Société d'Ancien Régime en France

Société d'Ancien Régime en France
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La société d'Ancien Régime (ou « société d'ordres » ) est un mode d'organisation sociale qui a prévalu en France du XVIe au XVIIIe siècle. La population française est alors divisée en trois ordres dont les fonctions sont hiérarchisées en dignité : le clergé, la noblesse et le Tiers État. Cette séparation repose sur une idéologie et une tradition, non sur un critère de mérite personnel. La Révolution française, avec l'abolition des privilèges dans la nuit du 4 août 1789, a mis fin au système des ordres et aux inégalités juridiques entre les Français, qui sont passés du statut de sujets à celui de citoyens.

La société d'Ancien Régime est aussi une société coutumière[1] et catholique.

Sommaire

Les fondements de la société

Une société hiérarchisée

Dans la société d'Ancien Régime, les individus ont une existence sociale et juridique au travers des communautés dont ils sont membres et qui les représentent : famille, seigneurie, communautés d'habitants, de métiers, etc. Chaque corps, chaque communauté, chaque état a son statut, ses devoirs et ses privilèges qui l'identifient et le distinguent des autres. Ce n'est pas l'individu qui a une personnalité juridique ou une existence politique, mais le groupe. Il y a une multitude de groupes : les ordres religieux, les villes, les communautés rurales, les corps de métiers, les collèges de l'Université, les régiments,… Ainsi, dans les élections qui sont nombreuses, ce ne sont pas les individus qui votent, hommes, femmes ou enfants, mais le chef de chaque communauté de famille ou de métier, car ce sont elles qui sont les membres des villes.

Ces corps sont hiérarchisés en fonction d'une échelle de valeurs qui est proportionnelle au désintéressement. Cette échelle de valeurs, appelée dignité, classe les positions sociales en fonction de la hiérarchie des ordres : une position financière plus fortunée qu'une autre peut être pourtant jugée inférieure (pauvre nobliau supérieur au financier, l'officier seigneurial supérieur au laboureur). D'une façon générale, les fonctions économiques sont considérées comme moins dignes que les fonctions nobiliaires désintéressées, qui elles-mêmes sont moins dignes que les fonctions relevant du domaine spirituel. À l'intérieur de chacun des ordres, cette hiérarchie se décline pour ordonner toutes les fonctions sociales. Ainsi, dans l'ordre économique, le secteur primaire est considéré le plus digne (agriculture, mine, pêche, forêts), l'artisanat un peu moins, ensuite on place le commerce et le négoce qui sont juste au-dessus des métiers les plus vils : l'usure (banque) et la prostitution. En effet, la conduite noble est celle qui se sacrifie pour l'honneur (pour l'intérêt général), tandis que l'activité économique cherche un gain, un profit, qui est plus grand chez le commerçant que chez l'agriculteur, chez l'usurier que chez le commerçant.

Les origines historiques de la société d'ordres

Dès le Moyen Âge, les lettrés du clergé élaborent les cadres théoriques d'un système social censé garantir l'harmonie et la paix du royaume ; au début du XIe siècle, les évêques Adalbéron de Laon et Gérard de Cambrai posent les bases de la théorie des ordres : « ceux qui prient » (oratores), « ceux qui combattent » (bellatores) et « ceux qui travaillent » (laboratores) composent la société française dominée par le roi. Chacun des trois ordres doit être complémentaire des deux autres : les moines prient pour le salut des laïcs ; les chevaliers mettent leurs armes au service de l'Église et protègent les faibles ; enfin, les paysans cultivent la terre pour nourrir les deux premiers ordres. L'accès aux deux premiers groupes est conditionné par des rites (l'ordination pour le clergé ; l'adoubement pour les chevaliers). Cette distinction des activités sociales en trois fonctions séparées, qui existait à Rome et chez les Gaulois, a été mise en évidence comme caractéristique des sociétés indo-européennes sous le nom de trifonctionnalisme par le comparatiste et philologue, Georges Dumézil.

Au XVIe siècle, au moment de la montée de l'absolutisme, le jurisconsulte Charles Loyseau apporte une définition juridique des trois ordres. Il écrit un Traité des ordres et simples dignités en 1610 dans lequel il décrit la séparation des trois ordres qu'il nomme aussi « états », tout en insistant sur l'obéissance due au roi. Il observe que chaque ordre est subdivisé en catégories plus fines. Les philosophes sont à l'origine de la prise de conscience que l'ancien régime est un régime injuste ne respectant pas les libertés de la population.

Une société catholique

Le catholicisme est la religion de l'État et de la Couronne. Nul ne peut être roi de France s'il n'est catholique: le protestant Henri de Navarre, bien qu'héritier légitime du trône, dut se convertir. Lors de son sacre le roi jure de défendre l'Église catholique mais aussi d'extirper l'hérésie de son royaume. Avec la famille, la paroisse est le cadre de base de la vie religieuse mais aussi civile. La très grande majorité des Français sont guidés de la naissance (avec le baptême) à la mort (avec l'extrême-onction), par les préceptes de l'Église catholique romaine. Le prêtre catholique est un des rouages essentiels de la vie de la communauté villageoise ou de quartier. Non seulement il distribue les sacrements, mais il est aussi le conseiller dans les affaires privées et le directeur de conscience. Cette Église joue le rôle de service public ; elle tient l'état civil (les registres de baptême), elle organise la scolarisation à tous les degrés d'enseignement, elle fournit l'assistance publique avec les hôpitaux. Chaque corps de la société a son saint patron. La vie collective est rythmée par les fêtes religieuses catholiques. Les Français qui ne sont pas catholiques (les Juifs et les Protestants) n'existent pas légalement, ils sont considérés comme des « asociaux ». C'est pourquoi la politique antiprotestante de Louis XIV sera de fait approuvée, voire glorifiée, par la quasi-totalité de ses sujets (hormis les victimes et quelques très rares opposants).

Une société coutumière

Les individus et les groupes socio-économiques ont des relations réglementées par des coutumes multiséculaires qui forment en fait le droit privé. Ces coutumes sont différentes selon les régions (ainsi le système d'héritage n'est pas le même en Normandie ou dans le Languedoc). Elles sont aussi différentes selon les groupes sociaux : la noblesse et le tiers état bien souvent n'ont pas les mêmes règles pour les successions. Par contre le sud du royaume est soumis au Code de Justinien qui perpétue le droit romain. Le gouvernement royal, à plusieurs reprises, tente bien de mettre de l'ordre dans cette multitude mais conserve le plus souvent les particularités.

Les trois ordres de la société française

L'organisation sociale en trois ordres

Sous l'Ancien Régime, la société française est organisée en trois ordres qui correspondent à trois fonctions, ou secteurs d'activités traditionnellement séparés dans les sociétés indo-européennes. Ces fonctions sont hiérarchisées en dignité, autrement dit la logique spirituelle du premier ordre prévaut sur celle politique du second, qui elle-même prévaut sur toutes les considérations économiques. La société d'Ancien-Régime est donc le contraire d'une société matérialiste où l'économie impose sa logique en premier. Les deux premiers ordres ont des fonctions de services public à remplir qui sont onéreuses (pour le clergé: le culte, l'état civil, l'instruction publique, la recherche, la science, la culture et l'assistance publique), tandis que le troisième ordre, qui comprend toutes les activités économiques, a des fonctions qui sont lucratives. De ce fait, la plupart des impôts reposent sur le troisième ordre, afin d'entretenir les deux premiers.

Le clergé

Le clergé est le premier ordre dans la hiérarchie sociale de l'époque moderne. Il perçoit en principe l'impôt des dîmes correspondant au dixième des récoltes et au prémices. En réalité, l'essentiel de ses ressources vient de la rente foncière, c'est-à-dire de bien foncier qu'il donne en location perpétuelle, aussi bien dans les campagnes que dans les villes. Les clercs sont exemptés de taille, de service militaire, et par le célibat des obligations familiales. Le clergé est chargé, en plus du culte, de l'état civil, l'organisation des fêtes (religieuses), de l'instruction publique, tant au niveau des petites écoles que des grandes écoles et des universités ; il est aussi chargé de toutes les fonctions d'assistance sociale et médicale, créant et entretenant les hôpitaux, hospices et orphelinats. Il reste soumis à certains impôts comme la régale ou la décime.

Philippe de Champaigne, Ex Voto de 1662, Louvre ; le clergé

La condition des membres du clergé est extrêmement variée: les membres du haut clergé, qui sont les cardinaux, les évêques et archevêques, des abbés des grandes abbayes et certains chanoines, sont des personnages considérables qui bénéficient souvent de revenus princiers. Souvent issus des rangs de la noblesse, mais parfois aussi des couches les plus basses de la société, ils résident souvent en ville et en relation avec la cours et les pouvoirs politiques.

Le clergé séculier tient un rôle important dans la vie de la communauté : curés et vicaires tiennent les registres de baptême et de sépulture, distribuent les sacrements comme le mariage, entendent les confessions, célèbrent la messe, organisent les fêtes, s'occupent de l'instruction primaire.

Le clergé séculier (qui vit dans le « siècle », du latin sæcularis), au milieu des laïcs, se distingue du clergé régulier, qui vit selon la « règle » (du latin regularis) d’un ordre, d'une abbaye, d'un couvent, d'un prieuré… Au Moyen Âge s'est établie la distinction entre les ordres contemplatifs consacrés à la prière (bénédictins, cisterciens...) et les ordres mendiants (franciscains et dominicains) voués à la prédication. Les ordres accueillent les cadets des familles aisées qui sont exclus des successions familiales par le droit d'aînesse.

La noblesse

En France, les fonctions et la condition de la noblesse a considérablement varié en douze siècles d'histoire de la royauté. La fonction principale de la noblesse est d'assurer la paix et la justice; elle a donc le monopole de la force et de la guerre. Ce ne sont pas des individus qui sont nobles, mais des lignages qui conservent et se transmettent héréditairement des fonctions nobles attachées à des biens fonciers. L'ancienne noblesse est immémoriale, elle a ses racines dans des lignages gallo-romains, et auparavant gaulois. Au Moyen Âge, l'accès à la noblesse se fait beaucoup par la chevalerie qui lui donne l'idéal chrétien de mettre la force au service des faibles. La noblesse plus récente doit son statut au roi qui a seul le pouvoir d'anoblir par lettres patentes ou par la vente de charges.

Les archives consignant les droits seigneuriaux sont conservées dans les châteaux.

Comme le clergé, la noblesse dispose de privilèges : elle n'est pas assujettie à la taille, l'impôt royal. Elle a le droit de porter l'épée et de pratiquer la chasse. Elle subsiste par la rente que paient les laboureurs. Elle est jugée par des tribunaux particuliers.

La noblesse est soumise à des devoirs, elle doit verser son sang. Elle a des places réservées dans l'armée et l'administration mais la plupart des activités professionnelles lui sont refusées, ce qui n'est pas le cas dans des pays tels que la Suisse ou l' Allemagne. Tout noble français qui ne respecte pas ces devoirs peut déroger et se voir déchu de sa condition.

Devenir noble demeure un idéal mais la noblesse ne forme pas pour autant un corps organisé. Au sommet, quelques grands seigneurs accumulent les faveurs royales, il s’agit des princes du sang ou bien souvent de favoris ou de leurs descendants. Sous la dynastie des Bourbons, les princes du sang sont principalement les duc d’Orléans, princes de Condé et de Conti. En bas de l’échelle, de nombreux gentilshommes vivent chichement dans leur domaine.

Un exemple de grande figure de la noblesse française est Jean Louis de Nogaret de La Valette (1554 - 1642), duc d'Epernon.

Le tiers état

Louis Le Nain, La charrette, 1641, conservé au musée du Louvre : le tiers état rural

Le dernier ordre de la société d'Ancien Régime est formé de tous ceux qui n'appartiennent ni au clergé, ni à la noblesse et exercent des activités économiques: agriculteurs, marins, artisans et commerçants, c'est-à-dire les 9/10e des Français. Comme dans les autres ordres, la condition des roturiers est extrêmement variée: certains bourgeois sont très riches et puissants.

La population est essentiellement rurale. La vie des paysans tient à l'abondance des récoltes. Les laboureurs sont cependant plus riches que les tenanciers et les ouvriers agricoles (les journaliers). Les paysans paient de nombreux impôts, en particulier la taille royale et les taxes seigneuriales (cens, champart). Ils sont astreints aux banalités et aux corvées, qui sont des survivances du Moyen Âge.

La partie du peuple qu'on appelle Tiers-État aux États généraux est la population des villes ayant le privilège de s'administrer et de se défendre. Ce sont les villes marchandes les plus riches et les plus développées. Les principaux officiers et magistrats de ces villes exercent les mêmes fonctions de justice et de défense que des nobles, et sont de ce fait souvent considérés comme tels: ce sont les charges anoblissantes, comme le consulat de Toulouse, la noblesse de cloche. Une grande partie des citadins tiennent une boutique ou encore travaillent dans l'artisanat : ils travaillent alors dans des ateliers et appartiennent à une corporation. La hausse du prix du pain peut entraîner des émeutes urbaines.

Le terme "Tiers État" ne deviendra courant qu'à partir de la Révolution française de 1789. Bien que la population paysanne constitue 80 % de la population française, il n'y aura pas de paysans dans les assemblées, aussi bien lors de la Convocation des Étas Généraux le 4 mai 1789, que pendant le reste de la Révolution. Les députés qui prétendront représenter le Tiers États seront tous des bourgeois fortunés et instruits, possédant des emplois de judicature, des entreprises de négoce et de banque, ou des offices de finance.

« Qu’est-ce que le tiers état ? Tout. Qu’a-t-il été jusqu’à présent dans l’ordre politique ? Rien. Que demande-t-il ? À être quelque chose. »

— Emmanuel Joseph Sieyès

L'organisation de la société au XVIIIe siècle

Les pouvoirs

Dans chaque domaine politique, financier, judiciaire ou religieux, le territoire de la France d'Ancien Régime est quadrillé d'une hiérarchisation — France ; zones ; sous-zones ; etc. — dont sont responsables des agents à dénomination, fonction et attributs précis.

Les autorités administratives

Le roi gouverne assisté par son Conseil. Progressivement à partir de Philippe Le Bel et son fils Philippe Le Long, le Conseil a connu une double évolution. D'une part il a donné naissance à des organes plus spécialisés. D'autre part les grands seigneurs ont été évincés au profit d'un personnel plus professionnel. Les charges de conseiller sont vénales mais le roi choisit les titulaires des fonctions importantes.

Le chancelier appose le sceau royal sur les actes : il représente la justice éternelle. Le contrôleur général des finances gère les revenus et les dépenses. Le rôle des 4 secrétaires d'état évolue de celui de greffier vers celui de ministre.

L’autorité royale est appliquée en province par un intendant dans chacune des 36 généralités. L’intendant est aussi un précieux moyen d’information pour le pouvoir central. Il intervient dans la répartition du principal impôt direct, la taille. Treize cours des comptes sont vouées à vérifier les comptes des agents de l'état et à préserver le patrimoine royal.

Douze cours des aides rendent justice en dernière instance en matière fiscale. La taille est prélevée selon les provinces par des officiers titulaires de leur charge, faussement appelés « élus », ou les états provinciaux, assemblées de notables.

La perception des impôts indirects est assurée par le système du fermage : un groupe de financiers avance la somme globale au roi puis organise lui-même la perception de la taxe, avec profit. Le principal impôt indirect est la gabelle sur le sel.

La justice courante est rendue tout d'abord par bailliages puis par présidiaux. Dix-huit cours souveraines de justice, dont quatorze parlements, jugent en dernière instance. Leurs ressorts sont de taille très variable : celui de Paris couvre la moitié du territoire. Les parlementaires sont propriétaires de leur charge, qu’ils ont achetée. Leur intégrité est souvent mise en cause, ce qui ne les empêche pas de se poser vis-à-vis du pouvoir royal comme les défenseurs des droits et libertés publics.

Article détaillé : parlements.

Les paysans qui constituent la très grande majorité de la population ont rarement affaire à l’autorité royale. Le curé annonce les nouvelles officielles et tient l’état civil. Le seigneur rend la justice. L’assemblée des principaux propriétaires répartit l’impôt et recrute le maître d’école.

L'Église

Le clergé tient des assemblées générales et dispose de ses propres tribunaux ; les officialités. Il prélève la dîme, est exempté d’impôts mais peut accorder des dons au roi.

Les curés sont désignés par un collateur, le fondateur de la paroisse ou son successeur. Ils disposent d’une portion congrue de la dîme mais sont en général à l’abri de l’indigence. Après l’application du concile de Trente, ils sont astreints à résider dans leur paroisse et ils sont mieux formés ; il y a maintenant un séminaire dans chaque évêché.

La France est découpée en cent quarante diocèses de taille très variable. Ils sont plus nombreux dans le Midi où certains sièges épiscopaux ne sont que de gros bourgs. De façon moins répandue qu’en Allemagne, certains prélats sont également seigneurs temporels: par exemple l’évêque de Mende est comte du Gévaudan. Depuis le concordat de Bologne, obtenu par François Ier en 1516, c'est le roi qui nomme les évêques.

Des personnalités de l'église accèdent au poste de premier ministre, c'est en particulier le cas d'Armand Jean du Plessis de Richelieu (1624-1642), de Jules Mazarin (1642-1661) et de André Hercule De Fleury (1726-1743).

Les villes

Le développement d'une bourgeoisie et l'insécurité qui a prévalu pendant la guerre de Cent Ans ont favorisé l'émergence d'autorités municipales, les échevinages. À un échelon inférieur, les métiers sont gérés par les corporations, organisations de leurs membres.

Les grandes villes sont d'abord des centres administratifs : de ce point de vue, la carte judiciaire de la France moderne reflète encore la cartographie urbaine de l'Ancien Régime.

Les grandes villes sont aussi des centres économiques. Le développement de villes concurrentes donnera lieu au vingtième siècle à la création de nouvelles régions autour de grandes métropoles.

L'évolution de la société

Les mobilités et les relations sociales

Jean-Baptiste Colbert, issu des rangs de la bourgeoisie, il parvient à se forger une belle fortune et à placer ses proches en politique

Les trois ordres de l'Ancien Régime ne sont pas fermés. Les couches les plus modestes de la population peuvent entrer dans le clergé et profiter de ses privilèges : le clergé est ouvert aux autres ordres, à condition d'avoir la vocation et d'adopter la continence. Une fraction des laïcs se montre anticléricale, reprochant au haut clergé son obscurantisme, les bourgeois dénonçant en outre ses accointances avec la haute noblesse.

Les bourgeois cherchent à imiter le mode de vie de la noblesse. Certaines charges municipales permettent leur intégration dans la noblesse dite de « cloche ». En achetant des charges d'officier ou de finances, les offices, ils s'élèvent au rang de la noblesse de robe. Le roi vend ces charges pour en tirer des bénéfices mais il laisse par le mécanisme de la Paulette se créer des dynasties d'officiers qui peuvent échapper à son contrôle. La charge de secrétaire du roi est la plus coûteuse, mais très recherchée. À partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, les charges militaires permettent également d'accéder à la noblesse. Les parvenus de la « savonnette à vilains » sont vus d'un mauvais œil par la vieille noblesse.

L'on peut perdre ses privilèges d'ordre : les nobles qui dérogent à leur mode de vie sont déchus de leurs prérogatives. Il faut attendre la fin de l'Ancien Régime pour les voir prendre part ouvertement à l'industrie et au commerce.

À l'intérieur de chaque ordre, les concurrences voire les inimitiés existent : le haut clergé issu de la noblesse porte un regard condescendant sur le bas clergé issu du tiers état. La noblesse forme un corps sans unité partagé entre réactionnaires et libéraux, grands seigneurs et petits barons... Dans les villes, la bourgeoisie cherche à mettre le « prolétariat » à sa merci.

Une divergence latente d'intérêt existe entre la paysannerie des campagnes et les notables qui résident en ville. Ce sont les paysans qui paient l'essentiel des redevances et impôts qui assurent le revenu des prélats, seigneurs ou bourgeois. Ils fournissent par ailleurs aux entrepreneurs textiles une main d'œuvre bon marché. Les propriétaires attisent parfois les ressentiments en cherchant à faire évoluer les pratiques habituelles, par exemple en voulant clôturer les terres communes.

Une population mieux nourrie est davantage portée à la contestation politique. Les droits féodaux sont moins bien acceptés par les paysans car les seigneurs ne jouent plus leur ancien rôle de protecteurs.

Les contestations

« A faut espérer queu s'jeu-là finira ben tôt », caricature anonyme, 1789
Sous Louis XIV

Beaucoup d'écrivains illustres ont critiqué, sous couvert de comédies ou de fables, la société d'ordres. Les fables de Jean de La Fontaine, les satires de Nicolas Boileau, les caractères de Jean de la Bruyère et les pièces de Molière dénoncent les travers du système. Le Bourgeois gentilhomme se moque de Monsieur Jourdain qui veut imiter le genre de vie des nobles.

La pensée critique connaît un essor à la fin du règne. Vauban notamment réalise une importante réflexion sur la fiscalité.

Au siècle des Lumières
Article détaillé : Lumières (philosophie).

Les philosophes des Lumières ont critiqué l'inégalité juridique et sociale en vigueur sous l'Ancien Régime. C'est l'individu qui est au centre de leur réflexion et non la société dont celui-ci ne serait qu'une partie. La société devient l'association des individus. Le pacte social est contracté entre tous les participants, c'est-à-dire l'ensemble exhaustif des citoyens. La liberté de chacun nécessite l'égalité, garantie par l'obéissance à des lois communes. Le renoncement de chacun à exercer son droit du plus fort permet d'établir le contrat social dans la mesure où chacun y trouve la liberté de s'accomplir.

L'écrivain, philosophe Jean-Jacques Rousseau a entrepris une vaste réflexion sur l'individu et la société. Turgot, intendant puis ministre de Louis XVI, essaye en vain de réformer effectivement cette société.

Les blocages institutionnels à la veille de la Révolution

L'encadrement de la vie de cour à Versailles par le formalisme de l'étiquette a contribué à isoler la personne du roi. Le phénomène est particulièrement marqué sous Louis XV et Louis XVI : ils ont une personnalité moins politique et sont moins impliqué dans les affaires publiques que Louis XIV. Du coup, quelques clans privilégiés accaparent les faveurs.

L'impécuniosité de la monarchie l'a conduit à mettre en vente les charges publiques. Les officiers publics ne sont pas forcément les plus compétents. Leur souci de récupérer la mise de fonds initiale encourage leur corruptibilité. Maîtres de leur charge, ils ne sont pas forcément dociles vis-à-vis du pouvoir royal les parlements entretiennent même un climat de contestation permanente.

Face aux aspirations d'une bourgeoisie enhardie par le développement économique, la noblesse traditionnelle cherche à préserver ses privilèges et à garder le monopole de certaines activités, notamment militaires. Elle attise ainsi les ressentiments à son égard.

Notes et références

  1. Nicolas Offenstadt, Grégory Dufaud, Hervé Mazurel, Les mots de l'historien, Presses Univ. du Mirail, 2005, p. 9

Annexes

Bibliographie

  • Roland Mousnier, Les hiérarchies sociales de 1450 à nos jours, Paris, 1969.
  • Pierre Goubert et Daniel Roche, Les Français et l'Ancien Régime, Paris, Colin, 1989.
  • Pierre-Yves Beaurepaire, Jens Häseler, Antony McKenna, Réseaux de correspondance à l'âge classique: (XVIe ‑ XVIIIe siècle), Université de Saint-Etienne, 2006, 382 p.

Liens internes

Liens externes


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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Société d'Ancien Régime en France de Wikipédia en français (auteurs)

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