Affaire Barrau

Affaire Barrau

L'affaire Barrau - Solages (dossier sieur et dame de Barrau née de Solages, 1765-1790) est une affaire de lettre de cachet mettant en scène deux familles nobles de la province du Rouergue dans la seconde moitié du XVIIIe siècle.

Hubert de Solages (né à Carmaux en 1746) se trouvait être un des sept prisonniers enfermés à la Bastille lors de sa prise le 14 juillet 1789.

Cette affaire a été évoquée dans différentes publications, mais celles-ci ne semblent pas en mesure de jeter l'entière lumière sur les raisons et les faits dont certains apparaissent encore de nos jours comme obscurs.

Sommaire

Les lettres de cachet

Au XVIIIe siècle, le département des lettres de cachet est attribué à un secrétaire d'État dépendant du garde des sceaux : Jérôme Phélypeaux, comte de Pontchartrain ; Louis Phélypeaux de Saint-Florentin, comte puis duc de la Vrillière ; Guillaume de Lamoignon de Malesherbes en 1775 ; Louis-Auguste Le Tonnelier, baron de Breteuil, de 1777 à la Révolution française.

En province, dans l'instruction des demandes les intendants s'appuient sur l'avis de leurs subdélégués.

L'affaire

Commentaires généraux

  • "L'affaire de Solages peut prendre rang parmi les histoires les plus célèbres de lettres de cachet, entre celle de Latude et celle du marquis de Sade. Et elle a passionné presque au même titre nombre d'érudits, de chercheurs et de curieux. Elle est intéressante d'abord par le mystère qui plane encore sur toute cette ténébreuse machination ; ce mystère peut-il s'éclairer quelque peu à la lumière des pièces des Archives de la Haute-Garonne, que nous publions, à la suite, intégralement ? Elle nous montre en tous cas, sur le vif, l'action modératrice et éclairée d'un subdélégué intelligent, Ginesty, juriste probe et pénétrant ; action inefficace, du reste, car elle paraît se heurter à des préventions puissantes, à cette sorte de force d'inertie qu'oppose l'administration quand elle s'aperçoit d'une faute lourde ou d'une grande injustice, et aussi à un réseau compliqué d'intrigues."[1]
  • "(...). Moins romanesque, mais d'un plus grand intérêt pour notre histoire locale est l'affaire de Solages - N..[2]. Elle peut prendre rang parmi les histoires les plus célèbres des lettres de cachet, entre celle de Latude et du marquis de Sade. Monsieur Puis ayant publié, dans l'ouvrage cité plus haut, ce curieux dossier, nous nous sommes bornés à l'analyser devant nos collègues de la Société des Lettres et à leur signaler quelques faits qui présentent un certain intérêt pour l'histoire sociale du Rouergue."[3]

Le mariage

Par contrat[4] du 22 mai 1759, messire Jean Antoine de Barrau, de Carcenac, chevalier, fils de messire Pierre Firmin de Barrau, écuyer, seigneur de Trémouilles, de Caplongue et autres lieux, en Rouergue, et de Françoise de Faramond fille du baron de Joqueviel, prend pour épouse, damoiselle Marie Françoise Charlotte Pauline de Solages, fille de haut et puissant seigneur messire Antoine Paulin de Solages, chevalier, marquis de Carmaux, seigneur et baron de Maussans et de Rouffiac, seigneur de Saint-Benoît, Puellat, Ferradour, La Guimerie, et autres places, et de feue dame Françoise Marie Guionne de La Roque-Bouillac fille du baron de Bar.

Le marié a 22 ans et la mariée 19 ans. Celle-ci a deux frères, Charles et Hubert. Elle appartient à l'une des plus grandes familles du Rouergue et de l'Albigeois. Les La Roque-Bouillac sont admis aux Honneurs de la Cour en 1784.

Les emprisonnements

Plan du fort de Brescou.
Le château de Vincennes.
La Bastille.

En 1765, six ans après son mariage, Pauline de Barrau qui a 25 ans, est arrêtée par lettre de cachet sur la demande de son mari et de son père. Elle est alors enfermée au couvent de Lisle-sur-Tarn en Albigeois. Deux années plus tard, elle est transférée au monastère des religieuses du Tiers Ordre de Saint-François à Toulouse.

Sur la demande de sa famille elle est remise en liberté en 1777, mais dès 1782, elle est reconduite au couvent, celui de Notre-Dame de Saint-Affrique, en Rouergue. En 1786, après avoir été menacée d'internement à nouveau à Toulouse, elle est finalement conduite dans un couvent de la ville de Castres, en Languedoc.

Le frère de Pauline, le comte Hubert de Solages qui a 19 ans et qui est sous-lieutenant au régiment de Condé-dragons, est lui aussi arrêté par lettre de cachet en même temps que sa sœur. Il est d'abord enfermé au château de Ferrières près de Castres, puis en 1767, dans le fort de Brescou au large du cap d'Agde. En 1771, il est emmené au château de Pierre-Encize, aux portes de Lyon, d'où il s'évade. En 1782, il est transféré au château de Vincennes, puis il est enfin enfermé à la Bastille, à Paris, en 1784. Il y occupe un logement proche de celui du marquis de Sade. Il occupe ses journées en jouant du violon, en lisant et en écrivant[5]. Le 14 juillet 1789, lors de la prise de la Bastille, il est libéré et conduit par la population parisienne jusqu'à l'Hôtel de Ville où il est félicité par la municipalité qui lui trouve "une figure noble et imposante"[1].

Le mystère

Plusieurs motifs ont été invoqués pour ces deux arrestations :

Pour Pauline de Barrau : inconduite et désordres, mauvaises fréquentations, endettement, "pour cause d'aliénation de l'esprit"[1], etc. Dans sa correspondance, elle se plaint d'humiliations de la part de son mari, que ce dernier veut l'envoyer au couvent accompagnée de la maréchaussée, et qu'il la soupçonne de liens avec le curé du village à qui elle se confierait.

Pour Hubert de Solages qui soutient sa sœur : "crimes atroces"[1], "action monstrueuse"[1], etc. Hubert de Solages est accusé d'avoir organisé l'enlèvement de sa sœur sur la demande présumée de cette dernière.

Les aspects financiers

La dot de la mariée est importante et en 1786, huit ans après la mort d'Antoine Paulin de Solages, marquis de Carmaux, Jean Antoine de Barrau réclamant la part d'héritage de ses enfants fait procéder par un huissier aux quatre criées et à l'encan d'une partie des biens de feu son beau-père, ainsi qu'à l'affichage à la porte des églises des villages concernés[6].

Des intrigues

  • Jean Antoine de Barrau veut perdre son épouse et le curé de son village, il est de plus en procès contre son beau-père au sujet de la dot de son épouse
  • Antoine Paulin de Solages, manipulé par Jean Antoine de Barrau, ce joint à ce dernier pour faire enfermer sa fille et son fils cadet accusé de soutenir sa sœur
  • Un conseil de famille qui veut écarter ce fils de ses droits à succession après le décès de son père en 1778
  • Dans le cadre de l'héritage[7] d'Antoine Paulin de Solages, Jean Antoine de Barrau a un intérêt à ce que Hubert de Solages reste emprisonné

Des zones d'ombre

En 1782, Pauline de Barrau s'exprime ainsi : "(...) ce qui me console un peu c'est qu'il ne peut s'en prendre qu'à lui-même [son mari ?] et à l'horrible vexation sous laquelle il me fait gémir ainsi que mon pauvre frère, sa méchanceté est si étendue que j'ai un pressentiment qu'il me noircisse auprès de notre prélat qui, dit-on, arrive aujourd'hui ; s'il le fait, assurément j'ai un remède dont j'userai avec la plus grande peine et qui produira l'effet je l'espère de lui fermer pour jamais la porte de l'archevêché ; (...)." (...) "Qu'il en coûte à mon cœur d'être forcée pour ma défense de révéler un mystère affreux, dont par le plus horrible complot on veut me rendre une seconde fois la victime, parce que pleinement convaincue de l'innocence de mon trop malheureux frère, je ne cesse de réclamer en sa faveur."[1]

Pauline de Solages épouse de Barrau parle de plusieurs persécuteurs désignant semble-t-il son mari, son père et un conseil de famille.

Épilogue

Antoine Paulin de Solages décèdera en 1778, Jean Antoine de Barrau en 1795, Pauline de Solages épouse de Barrau et Hubert de Solages au début du XIXe siècle. Leur frère aîné, François de Solages, étant sans descendance et la postérité issue du deuxième mariage d'Antoine Paulin de Solages s'éteignant au XIXe siècle, seule la descendance de Pauline de Solages se perpétuera[8].

Notes

  1. a, b, c, d, e et f Auguste Puis, Les Lettres de cachet à Toulouse au XVIIIe siècle, pages 139 à 186.
  2. Le nom de la famille de Barrau est passé sous silence dans le compte-rendu de cette séance de la société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron.
  3. Procès-verbaux des séances de la société des lettres, sciences et arts de l'Aveyron, tomes 27-28, années 1918-1921, communication présentée par H. Guilhamon, pages 138 à 142.
  4. Chérin 15 et H. de Barrau, Documents historiques sur le Rouergue ..., tome 2, article de Solages, page 134.
  5. Auguste Puis invite à consulter les archives de la Bastille à la bibliothèque de l'Arsenal, à Paris, où se trouve un dossier sur Hubert de Solages.
  6. Gabriel Bernet, La dame de Barrau aux Tiercerettes et le 14 juillet du comte de Solages, page 175.
  7. Hippolyte de Barrau, Documents historiques sur le Rouergue ..., tome 2, article de Solages, page 135.
  8. H. de Barrau, Documents historiques sur le Rouergue ..., tome 4, article de Barrau, page 99.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Gabriel Bernet, La dame de Barrau aux Tiercerettes et le 14 juillet du comte de Solages (Cf. L'Auta, organe de la société "Les toulousains de Toulouse et amis du vieux Toulouse", juin 1989, pages 164 à 177. Gabriel Bernet se réfère notamment aux archives départementales du Tarn.)
  • Frantz Funck-Brentano, Les Lettres de cachet à Paris : étude, suivie d'une liste des prisonniers de la Bastille (1659-1789)
  • Auguste Puis, Les Lettres de cachet à Toulouse au dix-huitième siècle (D'après les documents conservés aux Archives départementales)
  • L'Intermédiaire des chercheurs et curieux, 15 août 1899, article d'Alfred Bégis

Liens externes


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