- Renvoi préjudiciel
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Pour les autres articles nationaux, voir question préjudicielle.
Le renvoi préjudiciel, ou question préjudicielle est une notion de droit de l'Union européenne qui s'applique devant les juridictions de États membres de l'Union européenne.
Celle-ci « permet à une juridiction nationale d'interroger la Cour de justice de l'Union européenne sur l'interprétation ou la validité du droit communautaire dans le cadre d'un litige dont cette juridiction est saisie. ». Son objectif est « de garantir la sécurité juridique par une application uniforme du droit communautaire dans l'ensemble de l'Union européenne. »[1]
La procédure est actuellement prévue par les articles 256 et 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
Sommaire
La procédure de renvoi par les juridictions nationales
Définition de la juridiction par la Cour de Justice
Le statut de juridiction est validé pour la Cour de justice de l’Union européenne si l'institution est reconnue comme telle par la législation de l’Etat, mais aussi plus généralement aux autorités permanentes et reconnues par la loi qui remplissent les conditions organiques (indépendances et impartialité) et fonctionnelles (tranche un litige sur la base du droit à travers une procédure contradictoire). Construction prétorienne de la notion de juridiction : 1982, jurisprudence Nordsee : les tribunaux arbitraux ne sont pas des juridictions et n’ont donc pas accès au renvoi préjudiciel.
Règles de procédure
Toute juridiction peut saisir à n’importe quel stade de la procédure et sans qu’il soit nécessaire qu’une des parties en fasse la demande. La Cour de Luxembourg considère cependant préférable que les problèmes de droit interne soient tranchés et les faits exposés au moment du renvoi. La juridiction doit respecter les règles nationales de procédure tant que celles-ci ne limitent pas la possibilité de renvoi : les voies de recours ordinaires peuvent être saisies. Si l’appel a effet suspensif ou si le renvoi est annulé par une juridiction supérieure, la Cour ne statue pas (22 Décembre 1978, Cohn Bendit : le Conseil d'État annule le renvoi du Tribunal Administratif de Paris).
Faculté et obligation de renvoi
Toute juridiction qui ne juge pas en dernier recours a la faculté de renvoyer une question devant les sages du plateau de Kirchberg. Le renvoi dépend uniquement de l’appréciation du juge ordinaire. Selon l’interprétation de la Cour (1987 FotoFrost), la liberté du juge ordinaire est limitée par le fait que celui-ci ne peut déclarer non valide un acte de droit communautaire sans en référer à la CJUE (le renvoi pour appréciation de validité est alors forcé).
Si la juridiction rend un jugement qui n’est pas susceptible d’un recours de droit interne, la faculté devient obligation. Il ne s’agit pas uniquement des juridictions suprêmes (ex Conseil d'État et Cour de Cassation) mais plus généralement au cas par cas de toute instance dont la décision à l’autorité de la chose jugée (ex. : juge de paix).
La théorie de l’acte clair et la difficile coopération des juges
L’obligation de renvoi des juridictions suprêmes est ambiguë: elle n’est effective que si la juridiction se considère inapte à juger, elle est subordonnée à l’appréciation du juge national, il n’existe pas de renvoi automatique. Lorsque le litige peut être réglé sur la seule base du droit interne, si la question est matériellement identique à une question déjà résolue par la jurisprudence de Luxembourg, ou enfin lorsque l’application de la norme communautaire s’impose avec évidence au juge (et que celui-ci juge qu’elle s’imposera avec la même évidence à toutes les autres juridictions des Etats membres), le renvoi est inutile. Selon la Cour (6 Octobre 1982, CILFIT), si l’application ne « laisse place à aucun doute raisonnable », le renvoi n’est pas nécessaire. Usant de la théorie de l’acte clair, certaines juridictions ont refusé le renvoi au motif d’absence de difficultés d’interprétation. Voyant le renvoi comme une atteinte à l’autorité de leur jugement, ils n’ont semble-t-il pas mesuré l’importance de ce renvoi en termes d’uniformité de l’acte communautaire et de la coopération des juridictions. C’est le cas par exemple du CE en 1964 dans l’affaire Société des pétroles Shell-Berre ou encore dans l’affaire Cohn Bendit du 22 décembre 1978. Le non-respect de l’obligation de renvoi peut être susceptible d’un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme et les juridictions nationales sur la base du droit à un procès équitable. Le renvoi préjudiciel est de mieux en mieux compris et accepté par le juge national et son nombre augmente au fil des années.
La procédure devant la Cour
La procédure devant les juridictions européenne est actuellement prévue par les articles 256 et 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).
Chambre compétente
Par principe, le renvoi préjudiciel est de la compétence concurrente du Tribunal ou de la Cour de justice qui sont deux chambres différentes de la Cour de justice de l'Union européenne.
Depuis le traité de Nice, les textes prévoient la possibilité pour le Tribunal de connaitre des questions préjudicielles si le statut du Tribunal le prévoit. Dans ce cas, la Cour de justice serait la juridiction en dernier ressort.[2].
« 3. Le Tribunal est compétent pour connaître des questions préjudicielles, soumises en vertu de l'article 267, dans des matières spécifiques déterminées par le statut.
Lorsque le Tribunal estime que l'affaire appelle une décision de principe susceptible d'affecter l'unité ou la cohérence du droit de l'Union, il peut renvoyer l'affaire devant la Cour de justice afin qu'elle statue.
Les décisions rendues par le Tribunal sur des questions préjudicielles peuvent exceptionnellement faire l'objet d'un réexamen par la Cour de justice, dans les conditions et limites prévues par le statut, en cas de risque sérieux d'atteinte à l'unité ou à la cohérence du droit de l'Union. »— Article 256, 3. du TFUE, (ex-article 225 TCE)
Cependant, cette faculté est théorique car le statut ne prévoit encore aucun domaine de compétence pour le Tribunal en cas de question préjudicielle. Il s'agit donc encore d'un domaine de compétence exclusive de la Cour de justice.
« La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel:
a) sur l'interprétation des traités,
b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union.
Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question.
Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour.
Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais. »— Article 267 (ex-article 234 TCE)
Demande d’interprétation de l’acte communautaire
Le droit communautaire primaire et dérivé, ainsi que les accords internationaux liant l’UE et que les arrêts de la Cour peuvent être susceptible d’un renvoi pour interprétation. La compatibilité du droit national avec le droit communautaire relève de la procédure dite du recours en manquement, non du renvoi préjudiciel. Celle-ci n’est pas non plus apte à juger de l’application spécifique du droit communautaire à un cas particulier. Mais lorsqu’une question de ce type est posée (est cela arrive souvent) à la Cour, celle-ci reformule le libellé pour que sa réponse contienne uniquement une interprétation de portée générale susceptible cependant de répondre implicitement à la question du juge (29 Novembre 1978, Pigs Marketing Board)
Demande d’appréciation de validité de l’acte communautaire
Les actes pris les institutions de la Communauté sont susceptibles de renvoi pour appréciation de validité. Cette procédure rentre dans le cadre du contrôle de légalité de la Cour, tout comme l’action en annulation (Art 230 TCE) pour les Etats membres et les personnes physiques et morales.
Le rejet du renvoi
La Cour de Luxembourg juge de la pertinence de la question posée et refuse de répondre dans des circonstances exceptionnelles : lorsque la question est trop imprécise (impossibilité de voir en quoi elle aiderait à la résolution du litige), ou encore lorsque le litige a été artificiellement construit devant une juridiction (1980, Foglia c. Novello) dans le but de d’obtenir une déclaration d’incompatibilité. La Cour refuse de statuer dans ces cas car elle se substituerait au législateur européen.
L'arrêt de la Cour
L’Art 234 donne à la Cour de Luxembourg la possibilité d’émettre du droit dérivé. La Cour ne se prononce pas sur l’application spécifique du droit communautaire pour le litige (maintient de l’autonomie du juge national) mais donne une réponse globale d’interprétation ou d’appréciation de validité de l’acte.
Autorité de l’arrêt
La décision de la Cour lie la juridiction qui statue sur le litige mais aussi les autres juridictions : l’arrêt de la Cour a l’autorité de la chose jugée. L’interprétation s’incorpore à l’acte communautaire et aucun juge ne sera en droit d’émettre une interprétation divergente. Déclaration d’invalidité ne vaut pas annulation de l’acte communautaire. Le juge national ne peut cependant appliquer l’acte en question, et tout autre juge peut considérer l’acte comme non valide. L’arrêt aura ici un effet en dehors de l’affaire initiale : les institutions devront remédier à l’illégalité. Si la Cour déclare la validité d’un l’acte, la question de la légalité de cet acte pourra cependant lui être reposée à la lumière de faits nouveaux dans une autre affaire. Les instances suprêmes au niveau national peuvent également porter une seconde fois devant le juge européen une question antérieurement posée par une juridiction inférieure dans le même litige si elles émettent un doute quant au bien fondé de l’interprétation de la Cour.
Effet dans le temps de l'arrêt
L’interprétation de la Cour rétroagit : on considère que l’acte, dès son origine, répondait de l’interprétation qu’en a donné la Cour. Les rapports juridiques antérieurs doivent donc en tenir compte, tout comme des déclarations d’invalidité de l’acte. Sauf cas exceptionnels pour maintenir les relations de bonne foi entre juge national et communautaire dans lesquelles la Cour peut limiter la rétroaction de son arrêt en vertu du principe de sécurité juridique (15 décembre 1995, Bosman).
Notes et références
- lire en ligne Europa, « Le renvoi préjudiciel », 01.10.2010,
- Article 256, 3. du TFUE, (ex-article 225 TCE)
Pour en savoir plus
- Europa, « Le renvoi préjudiciel », 01.10.2010, lire en ligne
- Association des Conseils d'Etat et des Juridictions administratives suprêmes de l'Union européenne, « Guide de la procédure de renvoi préjudiciel devant la Cour de justice CE », 1er mai 2010, lire en ligne
- L. F., « Sur le renvoi préjudiciel devant la CJUE », in Dalloz.fr, 29 septembre 2011, lire en ligne
- Jordan Parisse, « DISSERTATION JURIDIQUE – La coopération entre juge national et juge communautaire », Décembre 2009, lire en ligne
- Jacques PERTEK, « Renvoi préjudiciel », in Dictionnaire juridique de l'Union européenne (sous la direction d'Ami Barav et Christian Philip), lire en ligne
Pas à jour du traité de Lisbonne de 2008
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