Cheval chez les peuples celtes

Cheval chez les peuples celtes

L'importance du cheval chez les peuples celtes est primordiale, attestées aussi bien par l'existence de récits mythologiques que par des trouvailles archéologiques, notamment celle de tombes et de tumulus.

Dans la mythologie celtique, le cheval est surtout associé à trois déesses dont il est l'attribut, mais aussi aux héros des épopées et à de nombreuses légendes postérieures que les mythes ont influencé. Symbole de noblesse, principalement utilisé pour la chasse et la guerre, il est surtout lié à l'eau, mais aussi au Soleil et à la Lune[1]. Des trouvailles historiques attestent de son statut de psychopompe, de symbole de fécondité et d'animal chtonien durant les rites d'intronisation irlandais.

Sommaire

Attestations historiques

Blason apocryphe de Kent

D'après Yann Brekilien, la plupart des celtes formaient des peuples cavaliers et il ne faut pas s'étonner qu'ils aient accordé une telle importance à l'animal qui leur a permit de s'étendre sur les deux tiers du territoire européen[2]. On a retrouvé un trésor celtique à Neuvy-en-Sullias. Il contient un cheval votif accompagné d'une inscription dédiée au dieu Rudiobus : « c'est le cheval roux de l'Apocalypse, annonciateur de guerre et d'effusion de sang »[1]. Par ailleurs, le blason du royaume de Kent présente un cheval blanc.

Sacrifice

Le sacrifice du cheval faisait partie intégrante des rites d'intronisation chez les rois irlandais, il est attesté au XIIe siècle. Le prétendant au trône s'unissait à une jument blanche qui était sacrifiée et bouillie, sa viande étant ensuite partagée dans un banquet. Le roi se baignait ensuite dans le chaudron où l'animal venait de bouillir. Il semblerait que ce rite et son accouplement rituel soient liés au mariage ourano-chthonien, où le futur roi céleste féconde la Terre représentée par la jument. Le bain dans le bouillon serait une régression utérine initiatique, dont le futur roi renaît investi de pouvoirs secrets, accédant ainsi à sa fonction[1].

Culte de la fécondité

Frazer rapporte un récit irlandais où, durant les feux de la Saint-Jean, les paysans sautaient par-dessus les braises. Puis on voyait venir une construction en bois avec une tête de cheval, recouverte d'un drap blanc, qui sautait par-dessus le feu et se lançait à la poursuite des spectateurs. Ce cheval symbole d'abondance représentait le bétail[3].

mythes et légendes

Les déesses-jument celtiques

Ainsi que le remarque Claude Sterckx, il existe trois déesses celtes possédant des attributs de protectrice des chevaux ou se faisant associer à cet animal, qui les accompagne et influence leurs mythologies respectives : la gauloise Epona, la galloise Rhiannon et l'irlandaise Macha[4]. Yann Brekilien remarque qu'elles combinent la fonction de déesse-mère avec celle de déesse-jument[2],[5]. La course de Emain Macha contre les meilleurs chevaux du roi le jour de l’assemblée des Ulates est à l'origine de la malédiction frappant les hommes de l'Ulster à chaque fois qu'un danger les menace. Epona, « la grande jument », est assimilée à la déesse gauloise des chevaux, ainsi que l'attestent ses représentations et les légendes qui lui sont rattachées. Son culte a été adopté par les Romains[2],[5]. La déesse Rhiannon est souvent associée au cheval, ainsi, selon le Mabinogi de Pwyll, ce dernier l'aperçoit lorsqu'elle monte un beau cheval blanc que nul ne peut rattraper bien qu'il avance au pas. Lorsqu'elle est faussement accusée d'avoir tué son fils, Pwyll la condamne à se faire chevaucher par les hôtes de son palais durant sept ans. Qualifiée de déesse-jument, son rôle était d'emporter les âmes au royaume des morts. Par ailleurs, en numismatique, elle est représentée sous la forme d'une jument à tête de femme[5].

Articles détaillés : Emain Macha, Epona et Rhiannon.

Les attributs divins

Dieux et déesses possèdent parfois leurs propres chevaux ; Sucellos est associé à la scène du cavalier à l'anguipède, représentant la victoire de la noblesse céleste sur la mort ténébreuse[6]. Enbarr (« imagination », « écume de la mer » ou « crinière d'écume »)[7] est la monture de Niamh, la femme de Manannan Mac Lir, et peut traverser les océans et les terres sans toucher le sol ou l'eau. Enbarr est aussi le nom du cheval de Manannan Mac Lir[8].

Article détaillé : Enbarr.

Dans les épopées et les textes fondateurs

On trouve nombre de chevaux de guerre mentionnés dans les épopées celtiques. Il semblerait qu'ils portent le plus souvent une robe alezane[1].

Le Rouge de Rosée

Dans la mythologie celtique irlandaise, le Rouge de Rosée appartient à Conall Cernach. Il s'agit d'un cheval à tête de chien très féroce, et si impressionnant que lorsque le cocher de Cúchulainn croit voir une nuée de corbeaux au dessus de l'animal et des flocons de neige devant lui, Lugaid lui dit qu'il s'agit des mottes de terre soulevées par les sabots du cheval et de l'écume qu'il bave. Lors du combat entre Conall Cernach et Lugaid, le Rouge de Rosée, habitué à tuer les ennemis de son maître durant les batailles grâce à sa tête de chien, déchire le flanc de son maître sur l'ordre de ce dernier, au point que les entrailles de Conall Cernach sortent de son ventre et s'étalent à ses pieds[9].

Liath Macha et Dub Sainglend

Liath Macha (« le gris de Macha ») et Dub Sainglend (« le noir de Saingliu ») sont les deux chevaux qui tiraient le char du héros Cúchulainn. Dotés d'une intelligence humaine, ils vengent leur maître après sa mort[10].

Article détaillé : Liath Macha et Dub Sainglend.

Cheval de Oisín

Le cheval joue également un rôle important dans la légende de Oisín, puisqu'il chevauche une monture enchantée pour atteindre Tír na nÓg. Ce cheval marche sur les eaux et les vagues s'ouvrent puis se referment derrière lui, il est possible qu'il s'agisse donc d'Enbarr[11]. Un autre cheval possédant vraisemblablement les mêmes facultés lui est prêté par sa femme lorsqu'il éprouve le désir de revoir son pays.

Roi Marc'h

Le roi Marc'h, présent dans la mythologie et les textes postérieurs, est assimilé à un roi-cheval[2] au rôle psychopompe[12].

Article détaillé : Marc'h (roi).

Morvac'h

Morvac’h, dans le légendaire breton, est un cheval fantastique qui a la faculté de galoper sur les flots et sur terre sans laisser de traces. Il est décrit avec une robe noire et les conteurs rapportent qu’il expire des flammes par les naseaux quand il galope. Il apparaît principalement dans deux légendes : Gradlon et la ville d’Ys et le roi Marc’h de Cornouaille. Ce dernier tue sa monture par erreur en visant une biche blanche à l'arc, laquelle est protégée par Dahud. En représailles, elle fait pousser les oreilles et la crinière de Morvarc'h sur la tête de Marc'h.

Article détaillé : Morvac'h.

Légende arthurienne

Le nom de la jument d'Arthur dans les Mabinogion de Kuhlwch et Olwen est « Lamrée ». Elle est réputée tuer les ennemis de son maître à coups de sabots et les mordre. La monture de Gauvain chez Chrétien de Troyes est Gringalet.

Article détaillé : Gringalet (cheval).

Survivances dans le folklore et les contes populaires

La mythologie celtique a influencé le folklore des régions où elle était attestée, en donnant des légendes et des contes folkloriques mettant en scène des chevaux fabuleux ou des chevaux maléfiques et démoniaques de couleur blanche ou noire le plus souvent, qui peuvent être le Diable ou une âme en peine, comme la Kelpie d'Ecosse, le Ceffyl dŵr du pays de Galles, l'Alastyn sur l'île de Man ou encore le cheval Mallet en Vendée[1]. La chasse sauvage est une autre forme de survivance de ces mythes, ainsi, le roi Arthur poursuit-il un gibier inaccessible à cheval[1].

D'après Yann Brekilien, le cheval est un personnage de conte récurrent, généralement dans le rôle du protecteur du héros doté de facultés magiques, comme dans Le Douzième poulain[2], Le fils du fermier et le bidet vert en Irlande[13], et Trente de Paris en Bretagne[14]. Dans Domestique chez le Diable, le cheval est un hôte du royaume des morts[15]. On trouve bien d'autres chevaux dans des contes tels que Les quatorze juments[16] et Louizik[17] en Bretagne. Dans La Gwrac'h de l'île du loch, l'héroîne Bellah Postic sauve Houarn Pogann en traversant la mer sur le dos d'un cheval mystique qui se change en oiseau[18].

March Malaen

Le March Malaen est cité, dans le « folklore celtique », comme un cheval maléfique associé au Diable et à la sorcellerie, dont l'origine mythique ou historique demeure obscure. Au XVIIIe siècle, sa tradition était dite répandue chez les Gallois, à travers une expression populaire et la déesse gauloise Andarta. À partir de 1807, et de la publication des Triades galloises de Iolo Morganwg, le March Malaen devient selon lui une créature de la mythologie celtique galloise, et l'un des trois fléaux de « l'île de Bretagne ». Les auteurs du XIXe siècle, en pleine époque celtomane, firent des commentaires variés sur ce cheval en assurant que le 1er mai était redouté par les anciens Gallois comme jour de l'apparition du March Malaen. Il est absent de la plupart des publications récentes.

Article détaillé : March Malaen.

Art

Symbolique

Yann Brekilien affirme que contrairement aux peuples méditerranéens gréco-romains qui sacralisaient plutôt le taureau[19], les celtes ont fait du cheval l'animal noble et sacré par excellence, l'associant à la fierté du cavalier qui acquiert de nouvelles qualités en se hissant sur son dos[2]. Il était également un psychopompe jouant le rôle d'animal funéraire entre autres à travers Epona, mais aussi à travers le fait que le cheval de guerre mourrait souvent aux côtés de son maître[15]. Le cheval était associé à la chasse aux animaux et à la guerre, mais il revêt le symbolisme de la course du soleil et de la protection lunaire[1]. On le trouve également associé à l'eau, puisque Enbarr semble avoir été lui-même une personnification des vagues. Manannan Mac Lir était surnommé « le cavalier de la mer couverte d'écume »[20], et les vagues nommées les « Chevaux de Lyr »[7]. Le cheval peut aussi se faire chtonien et annoncer la mort[1].

Jean Renaud met en avant un parallèle dans la symbolique chevaline chez les peuples celtes et les peuples scandinaves : dans la Laxdoela saga, écrite en Islande, le héros Kjartan (dont la grand-mère est irlandaise) refuse des chevaux blancs aux oreilles rousses. Or, dans la littérature celtique, il s'agit de la couleur des animaux venus de l'autre monde[21].

Notes et références

Notes

Références

  1. a, b, c, d, e, f, g et h Fergus Bodu, « Cheval » sur http://www.arbre-celtique.com/. Consulté le 15 novembre 2009
  2. a, b, c, d, e et f Brekilien 2007, p. 62
  3. G.J. Frazer, The Golden Bough, Londres 1911-1915, 10, 203
  4. Sterckx 1986
  5. a, b et c Brekilien 2007, p. 78-82
  6. Brekilien 2007, p. 136
  7. a et b (en) J. A. MacCulloch, The Religion of the Ancient Celts, Forgotten Books (ISBN 978160506197) [lire en ligne], p. 90 
  8. O'Grady 1881, p. 110
  9. Polet 1992, p. 234-235
  10. Voir Liath Macha et Dub Sainglend
  11. Bragat 2006, p. 89
  12. Persigout 1990, p. 208
  13. Hyde et Dotin 1996, p. XII
  14. Luzel 1939, p. 13
  15. a et b Brekilien 2007, p. 63
  16. Luzel 1939, p. 29
  17. Luzel 1939, p. 55
  18. Luzel 1939, p. 121
  19. Brekilien 2007, p. 61
  20. (en) :The horseman of the manned sea
  21. Renaud 1992

Annexes

Articles connexes

Liens externes

Bibliographie

Études

Recueils de contes


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