Yves Milon

Yves Milon

Yves Milon (9 janvier 1897, Guingamp, Côtes-d'Armor, France - 22 août 1987, Bécherel, Ille-et-Vilaine, France) est un professeur de géologie et résistant. Président du comité clandestin de Libération dIlle-et-Vilaine, il est nommé à la Libération, président de la délégation spéciale de Rennes en 1944. Il est élu maire en mars 1945, puis réélu en 1947.

Sommaire

Enfance et jeunesse

Yves Milon naît le 8 janvier 1897 à Guingamp, dun père pharmacien. Il suit ses études secondaires au lycée de Saint-Brieuc et obtient son baccalauréat à lâge de 17 ans en 1914. Il sinscrit alors comme étudiant à la faculté de médecine de Rennes avec comme objectif de reprendre la pharmacie paternelle[1].

La Première Guerre mondiale bouleverse ses études. Il est mobilisé le 9 janvier 1916 et est incorporé au sein du 118e régiment d'infanterie. Il participe à de nombreux combats, ce qui lui vaut dêtre cité à lordre de la division le 26 novembre 1917 et dêtre décoré de la Croix de guerre 1914-1918 avec étoile dargent à Verdun[2]. Le 20 mai 1918, il est blessé grièvement et intoxiqué à lypérite lors de combats à Hangard, dans la Somme[3]. Il est démobilisé et hospitalisé jusquen 1919.

Lenseignant de géologie

De retour à Rennes, il décide de ne pas reprendre ses études de médecine et choisit de sinscrire en géologie. Grâce à deux certificats de licence obtenus en 1915, il devient préparateur en août 1919[4]. Cest avec une de ses collègues étudiantes de sciences, Marie Lavairy quil se marie en 1921.

En 1927, Yves Milon devient chargé de cours. Ses travaux universitaires sont récompensés la même année par le prix Saintour[5]. Le 24 avril 1928, il soutient sa thèse de doctorat portant sur « calcaires paléozoïques et le Briovérien de Bretagne »[4], et, en 1930, il est nommé professeur de géologie à luniversité de Rennes ; à 33 ans, cest alors le plus jeune de France. Il occupe cette chaire pendant 38 années. En 1940, il devient doyen de la Faculté des sciences, un poste quil occupe jusquen 1949[6]. Par contre, il refuse le poste de recteur qui lui est proposé en 1941, par refus de se compromettre avec le régime de Vichy.

Le 1er bâtiment de l'institut de géologie

Sa maîtrise de langlais et de lallemand lui vaut de faire de nombreuses conférences à létranger. En 1936, il séjourne à Cologne, et se rend ainsi compte de la chape de plomb qui sest abattue sur lAllemagne nazie[7]. Après-guerre, il devient professeur associé de luniversité d'Exeter et est fait docteur honoris causa de luniversité d'Aberdeen en 1951[8].

Dès 1932, il a le projet de fonder un Institut de Sciences naturelles. Ce projet évolue vers un Institut de géologie qui est construit de juin 1935 à octobre 1938, près du parc du Thabor. Entre 1941 et 1946, Mathurin Méheut et Yvonne Jean-Haffen assurent la décoration de lInstitut en conjuguant art et géologie. En juin 1990, les 25 toiles sont classées aux monuments historiques[9]. En raison de la Seconde Guerre mondiale il nest officiellement inauguré que le 15 mai 1947 par Marcel-Edmond Naegelen, ministre de l'Éducation nationale. Linstitut déménage sur le campus de Beaulieu entre 1965 et 1972 ; le bâtiment de la rue du Thabor est actuellement occupé par la présidence de luniversité de Rennes I[10],[11].

Le résistant et lhomme politique

Durant la Seconde Guerre mondiale, il est affecté au service de géologie des armées en 1939. Après la démobilisation, il entre dans le Réseau Johnny, il devient P2. Sous lOccupation, en tant quexpert régional chargé des questions dadduction deau, il est amené à sillonner la région, y compris dans la zone littorale interdite[12]. Cela lui permet de prendre connaissance des constructions réalisées dans le cadre du Mur de l'Atlantique et de transmettre ces renseignements aux services britanniques. Linstitut de géologie devient également une base importante de la Résistance : il sert à la fois de lieu de réunions clandestines et de cache darmes. Au printemps 1944, les réunions du comité départemental de libération y sont organisées[13]. Il a été otage du 7 au 14 juin 1944[14], suite à une arrestation collective de plus 70 personnalités bretonnes effectuée par les Allemands au lendemain du débarquement en Normandie ; il faisait alors partie des « internés dhonneur » et na pas été inquiété au titre de ses activités de résistant[15].

À la libération de Rennes, Yves Milon est nommé président de la délégation spéciale et sinstalle à la mairie de Rennes dès sa prise par la Résistance le 3 août 1944. Sa maîtrise de langlais, nécessaire aux relations avec larmée américaine, aurait été un atout décisif à sa nomination à ce poste[16],[17]. Il est élu maire lors des élections municipales de 1945 à la tête dune liste de large rassemblement qui comporte des personnalités issues de différents partis politiques[18]. Ainsi, son premier adjoint, Eugène Quessot est membre de la SFIO.

Le nouveau conseil municipal doit surtout sattacher à la reconstruction dune ville durement marquée par la guerre. Yves Milon cherche cependant à assurer le développement de Rennes au-delà de la reconstruction. Dans un courrier au préfet en 1945, il écrit ainsi : « Il est bien évident que dans une ville comme Rennes, détruite au quart et abîmée au tiers, on ne peut reconstruire sur le tracé primitif. Rennes est une ville qui est appelée à se développer. […] Il est évident quune ville a besoin de routes, de voies daccès, de grands dégagements. Nous avons donc fait appel à des urbanistes, qui ont été nommés officiellement par le ministère, et un plan durbanisme est actuellement à létude[19]. ». Ce dernier est adopté dès 1946 par le conseil municipal et il prévoit la réalisation dimportants équipements comme la cité administrative, la maison de la radio et la faculté des sciences.

En juillet 1947, une polémique divise le conseil municipal : Charles de Gaulle, qui vient de créer le RPF, prévoit de venir à Rennes pour organiser un meeting. Yves Milon souhaite que lancien chef de la France libre puisse sexprimer sur le Champ de Mars. Cependant les membres non-gaullistes du conseil, considérant quil sagit dun meeting politique, refusent que la réunion se tienne en plein-air et font adopter une délibération en ce sens. Vexés par ce revers, Yves Milon et dix conseillers gaullistes présentent alors leur démission le 17 septembre. Cest le premier adjoint, le socialiste Eugène Quessot, qui est assure alors lintérim jusquaux élections doctobre[16].

Lors des élections municipales de 1947, Yves Milon est cependant réélu sous la bannière du tout nouveau RPF, bien que la liste quil mène nobtient que 16 des 37 sièges du conseil municipal[20]. Cette élection marque la montée en puissance du MRP, plus centriste que le RPF, sur lequel Milon doit sappuyer au cours de son deuxième mandat, ce qui provoque une certaine instabilité politique[21]. Des travaux importants sont cependant réalisés au cours de ce mandat, dans le cadre du développement prévu par le plan durbanisme : 650 logements sont construits entre 1947 et 1952, la ZUP de Maurepas est programmée, des terrains sont réservés pour le développement de lycées à Bréquigny et aux Gayeulles[22].

Yves Milon choisit de ne pas se représenter lors des élections municipales de 1953 ; cest François Château, déjà maire de 1935 à 1944, qui mène la liste soutenue par le RPF[23]. Celui-ci est cependant battu par une liste dalliance entre le MRP et la SFIO menée par Henri Fréville[24].

Yves Milon se retire alors de la vie politique pour se consacrer entièrement à ses travaux de géologie. Il continue à enseigner jusquau 7 décembre 1968[25] puis se retire à Bécherel, près de sa fille. Il y meurt à lâge de 90 ans, le 22 août 1987.

Hommages et distinctions

Reconnaissance de ses faits de guerre 
Reconnaissances académiques 

Notes et références

  1. Yves Rannou (préf. Edmond Hervé), Yves Milon : De la Résistance à la mairie de Rennes, Rennes, Apogée, 2006, 94 p. (ISBN 978-2-84398-269-9), p. 15 
  2. Rannou, p. 29
  3. Rannou, p. 31
  4. a et b Rannou, p. 21
  5. Prix biennal attribué successivement sur les propositions de chacune des sections de lAcadémie des sciences morales et politiques, cf. présentation du prix sur le site de lAcadémie des sciences morales et politiques.
  6. Rannou, p. 25
  7. Rannou, p. 35
  8. Rannou, p. 26
  9. Les 19 toiles présentes sur la base Palissy, par Mathurin Méheut : Et les 5 dYvonne Jean-Haffen :
  10. Géologie, lInstitut sort de terre, article de Sciences Ouest, mai 2009, publié sur le site de lespace des sciences.
  11. Historique des Collections / Musée, Geosciences Rennes, UMR 6118.
  12. Rannou, p. 37
  13. Rannou, p. 43
  14. Annuaire P2
  15. Rannou, p. 44
  16. a et b Jacqueline Sainclivier, LIlle-et-Vilaine, 1918-1958 : Vie politique et sociale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, coll. « Histoire », 1996, 479 p. (ISBN 2-86847-176-7), p. 264 
  17. Rannou, p. 47
  18. La « liste antifasciste de la Démocratie et de la Résistance » menée par Y. Milon obtient 55 % des suffrages au second tour et la totalité des 36 sièges de conseillers. Elle était opposée une « Liste Union pour la reconstruction de la Ville » menée par François Château et à une liste « Entente républicaine et populaire », proche du tout nouveau MRP. Source : Rannou, p. 60.
  19. Rannou, p. 54
  20. Contre 8 sièges obtenus par la liste PCF, 7 par la liste MRP et 6 par la SFIO menée par Eugène Quessot. Source : Sainclivier, p. 342.
  21. Sainclivier, p. 342.
  22. Rannou, p. 72
  23. Les maires de Rennes sur www.documents.rennes.fr, p. 24-25. Consulté le 9 septembre 2009
  24. Propos de Michel Denis recueillis par Éric Chopin., « L'historien Michel Denis est décédé » sur www.rennes.maville.com, octobre 2007. Consulté le 9 septembre 2009
  25. Rannou, p. 73

Œuvres écrites

Voir aussi

Bibliographie

Articles connexes

Précédé par Yves Milon Suivi par
René Patay
Maire de Rennes
août 1944-juillet 1947
Eugène Quessot
Eugène Quessot
Maire de Rennes
octobre 1947-1953
Henri Fréville

Wikimedia Foundation. 2010.

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