- Valdotain
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Valdôtain
Article principal : Francoprovençal.Cet article concerne le dialecte du Val d'Aoste. Pour les habitants du Val d'Aoste, voir Valdôtains.Le valdôtain est une variété de la langue arpitane (ou francoprovençale), l'une des trois langues traditionnelles de l'espace gallo-roman, avec l'occitan au Sud, et le français (langue d'oïl, avec ses dialectes) au Nord. Le Val d'Aoste se trouve à la limite Sud-Est du domaine francoprovençal, qui comprend toute la Suisse romande (sauf le canton du Jura), une partie du Jura français, la Bresse, le Bugey, le Dauphiné, le Lyonnais, le Forez, et la Savoie.
Les Valdôtains appellent ce parler simplement patois, et c’est la langue de communication usuelle en Vallée d’Aoste, surtout dans des domaines d’activité caractéristique de la réalité locale, tels que l’élevage, l’agriculture, ainsi que dans l’administration publique, où quand-même le français occupe une position plus privilégiée.
Il n’existe pas un seul patois valdôtain, puisque chaque village a ses particularités, parfois même à l’intérieur d’une même commune on a du mal à trouver une variante homogène. Les patois valdôtains se divisent grosso-modo en deux grandes groupes, les patois de la haute vallée et ceux de la basse vallée d’Aoste, c’est-à-dire respectivement à l’ouest et à l’est de la capitale Aoste. Cette division, qui relève de la géographie, de la culture et de l’histoire valdôtaine, se reflète dans l’expression orale de ses habitants : la haute vallée, proche de la France, présente beaucoup d’affinités avec les patois savoyards, ainsi que le Valpelline et la Vallée du Grand-Saint-Bernard avec le Valais et la basse vallée avec le Piémont. On peut quand-même affirmer que, malgré les différences parfois remarquables que l’on peut relever entre les patois valdôtains, les habitants de cette petite région-carrefour de l’Europe parviennent sans problèmes à se comprendre entre eux, en formant ainsi d’un point de vue linguistique, une unité.
Sommaire
Particularités
La « Langue d'O » et la « Langue d'A »
Parmi les parlers valdôtains on rencontre une différence de base : la langue d’O et la langue d’A, comme déjà le remarquait l’abbé Jean-Baptiste Cerlogne, auteur des premières études sur le patois valdôtain, c’est-à-dire la tendance à prononcer les mots avec des 'A' ou bien avec des 'O', comme par exemple tabla ou tobla (= table).
Le « h » aspiré
Dans la basse vallée on aperçoit la proximité aux patois cisalpins (italiens) avec la comparaison d’un h aspiré qui disparaît en français (où ce processus est d’habitude signalé par un accent circonflexe) et dans les patois valdôtains de la haute vallée, comme pour tsahté (= château), qui devient tsaté en patois de la haute vallée, mais castello en italien.
Pour bien comprendre, voilà un autre exemple :
Râteau (français) > Raté (patois de la haute vallée) > Rahtél (patois de la basse vallée) > Rastrello (italien)
Le renard au Val d'Aoste
La position géographique de la Vallée d'Aoste, au carrefour de deux cultures, se reflète dans le lexique de ses patois. Ainsi, on aperçoit une variété qui dépend de la géographie, de l'usage, des influence extérieures et des traditions.
Un exemple en ce sens nous est fourni par la traduction du mot Renard :
- Dans la haute vallée, Lo reinard, près du français ;
- Dans la basse vallée, Lo gorpeuill, semblable à l'ancien français Goupil ;
- Dans les zones frontalières au Piémont, Voulp, semblable au latin et à l'italien (Volpe).
Les variantes mêlangées
Les patois ayassin et gabençois se différencient des autres patois valdôtains par le fait d’avoir été exposés dans le passé aux patois alémaniques valaisans.
Le patois cognein présente des affinités avec le francoprovençal piémontais, parce que les habitants du haut val de Cogne rejoignirent cet endroit à partir des vallées arpitanes du Piémont.
Les instituts d’étude
Le principal institut d’étude de l'arpitan valdôtain est le Bureau régional pour l’ethnologie et la linguistique (abrégé en BREL), créé en 1985 à Aoste, dont le but est la sauvegarde du patois valdôtain à travers le recueil et le classement de données à partir d’enquêtes et de recherche sur le territoire. L'activité du BREL a permis la création d'une archive en collaboration avec la Médiathèque du Valais - Mediathek Wallis, d'une mise au point de la graphie à adopter pour écrire le francoprovençal valdôtain, et d'un manuel pour l'apprentissage (par les soins de Xavier Favre). Sur cette base, le BREL organise depuis une dizaine d’années des cours réguliers de patois, auxquels s’ajoutent parfois en été des séjours en montagne comme bains de langue. Les enseignant de l'École populaire de patois tiennent des cours aussi à Neuchâtel, en Suisse, qui fait également partie de l’espace arpitan.
Un autre institut régional est le Centre d’études francoprovençales (abrégé en CEFP), ayant siège à Saint-Nicolas qui travaille en prise directe avec le BREL, ainsi qu’avec d’autres instituts de recherche et d’étude linguistique de l’aire arpitan.
La situation actuelle
Aujourd’hui le patois est une langue bien vivante seulement en Vallée d’Aoste, les politiques d’anéantissement mises sur pied par les gouvernements français et suisse ayant atteint leur but dans les autres régions d’expression arpitane. Toutefois, au Val d’Aoste la situation a été compromise par la pression anti-francophone mise en place par le régime fasciste et par les flux migratoires en entrée de l’Italie et en sortie du Val d’Aoste (surtout vers la France) tout au long du XXe siècle. Même si l’italien a désormais pris le dessus à Aoste dans la vie quotidienne, la connaissance du patois demeure un élément très imporatant dans le processus d'intégration dans la société locale, et devient essentiel dans les communes valdôtaines en dehors de la capitale. Le français standard joue de nos jours quand-même un rôle assez important surtout au niveau culturel et politique.
Les activités culturelles en patois sont nombreuses, et concernent surtout la poésie, avec des auteurs tels que Marco Gal, et surtout le théâtre, avec les manifestations théâtrales du Charaban et du Printemps théâtral : au premier événement, mis en scène à Aoste, participe une seule compagnie, tandis que le second est itinérant et réunit toutes les compagnies valdôtaines, composées surtout par des jeunes.
La musique
La scène musicale valdôtaine est fortement caractérisée par la musique et les chants traditionnels.
Les trois chanteurs les plus connus sont :
- Louis de Jyaryot, originaire d'Ayas, auteur-chanteur de chansons en arpitan ayassin ;
- Maura Susanna, (née à Aoste le 24 septembre 1956 mais originaire de Saint-Vincent), est auteur et interprète de chansons en patois, français et italien. Parmi les chanteurs valdôtains contemporains, elle n'appartient pas au domaine de la musique folk traditionnelle, mais chante de la musique de variétés. Outre sa voix remarquable, le fait de chanter ce type de répertoire en patois, ce qui n'avait jamais été fait auparavant, l'a rendue célèbre.
- La découverte des chants et des mélodies traditionnels du Val d'Aoste font l'objet depuis 25 ans environ de l'activité du groupe Trouveur valdotèn, cette formation n'étant pas la seule de la région pour ce genre musical, mais sans aucun doute la plus connue.
- Magui Bétemps, morte prématurément en 2005, a été qualifiée la plus importante autrice-chansonnière valdôtaine contemporaine. Son activité continue d'être célébré par des concerts et son héritage est bien vivant.
Le Concours Cerlogne
C'est un concours de patois organisé chaque année par le biais de l'administration régionale en collaboration avec le BREL et le CEFP. À partir de la première édition en 1963, chaque année environ 2000 enfants d'écoles maternelles et primaires provenant de toute la Vallée d'Aoste, ainsi que de la Savoie, du Valais, des vallées arpitanes piémontaises et des deux communes arpitanes des Pouilles se réunissent dans une commune valdôtaine pendant trois jours vers la fin de mai pour exposer les résultats de recherches et d'apprentissage de leur patois : ils mettent en scène des pièces, ils chatent des chansons, ils récitent des poèmes. Les parents aussi prennent partie à cet événement.
Anthologie
- Extrait d'un poème d'André Ferré (Saint-Vincent, 1904-1954)
Cllier et seren lo ten apré la piôdze / Clair et serein le temps après la pluie
Cé bé soleil que torne égueeyìno la Val / Ce beau soleil qui retrourne égayer la vallée
I sorton le feumélle ch'achèté su la lôye, / Les femmes sortent s'asseoir sous les arcardes,
In precassèn de queut tant bien que mal / en bavardant de tout le monde, tant bien que mal
[...]
Esplojon de meuseucca. / Explosion de musique.
Feusette de joèce. / Fusée de joie.
Tsarriemèn de note que chorton / Charriage de notes que sortent
Su lé, iou lé clliotse dzalaouse / La haut, où les cloches jalouses
Le vardon a catson. / Les gardent en cachette.
[...]
- Extrait du poème La pastorala de Jean-Baptiste Cerlogne (Saint-Nicolas, 1826-1910), le chant de Noël le plus célébre au Val d'Aoste
De nët euna leumiére / Durant la nuit une lumière
I berdzè l’at paru; / Aux bergers apparut
Un andze vin leur dëre: / Un ange vint leur dire
Lo Sauveur l’est neissu. / Le Sauveur est né.
Un pouro baou l’est son palatse, / Une pauvre étable est son palais
Et sat pei de fen in traver / Et sept brins de foin en travers
Compouson lo deur matelatse / Composent le dur matelas
De ci gran Rei de l’univer; / De ce grand Roi de l’univers
Et din la rigueur de l’iver / Et dans la rigueur de l’hiver
De dò trei lindzo l’est queuver. / De deux ou trois linges il est couvert.
- Extrait d'un poème de Césarine Binel (Champdepraz, 1897-1956), exemple de patois de la basse vallée
Y son vignà de bon matèn / Ils sont venus de bon matin
à désèi lo for / pour allumer le four
Adeline e Dzeusepèn / Adeline et Josephin
son lé prumì dou tor / sont les premiers
Pôrton lo bôch de biôla / Ils apportent du bois de bouleau
é eun grou sac pesàn / et un gros sac lourd
lo vouidon su la tôla / le renversent sur la table
pé fare lo bon pan / pour faire du bon pain
- Extrait d'un poème d'Anaïs Ronc-Désaymonet (Arpuilles, 1890 - Aoste, 1955), dite tanta Neïsse (= tante Anaïs)
Dz'é vu su 'na louye, quase presta à tsére ba, / Je les ai vu sur un rebord, elle était prête à tomber
Dé géragnon coleur lilà. / Des géraniums couleur lila
Dz'é vu su 'na viéille fenétra, flourì i soleil, / Je les ai vu sur une vieille fenêtre, fleurir au soleil,
Dé géragnon blan comme la nèi. / Des géraniums blancs comme la neige
Dz'é vu pendre, de la terrasse de 'na villà, / Je les ai vu pendre, de la terrasse d'une villa
Dé géragnon coleur di fouà. / Des géraniums couleur du feu
Fleur di pouro, fleur di reutso, géragnon / Fleurs des pauvres gens, géraniums
Vo-éte la garniteura de totte le meison / Vous êtes le décor de toutes les maisons
Vo no portade lo sourire di bon Djeu, / Vous nous apportez le sourire du bon Dieu
Afeun de no rendre tcheu moén malereu / Afin de nous rendre tous moins malheureux
Bibliographie
- (fr) Jules Brocherel Le Patois et la langue française en Vallée d'Aoste éd. V. Attinger, Neuchâtel
Liens
Voir aussi
Liens externes
- Site du BREL (Bureau Régional pour l'Ethnologie et la Linguistique) d'Aoste
- Site du Centre d'études francoprovençales
- ARCHIVALP - Site des archives audiovisuelles du BREL
- Site du Gnalèi, le guichet linguistique pour le francoprovençal valdôtain
- Site du Concours Cerlogne
- Le Concours Cerlogne sur le site du CEFP
- Site du Charaban
- Le portail de la langue arpitane
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