- Monôme étudiant
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Le monôme est une manifestation étudiante française qui peut être aussi bien festive que démonstrative en fonction des établissements et des occasions.
Apparu à la fin XIXe siècle, il épouse la forme d'une pittoresque procession en file indienne, généralement effectuée la main sur l'épaule et rythmée par des chants.
Un des plus fameux monômes était le monôme du bac auquel participaient à Paris la masse des candidats qui venaient de finir de se présenter à l'examen du baccalauréat. Il pouvait rassembler jusqu'à 15 000 participants. Il disparut interdit par la Préfecture de police en 1968.
Description d'un monôme en 1889
Alexis Lemaistre décrit le monôme des étudiants en architecture des Beaux-Arts de Paris en 1889[1] :
« Les premiers sortis attendent les autres dans la grande cour[2] ; quand tous les logistes[3] sont réunis, ils allument leurs bougies, les fixent avec une goutte de cire chaude au bout de leurs cannes[4], et forment un monôme qui se déroule, à l'ombre des grands murs, autour du Portique de Gaillon[5], comme une farandole organisée par des vers luisants.
Puis le cortège franchit la grille (de sortie de l'École des Beaux-Arts), incline ses lumières devant les bustes du Poussin et du Puget[6], et se dirige du côté du quartier latin.
Il ne suit jamais que l'un ou l'autre de ces deux itinéraires consacrés par la tradition :La petite rue des Beaux-Arts, dont la grille fait face à l'École, la rue de Seine, la rue de Buci, la rue de l'Ancienne-Comédie, puis le boulevard Saint-Germain, que la nouvelle École de médecine, regardée de travers par de vieilles échoppes, fait très solennel et un peu froid ; ou bien la rue Bonaparte, le quai Conti, plein de marchands d'estampes, le quai Voltaire, où le monôme salue la statue en bronze de Voltaire et la statue en marbre de la République, sans honorer d'un salut l'antique Académie, puis le quai des Grands-Augustins, au bout duquel Notre-Dame dresse ses deux tours et sa flèche aiguë, qu'entoure un essaim d'étoiles, puis la place Saint-Michel, où le tableau de Raphaël, mal copié en bronze, et aggravé d'un bassin, constitue un beau dessus de pendule.
Que le monôme suive le boulevard Saint-Germain ou les quais, le but est toujours le boulevard Saint-Michel.
Une fois là, il entre dans un bureau de tabac prendre, payer et allumer une centaine de cigares, il pénètre dans les cafés et brasseries, stupéfiant les consommateurs sérieux, deux fois plus bruyant quand il trouve attablés chez Vachette, à la Source ou au d'Harcourt, des élèves de l'École sirotant des bocks ou des mazagrans. Et ce sont des plaisanteries à n'en plus finir, des demandes de consommations invraisemblables, dont le nom seul fait sursauter les garçons.
Parfois, ce serpent humain aux anneaux lumineux a des difficultés avec la police. Des sergents de ville grincheux, ou seulement tatillons, n'osant pas rompre la file indienne, jouent de ruse ; ils poussent le monôme sur le trottoir de droite, au risque d'interrompre pendant cinq minutes la circulation des tramways ; une fois du côté du lycée Louis-le-Grand, le monôme remonte vers la grille du Luxembourg, puis il tourne et descend la rue de Médicis ; le voilà dans la zone plus tranquille de l'Odéon et du Sénat, dans la morne rue de Tournon ou dans la rue de Vaugirard, non moins morne : c'est là que l'attendaient les sergents de ville astucieux ; sûrs de ne pas provoquer de scandale dans ces quartiers province, ils dispersent le monôme ; et, si le monôme, fort d'un droit consacré par l'usage, essaie de résister, ils arrêtent les meneurs et les conduisent au poste de police de la place Saint-Sulpice.
Le reste du monôme suit ses chefs à distance ; quand les portes se rouvrent, et que les rebelles sont rendus à leurs camarades, après admonestation du commissaire et rappel au respect des lois qui interdisent les rassemblements de plus d'une personne, des cris de joie éclatent, et des ovations, qui font tourner la tête à tous les cochers de la station de fiacres, et qui provoquent sur l'impériale des omnibus, d'un voyageur à l'autre, des questions et des réponses comme celles-ci :
— Savez-vous ce qui se passe, Monsieur ?
— Non Monsieur.
— Ah !... Je vous remercie, Monsieur.
— De rien, Monsieur. »
Le monôme aujourd'hui
Les membres de l'antique association fraternelle et festive étudiante de la Faluche organisent un monôme chaque année lors de l'anniversaire de la fondation de la Faluche. Il a lieu dans la ville universitaire où les membres de la Faluche accueillent cet évènement.
Le monôme est toujours vivant chez les étudiants de l’École nationale supérieure d’arts et métiers (ENSAM).
Des établissements scolaires de l'enseignement secondaire pratiquent le monôme comme une fête, où les œufs et la farine sont de mise, notamment au Lycée Paul Valéry de Sète (lycée où Paul Valéry et Georges Brassens menèrent une partie de leurs études) ou encore à Roanne, et à Saint-Ambroise à Chambéry.
Aux lycées Descartes et Vaucanson de Tours, le monôme est une manifestation déguisée dans les rues de la ville, organisée en septembre par chaque prépa, dans le but de récolter auprès des passants de l’argent pour l’association de la prépa. Les anciens défilent en blouse et en calot et les bizuths en déguisement. En prépa véto, les anciens choisissent le déguisement des bizuths en fonction de leur nom de famille, selon des jeux de mots souvent fantaisistes (ex : « Auclerc » donne « Au clair de la lune », ce qui donne un déguisement de Pierrot).
Au Lycée Français de Madrid, il reste une tradition. Sa date est connue de la plupart des élèves dès la moitié du troisième trimestre. La plupart du temps il se déroule un mois jour pour jour avant la première épreuve du baccalauréat. À Madrid, ce monôme donne motif à polémique, étant donné qu'il comprend, entre autres, une bataille avec des produits tels que : œufs, farine, ketchup, moutarde, mousse à raser... Et comme il se déroule à l'extérieur du lycée, le nettoyage relève de la responsabilité de la Mairie de Madrid.
Notes
- Alexis Lemaistre, L'école des Beaux-Arts dessinée et racontée, chapitre V, Le monôme, pages 228-232, Firmin-Didot éditeur, Paris 1889.
- La Cour d'Honneur de l'École des Beaux-Arts dont l'entrée est 14 rue Bonaparte dans le 6ème arrondissement de Paris.
- logistes : étudiants en architecture ayant passé une épreuve en loges, c'est-à-dire dans un local individuel pour chacun appelé loge dont ils ne peuvent sortir qu'une fois leur épreuve rendue aux examinateurs.
- À l'époque tout jeune homme distingué ne sortait pas sans sa canne et son chapeau.
- Le portique de Gaillon, élément de façade du château de Gaillon, s'élevait à l'époque quelques mètres en avant de l'entrée du Palais des Études, au fond de la Cour d'Honneur. Il fut démonté par l'administration au début des années 1970 et a aujourd'hui disparu.
- Ces deux grands bustes en pierre encadrent toujours l'entrée de l'École des Beaux-Arts rue Bonaparte.
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