Alexandre Labrouste

Alexandre Labrouste
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Alexandre Labrouste, ou Pierre Victor Alexandre Labrouste, le 4 mars 1796 à Paris et décédé le 18 février 1866 à Paris, est un juriste et pédagogue, directeur du collège de Sainte Barbe de 1838 jusquà sa mort.

Portrait d'Alexandre Labrouste en médaillon sur la façade du collège Sainte-Barbe (1884)

Sommaire

Origines familiales

à Paris sous le Directoire, Alexandre Labrouste est issu dune famille de juristes bordelais favorables aux idées révolutionnaires mais toutes girondines dans leur modération. Ainsi, son père, François-Marie Labrouste[1], membre du Conseil des Cinq-Cents en 1796 puis du Tribunat jusquen 1807, sera à ce titre un soutien utile à lEmpire. Parmi ses trois frères, Alexandre comptera deux architectes de renom, Théodore, en 1804, et Henri, en 1801, célèbre auteur de la bibliothèque Sainte Geneviève sur la place du Panthéon.

Elève au collège Sainte Barbe à la suite de son frère aîné, Labrouste y fait preuve de qualités si remarquées par Victor de Lanneau, le directeur de lInstitution, que ce dernier en vient à regretter publiquement son départ.

Après son succès au baccalauréat, il entreprend des études de droit pour acquérir ensuite une charge davoué[2] dans la capitale. Il démontre dans ces fonctions dun sérieux et dune efficacité qui lui valent, selon les contemporains, lestime de ses collègues comme celle de ses clients. Cest à cette époque quil se marie avec la fille aînée de François Andrieux, littérateur mais dabord juriste comme son père qui la, de plus, côtoyé au Tribunat comme au Conseil des Cinq Cents.

La direction du collège Sainte-Barbe

Au début de la Monarchie de Juillet, « barbiste » engagé, Labrouste intervient régulièrement dans la bonne marche du collège, notamment au sein de sa Société des actionnaires mais surtout de sa Commission de surveillance. Depuis 1835, il en assure les fonctions de secrétaire pour se voir proposer, trois ans plus tard, à la suite d'Adolphe de Lanneau[3], la direction de lInstitution.

Labrouste, qui espère alors devenir juge de paix pour ensuite entrer au tribunal de première instance de Paris comme magistrat, après avoir refusé cette offre, laccepte quand il apprend que le poste quil visait a été donné à un confrère. Cette solution lui plaît dautant plus qu'il manifeste depuis toujours dun fort intérêt pour les questions pédagogiques.

Soucieux doffrir à Sainte Barbe les conditions de sa pérennité, il met toutefois des conditions à son arrivée. Dabord que les dettes de linstitutionalors importantes au point den menacer la survie - soient totalement éteintes et quensuite, clé puissante de réussite, que lui soit donnée carte blanche dans le choix des enseignants et de ses collaborateurs, du plus humble au plus élevé en grade.

Dès sa prise de fonctions, lobjectif prioritaire de Labrouste est l'amélioration des locaux qui sont à cette date dans un état déplorable[4]. Après deux années dincertains conflits juridiques, il parvient à racheter la totalité des bâtiments et des terrains, y compris en mobilisant ses fonds personnels. Il peut dès lors reconstituer lemprise du collège dorigine et même y ajouter certaines parcelles voisines. Le Directeur a ainsi la possibilité de lancer dès 1840 la construction de létablissement moderne dont il rêve depuis sa prise de fonctions. Mené daprès les plans et sous la direction de ses deux frères, Théodore et Henri, le chantier est terminé en 1853.

Labrouste dispose dès lors dun outil ont la modernité frappe les observateurs de lépoque : clarté des salles, espaces généreux et fonctionnels, chauffage collectif efficace, habile combinaison dans la construction de matériaux à faible coût[5]. À partir de cet instant, le directeur de Sainte Barbe va donner à son établissement un développement sans précédent. Preuve du succès de lentreprise, les effectifs triplent et dépassent le millier délèves en une dizaine dannées.

Façade du collège Sainte-Barbe dans la cour intérieure, oeuvre d'Ernest Lheureux, élève d'Henri Labrouste - 1881-1884

Au cœur de cette dynamique, Labrouste a saisi dès 1835 que lattractivité d'une structure provient dabord, non pas de la qualité des études initiales offertes aux élèves en début de cursus, mais, par effet inversé, de lefficacité des préparations permettant aux élites dintégrer les écoles dÉtat fondées par la Révolution puis affermies par lEmpire, ainsi Normale Supérieure ou Polytechnique[6]. La création de ces classes préparatoires, appelée par Labrouste « Instituts préparatoires aux écoles spéciales du gouvernement » établit définitivement la réputation de l'établissement : en 1853, plus du tiers de la promotion reçue à lX sort de Sainte-Barbe[7].

Autre intuition géniale, Labrouste crée enfin une annexe hors de la capitale pour les collégiens. Cette fondation permet de répondre au manque de place du site parisien qui bride la croissance des effectifs des classes préparatoires. Elle souscrit aussi aux bienfaits de lhygiène moderne permis par l'éloignement de la ville afin de favoriser le développement harmonieux des jeunes enfants. Ouverte en 1852 à Fontenay aux Roses, cette propriété accueille ses internes au cœur dun parc et des locaux aménagés par Théodore. Les effectifs, inférieurs à la centaine lors de louverture, passent à plus de quatre cents élèves en quelques années[8].

Un directeur délite pour un public délite

Assurant avec constance un véritable sacerdoce fait de grandes et de petites servitudes[9], le directeur, secondé par des adjoints délite, souvent barbistes, agrégés de lUniversité et par ailleurs professeurs de haute volée (ainsi Alphonse Blanchet mais surtout Aimé Godart, futur fondateur de l'Ecole Monge), sapplique aussi à améliorer les méthodes pédagogiques. Il met en place un système d'apprentissage tout entier construit sur le résultat. Ainsi, l'évaluation est basée sur un contrôle incessant qu'on qualifie, terme appelé à faire florès, de « colles » constituées d'interrogations orales très fréquentes auxquelles sont soumis deux élèves choisis au hasard. Les notes attribuées, puis les moyennes qui en découlent, donnent lieu ensuite à des classements trimestriels. Habitués à cette réitération constante des conditions de passation des concours - à cette époque uniquement oraux - les élèves de Sainte-Barbe affrontent ces derniers avec une efficacité inégalée.

Labrouste interdit aussi le bizutage, tradition enracinée dans tous les établissements de la montagne Sainte Geneviève[10], le remplaçant par un tutorat individuel des nouveaux élèves par les anciens[11]. Cette reprise en main, peut être un peu contradictoire avec les préceptes libéraux de Lanneau, conduit d'ailleurs au début de sa mise en œuvre, une partie des élèves à s'y opposer. A deux reprises, en mars 1844, puis en janvier 1847, les internes se soulèvent contre la direction, saccagent les locaux en réclamant des droits dont la diversité étonne[12]. Par une fermeté sans concession qui passe souvent par l'exclusion définitive, Labrouste reprend les choses en main. Aucune révolte ne sera à relever dans les décennies qui suivront.

Signe d'un sens de l'autorité inséparable de ce qui précède, Labrouste entretient avec les différents ministres de linstruction publique, notamment sous le Second Empire, des relations qui, quoique régulières, ne l'empêchent pas d'affirmer ses convictions quand elles visent à assurer la pérennité de Sainte-Barbe. Ainsi, il soppose publiquement en 1852 à Fortoul lorsque ce dernier lance son « système de bifurcation » qui sépare, dès la classe de 4°, les études de Lettres de celles des Sciences, débuts timides d'une spécialisation des parcours scolaires. Faisant fi des instructions, Labrouste ne change pas lorganisation de son établissement jusqu'à l'abandon, à bas bruits, de cette réforme aventureuse. Les ministres suivants, Rouland mais surtout Duruy, abordent à leur tour l'institution de la rue Valette avec un intérêt mâtiné de méfiance et surtout de prudence, compte-tenu des soutiens qu'elle connait alors dans tous les échelons de lÉtat[13].

Directeur hors pair constamment soutenu par ses mandants de 1838 à sa mort brutale en fonction - à 70 ans - en 1866, très supérieur à ses successeurs, Alexandre Labrouste apparaît pour ces raisons un témoin intéressant de la situation du système éducatif dans une période fondatrice, celle qui précède les lois scolaires de la III° République. Paradoxe qui accompagne souvent les victoires des pionniers, beaucoup d'innovations inventées à Sainte-Barbe se retrouveront à divers titres dans l'enseignement public, non sans affaiblir les établissements privés. En effet, en adoptant quelques traits de son organisation mais surtout ses principes d'excellence, le nouveau pouvoir donnera à ses lycées, notamment parisiens, les clés d'un irrésistible triomphe[14].

Sources

  • Jules Quicherat, « Histoire de Sainte-Barbe, collège, communauté, institution », Paris, Hachette, 1460-1864, 3 vol.

Notes et références

  1. à Bordeaux en 1762 et tué lors de lattentat de Fieschi en 1835.
  2. Un avoué est, depuis 1791, un officier ministériel chargé de représenter les parties devant les tribunaux et de faire en leur nom les actes de procédure civile.
  3. Fils de Victor de Lanneau qui est décédé en 1830.
  4. Vendus comme biens nationaux durant la Révolution, les bâtiments du collège appartiennent sous lEmpire à de multiples propriétaires avec lesquels Sainte Barbe entretient des relations difficiles.
  5. Ces bâtiments construits par les frères Labrouste encadraient l'arrière de la bibliothèque Sainte-Geneviève construite dix ans plus tard. Ils ont été démolis dans les années 1960 à l'inverse des locaux réalisés en 1884 par Lheureux à destination des classes préparatoires, aujourd'hui restaurés et transformés en bibliothèque universitaire. Dans ce dernier cas, l'architecte s'est inspiré des leçons de son maître, adoptant, outre un style éclectique qui utilise meulière, pierre, brique et mosaïques pour les décorations intérieures, une ossature métallique pour les grandes salles, ainsi les amphithéâtres de physique et de chimie comme la salle de dessin.
  6. Si Sainte-Barbe prépare avec succès à lÉcole Polytechnique et lENS pour sa voie scientifique, elle vise aussi les Mines, la Marine, lEcole Centrale des arts et manufactures, lEcole Forestière et enfin lEcole Militaire de Saint-Cyr. Ces institutions seront peuplées, peu à peu, par une multitude de barbistes qui sauront à leur tour porter le renom de leur collège dans les plus hautes sphères de l'État.
  7. On peut ajouter à cette architecture, les cours gratuits dits « Conférences » qui permettent la préparation à la licence universitaire mais surtout à lagrégation de grammaire, lesquels, à partir de 1845, rencontrent un succès grandissant
  8. Sainte-Barbe des Champs sera fermée en 1899 quand le collège ne pourra plus assumer les dépenses de gestion du lieu.
  9. Labrouste adopte ainsi les préceptes de Lanneau « Tout voir, tout embrasser, pénétrer, animer tout, être partout le conseil et le modèle, posséder le double avantage dun caractère ferme et pliant, un jugement docile et sévère, des vues libérales, un désintéressement parfait, telles sont les qualités, tels sont les devoirs dun bon directeur de collège »
  10. Y compris à Polytechnique les « postes et bascules » agitent alors lÉcole à toute arrivée dune nouvelle promotion.
  11. Plus révélateur des mœurs anciennes de ces établissements créés au Moyen-Age, il met fin aussi à la licence qui était offerte aux élèves le jour de la Sainte Barbe de disposer des locaux sans aucune surveillance dadulte.
  12. « Le droit de fumer, celui de porter une blouse pour protéger les vêtements et enfin et surtout le renvoi d'un enseignant jugé trop autoritaire ». Aucun de ces points ne fut retenu.
  13. Fait chevalier de la Légion d'Honneur par la II° République en août 1849, Rouland élèvera Labrouste au grade d'officier en août 1861.
  14. Sainte Barbe ne retrouvera jamais son rayonnement du milieu du XIXe siècle, connaissant même, à la fin de cette période, de grandes difficultés financières, l'État intervenant à plusieurs reprises pour en éviter la fermeture.

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