Maison Ruffo

Maison Ruffo

La Maison Ruffo est une maison noble d'Italie dont les rameaux sont présents dans de nombreux pays et qui comptent parmi les plus grandes familles d'Europe, par son ancienneté et sa puissance. Quasi-souveraine pendant longtemps en Calabre, ses racines se trouveraient ailleurs, dans la Rome républicaine par exemple ou encore à Constantinople. L'historien Tristan Carraciolo rapporte ainsi en 1480 que « la grandeur et l'antiquité des Ruffo précéda celle des rois ». L'actuelle reine des Belges, Paola Ruffo di Calabria appartient à cette illustre maison.

Sommaire

Origines : l'hypothèse romaine

Les Ruffo actuels tiendraient leur nom de la gens Cornelia Rufa ou Rufina, vielle famille patricienne qui donna de nombreux consuls et dictateurs à la république romaine dont le grand Lucius Cornelius Sylla dit simplement Sylla[1].

Mais il est davantage avéré que la lignée mâle des Ruffo est issue d'une famille de chevaliers romains, moins prestigieuse, les Antonii Rufi, à laquelle fut déléguée au IIe siècle, la perception des impôts en Pannonie. Cette famille fournit différents hommes de guerre à l'empire dont un, Marcus Antonius Rufus, général de Constantin le Grand fit la fortune de la famille. Liée par mariage aux différents empereurs, on la dit aussi descendre de la gens Valeria.

Origines : suite de l'hypothèse romaine, l'hypothèse byzantine

Ce serait à Byzance que le Rufus originel devint Ruffo, forme actuelle, tandis que le nom d'Antonius n'est plus utilisé comme nomen mais comme second praenomen. On ne sait pratiquement rien de l'histoire des Ruffo à cette époque sinon qu'elle compta divers consuls, gouverneurs et généraux. Citons ainsi un consul sous Justinien Ier, un gouverneur de Macédoine sous Justinien II et peut-être même la famille Ruffo aurait-elle donné une impératrice au IXe siècle, bien que cet élément, rapporté par la tradition, ne soit pas vérifié ni même vérifiable.

Maison de Cornelius Rufus à Pompei

Ce que l'on sait toutefois est rapporté par la tradition familiale donc et divers auteurs : voici quelques personnages connus de cette époque[2]. Il est toutefois à noter que le prénom Marc-Antoine, dérivant de Marcus Antonius Rufus est très répandu dans cette famille même aux siècles les plus récents.

  • Marcus Antonius I Rufus, au IVe siècle est un général de Constantin le Grand, pour lequel il combat contre Maxence. Chrétien, Marcus Antonius Rufus devait être un officier de Constance Chlore. Il participe à la bataille du pont Milvius contre Maxence. En remerciement de ses services, Constantin aurait fait de la famille de ce général l'une des premières de Constantinople, nouvellement fondée.
  • Lucius Rufus, au IVe siècle, était capitaine de l'Empereur Constantin II dans la guerre en Dalmatie, et fils du précédent Marcus Antonius. Comme son empereur, Lucius Antonius Rufus fut vaincu.
  • Lucius Antonius Rufus, au Ve siècle, est un général de l'empereur Valentinien III qui combat combat contre Genséric, roi des Vandales. L'armée romaine (qu'il commande ?) est vaincue en 431.
  • Marcus Antonius Rufus, illustre capitaine de l'empereur Justinien II se bat victorieusement en Macédoine, privé de ses fonctions par l'empereur Léonce qui vient de s'emparer du pouvoir en mutilant Justinien, Marcus Antonius Rufus est assassiné alors qu'il sort de Sainte-Sophie . Cela se serait déroulé en 695[2].

Grâce aux services rendus par Marc-Antoine I Rufus à son empereur, cette famille devint l'une des premières de l'aristocratie romaine. Elle s'unit ainsi à des lignées plus prestigieuses encore qui lui "donnèrent des ancêtres" parmi lesquels nous pouvons citer : Marc-Antoine (le triumvir), l'empereur Claude, Vespasien, probablement Titus et Domitien aussi, les Antonins de Trajan à Commode, Constantin le Grand lui-même ainsi que Théodose le Grand, Galla Placidia, Valentinien III... Ces derniers exemples illustrent la puissance gagnée de cette famille, qui de fait appartient indirectement à la famille impériale et c'est pour cela que de nombreux généalogistes font de la maison Ruffo, la fille de la gens Valeria, impériale et patricienne[3]. Puis au temps de l'empire byzantin elle se lie aux différentes dynasties impériales notamment celles des Héraclides, des Isauriens et des Macédoniens[4].

Enfin au Xe siècle, l'empereur de Byzance (Jean Ier Tzimiskes ou Basile II ?) chargea un Ruffo de la reconquête du sud de l'Italie sur les arabes et lui aurait confié le gouvernement de la Calabre. Cela est rapporté par les chroniques Cassiniennes de l'évêque Léon d'Ostie[5]. Par ailleurs, la branche aînée sénatoriale perdura à Constantinople. Au XIIe siècle, une Ruffo -prénommée Yola ou Jeanne- épousa un certain Andronic-Jean Comnène, passant pour être soit l'empereur Andronic Ier Comnène, soit l'un des fils de la famille impériale[6].

La conquête de l'Italie du Sud

Vers 970, parti de Constantinople avec une solide armée, Giovanni-Fulconio Ruffo fit la conquête de la Grande-Grêce sur les Sarrasins et se bâtit un presque-royaume en Calabre, édifiant cités et forteresses, entretenant armées, garnisons et même marine de guerre. Ce personnage hors du commun, vaillant guerrier et grand général était probablement un cadet de la maison Ruffo constantinopolitaine, chargé par l'empereur de ramener au sein de l'empire le sud de l'Italie. Ce fait historique est avéré, en 976, le sud de l'Italie redevint byzantine pour un siècle encore tandis que les grecs -ou romains- tentaient vainement de reconquérir la Sicile. Sitôt placés en tant que vice-roi pour l'empire byzantin en Calabre, les Ruffo furent confrontés à l'Empereur d'Occident, notamment Othon II, lui-même marié à l'impératrice et régente Théophano, princesse byzantine. Aisni, tout au long du XIe siècle, les Ruffo gardèrent leur position souveraine en Calabre, jusqu'à l'arrivée des Normands. Marquis de Crotone et vice-roi de Calabre, les Ruffo sont de fait les réels souverains de la Calabre. Ils acquièrent de nombreux fiefs dont ils ne se départiront plus, tels : Catanzaro, Cosenza, Squillace, Santa Severina, Stilo, Gerace, Crotone, Scilla ou encore Sinopoli. Leur puissance est infinie, ils commence à être désigné par l'appellation de "Magna Doma" qui leur sera longtemps attachée.

Les Ruffo di Calabria depuis la conquête normande

Sa Majesté Paola Ruffo di Calabria, épouse de S.M. Albert II de Belgique, roi des Belges

Maîtres en Calabre, les Ruffo furent vaincus par les Normands au XIe siècle. Les envahisseurs s'établirent durablement mais ils s'attachèrent cette famille d'intellectuels byzantins qui surement les impressiona beaucoup. De plus, les Ruffo mirent vraisemblablement leur flotte à disposition des normands pour combattre leur pourtant compatriotes byzantins à Bari en 1069. C'est la fin de la présence grecque en Italie du Sud. Ainsi les Ruffo demeurèrent quasi-souverains en Calabre pour de nombreux siècles. Alliés aux normands, les Ruffo participent aux guerres que ceux-ci mènent contre leur voisins siciliens et maures puis byzantins et enfin aux croisades.

Au XIIIe siècle, les fiefs normands d'Italie sont récupérés par l'empereur d'Allemagne qui fait de Palerme sa capitale. La famille Ruffo fournit de nombreux généraux, amiraux, évêques, cardinaux et grands féodaux au Saint Empire Romain. Vers l'an 1100, l'histoire de la famille devient plus sûre avec notamment une généalogie précise. Premiers féodaux du sud de l'Italie, les Ruffo gravitent avec prestige dans l'entourage des rois normands puis des empereurs Souabe et surtout Hohenstaufen.

Pietro I Ruffo di Calabria, premier comte de Catanzaro, né en 1188 fut au premier rang de la cour de l'Empereur Frédéric II du Saint-Empire. Il fait au côté de ce souverain une carrière administrative, politique et militaire brillante, couronnée en 1244 par l'obtention du titre de Grand marêchal de l'Empire (Imperialis marescaliae Magister) qui fait de lui l'un des principaux personnages de l'époque, membre du noyau le plus restreint dirigeant l'administration centrale de l'Empire. Il assume aussi les prestigieuses fonctions de Vice-roi, toujours en Calabre mais aussi en Sicile et il est désigné, selon les choniques de l'époque, comme le conseiller le plus intime de l'Empereur. Tuteur des enfants impériaux, Pietro I reçut du roi Conrad IV le titre de Comte de Catanzaro en 1252 qu'il associe à une titulature de souverain en signant par exemple : "Pietro I Ruffo di Calabria, par la grâce royale, comte de Catanzaro, Maréchal du Royaume de Sicile". Pour "sa puissance, sa prudence, sa valeur et sa grandeur d'âme, il fut appelé par le peuple le Prince glorieux", nous dit la chronique de l'évêque Simon de Léontine en 1285[7].

Des Ruffo di Calabria, toujours représentés aujourd'hui et parmi lesquels on compte l'actuelle reine de Belges, Paola Ruffo di Calabria, vont essaimer diverses familles telles les Ruffo di Sicilia, les Ruffo de Grêce ou les Roux ou Ruffo en France. Durant les guerres de la Révolution et de l'Empire, le cardinal Fabrizio Ruffo sera l'un des opposants aux français les plus acharnés, fondateur du mouvement des Sanfédistes, ils les chassera de Naples et détruira la République parthénopéenne en 1799. Le prince Fulco Ruffo di Calabria (it), père de S.M. Paola de Belgique, fut un brillant as italien de la première guerre mondiale.

Roux et Ruffo en France

Dans le grand conflit que se livrèrent angevins et aragonais, les Ruffo s'attachèrent au parti des premiers. Ainsi, Carlo Ruffo, chambellan de la Reine Jeanne Ire fut mêlé à l'assassinat du roi André de Hongrie, roi de Naples et il dut suivre la reine en Anjou et Provence en 1346. Les familles Ruffo angevines et provençales naquirent alors. François Ier les contraint ensuite à transformer leur nom en Roux[8]. En Provence existait notamment la branche des Roux de Bonneval qui devinrent en 1729, les Roux de Laric puis Ruffo de Laric (car ils reprirent en 1767 leur nom originel et se firent reconnaître patriciens napolitains en 1787). Ils étaient comtes de Laric dans le Comtat Venaissin car autrefois, leur attachement à la cause angevine leur avait fait perdre leur seigneurie sur la terre dite della Ricca, dans le royaume de Naples. Ainsi, réfugiés en France, les Roux obtinrent, très tôt et en compensation, la seigneurie du Val-d'Oze qui, en 1729, fut érigée en comté et prit alors le nom de La Ric en souvenir de leur ancienne terre napolitaine[9],[10]. Au sein de cette famille, l'on dénombre un grand nombre de présidents et de conseillers des parlements d'Aix et de Grenoble. La famille s'éteignit avec Alexandre-Gabriel-Louis Ruffo de La Ric (1745-1783), colonel au régiment Royal-Corse et reconnu descendant des Ruffo par le prince de Scilla, aînée des Ruffo di Calabria, puis avec ses deux frères, Claude Marie Ruffo de La Ric, (1746-1816), évêque de Saint-Flour et baron d'Empire, et Claude Ruffo de La Ric, capitaine au Royal-Corse et qui n'eut que des filles[11].

Notes et références

  1. Cette hypothèse sur l'origine romaine des Ruffo n'est attestée par aucun écrit ni aucune preuve tangible, cependant elle fut rapportée avec force par la tradition tant par la tradition orale que par de nombreux historiens qui y donnèrent foi La Maison Ruffo. Au fil de l'Histoire Jusqu'au XVe siècle. Chapitre 3
  2. a et b La maison Ruffo au fil de l'histoire
  3. wikipedia en italien, article sur la maison Ruffo
  4. Ascendance de Jean Ruffo (mort en 1390), geneanet, sur quarante-trois générations
  5. Bibliothèque Angelica, Rome, manuscrit 276, folio 310
  6. Histoire de la maison Ruffo par les Ruffo de Bonneval
  7. Histoire des Ruffo par les Ruffo de Bonneval
  8. De part l'édit de Villeret-Cotteret imposant la langue française.
  9. hautes-alpes1789
  10. Histoire des familles nobles du Comtat Venaissin.
  11. cf. article qui lui est consacré sur ce wikipedia : Claude Marie Ruffo des comtes de Laric, évêque de Saint-Flour.

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Maison Ruffo de Wikipédia en français (auteurs)

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