- Salò ou les 120 Journées de Sodome
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Salò ou les 120 Journées de Sodome est un film italien réalisé par Pier Paolo Pasolini et sorti en France le 19 mai 1976. Il s'agit du dernier film du cinéaste, assassiné quelques mois avant sa sortie.
C'est une libre adaptation de la grande œuvre du marquis de Sade (1740-1814), Les Cent Vingt Journées de Sodome, dont l’action se passe à la fin du règne de Louis XIV (mort en 1715).
Sommaire
Synopsis
L'action commence à Salò, l'équivalent du Vichy italien, par la réunion de quatre notables riches et d'âge mûr qui décident de leur projet macabre. Elle se poursuit par la capture de 9 jeunes garçons et 9 jeunes filles dans la campagne et quelques villages alentours.
Les quatre notables, le Duc, l’Évêque, le Juge et le Président, entourés de divers servants armés et de quatre prostituées, ainsi que de leurs femmes respectives (chacun ayant épousé la fille d'un autre au début du film), s'isolent dans un palais des environs de Marzabotto, dans la « République de Salò » (ou République sociale italienne). Le séjour débute par le mariage de certains notables avec les filles des autres.
Le film se divise en quatre tableaux, comme dans l'œuvre du marquis de Sade :
- le premier tableau est intitulé Antinferno (« le vestibule de l'enfer »), dans lequel le réalisateur plante le décor ;
- le deuxième se nomme Girone delle manie (« cercle des passions »). Il est l'occasion de diverses scènes de viol sur les adolescents ;
- le troisième est celui du Girone della merda (« cercle de la merde »), où les victimes doivent notamment se baigner dans des excréments ou manger les fèces du Duc ;
- le dernier tableau est celui du Girone del sangue (« cercle du sang »), et l'occasion de diverses tortures et mutilations (langue coupée, yeux énucléés, scalpations, marquages au fer de tétons et de sexes…), et finalement meurtre des adolescents.
Le tout crûment montré dans un scénario proche de la réalité (vision au travers de jumelles). Toujours interdit de diffusion à la télévision publique, Salò fait l'objet d'un véritable culte et est toujours projeté dans une salle de cinéma « Art et Essai » du Quartier latin de Paris. Réservé à un public très averti, il a toutefois été diffusé en France sur CinéCinéma Classic à l'occasion d’une intégrale Pasolini et sur Paris Première.
Commentaire
Le film est inspiré à la fois de l'œuvre du marquis de Sade (1740-1814), Les Cent Vingt Journées de Sodome, et des événements qui se sont déroulés dans la ville de Salò, au nord de l'Italie, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque Mussolini s'y est réfugié face à l'avancée des Alliés par le sud et y a fondé une république fasciste, la République sociale italienne.
C'est le film le plus sombre et le plus désespéré de Pasolini. Il est minutieusement construit comme une descente progressive à travers différents cercles de la perversité, à l'image de l'œuvre de Sade. Après avoir réalisé une série de films exaltant la sexualité dans l’allégresse (Trilogie de la vie), Pasolini considère la libération sexuelle comme une tromperie. Il s’élève contre la société de consommation et le capitalisme qui asservissent la sexualité, qui devrait être libératrice, et expose les vies privées[1]. Il dénonce donc dans son film, une nouvelle fois, les horreurs de la société bourgeoise : la sexualité, auparavant vue comme une grâce pour l’humanité, devient une simple marchandise à consommer, sans égard pour la dignité humaine[1]. Les dernières scènes, particulièrement difficiles à soutenir, sont vues à travers des jumelles, afin d’installer une distance[1].
Le film a fait scandale lors de sa sortie. Il a été interdit ou censuré dans de nombreux pays pendant plusieurs années, y compris en Italie. En février 2007, sa projection avait été interdite à Zurich en Suisse, suite à des plaintes. Finalement, quelques jours plus tard, la censure avait été levée suite à la pression des défenseurs de la liberté d'expression. [1]. Encore aujourd’hui, des réalisateurs comme Gaspar Noé et Claire Denis avouent leur malaise au visionnage du film[1].
Il est resté un sommet pour de nombreux cinéastes dont R.W. Fassbinder qui pourtant avait vu la projection en France[2] de son film Maman Küsters s'en va au ciel perturbée le 22 novembre 1975 lors du Festival de Paris, les foules envahissant la salle de cinéma avant l'heure pour être sûr d'avoir les bonnes places au film suivant, Salò.
Fiche technique
- Titre français : Salò ou les 120 journées de Sodome
- Titre original : Salò o le 120 giornate di Sodoma
- Réalisation et Scénario : Pier Paolo Pasolini, sur une idée de Sergio Citti
- Inspiré par Les Cent Vingt Journées de Sodome du Marquis de Sade (1740-1814) ainsi que par La Divine Comédie de Dante
- Producteurs : Alberto De Stefanis, Antonio Girasante, Alberto Grimaldi
- Photographie : Tonino Delli Colli
- Musique originale : Ennio Morricone
- Musique additionnelle : Frédéric Chopin (Prélude en do mineur et Prélude en mi mineur), Carl Orff (Carmina Burana), chant militaire Sul ponte di Perati, bandiera nera
- Film Italien
- Durée : 117 minutes
- Date de sortie : 19 mai 1976
- Genre : drame
- Interdit en France aux moins de 16 ans
Distribution du film
- Paolo Bonacelli (VF : René Arrieu) : le Duc (Duca) (le « duc de Blangis » du roman)
- Giorgio Cataldi (doublé par Giorgio Caproni ; VF : Michel Delahaye) : Monseigneur (Monsignore) l’évêque, frère du duc
- Umberto Paolo Quintavalle (VF : Michel Piccoli) : Son Excellence (Eccellenza) le juge (le « président de Curval » du roman)
- Aldo Valletti (doublé par Marco Bellocchio ; VF : Alain Mottet) : le Président (Presidente) (le financier « Durcet » du roman)
- Caterina Boratto (VF : Anouck Ferjac) : Madame Castelli
- Hélène Surgère (doublée par Laura Betti ; VF : Hélène Surgère) : Madame Vaccari
- Sonia Saviange : la pianiste
- Elsa De Giorgi (VF : Micheline Boudet) : Madame Maggi
- Ines Pellegrini : la jeune servante
- Rinaldo Missaglia, Giuseppe Patruno, Guido Galletti, Efisio Etzi : les gardiens
- Claudio Troccoli, Fabrizio Menichini, Maurizio Valaguzza, Ezio Manni : collaborateurs
- Sergio Fascetti, Bruno Musso, Antonio Orlando, Claudio Cicchetti, Franco Merli, Umberto Chessari, Lamberto Book, Gaspare Di Jenno : victimes garçons
- Antiniska Nemour, Giuliana Melis, Faridah Malik, Graziella Aniceto, Renata Moar, Dorit Henke, Benedetta Gaetani, Olga Andreis : victimes filles
- Tatiana Mogilansky, Susanna Radaelli, Giuliana Orlandi, Liana Acquaviva : filles des notables
- Paola Pieracci, Anna Maria Dossena, Carla Terlizzi, Anna Recchimuzzi : femmes
- Voxographie
Les actrices françaises Hélène Surgère et Sonia Saviange ont été choisies par Pier Paolo Pasolini parce qu'il les avait remarquées dans le film Femmes femmes (1974) de Paul Vecchiali : ces deux actrices reprennent (toujours en français) le sketch « Femmes femmes » dans Salò ou les 120 journées de Sodome, sketch qu’elles interprétaient déjà dans le film éponyme. Hormis ce sketch, le rôle de Sonia Savange est muet.
La version originale parlant italien et sous-titrée en français (VOSTF) est la seule qui soit sortie sur grand écran en France. Conformément aux habitudes de production italiennes[3], certains rôles sont doublés dans cette version originale parlant italien. Une version « officielle » parlant français et due à Jean-Claude Biette (1942-2003) a été éditée par la suite en disque vidéo (DVD). Jean-Claude Biette a précisé dans le générique de cette version « officielle » : « Je me souviens du moment où j’ai terminé le sous-titrage de Salò, Pasolini est passé au studio d’enregistrement dans le XIIIème arrondissement de Paris, on lui avait préparé des essais de voix pour tous les rôles. [/] C’était pour lui un film français, à cause de Sade, mais aussi des citations de Proust, Klossowski, Sollers, Blanchot. [/] Il tenait à ce que la version originale soit la version française. »
Dans la quatrième partie on entend à la radio une œuvre d’Ezra Pound (1885-1972), poète américain qui trahit son pays au profit de Mussolini.
Citations
- Il n'est point de pardon sans répandre le sang.
- Puisque tu as de beaux yeux, tu vas regarder !
- Rien n'est plus contagieux que le mal.
- Nous fascistes, nous sommes les véritables anarchistes.... une fois que l'on s'est emparé du pouvoir bien sûr...
- (Premières paroles du film) :
- "Votre Excellence. - Monsieur le Président. - Monseigneur. - Tout est bien si c'est excessif."
Voir aussi
Bibliographie
- Frank Vande Veire, Prenez et mangez, ceci est votre corps : « Salò ou les 120 jours de Sodome » de Pier Paolo Pasolini ; Éditeur : Bruxelles : la Lettre volée, imprimé en 2007, 160 pages, ISBN 978-2-87317-321-0 ; traduit du néerlandais par Daniel Cunin : la traduction de ces textes initialement parus dans la revue De Witte Raaf se base sur le livre Neem en eet, dit is je lichaan. Fascinatie en intimidatie in de hedendaagse cultuur (Amsterdam, 2005)
Articles connexes
Liens externes
- Fiche IMDb
- [2] : site Encyclociné : générique du film incluant les voix françaises : les rôles ne sont pas indiqués ni les acteurs doublés pour les voix ; page consultée le 1er mai 2010
Notes et références
- Le Monde-Télévisions, 10-11 mai 2009, p. 9 Jean-Luc Douin, « L’Enfer selon Pasolini »,
- 7 juillet 1975 en Allemagne de l'Ouest. Le site IMDb (consulté le 20 mars 2009) indique que la première eût lieu le
- La Nuit américaine (film français réalisé par François Truffaut, sorti en 1973), un réalisateur français est aux prises avec une actrice italienne incapable ou peu s’en faut de dire le moindre texte. Par exemple, dans la
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