qui finissait par ceci :

"Au nom du gouvernement suédois de Folke Bernadotte et des équipages des 'bus blancs' ayant accompli la plus grande action humanitaire de la Seconde Guerre mondiale. Le gouvernement suédois érigera aussi tôt que possible un monument en hommage à cette expédition. Ingrid Lomfors demandera pardon à la Croix-Rouge suédoise et aux équipages des 'Bus blancs' qui ont risqué leur vie dans cette expédition. [2]

Bernt H. Lund, ancien déporté politique à Sachsenhausen, était favorable à l'exposition du dilemme moral auquel les déportés ont donné lieu. Dans un article du journal Aftenposten (20 août 2005), il écrit longuement au sujet du statut privilégié de beaucoup de déportés scandinaves et de la honte d'être mieux traité, et finit l'article par ceci :

Mais cela fait du bien d'avoir sorti cela à la lumière accrue du jour. Un énorme merci à Ingrid Lomfors qui à sa façon à enlever un point aveugle non seulement pour nos libérateurs suédois, mais aussi pour nous qui les aidons dans cette situation difficile ! [3]

On peut dire à propos des transports avec les SS et l'expérience d'être collecté par la Croix-Rouge suédoise que les déportés croyaient qu'ils étaient sauvés, et lorsqu'ils furent "déchargés" dans des conditions similaires ou pires, ce fut un choc et une trahison par ceux qui les avaient exposés à cela. Les chauffeurs suédois furent fortement impressionnés par cette tâche ; le sous-lieutenant Gösta Hallquist écrivait dans son journal personnel :

"Les déportés malades et affamés (polonais, français et belges) semblaient totalement apathiques et étaient si maigres qu'ils étaient cinquante par bus, alors que, normalement, chaque bus ne transportait que dix personnes."
"Mon second, Per, revint du camp de Torgau très abattu. Des cris. Je le réconfortais. Trois déportés étaient morts durant le transport et un fut battu à mort par une rafale de coups de tête."

Est-ce que plus de déportés auraient survécus s'ils étaient restés à Neuengamme, c'est impossible à déterminer, car beaucoup de déportés de Neuengamme furent embarqués sur des bateaux qui furent bombardés et coulés par des avions britanniques. À l'occasion de cette expédition, le fait que la règle d'or de la Croix-Rouge d'un traitement égal envers tous les déportés fut violée par ce marché de maquignons avec les SS ne fait toutefois aucun doute.

Voir aussi

Notes

Références

  • Heger, Wanda Hjort (1984), "Hver fredag foran porten", Gyldendal, (ISBN 82-05-14937-2) ("Chaque vendredi devant la porte", en norvégien), édition allemande (1989) "Jeden Freitag vor dem Tor" Schneekluth, (ISBN 3-7951-1132-3)
  • Persson, Sune (2002), «Vi åker till Sverige», De vita bussarna 1945. Bokförlaget Fischer & co. (ISBN 91-85183-18-0) ("Nous allons en Suède. Les bus blancs en 1945", en suédois)
  • Persson Sune (2000), Folke Bernadotte and the White Buses, J. Holocaust Education, Vol 9, Iss 2-3, 2000, 237-268.
  • Publié aussi aux éditions David Cesarani et Paul A. Levine, Bystanders to the Holocaust: A Re-evaluation Routledge, 2002.
  • Lomfors, Ingrid (2005), Blind fläck: minne och glömska kring svenska Röda korsets hjälpinsats i Nazityskland 1945. Bokförlaget Atlantis. ISBN 91-7353-051-4 ("Point aveugle : Mémoire et oubli de l'aide humanitaire de la Croix-Rouge suédoise dans l'Allemagne nazie de 1945", en suédois)
  • Regev, Ofer (2006), Prince of Jerusalem (publication Porat)

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