Pierre Grenier (résistant)

Pierre Grenier (résistant)

Pierre Grenier est un résistant sans arme français, fusillé en 1942 par les allemands, pour avoir participé avec la complicité du maire de Boulogne-Billancourt, André Morizet, à l'évacuation d'évadés vers la Zone Libre du sud de la France. L'avenue des Moulineaux, qui traverse un ancien quartier ouvrier de la ville, a été renommée en son honneur avenue Pierre Grenier le 23 octobre 1944.

Sommaire

Position éthique et réseaux d'avant guerre

Né avec le siècle, il a vingt huit ans quand il fonde à Sèvres, le 16 janvier 1928, Phoebus, une loge maçonnique du Grand Orient de France destinée à accueillir les frères du sud ouest parisien. En 1937, il est sous chef de service[1] au deuxième secrétariat de la mairie de Boulogne-Billancourt, bureau administratif chargé de la gestion matérielle (ateliers, voirie, urbanisme) et sanitaire de la ville. Le 28 avril 1940, bien avant la débâcle, le Vénérable clos provisoirement la loge, qui ne rouvrira que fin 1944, peut être dans le souci d'éviter les divisions.

Ses fonctions au sein de la mairie de la ville de Boulogne-Billancourt, l'amène alors à organiser autant que faire se peut une forme de résistance à l'Occupation allemande en liaison avec le maire de Boulogne, André Morizet, également franc-maçon, depuis 1926. En tant que sénateur-maire SFIO, fondateur du Parti Communiste et ancien conseiller général, André Morizet, qui a fait la grève du parlement lors de la votation des pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940, use de son entregent et se trouve en contact avec des membres du Parti Communiste devenu clandestin depuis son interdiction en septembre 1939, des syndicalistes de Renault, des réfugiés politiques. Il est aussi en contact avec Pierre Laval qu'il rencontre du 12 au 15 juillet 1940 à Vichy.

Situation politique à Boulogne sous l'Occupation

Concomitamment, l'occupant doit se montrer habile avec une municipalité qui abrite une forte population immigrée hostile à la Collaboration et un nombre relativement important de sans-papiers russes, autrichiens dont les états ont disparu ou de juifs déchus de leurs nationalité le 3 octobre 1940. C'est aussi le bastion ouvrier, politisé et syndiqué de longue date, des usines Renault. Celles-ci représentent un enjeu stratégique majeur pour l'armement. Un contrôle étroit en est assuré par la nomination d'un employé allemand pour surveiller chaque poste mais le fonctionnement de la chaîne dépend tout de même de la main d'œuvre billancourtoise qu'André Morizet connait particulièrement bien puisqu'il a été leur conseiller général de 1925 à 1927, avant de devenir sénateur, et qu'il a porté le drapeau rouge en 1934 à leur tête dans les manifestations anti fascistes.

En outre, Boulogne héberge dans ses belles villas réquisitionnées des responsables nazis et des officiers supérieurs de la Wehrmacht et de la Kriegsmarine basée au château Rothschild, au nord de la ville. Ils sont là comme en villégiature, loin des combats. Cette situation particulière amène l'occupant à laisser en place l'équipe municipale, ce qui représente un effectif de plusieurs centaines d'employés, tout en la doublant sur le terrain, dès août 1940, de son administration militaire, la Kreiskommandantur basée à Montrouge. Le maire participant à des comités de travail du gouvernement de Vichy, qu'il déteste, un entretien accordé au journal collaborationniste L’Oeuvre, la parution de sa photo sur le numéro premier du journal de Marcel Déat, qui espère ainsi le retourner, tout cela peut faire croire aux allemands à une certaine complaisance. Le maintien par décret en mai 1941 de la municipalité, vaut acceptation d'appliquer les lois du 3 octobre 1940 d'exclusion des fonctionnaires déclarés "juifs" ou franc-maçons et de la déchéance de leur mandats des élus catégorisés tels. Un nouveau conseil municipal est nommé, avec parmi ses membres un allié de poids, Paul Landowski, qui s'était engagé[2] dès 1924 aux côtés de d'André Morizet dans les projets urbains du maire.

L’ambiguïté est telle qu'André Morizet, friand de bravades, peut se permettre, alors qu'il aurait dû s'exclure lui même en tant que franc-maçon, de refuser le serment de fidélité exigé par le maréchal Pétain de tous les élus et fonctionnaires et déclarer "Boulogne-Billancourt occupé mais pas soumis". La question de l'exclusion des franc-maçons, tel son collaborateur Pierre Grenier, est une question à laquelle il est très sensible puisque c'est une clause d'exclusion du même genre votée en novembre 1922 par le quatrième congrès du Komintern qui l'avait amené à quitter le Parti Communiste le 1er janvier 1923.

Engagement personnel dans le cadre de ses fonctions auprès des persécutés

Durant cette année 1941, Pierre Grenier s'installe à Viroflay, ville séparée de Boulogne d'à peine quelques kilomètres mais plus retirée. Il permet aux membres d'un réseau de résistants de se servir occasionnellement du temple de la loge maçonnique pour leur imprimerie clandestine. D'autres membres de la loge sont impliqués, dont Isaac Bensignor, qui disparaîtra en 1944 après avoir été arrêté par la Gestapo à Lyon.

Au sein de l'équipe municipale, certains, tel Henri Mas, poussent jusqu'à organiser l'évacuation de ces "camarades" prisonniers évadés vers la Zone Libre définie par l'armistice du 22 juin 1940. Les employés de la municipalité sont chargés d'accompagner dans Paris les fugitifs jusqu'à la gare Montparnasse ou la gare de Lyon puis de couvrir leur voyage en train jusqu'à un passeur qui les guide dans le franchissement à pieds de la ligne de démarcation qui coupe la France en deux. Un voyage est programmé tous les quinze jours.

C'est ainsi que le 7 février 1942, Pierre Grenier est arrêté à la gare d’Angoulême, ville voisine de la frontière intérieure. Il est conduit à la prison de Fresnes, où les difficiles conditions de détention sont rendues insupportables par les rigueurs de cet hiver 42. Le 30 mars, André Morizet, âgé de soixante six ans, meurt et est remplacé en avril par Robert Colmar, nommé par décret. Pierre Grenier est fusillé le 29 avril au Mont Valérien. Il avait 42 ans et laissait une veuve et une orpheline.

Sources bibliographiques

  • Nadine Claverie, De la Résistance à la déportation: Boulogne-Billancourt dans la Seconde Guerre mondiale.
  • Eugène Couratier, Histoire de Boulogne-Billancourt
  • Olivier Wieworka, Les orphelins de la République
  • Frédéric Puzin, http://sevres-pratique.com/DOCS/morizet.html

Notes et références

  1. Annuaire de Boulogne-Billancourt, p. 11, Archives Municipales, 1937.
  2. F. Padalié-Argoud, F. Bédoussac & I. Lothion, André Morizet bâtisseur de Boulogne-Billancourt, p. 81, Archives Municipales, 2005.

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