Voile islamique

Voile islamique

Hijab

Le hijab couvre les cheveux et laisse le visage découvert

Le terme hijab (arabe : حِجَاب, hijâb) veut dire « tout voile placé devant un être ou un objet pour le soustraire à la vue ou l'isoler ».

C'est ainsi que selon les pays et les courants religieux, sa forme diffère : en Iran, par exemple, il s'appelle tchador et ne cache pas le visage ni les vêtements de la femme; par contre, en Afghanistan, dans certaines régions du Pakistan ou d'Inde où il s'appelle tchadri, il cache tout le corps ne laissant voir que le bas de ses jambes couvertes d'un pantalon (la femme sous son voile est habillée d'un pantalon recouvert d'une robe tombant légèrement sous les genoux) et à l'occasion ses bras et ses mains. Quand il s'appelle burqa, au sens qu'on lui donne depuis la fin des années 1980, il ne laisse rien voir du corps de la femme, ni ses mains, ni ses pieds : les Occidentaux l'appellent : voile intégral. Traditionnellement, tchadri et burqa étaient des termes synonymes bien que le second ne fut connu que de l'intelligentsia afghane.

Dans un contexte non arabophone, il désigne plus particulièrement le voile qu'un nombre non négligeable de femmes musulmanes portent, couvrant la tête et laissant le visage découvert. Il est aussi appelé « voile islamique ». Cest le cas de pays comme les Philippines, la Malaisie ou l'Indonésie.

Les circonstances entourant le port du voile en public sont communément appelées les « affaires du voile islamique ».

Sommaire

Étymologie

Le mot arabe hijab est issu de la racine hajaba qui signifie « dérober au regard, cacher ». Par extension, il prend également le sens de « rideau », « écran ». Le champ sémantique correspondant à ce mot est plus large que pour l'équivalent français « voile » qui couvre pour protéger ou pour cacher, mais ne sépare pas.

Dans les textes

Certains estiment que le voile a de l’importance en fonction du contexte socioculturel dans lequel il apparaît et qu'il n’est donc pas un principe fondamental de l’islam. Les trois versets du Coran utilisés par certains théologiens pour affirmer que le voile des femmes est une obligation sont relatifs pour l'un au respect de l'intimité et du domicile du prophète de l'islam Mahomet, l'autre aux femmes de Mahomet qui doivent s'habiller d'une certaine façon afin d'être reconnues et de ne point être importunées et la troisième au fait qu'il faut couvir la poitrine (entre les seins). Le hadith utilisé par ces mêmes théologiens est controversé et il en existe deux versions différentes et il n'a pas été classé parmi les hadiths « incontestables ». Enfin, il est à noter que, si elle existe, cette prescription n'est assortie, ni dans le Coran ni dans les hadith, d'aucune sanction.

Cependant, le sunnisme, par consensus, et bon nombres d'autres courants islamiques ont traditionnellement affirmé que le voile islamique était obligatoire. Les mouvements prétendant le contraire ne se fondent pas sur la sunna pour justifier leurs idées mais sur une réflexion plus générale. Ce thème est aujourd'hui en question (voir ci-dessous "Existence d'un débat").

Dans le Coran

En ce qui concerne le sens religieux, le mot hijab est utilisé six fois dans le Coran. Dans aucun cas il ne fait référence au vêtement féminin, pour lequel d'autres formules sont utilisées.

Le mot voile veut dire « rideau », il est devenu le symbole d'une séparation entre la femme et l'homme. En revanche, le mot hijab a le sens de « rideau » pour désigner l'isolement des épouses Mahomet : « Et si vous leur demandez (aux femmes du prophète) quelque objet, demandez-le leur derrière un rideau: c'est plus pur pour vos cœurs et leurs cœurs »[1].

Cette séparation, d'abord réservée aux femmes de Mahomet, se serait ensuite postérieurement étendue aux femmes musulmanes en général.

Le terme « voile » en français, celui que l’on porte sur la tête est abordé deux fois dans le Coran : « Dis aux croyants de baisser leurs regards et de garder leur chasteté. C'est plus pur pour eux. Allah est, certes, Parfaitement Connaisseur de ce qu'ils font. Et dis aux croyantes de baisser leurs regards, de garder leur chasteté, et de ne montrer de leurs atours que ce qui en paraît et qu'elles rabattent leur voile sur leurs poitrines; et qu'elles ne montrent leurs atours qu'à leurs maris, ou à leurs pères, ou aux pères de leurs maris, ou à leurs fils, ou aux fils de leurs maris, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sœurs (...) »[2].

D'après l'exégète du IXe siècle, At-Tabariy, ce passage recommande aux femmes de « cacher leurs cheveux, leur cou et leurs boucles d'oreilles ». Ceci ne correspondrait pas au sens de la sourate mais à l'interprétation qu'en ont faite certains théologiens.

Le Coran vise d’abord à la préservation sociale, il invite plus à la bienséance qu’à la pudeur avec la connotation sexuelle, du moins lorsqu’il traite des habits, des injonctions qui visent à la bienséance vestimentaire des deux sexes. Dans la sourate XXXIII, verset 59, le Coran donne une liste précise de ce qu’il faut faire et à qui cela s’adresse : « Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de se couvrir de leur voile : c'est pour elles le meilleur moyen de se faire connaître et de ne pas être offensées. - Dieu est celui qui pardonne, il est misericordieux  »[3].

Le mot traduit par « voile », dans beaucoup de traductions, correspondent à deux mots arabes jalbibihenna (جَلَابِيبِهِنَّ), qui est féminin pluriel de djellaba (galabeyya en égyptien) donc, « robe », « habit » et khumur qui signifie "mante ou mantille".

Dans les hadiths

Le hadith : « Tout le corps de la femme est awra (à cacher) excepté ses mains et son visage », rapporté par le compilateur Abû Dawûd, est invoqué par la majorité des théologiens sunnites pour justifier l'obligation de voilement.

Or ce hadith est discutable dans la mesure où il est admis qu'il est d'authenticité faible, et qu'on peut s'interroger sur son caractère général ou non. Ces éléments sont utilisés par certains penseurs pour remettre en question l'existence d'une prescription du voile (cf "Existence d'un débat").

Chez les traditionnalistes eux-mêmes, il y a débat sur l'étendue de la awra (la partie à cacher) de la femme. Abu Hanifa est d'avis que les pieds de la femme ne sont pas une awra tandis que Mâlik ibn Anas ou Ahmad Ibn Hanbal considèrent eux que les pieds de la femme doivent être cachés en se basant sur des avis postérieurs à Mahomet. hadiths [réf. nécessaire].

Existence d'un débat

Bien que les prescriptions vestimentaires n'occupent qu'une place très marginale dans le Coran, cette question est mise en avant de manière tout à fait disproportionnée par les mouvements fondamentalistes, qui en ont fait un de leurs chevaux de bataille. Ceux-ci "verrouillent" le débat sur la question en affirmant que l'obligation de voilement n'est contestée par personne et que la question ne se pose pas. Or, le débat existe bel et bien.
Il est exact que les oulémas d'hier et d'aujourd'hui n'ont jamais songé à prendre leurs distances avec les anciens traditionnalistes qui ont interprété la religion dans le sens d'une prescription obligatoire, mais cette absence de remise en question s'explique par leur mode de formation et de pensée, puisque tout leur enseignement consiste à assimiler les arguments développés par ces mêmes Anciens. Or, si ces Anciens étaient fondés à interpréter cette question en fonction du contexte socioculturel dans lequel ils baignaient, contexte où les normes vestimentaires d'inspiration bédouine étaient très ancrées, on peut s'étonner que les oulémas d'aujourd'hui peinent à s'affranchir de ce contexte.

Plusieurs penseurs contemporains, spécialistes de l'islam, se sont donc appuyés sur tous ces éléments (absence dans le Coran, faiblesse des hadiths invoqués, prégnance du contexe socioculturel à l'époque où les Anciens ont interprété ces éléments) pour remettre en question la prétendue prescription du hijab.
On peut citer par exemple Iqbal Baraka (journaliste égyptienne), Muhammad Sa'îd al-'Ashmawi (ancien magistrat et spécialiste de droit musulman et comparé) ou encore Gamal El Banna (frère du fondateur des Frères musulmans). En France, le Dr Al Ajami, théologien musulman français, a publié dans un ouvrage intitulé Que dit vraiment le Coran une démonstration très claire allant dans le même sens. En revanche, il y a consensus sur l'obligation de bienséance dans les vêtements et de pudeur dans les attitudes (aussi bien pour les hommes que pour les femmes du reste).

Les conditions du hijab dans la vision traditionaliste

  • Couvrir tout le corps à l'exception du visage et des mains (et des pieds selon certains théologiens)
  • Ne pas être une belle parure en lui-même.
  • Être opaque.
  • Être large et non moulant.
  • Ne pas être parfumé.
  • Ne pas ressembler aux habits des hommes.
  • Ne pas symboliser les habits des non-musulmanes.
  • Ne pas attirer le regard.

Dévoilement

En Égypte, on considère que la première remise en cause du voile a lieu à la fin du XIXe siècle : Qasim Amin, qui appartient alors au courant de pensée moderniste qui cherche à interpréter l'islam pour le rendre compatible avec la modernisation de la société, s'exprime en faveur d'une évolution du statut de la femme dans son ouvrage Tahrîr al-mar'a (La libération de la femme) publié en 1899. Il s'exprime notamment pour l'éducation des femmes, la réforme de la procédure de divorce et la fin du voile et du confinement des femmes. En ce temps là, Amin fait référence au voile facial (burqu : voile de mousseline blanche qui recouvrait le nez et la bouche) que portent les femmes de classe aisée en ville, qu'elles soient chrétiennes ou musulmanes. Le hijab d'alors est effectivement lié à l'isolement des femmes. On considère généralement que c'est à ce moment que le hijab cesse d'être le symbole d'un statut social et de richesse pour devenir un symbole d'arriération, selon ses détracteurs, et un enjeu social, politique et religieux.

En 1923, Huda Sha'arawi, considérée comme l'une des premières féministes, retire son voile facial en rentrant d'une rencontre féministe à Rome, lançant ainsi, d'après de nombreux auteurs, un mouvement de dévoilement (al-sufûr).

En Turquie et en Iran, le dévoilement est imposé au début du XXe siècle par Mustafa Kemal Atatürk et le chah d'Iran, qui voient l'adoption de la tenue occidentale comme un signe de modernisation. En février 2008, le Parlement turc, dominé par le Parti pour la justice et le développement, vote une loi autorisant les femmes à porter le voile dans les universités[4].
Cet amendement est annulé par la Cour constitutionnelle le 5 juin 2008 sur la base de l'article 2 de la Constitution, qui garantit la laïcité.

En Tunisie, Habib Bourguiba interdit le port du voile dans l'administration publique et déconseille fortement aux femmes de le porter en public.

Au Maroc à l'avènement de l'indépendance, le roi Mohammed V, père du roi Hassan II, demande à sa propre fille d'ôter le voile en public, comme symbole de la libération de la femme. Cependant en présence du roi, les députées se voient obligées de se voiler les cheveux par respect de la tradition.

Au cours des dernières années de la guerre d'Algérie, les Français organisent des cérémonies de dévoilement collectif censées démontrer l'œuvre civilisatrice de la France en Algérie en faveur de l'émancipation des femmes algériennes[5]. Elles ne rencontreront que peu de succès.

En Afghanistan, le port du voile est rendu facultatif en 1959 par décret royal pris par Mohamed Zaher Chah. Les femmes des milieux aisés, intellectuels ou diplomatiques seront nombreuses à Kaboul, notamment, à profiter de cette largesse. Les tâlebân, au pouvoir de Septembre 1996 à Novembre 2001 rétablirent l'obligation du port du tchadri. A la libération du pays par les américains, les britanniques et les français, notamment, des femmes à Hérât, Mazâr-é Sharîf et particulièrement Kaboul abandonnèrent à nouveau le tchadri pour ne conserver qu'un simple foulard sur la tête. Dans les écoles, les collèges et les lycées, les élèves portent un uniforme veste/pantalon généralement noir et un foulard blanc; leurs femmes professeurs portent un uniforme vert clair ou gris et aussi un foulard.

À partir des années 1960, le port du voile ne fut ni imposé et ni fortement recommandé dans la plupart des pays à majorité musulmane, à l'exception de l'Arabie saoudite. Depuis la révolution islamique de 1979, le port du voile en public est redevenu obligatoire pour toutes les femmes en Iran (tandis que l'Arabie saoudite oblige les femmes non musulmanes à porter l'abaya sans qu'elles soient obligées de se couvrir les cheveux)[6]. En avril 2007, la police a interpellé des dizaines de contrevenantes et a distribué 10 000 avertissements[6].

Le voile n'a jamais été prescrit dans le Coran pour les femmes de Mahomet. Il y est juste fait allusion d'un couvre-chef afin de les distinguer des esclaves. La sunna, par le biais de hadiths non authentiques, vient cependant codifier la tenue du musulman et de la musulmane.

Sens contemporain

Fille irakienne portant le voile

L'obligation de se voiler est affirmée aussi bien par le sunnisme et le chiisme, et généralement déduite d'un ensemble de versets du Coran et de hadiths de Mahomet. Cependant, certains philosophes modernes contestent cette obligation. Par le passé, le sujet de désaccord était plutôt de savoir s'il est obligatoire à la femme de cacher son visage ou pas. L'obligation de cacher les autres partie du corps (à part le visage, les mains et les pieds pour certains) est même rapportée dans les livres consacrés aux sujets de consensus (ijmâ'), comme celui d'Ibn Hazm (XIe siècle) Marâtib ul-Idjmâ'.

Le hijab désigne donc une tenue conforme aux prescriptions coraniques et implique modestie et piété, mais il désigne aussi, et surtout, une nouvelle manière de se couvrir la tête et se distingue des formes utilisées traditionnellement ou à la campagne. C'est ce que A.E. Mac Leod désigne par l'expression new veiling, le « nouveau voilement ».

Celui-ci se diversifie au fur et à mesure que cette nouvelle manière de se couvrir la tête se répand si bien que hijab ne désigne plus seulement la tenue traditionnelle, mais l'ensemble des nouvelles manières de se voiler adoptées, principalement par les femmes appartenant à la classe moyenne au cours des années 1970 et 1980, et dont la tenue est devenue courante dans l'ensemble du monde arabe et du monde musulman.

Le terme renvoie à une diversité de phénomènes : le hijab n'est pas le même et n'a pas le même sens en Arabie saoudite, dans la Turquie laïque ou en France. En France particulièrement, le voile est devenu pour certaines femmes une manière de revendiquer publiquement leur religion, ainsi que d'une certaine manière de s'affranchir de contraintes imposées par le milieu de vie[7].

Autres noms

Notes et références

  1. Sourate XXXIII, verset 53 ; traduction de Régis Blachère)
  2. Sourate XXIV, versets 30, 31 ; traduction Muhammad Hamidullah
  3. Sourate XXXIII, verset 59 ; traduction Denise Masson
  4. « En Turquie, le Parlement autorise le port du voile à l'université », dans Le Monde du 07-02-2008, [lire en ligne]
  5. Todd Shepard, « La bataille du voile pendant la guerre d'Algérie », in Le foulard islamique en questions, sous la direction de Charlotte Nordmann, Paris, éditions Amsterdam, 2004
  6. a  et b Dépêche de l'AFP, « En Iran, les touristes devront mieux respecter le voile islamique », dans Libération du 01/05/2007, [lire en ligne]
  7. Document : Le voile (hijab), sujet à polémique (Société / Informations / Actualité et faits de société) (orientale.fr)

Annexes

Articles connexes

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Liens externes

Bibliographie

  • Les citations sont issues de J. Chelhod, « Hidjâb », in Encyclopédie de l'Islam, 1975, t. III, p 370 ;
  • Arlene Elowe Mac Leod, accommodating Protest, New Veiling and Social Change in Cairo, 1992 (pour une interprétation du phénomène du nouveau voile dans la classe moyenne urbaine égyptienne).
  • Leïla Djiti, Lettre à ma fille qui veut porter le voile, Paris, La Martinière, 2004 ISBN 2-84675-136-6
Pour compléter la réflexion, on peut lire avec attention l'importante littérature parue ces dernières années :
  • Michèle Tribalat , Jeannette Kaltenbach La République et l’Islam, Gallimard, 2002.
  • Leïla Babès, Le voile démystifié, Bayard,
  • Michèle Vianès, Un voile sous la république, Stock, 2004.
  • Chahdortt Djavann, Bas les voiles !, Gallimard, 2003.
  • Le Foulard islamique en questions (Paris, Éditions Amsterdam, 2004), publié sous la direction de Charlotte Nordmann, avec notamment des contributions d'Etienne Balibar, Saïd Bouamama, Dounia Bouzar, Christine Delphy, Françoise Gaspard, Nilufer Göle, Nacira Guénif-Souilamas, Farhad Khosrokhavar, Ludovic Paquet, Alexandre Pruneau, Ta mère, Emmanuel Terray et Pierre Tournemire.
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