Claude-Marie Ruffo de La Ric

Claude-Marie Ruffo de La Ric

Claude-Marie Ruffo des comtes de La Ric, comte de Brioude et évêque de Saint-Flour (1779-1801), le 16 novembre 1746 à Grenoble (Isère) et mort à Saint-Denis le 1er octobre 1816, est un noble, un homme d'église et un homme politique français[1].

Sommaire

Biographie

Famille

Second fils de Jean-François de Roux, comte de Laric et de Louise Gabrielle Scholastique de Murat de Lestang, Claude Marie naît à Grenoble le 16 novembre 1746. Sa famille est, par son ancienneté, l'une des plus prestigieuses familles provençales depuis qu'elle est arrivée d'Italie à la suite des rois angevins de Naples, aussi comtes de Provence. En effet, les Roux de La Ric prétendent descendre de la considérable maison Ruffo, une des premières familles du royaume de Naples et à laquelle appartient l'actuelle reine des Belges, Paola Ruffo di Calabria.

L'origine de cette famille napolitaine fait la gloire de la branche provençale. Légende et tradition la font apparaitre à Byzance et à Rome, peut-être parmi les empereurs et la gens Valeria. Le premier Ruffo connu serait Marcus Antonius Rufus, général de Constantin le Grand et vainqueur, avec son empereur, à la bataille du pont Milvius. Un arbre généalogique établit au XIVe, probablement exagéré car à vocation apologétique, fait état, pour la lignée calabraise d'ascendances prestigieuses telles que : Marc Antoine,Germanicus, Vespasien, Trajan, Hadrien, Antonin le pieux, Marc-Aurèle, Lucius Verus, Commode, Constantin Ier, Maximin, Théodose Ier, Léon III l'Isaurien, Romain Ier Lécapène, Constantin V et Romain II. Si l'on ne peut guère se prononcer quant à la véracité de cette belle généalogie, celle-ci illustre bien en quelle estime on tenait cette maison[2].

Puis, les Ruffo étant passés en Calabre au Xe siècle, Charles Ruffo, seigneur de la Ricca et chambellan de la reine Jeanne Ire de Naples, aussi comtesse de Provence, doit fuir l'Italie pour la France en 1346 car il a participé à l'assassinat du roi André de Hongrie. En Provence, Ruffo se change en Roux. Faits seigneurs du Val d'Oze et baron d'Oze dès le XVe siècle, les Roux de Bonneval deviennent Roux de La Ric en 1729, après érection de la terre d'Oze en comté et le changement de leur nom en La Ric, en souvenir de leur ancienne terre della Ricca, en Calabre. Cette famille provençale s'est distinguée dans la robe mais avant, par l'épée, ainsi, Gabriel De Roux, commandant de cent hommes d'armes fut tué à la bataille de Cérisoles en 1544[3]. En 1767, le comte de La Ric, Alexandre-Gabriel-Laric, frère aîné de Claude-Marie, est reconnu descendant des Ruffo, par le comte de Scilla, aînée de cette maison. Le Roux se meut alors à nouveau en Ruffo et les Ruffo de La Ric sont faits patriciens de Naples. Ainsi, Claude-Marie Ruffo naît dans une des familles les plus anciennes d'Europe[4]. Toutefois, la filiation est loin d'être établie et plusieurs généalogistes du XVIIIe siècle doutèrent de cette filiation, ne faisant remonter la famille qu'à Jean de Roux, de Digne, entré au parlement d'Aix au début du XVIIe siècle.

Jeunesse

Son destin est décidé dès lenfance : à huit ans, on lappelle « le petit abbé ». Il est tonsuré à dix ans. Après des rudiments que lui donne le curé de Chabestan, il accompagne son frère au collège dHarcourt. Il se montre un élève assez doué et agréable, « vif comme le salpêtre et il est sans contredit le plus aimable enfant du collège dHarcourt  », écrit Sarrasin de Maraise, ami de la famille[5].

En 1761, à 15 ans, il annonce à son précepteur et à son père son intention de quitter les ordres : "Labbé ma répondu quon lavait engagé trop tôt et sans quil sût ce quil faisait. Il vous a même écrit, jai retenu la lettre. Il vous marque le dégoût quil a pour la vie ecclésiastique. Je nai pas jugé à propos de vous lenvoyer car jai regardé cela comme un enfantillage. Je lai engagé à travailler. Il ma répondu que jamais il ne se gênerait pour cela, et que ne voulant pas être ecclésiastique il ne se fatiguerait pas." Cette révolte fut sans effet ; la lettre du précepteur nest suivie daucune autre, le petit abbé se soumit.

De sa conscience, il ne sera plus question, ni dans ses lettres, ni dans celles de son entourage. Choisir lÉglise, cest choisir une carrière. Et cette carrière sera particulièrement brillante. Après un complément détudes au séminaire Saint-Sulpice, Claude Marie de Roux reçoit le 30 mars 1768 lautorisation de passer les degrés de bachelier et de licencié en droit civil et canonique de luniversité de Valence. Le 18 mai, cest lexamen lui-même. La réputation de complaisance de luniversité de Valence était, il faut le dire, bien connue en Dauphiné et jusquen Savoie  : "Cest un avocat de Valence, longue robe et courte science", disait un proverbe dauphinois du XVIIIe siècle.

Le peu dexigence de luniversité valentinoise dut convenir à labbé, qui avait mis dès les années dHarcourt sa paresse rebelle en pratique : "M. labbé de Roux se présenta en 1769 à lordination pour recevoir la prêtrise, mais il ne fut point dispensé de lexamen ordinaire ; labbé Bailly, Grand Vicaire qui en était chargé, lui ayant fait quelques questions triviales fut fort étonné de son silence et encore plus de ne lentendre rompre que pour le prier de linterroger en français, parce que la langue latine ne lui était pas assez familière."

Une ascension fulgurante

Son ignorance du latin nempêcha pas labbé Claude Marie de parvenir : en 1769, à 23 ans, il est grand vicaire du diocèse de Grenoble, chanoine doyen de la cathédrale, d le double nom dabbé ou de doyen par lequel il est nommé dans la correspondance ; il est reçu la même année conseiller clerc au parlement de Grenoble. Nommé à 33 ans évêque de Saint-Flour, il peut se flatter dune ascension fulgurante.

Ses débuts sont aidés par la solidarité familiale : François de Murat de lEstang, son oncle, prêtre et licencié en droit civil et canonique de la faculté de Paris, doyen de lÉglise cathédrale de Grenoble et de Gap, prieur de Revely, résigne pour lui ses charges et bénéfices en 1769 et 1770 moyennant une pension viagère. Son intégration au parlement est également placée sous le signe du clan : il y entre le 16 juillet 1769, à 23 ans, au vu des « témoignages quon nous a rendus de lancienne noblesse de sa maison et des services importants que ses ancêtres ont rendu à lÉtat depuis plus de deux siècles, soit dans lépée soit dans les premières charges de la magistrature aux parlements dAix, de Grenoble et Pau et de ceux que nous rendent actuellement avec la plus grande distinction possible le sieur son père, conseiller au parlement de Grenoble et le sieur de Murat, son oncle, président à mortier en ladite cour. » Les charges de conseiller clerc et de grand vicaire peuvent passer pour incompatibles mais lévêque de Grenoble noppose aucune difficulté ; labbé cumule donc la charge de conseiller clerc et ses bénéfices ecclésiastiques.

À Grenoble, le conseiller clerc passe pour navoir de vocation ni pour le palais, ni pour lÉglise, pour être mauvais ecclésiastique et mauvais magistrat : "Labbé de Roux, conseiller clerc et doyen de léglise de Grenoble. Il le devient par la mort de labbé de La Tour et la démission de labbé de Ravel. [il ne parle pas latin]" . Sa mère se plaint quil ne va « ni à léglise, ni au palais » et quil passe ses journées dans la société de quelques jeunes femmes et de la vieille marquise de Sassenage, la plus grande coquette de Grenoble, ordonnatrice des fêtes les plus brillantes. On lappelle « labbé des dames » et on répand « quil connaît mieux la fleurette que la théologie et le droit canon » : "Tu as beau le prêcher cet enfant est dune paresse qui ne ce peut concevoir il ne fait rien ni au palais ni au gouvernement ni à son église il ne va point il se donne à une petite société dont il ne bouge on ne peut pas seulement lui faire les visites de bienséance."

Lui-même affiche une paresse ostentatoire : "Il fait ici des chaleurs excessives. Jamais je nen avais senti de semblables. Je fais des vacations avec la p. de Vaulx qui les tient, ce qui mennuie assez, car je suis dune paresse indicible pour les procès je ne puis prendre sur moi de me mettre à en travailler un seul. Enfin je nen ai pas encore rapporté, je sens tous mes ridicules lorsque je veux my mettre je mendors (10 août 1774, à son père, Grenoble)."

Le conseiller clerc mérite néanmoins lestime de la cour, qui la choisi avec le président de Bérulle comme député pour aller plaider en 1779 pour le rétablissement des États du Dauphiné. En janvier 1779, Bérulle et labbé rencontrent les ministres. Le 6, ils ont un entretien avec Necker. Il est fort probable que labbé, comme son père, en ait profité pour faire avancer à la fois ses affaires personnelles et celles de la compagnie : quelques mois plus tard, il reçoit un évêché.

Deux autres événements ont rythmé ses années grenobloises :

En 1773, le chapitre de Grenoble, agité par des litiges, envoie deux délégués à Paris. En septembre, labbé fait le voyage de la capitale et il reste quatre mois. Il est reçu à la cour, distingué immédiatement, dautant que, conseiller clerc « du parlement Maupeou », il est fêté par le ministre qui espère en lui un appui à Grenoble.

Son père, témoin de la scène, écrit : "Le doyen fait les affaires dont il est chargé avec une assiduité et une intelligence qui lui fera honneur. M. le chancelier lui fit à Versailles toutes sortes damitiés. Il lui tenait les mains dans les siennes, le serrait comme sil avait été une belle fille lengagea à passer dimanche et lundi prochain à la cour le pria à dîner et lui promit un sceau extraordinaire pour le parlement. M. le duc dAiguillon lui fit aussi beaucoup de politesses et lui promit et à son collègue dagir pour eux. M. le contrôleur général le reçut avec bonté, mais lui laissa entrevoir des sentiments qui ne plairont pas à la compagnie, il lui donna rendez-vous à vendredi prochain à Paris. (…) Il verra M et Mme de Chartres ; il sera le seul conseiller qui y ait été admis."

En octobre 1774 labbé, qui séjourne à Laric, le château familial, pour une partie de chasse entre amis, reçoit de son père lordre de partir immédiatement pour Rome. Le pape Ganganelli, Clément XIV, est mort le 22 septembre et labbé peut espérer devenir conclaviste du cardinal de Bernis, ambassadeur à Rome. Il pourra au moins faire connaissance de sa famille romaine. Labbé part avec son ami le conseiller Moreau de Véronne, féru darchéologie. Véronne est en effet membre de lAcadémie Royale des Sciences, Belles-Lettres & Beaux-Arts de Lyon. Ils gagnent lItalie par mer (MarseilleCivitta Vecchia) mais, retardés par la tempête, ils arrivent trop tard ; labbé ne siège pas au conclave. Il descend chez son parent Dom Louis Ruffo, qui lintroduit dans la société romaine et retrouve à Rome son second grand ami, labbé de Barral. Labbé est introduit dans les milieux des arts et, avec son ami Véronne, il est reçu membre de lAcadémie de lArcadia, quil traduit Académie des Arcades. Lacadémie, née en 1690, est alors sur son déclin, mais elle offre le plus grand rassemblement pour la conversazione littéraire de Rome. Après quatre mois passés en visites et en observations mondaines, labbé rentre à Grenoble. Il na rien obtenu du cardinal de Bernis mais sest fait reconnaître par les Ruffo italiens : M. le comte de Dupuy Montbrun lui écrivit : "votre voyage sera très utile à votre famille, lon vous croyait de bonne maison mais peu vous croyaient Ruffo, la liaison, cohabitation avec dom Louis fera que tous les Français répandront la vérité". Labbé ne sattache pas à ses origines italiennes avec la même passion que son père, mais il est sensible à lesprit de clan : "Mon voyage lèvera tous les doutes quon avait sur notre nom, quoiquil ne faille pas tirer vanité de la naissance qui est un effet du hasard, au moins lorsquon la il faut la faire valoir".

À son oncle, le doyen François de Murat, qui a résilié en sa faveur la charge de doyen du chapitre de Grenoble, il joue sur la naissance et le mérite, le renvoyant en pointe comme suprême forme de remerciement à son bienfaiteur. "Tous les Ruffo qui sont ici au nombre de quatre dans la prélature mont chargé de vous offrir leurs respects. Je nai laissé ignorer à aucun les obligations que je vous avais, et comment je vous lavais. Ils admirent votre façon dagir, il nest nulle part quelquun qui soit tenté de suivre votre exemple. Il est vrai que lon me dit que jétais bien fait par mon mérite, pour trouver quelquun qui y répondit aussi bien. Quen dites vous ? […] vous êtes bien obligé den convenir, puisque cest vous qui me valez tout cela."

Évêque de Saint-Flour

Claude-Marie Ruffo de La Ric, devint évêque de Saint-Flour à 33 ans seulement, le 29 août 1779. Il le fut de 1779 à 1801, bien que l'évêché ait été supprimé en 1790.

Période révolutionnaire

L'évêque de Saint-Flour est élu 27 mars 1789 député du clergé aux États-Généraux, par le bailliage de Saint-Flour. Bien qu'il fut membre et vice-président du comité des rapports et qu'il alla par deux fois, les 16 juillet 1789 et 5 février 1790 en députation chez le roi, il ne se fit guère remarquer à la Constituante. Puis, hostile à la constitution civile du clergé, il refusa de prononcer le serment civil et il émigra en Italie il retrouva ses cousins italiens.

Consulat et Empire

Il donna sa démission d'évêque de Saint-Flour au moment du Concordat de 1801 et il rentra en France. Enfin, il fut Chanoine de Saint-Denis, et l'un des 6 prélats chargés de l'administration de Sainte-Geneviève. L'Empereur le fit Baron d'Empire par lettres patentes le 15 juin 1808.

Claude-Marie Ruffo mourut à Saint-Denis, le 1er octobre 1816 ou 1818[6].

Postérité

On lui connaît au moins deux enfants, qu'il eut avec une femme de Saint-Flour, et qui s'établit à Gruissan (Aude) pendant la Révolution avant que la famille ne déménage à Agde (Hérault) par la suite.

Notes et références

  1. L'essentiel de cet article ainsi que la forme première, est issue de : Christine Roux, thèse de doctorat : Une famille d'épistoliers des Lumières, les Roux de Laric (Paris iV Sorbonne, 2004)
  2. Ascendance présumée de Jean Ruffo (mort en 1390) sur quarante-trois générations. Ce document est bien sûr à prendre avec les précautions et réserves adéquates quant à la source, la nature et le contenu. http://gw5.geneanet.org/index.php3?b=rebusy&lang=fr&m=A&p=jean&n=ruffo&oc=1&v=43&t=N&siblings=on&notes=on&bd=0&color=&after=&before
  3. Dictionnaire géographique, historique et politique des Gaules et ..., Volume 6 Par Jean-Joseph Expilly/p.265.
  4. Cf. Maison Ruffo
  5. correspondance privée, citée dans Christine Roux, une famille d'épistoliers des Lumières, les Roux de Laric, thèse de doctorat
  6. Cf. le site de l'assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/sycomore/fiche.asp?num_dept=14003
Précédé par Claude-Marie Ruffo de La Ric Suivi par
Jean-Marie-Anne de Bonteville
Évêques de Saint-Flour
1779-1801
Anne Alexandre Marie Thibaut (1791-1793)
puis Jean-Eléonore Montanier de Belmont en 1802

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Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Claude-Marie Ruffo de La Ric de Wikipédia en français (auteurs)

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