Tulipomania

Tulipomania

Tulipomanie

La tulipomanie (Tulpenmanie en néerlandais, Tulip mania en anglais, souvent appelée « crise de la tulipe » en histoire économique), est le nom donné à l'augmentation démesurée puis l'effondrement des cours de loignon de tulipe dans le nord des Provinces-Unies au milieu du XVIIe siècle. Au plus fort de la tulipomanie, en février 1637, des promesses de vente pour un bulbe se négociaient pour un montant égal à vingt fois le salaire annuel dun artisan spécialisé. Certains historiens ont qualifié cette crise de « première bulle spéculative » de lhistoire[1].

Lépisode refit surface en 1841 avec la parution dun ouvrage intitulé Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds[2] du journaliste britannique Charles Mackay. Mackay affirmait quà une certaine époque, un bulbe de Semper Augustus pouvait séchanger contre cinq hectares de terre[3]. Il prétendait également que de nombreux investisseurs avaient été ruinés par la chute des cours, chute qui aurait ébranlé toute léconomie néerlandaise. Bien que louvrage de Mackay soit devenu un classique fréquemment réédité, sa version des faits est aujourdhui contestée. Les historiens modernes considèrent que la crise de la tulipe navait pas été aussi spectaculaire que le voudrait Mackay, certains allant même jusquà douter de la réalité dune véritable bulle spéculative[4].

Létude de cette crise est difficile en raison de la pauvreté des données dépoque et du fait que ces données proviennent pour la plupart de sources partisanes dénonçant la spéculation de façon caricaturale[5],[6]. Certains économistes modernes, écartant la théorie de lhystérie spéculative, proposent des modèles mathématiques qui ne font plus appel aux phénomènes de contagion psychologique pour expliquer lenvolée des cours de la tulipe. Ils observent que des phénomènes analogues se sont produits à dautres époques sur le prix des plantes dornement, notamment la jacinthe dont le cours sest élevé de façon rapide après son introduction sur le marché pour seffondrer ensuite. Dautres auteurs font remarquer que la montée des prix coïncide avec lannonce dun décret parlementaire prévoyant que les contrats à terme pourraient être annulés à peu de frais ; une telle mesure aurait diminué le risque pour les acheteurs qui nauraient eu alors aucune raison dhésiter à sengager pour des sommes exorbitantes. Ces explications sont cependant loin de faire lunanimité.

Pamphlet néerlandais critiquant la tulipomanie, imprimé en 1637, à la suite de leffondrement des cours.

Sommaire

Histoire

Les premières tulipes néerlandaises

Charles de l'Écluse (1525-1609).

Le début du XVIIe siècle voit se développer un engouement extraordinaire pour lhorticulture et le jardinage dans le nord de lEurope, et plus particulièrement dans les Provinces-Unies. Jusquen 1550, les jardiniers néerlandais cultivent des roses, des lys, des iris, des pivoines, des ancolies, des giroflées et des œillets[7]. Entre 1500 et 1550, une dizaine despèces nouvelles font leur apparition dans lactuelle Belgique. Le phénomène saccélère, avec plus dune centaine de nouvelles venues entre 1550 et 1600, puis 120 espèces nouvelles entre 1600 et 1615, notamment lanémone, le muflier, la jacinthe, le jasmin, le lilas et surtout la tulipe[7].

Venue de Constantinople, celle-ci fait son chemin à travers lEurope. Sa présence est signalée à Augsburg en 1559[7]. Vers 1560-1561, elle fait son apparition à Bruxelles, puis Anvers et en 1581, le Kruydtboeck en cite déjà 47 variétés[7]. On date généralement le début de sa culture dans les Provinces-Unies des environs de 1593, à la suite de la création de lhortus academicus de luniversité de Leyde par le botaniste flamand Charles de l'Écluse qui vient dy être nommé professeur[8].

De lÉcluse fait planter dans ce jardin botanique une série de bulbes de tulipes quil a fait venir de Bruxelles[9], tulipes observées pour la première fois à Andrinople, en Turquie par Ogier de Busbecq (qui signe Busbecquius), ambassadeur de lEmpereur Ferdinand Ier auprès du sultan ottoman[10] que de lÉcluse cite en appendice dun ouvrage paru en 1583, dans lequel il décrit plusieurs variétés de tulipes[9],[11]. Ces bulbes sont suffisamment résistants pour survivre aux rigueurs du climat néerlandais[12]. Les premières tulipes sont méconnues du grand public et ne sont mentionnées que par des botanistes ou des amateurs de plantes rares et de curiosités[11]. Mais la vogue des tulipes se répand du sud des Pays-Bas vers le nord, et lengouement devient tel quassez rapidement des voleurs sintroduisent dans le Jardin botanique de Leyde pour dérober des bulbes[11].

Au début du XVIIe siècle les premiers bulbes font leur apparition sur le marché. Des bourgeois fortunés plantent des jardins privés à larrière de leur maison, notamment dans ce qui est aujourdhui le centre historique de la ville dAmsterdam, le long de canaux comme le Keizersgracht ou le Herengracht[7]. Lépoque se passionne pour la création dhybrides et de nouvelles variétés, créant une demande pour les livres illustrés de gravures, livres destinés aux amateurs et aux professionnels de lhorticulture et non plus aux botanistes[7]. Le Néerlandais Emanuel Sweerts, pionnier de la vente doignons de tulipe sur la foire annuelle de Francfort puis dAmsterdam, publie un des premiers catalogues ouvertement commerciaux, le Florilegium, imprimé en 1612 après Le Jardin du Roy Tres Chrestien Henry IV, de Pierre Vallet, paru en 1608[7]. Sweerts cite de nombreuses variétés de tulipes[7], avec des illustrations de tulipes « cassées », marbrées et flammées, ainsi que de plantes rares et exotiques.

Les tulipes deviennent un article et un symbole de luxe

Article détaillé : Tulipe.
Variété Semper Augustus, dessin du XVIIe siècle.

La fleur devenant bientôt un article de luxe convoité et un signe de richesse, de nombreuses variétés voient le jour. Elles sont identifiées selon leurs couleurs : les tulipes monochromes rouges, jaunes ou blanches sont des Couleren, moins populaires que les tulipes de deux couleurs comme les Rosen (rouges ou roses sur fond blanc), les Violetten (mauves et lilas sur fond blanc) voire les Bizarden (rouges, brunes ou violettes sur fond jaune) qui sont les plus recherchées[13].

Ces bulbes rares et précieux produisent des fleurs aux pétales marbrées de couleurs vives dues, on le sait aujourdhui, à la présence dun potyvirus, sorte de virus de la mosaïque de la tulipe[14],[15].

Les cultivateurs baptisent leurs créations de titres ronflants. Les premières variétés sont gratifiées du titre « amiral » précédant le nom de leur créateur comme lamiral van der Eijck, peut-être la plus populaire au sein dune cinquantaine de variétés possédant ce titre. Generael, en français « général » se retrouve dans le nom dune trentaine de variétés. Des variétés plus tardives sont affublées de noms encore plus grandioses, inspirés de celui dAlexandre le Grand ou de Scipion l'Africain ; on voit même « amiral des amiraux » ou « général des généraux ». Cependant il est très difficile de donner des noms à des variétés essentiellement instables[16] et la plupart dentre elles ont disparu aujourdhui. Les espèces polychromes cultivées actuellement doivent leurs couleurs panachées à la sélection et non aux phytovirus[17].

Balthasar van der Ast, bouquet de fleurs : la tulipe qui se fane, les roses qui retombent dénotent léphémère ; en haut lâme (le papillon) prête à senvoler.

Cet engouement pour la fleur va se retrouver dans la peinture néerlandaise et flamande de lépoque. La tulipe a fait son apparition dans la seconde partie du XVIe siècle dans les ouvrages spécialisés, sous forme de planches botaniques savantes[11]. Puis, alors que les premières natures mortes saffirment en tant que genre indépendant, quelques variétés monochromes apparaissent, dabord discrètement, dans les Bouquets de fleurs dont Jan Bruegel l'Ancien se fait une spécialité. Dans une Allégorie de la vue quil produit avec Rubens en 1617, Bruegel « de velours » peint un bouquet qui contient quelques tulipes dans un cabinet de curiosités, au milieu dun capharnaüm de tableaux et dobjets en tous genre[18], [7]. Progressivement des peintres comme Roelandt Savery, Balthasar van der Ast, Ambrosius Bosschaert, Jan Davidszoon de Heem, Abraham Bosschaert[19] représentent des variétés de formes et de couleurs de plus en plus plus précieuses, les Rosen, Violetten et Bizarden si recherchées.

De plus en plus, les tulipes « cassées », cest-à-dire infectées par le phytovirus, dominent le bouquet et triomphent progressivement des roses, des lys et des ancolies[20]. Parallèlement sont publiés des catalogues de fleurs, comme celui dEmanuel Sweerts (Florilegium, 1612) qui est suivi du Florilegium novum de Théodore de Bry en 1612-1614, de lHortus Eystettensis du pharmacien Basile Bessler en 1613, et de lHortus Floridus de Crispin de Passe en 1614. La tulipe fait même son apparition dans le Jardin dEden, au frontispice dune réédition dun manuel anglais de jardinage. Dans cette édition de 1635, la tulipe est à la verticale de larbre de la connaissance du bien et du mal[21]. La même année paraît pour la première fois un catalogue entièrement consacré à la tulipe[7]. La fleur apparaît donc à la fois comme un objet de luxe et une curiosité propre à intéresser les professionnels et les passionnés de fleurs[11].

Cette multiplication suit la montée de la cote des tulipes qui permet damortir le coût des catalogues. Le plus célèbre est celui du pépiniériste P. Cos de Haarlem, paru en 1637, lannée de la crise[11]. Sans prétention artistique, ce catalogue fournit des données précises sur les appellations, les poids des bulbes et leur prix[11].

Naissance de la spéculation

Indice des prix standards des contrats de bulbes de tulipe, établi par Thompson (2007, p.101). Thompson ne disposant pas de données sur lévolution des prix entre le 9 février et le 1er mai, on ne sait pas quelle courbe elle a suivi. Mais on sait, en revanche, que les cours se sont effondrés en février[22].

La tulipe est une plante à bulbe qui se reproduit par semence ou par division du bulbe. Les graines produisent un bulbe capable de porter une fleur au bout de sept à douze ans. Dès quun bulbe a fleuri, le bulbe mère disparaît, laissant place à un clone pourvu dun ou plusieurs caïeux filles. Cultivés correctement, ces caïeux deviennent à leur tour des bulbes florifères. Comme le virus mosaïque infecte les caïeux mais pas les graines, la culture despèces nouvelles est un processus excessivement laborieux. La reproduction est ralentie par la présence du virus, et les bulbes filles finissent par dégénérer[11]. Les tulipes fleurissent en avril et en mai, sur une période denviron une semaine, les caïeux se formant assez peu de temps après la fin de la floraison. Les bulbes peuvent être déplantés et replantés entre juin et septembre aux Pays-Bas, ce qui explique pourquoi les ventes au comptant ont lieu durant ces deux mois[23].

Le reste de lannée, les contrats sont signés devant notaire, lachat devant se faire à la fin de la saison (il sagit alors de marché à terme)[23]. Cest ainsi que les Néerlandais, qui sont à lorigine dun grand nombre dinstruments de la finance moderne, créent un marché sur lequel le bulbe de tulipe rare se négocie comme bien durable[24]. La vente à découvert est interdite par un édit de 1610, interdiction renforcée par une succession dédits plus rigoureux encore en 1621, 1630 et de nouveau en 1636. Aux termes de ces décrets, les vendeurs qui pratiquent la vente à découvert ne sont pas passibles de poursuites mais les contrats signés avec eux sont jugés inexécutables[25].

En 1634, en partie du fait de lapparition dune demande française qui stimule les ventes, les spéculateurs entrent sur le marché[26]. En 1636, un système analogue à une bourse de commerce se négocient les contrats à terme de tulipes sest mis en place au Pays-Bas. Les négociants se réunissent en « collèges » dans des auberges et les acheteurs doivent sacquitter dun pourboire dun montant égal à 2,5 % de la transaction (pourboire plafonné à trois florins). Ni lune ni lautre partie ne fournissent de dépôt de garantie et il nexiste pas de système dappel de marge. Tous les contrats se font directement entre les deux parties et non dans le cadre dune chambre de compensation.

Plus la popularité des tulipes sélève et plus les horticulteurs sont prêts à payer des prix élevés pour des bulbes atteints par le potyvirus. Cependant labsence de registres tenus systématiquement et donc de données fiables concernant les prix réels auxquels se négociaient les tulipes font quil est délicat dévaluer lampleur de la crise. La majeure partie des données provient de pamphlets à charge, mettant en scène Gaergoedt et Waermondt (ou GW, cest-à-dire « Envie des biens » et « Bouche de vérité »)[27], pamphlets qui sont rédigés juste après la crise.

Léconomiste Peter M. Garber a pu établir un catalogue des ventes de 161 bulbes de 36 variétés différentes entre 1633 et 1637, dont 53 sont signalés par GW. 98 ventes sont enregistrées le dernier jour qui précède leffondrement, le 5 février 1637, avec une fourchette de prix extrêmement large. Ces ventes seffectuent de façon variable, les unes étant des ventes à terme au sein des « collèges », les autres des ventes au comptant faites par les cultivateurs de tulipes, les autres enfin des promesses de ventes signées devant notaire ou des ventes de biens. Garber remarque que pour se faire une idée des cours, on doit se contenter de données hétéroclites : « Les données disponibles sur les prix sont dans une large mesure un mélange de torchons et de serviettes  »[28].

Selon Jacques Marseille, le bulbe dune variété rare, Semper Augustus, saffiche à 1 000 florins en 1623, à 2 000 en 1625, puis à 5 500 en 1637, le revenu annuel moyen de lépoque étant de 150 florins[29]. En 1635, il devient possible dacheter des parts de bulbe[29]. En février 1637, une variété atteint le prix record de 6 700 florins[29]. Le prix dun seul oignon peut atteindre en 1637 la valeur de deux maisons, huit fois celui dun veau gras et quinze fois le salaire annuel dun artisan[29].

Effondrement des cours

Le cours des bulbes rares continue à sélever tout au long de lannée 1636. En novembre, le prix des bulbes ordinaires non infectés par le potyvirus se met également à monter. Les Néerlandais qualifient la spéculation sur les contrats à terme de Windhandel, littéralement « commerce du vent », parce que les transactions ne portent pas sur des bulbes réels[30]. Mais en février 1637, le prix des contrats à terme de bulbes de tulipe seffondre brutalement, mettant fin au commerce du vent[31]. La chute des cours est si subite quaucun des contrats ne peut être honoré. Le foyer de ces échanges se trouvant à Haarlem, dans une ville ravagée par une épidémie de peste bubonique, il est possible que le contexte ait contribué à développer un état desprit enclin au fatalisme et à la prise de risques[32].

Les théories sur la crise

Sources primaires

Le débat actuel sur la crise de la tulipe remonte à la parution de louvrage dun journaliste écossais, Charles Mackay, intitulé Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds, publié en 1841 ; Mackay fait lhypothèse que les foules se conduisent souvent de façon irrationnelle et que la tulipomanie, ainsi que le Krach de 1720 et léchec de la Compagnie du Mississippi, sont parmi les premières crises économique à exhiber les syndromes de cette folie collective. Sa thèse se fonde en grande partie sur les informations quil tire dun ouvrage de Johann Beckmann, A History of Inventions, Discoveries, and Origins, publié en 1797. Louvrage de Beckam, quant à lui, se fonde sur trois pamphlets anonymes parus en 1637, qui sattaquent violemment au principe de la spéculation[33]. Avec son style enlevé, louvrage de Mackay est resté populaire auprès de générations déconomistes et de spécialistes des marchés boursiers. Lanalyse quil donne de la crise de la tulipe comme étant le résultat dune bulle spéculative reste encore largement accepté aujourdhui, même si de nombreux économistes en ont montré les limites depuis 1980[33].

La crise selon Mackay

Marchandises échangées selon Mackay contre un bulbe unique de la variété Viceroi[34]
2 muids de blé 448 florins
4 muids de seigle 558 florins
Quatre bœufs gras 480 florins
8 porcs gras 240 florins
12 moutons gras 120 florins
2 barriques de vin 70 florins
4 tonneaux de bière 32 florins
2 tonnes de beurre 192 florins
1.000 livres de fromage 120 florins
1 lit complet 100 florins
1 habillement complet 80 florins
1 gobelet dargent 60 florins
Total 2500 florins

Selon Mackay, lengouement manifesté pour les tulipes au début du XVIIe siècle va affecter toutes les classes de la société. « Toute la population, jusquà la lie des mortels, se lança dans le commerce de la tulipe »[3]. Un acte écrit de 1635 atteste de la vente de 40 bulbes pour une somme de 100.000 florins. Pour se faire une idée de ce que représente cette somme, il faut savoir quune tonne de beurre coûte alors environ 100 florins, quun ouvrier spécialisé peut gagner jusquà 150 florins par an, et que « huit porcs gras » reviennent à 240 florins[3]. Linstitut international d'histoire sociale estime quun florin vaut à lépoque léquivalent de 10,28 euros de 2002[35].

En 1636, observe Mackay, les tulipes se négocient sur le marché du change dans de nombreuses villes et bourgades néerlandaises. Cet état de fait encourage tous les membres de la société à se lancer dans le commerce de la tulipe ; Mackay raconte que des spéculateurs vendent ou échangent tous leurs bien pour jouer sur les cours de la tulipe; il donne lexemple dune promesse déchanger un terrain de 49.000 m2 contre un ou deux bulbes de Semper Augustus ; il cite également le cas dun bulbe unique de la variété Viceroi échangé contre un ensemble de marchandises évalué à 2.500 florins (voir tableau ci-contre)[34]. « Beaucoup de personnes devinrent riches du jour au lendemain. Un appât doré était tendu aux citoyens, et, lun après lautre, ils se précipitèrent sur le marché de la tulipe, comme des abeilles autour dun pot de miel. Chacun était persuadé que la folie des tulipes durerait toujours, que les riches du monde entier en importeraient des Pays-Bas et seraient prêts à payer nimporte quel prix. Les richesses dEurope afflueraient jusquaux rives du Zuyder Zee et la pauvreté disparaîtrait à jamais de sous le ciel néerlandais. Les nobles, les citoyens, les fermiers, les manœuvres, les matelots, les valets et les servantes, même les ramoneurs et les vieilles fripières voulaient leur part du marché de la tulipe[3]. »

Mackay reprend dans son récit un certain nombre danecdotes amusantes mais probablement apocryphes, comme celle du marin qui voulait croquer la tulipe dun marchand quil prenait pour un oignon : le marchand et sa famille retrouvèrent le matelot en train de « faire un petit-déjeuner dont le prix aurait pu suffire à nourrir léquipage pendant toute une année[3] ». En février 1637, explique Mackay, les vendeurs de tulipes ont du mal à trouver acquéreurs pour des oignons de tulipes qui atteignent des prix de plus en plus exorbitants. Ce fléchissement du marché se faisant sentir, la demande seffondre, entraînant la chute des prix. La bulle spéculative vient déclater. Les uns sont en devoir d'honorer des engagements dachat à des prix dix fois supérieurs à ceux du marché réel, les autres se retrouvent à la tête dun capital doignons de tulipes qui ne vaut plus quune fraction du prix quils ont déboursé pour lacquérir. Les Néerlandais ne savent plus à quel saint se vouer, chacun accuse lautre dêtre responsable de la catastrophe[3].

Selon Mackay, les spéculateurs aux abois se tournent alors vers le gouvernement des Provinces-Unies, qui déclare que toute personne ayant souscrit un contrat à terme peut le dénoncer en sacquittant dun paiement égal à 10 % du prix figurant sur le contrat. Les tentatives pour trouver des solutions qui satisferaient les intérêts de toutes les parties restent vaines. La folie des tulipes prend fin, explique Mackay, laissant les particuliers en possession des oignons de tulipes quils détenaient au moment de leffondrement des prix. Il ne se trouve aucun tribunal pour obliger les débiteurs à honorer leur dette car les juges assimilent les dettes spéculatives à des dettes de jeu dont la loi noblige pas le remboursement (d lexpression « wikt:dette dhonneur »)[3].

Toujours selon Mackay, la mode de la tulipe se répand dans dautres régions dEurope sans toutefois égaler la démesure quelle a connu aux Pays-Bas. Il affirme également que dans le sillage de la crise et de la chute des prix de la tulipe, les Pays-Bas connaissent une période de stagnation économique qui dure plusieurs années[3].

Renouvellement de lanalyse économique

Le phénomène fascina, et la légende sempara de lévénement, grossissant ses proportions et son impact réel sur léconomie des Pays-Bas de lépoque. Des recherches récentes tendent à réduire linfluence du phénomène et ses répercussions. Daprès Anne Goldgar, dans Tulipmania, la grande majorité des tubercules étaient vendus à terme, producteurs et acheteurs signant des promesses de vente plusieurs mois avant la floraison, et lorsque les prix se sont effondrés, les transactions finales nont tout simplement pas été effectuées, aucune autorité de lépoque ne forçant les spéculateurs à acheter au prix promis.

En réaction à la crise du marché de la tulipe, les députés dAmsterdam annulèrent tous les contrats signés. Les juges dAmsterdam déclarèrent également que la spéculation sur les bulbes de tulipe était un jeu de hasard et refusèrent dobliger les contractants à honorer leurs contrats[36].

En 2002, Earl A. Thompson et Jonathan Treussard, de luniversité de Californie, explorent une explication alternative dans The Tulipmania: Fact or Artifact?[37]. Selon eux, la hausse du prix de la tulipe nétait pas le fruit dune spéculation irrationnelle, mais la conséquence dun décret du parlement des Provinces-Unies qui transforma les contrats à terme sur les bulbes de tulipes en une transaction sans risque, en retirant la clause dobligation dachat du contrat.

La tulipomanie, un phénomène restreint

Lanalyse quavait faite Mackay des mécanismes de la crise commença à être contestée dans les années 1980 lorsque les chercheurs sintéressèrent de nouveau à cet épisode de lhistoire économique[38]. Les tenants de lhypothèse defficience du marché (ou HEM, due à Eugène Fama)[39] qui restent sceptiques quant à la réalité du phénomène de bulle spéculative en général, pensent après examen des faits que la vision de Mackay est incomplète et inexacte. En 2007, Anne Goldgar publie le résultat de ses travaux universitaires dans Tulipmania, elle défend la thèse que la spéculation na jamais été un phénomène de masse mais na concerné qu’« un petit nombre dindividus » et que la plupart des rapports dépoque se fondent sur « un ou deux textes de propagande contemporains et se citent copieusement les uns les autres. »[5] Peter Garber affirme que la spéculation n’« était quun passe-temps dhiver insignifiant, joué autour dune table par des gens hantés par la peste qui essayaient de se distraire en pariant sur un marché de la tulipe en pleine effervescence »[40].

Alors que Mackay tient que des gens de toutes classes sociales étaient impliqués dans le négoce des tulipes, Goldgar, sur la base dune étude des contrats conservés dans les archives, pense que même à leur paroxysme les échanges se faisaient uniquement entre négociants et artisans fortunés, sans liens avec la noblesse[41]. Les retombées économiques de la crise de la tulipe sont restées limitées. Goldgar a pu identifier un grand nombre des vendeurs et des acheteurs qui constituaient le marché ; elle na repéré quune demi douzaine dentre eux à avoir connu des problèmes financiers durant cette période, et encore ces difficultés nétaient-elles pas forcément liées aux tulipes[42]. Ceci na rien de surprenant. Si les prix étaient effectivement montés, aucune somme dargent liquide navait transité entre acheteurs et vendeurs. Les premiers navaient donc encore engrangé aucun bénéfice réel ; à part dans le cas un acheteur sétait endetté en escomptant un bénéfice spéculatif à long terme, la chute des cours ne fit perdre dargent à personne[43].

Explications de la hausse des prix par la logique des marchés

Les économistes modernes ont avancé plusieurs arguments possibles pour discréditer lhypothèse selon laquelle la montée et la chute rapide des prix serait lindice dune bulle spéculative[4]. Personne ne discute le fait que les prix se soient envolés avant de retomber en 1636-37, mais même une croissance et une chute spectaculaires des prix nimplique pas nécessairement quil y ait eu formation puis éclatement dune bulle. Pour que la tulipomanie puisse être qualifiée de bulle économique, il faudrait que le prix des oignons de tulipe se soit complètement écarté de leur valeur intrinsèque, alors que la hausse ne concerne que le marché à terme.

Une tulipe, connue sous le nom de « Vice-roi », dans un catalogue néerlandais de 1637. Le prix indiqué est de 3 à 4 200 florins.

Selon Thompson, la montée des prix au cours des années 1630 peut sexpliquer par une accalmie dans la guerre de Trente Ans[44]. À ses débuts, la hausse des prix ne fait selon lui quaccompagner la reprise de la demande de façon logique. Or, si les données chiffrées sur les ventes sont pratiquement inexistantes après la chute de février 1637, dautres données faisant le point sur le prix des plantes à bulbes après la crise montrent que le déclin des prix sest poursuivi sur les décennies suivantes.

Garber a comparé les données disponibles sur le cours des tulipes et celui des jacinthes au début du XIXe siècle, date à laquelle la jacinthe évince la tulipe et devient la plante dornement à la mode. Il a pu établir une courbe analogue dans lévolution des prix des deux plantes. Quand les jacinthes font leur apparition, les horticulteurs sévertuent à produire des variétés supérieures à celles de leurs concurrents en réponse à une forte demande. Mais les consommateurs se lassent peu à peu et le prix des jacinthes retombe. En trente ans, les plus belles variétés ne valent plus qu1 à 2 % de leur prix maximal[45]. Garber observe également quune « petite quantité de bulbes de variétés expérimentales de lys sest vendue récemment au prix dun million de florins néerlandais, soient 480 000 dollars US au taux de change de 1987.  » Pour lui, cet exemple prouve quon peut encore voir aujourdhui le prix dune fleur atteindre des sommes phénoménales[46]. La fluctuation des prix de la tulipe au début du XVIIe siècle obéit donc à un modèle que lon retrouve dans le marché dautres fleurs dornement.

Quant à lenvol des prix au moment de la crise de 1636-37, il serait à un autre facteur. En effet, comme la hausse des prix sest emballée après la mise en terre des bulbes de lannée, les horticulteurs néerlandais nont pas eu le temps daugmenter la production en réponse à laccroissement de la demande[47]. Loffre était inférieure à la demande, d linflation brutale des prix.

Rôle possible de la législation

Dans un article paru en 2007, Earl A. Thompson, professeur déconomie à luniversité de Californie, critique la thèse de Garber qui selon lui ne peut expliquer la chute dramatique des cours du marché à terme. Le taux de chute des cours annualisé est de 99,99 %, alors quil nest que de 40 % pour dautres plantes ornementales[48]. Thompson offre une autre explication pour lemballement des cours de la tulipe. Selon lui, à linstigation de citoyens néerlandais qui avaient perdu de largent après une défaite allemande pendant la guerre de Trente Ans, le parlement néerlandais envisageait de sortir un nouveau décret. Celui-ci aurait modifié la façon dont sappliquaient les contrats de vente de tulipes[49] :

«  Le 24 février 1637, la guilde indépendante des horticulteurs néerlandais annonça une décision qui devait être ratifiée par le parlement, décision selon laquelle tous les contrats conclus entre le 30 novembre 1636 et la réouverture du marché au comptant, en début de printemps, seraient désormais considérés comme des options dachat. Les acheteurs à terme ne seraient plus dans lobligation dacheter les futures tulipes, leur seule contrainte étant de dédommager les vendeurs en leur versant un petit pourcentage du prix stipulé sils venaient à se dédire[50] ».

Avant ce décret parlementaire, la personne qui avait souscrit un contrat dachat à terme de tulipe était tenue dhonorer ce contrat et de payer les bulbes de tulipes au vendeur. Le décret changeait la nature des contrats : si les cours chutaient, lacheteur pouvait choisir de renoncer à prendre possession du bulbe, moyennant le paiement dune somme forfaitaire, plutôt que de débourser le montant entier du prix conclu au moment du contrat. Cette évolution de la loi signifiait que, pour employer une terminologie contemporaine, les contrats à terme étaient transformés en options. La proposition fit lobjet dun débat dès lautomne 1636, et par conséquent, les spéculateurs ayant pensé qu'elle avait des chances de se concrétiser auraient acheté des bulbes entre l'automne 1636 et février 1637 à des prix très élevés, le risque de pertes étant considérablement amoindri si le décret était adopté. Cela expliquerait la forte hausse des prix sur cette période[50].

Le décret aurait permis à lacheteur de se dédire moyennant le paiement denviron 1/30e du prix contracté[50]. Ceci explique que les acheteurs aient alors souscrit des contrats de plus en plus onéreux; en effet, un acheteur pouvait souscrire un contrat de vente dune tulipe au prix de 100 ƒ. Si le cours grimpait pour dépasser les 100 ƒ, le spéculateur empochait la différence. Si le prix restait bas, il pouvait dénoncer le contrat pour seulement 3,5 ƒ. Un acheteur pouvait donc souscrire un contrat dachat de 100 ƒ et ne payer à terme que 3,5 ƒ. Au début de février 1637, les contrats à terme se jouent sur des sommes telles que les autorités des Pays-Bas doivent intervenir en mettant terme à la spéculation[51].

Thompson affirme que les ventes au comptant de tulipes sont restées à un niveau normal pendant toute cette période. Il en conclut que la « crise » a été une réaction naturelle au changement des obligations contractuelles du marché à terme[51]. Sur la base de données concernant la rentabilité spécifique des contrats à terme et des options, il défend la thèse que le cours des oignons de tulipe a suivi une évolution proche des modèles élaborés par les mathématiques financières. Selon lui, « Les prix des contrats de tulipe avant, pendant et après la crise semblent illustrer de façon exemplaire lhypothèse defficience du marché[52]. ».

Critiques de ces nouvelles vues

Dautres économistes, comme Charles Kindleberger pensent que ces éléments ne suffisent pas à justifier la montée soudaine et la non moins subite bascule des prix[53]. La théorie de Garber est également discutée au motif quelle ne rend pas compte de lexistence du même phénomène déclatement de bulle financière qui a affecté les ventes à terme doignons de tulipe ordinaires[54]. Certains économistes notent lexistence dautres facteurs qui créent les condition dune bulle spéculative, notamment une politique monétaire expansionniste (accroissement des réserves monétaires) dont témoigne lexplosion des réserves (plus de 42 %) de la Banque d'Amsterdam pendant la période demballement des prix[55].

Après la crise

La popularité du récit de Mackay sest maintenue jusquà nos jours, Extraordinary Popular Delusions étant régulièrement réédité avec des introductions dues à des plumes aussi fameuses que celle du financier Bernard Baruch (1932), ou dauteurs spécialisés dans la finance comme Andrew Tobias (1980)[56] et Michael Lewis (2008), ou encore celle du psychologue David J. Schneider (1993). Il en existe à lheure actuelle six éditions différentes disponibles chez les libraires.

Goldgar défend le point de vue selon lequel, même si la crise de la tulipe na pas atteint les proportions dune véritable bulle spéculative ou financière, elle nen constitue pas moins un traumatisme pour les Néerlandais, mais pour dautres raisons. « Même si la crise financière na touché que peu de personnes, elle a créé un choc considérable. Tout un système de valeurs sest trouvé remis en question[57]. » Au XVIIe siècle, il paraît inconcevable à la majorité des gens quun produit aussi dérisoire quune fleur puisse jamais atteindre un prix supérieur à leur salaire annuel. La révélation que le prix dune fleur dété pouvait fluctuer aussi violemment en hiver brouille complètement le sens du mot « valeur »[58].

Un grand nombre des sources qui sétendent complaisamment sur les affres de la crise, comme les pamphlets anti-spéculation cités ensuite par Beckman et Mackay, ont fourni les données qui ont servi à évaluer lampleur des dégâts infligés à léconomie néerlandaise. Or ces pamphlets nont pas été rédigés par les victimes de la crise, mais par des auteurs qui ont exploité la situation à des fins de propagande religieuse. La crise est décrite comme une perversion de lordre moral, la preuve que « se concentrer sur la fleur terrestre et méconnaître la fleur céleste pouvait avoir des conséquences catastrophiques[59]. » Il est donc possible quune péripétie relativement anecdotique soit devenue un conte moral, incorporant des éléments qui seraient qualifiés aujourdhui de légende urbaine.

Près dun siècle plus tard, après le krach de la compagnie du Mississippi, ou celui de la South Sea Company (vers 1720), il est encore fait mention de la crise de la tulipe dans les satires dépoque[60]. Lorsque Johann Beckmann écrit sur la crise de la tulipe dans les années 1780, il la compare à la faillite des loteries de son époque[61]. Golgar observe que même des livres populaires sur les marchés financiers tels que A Random Walk Down Wall Street (En descendant Wall Street à laventure), de Burton Malkiel, qui date de 1973, ou A Short History of Financial Euphoria (Petite histoire de leuphorie financière) de John Kenneth Galbraith parue en 1990, peu de temps après le krach d'octobre 1987, se servent de la crise de la tulipe comme exemplum[62],[63],[64]. Lanthropologue Jack Goody y fait encore référence dans son ouvrage La Culture des fleurs[65].

La crise de 1637 redevient une référence à la mode au moment de la bulle Internet entre 1995 et 2001 [66]. Plus récemment, des journalistes lont mise en parallèle avec la crise des subprimes[67],[68]. Malgré la popularité durable de la « crise de la tulipe », Daniel Gross de Slate dit en citant les économistes qui proposent une relecture de lépisode : « Sils ont raison, alors les auteurs spécialisés dans la finance vont devoir retirer la crise de la tulipe de leur stock danalogies toutes faites[69]. »

La crise de la tulipe dans les arts

Quelques exemples dans la peinture

Vanitas, Jacob de Gheyn, 1603

Selon un travail de recherche inédit présenté à luniversité de Lausanne, lÉglise condamne fermement la spéculation en 1636[70], autant pour prévenir une crise économique que par souci éthique, les industries somptuaires étant découragées dans la société calviniste[70]. En effet, si lenvol extravagant des prix irrite les horticulteurs[50], il heurte aussi les sensibilités. Dans la culture de lépoque, comme le montre le terme de Windhandel[71], la tulipomanie apparaît à la fois comme une menace économique et une folie qui doit nécessairement aboutir à la catastrophe. Les peintures du siècle dor naissant sinscrivent dans la tradition humaniste satirique de la Folie[72] et des Vanités[73]. Le thème de la Vanité sappuyait particulièrement sur lEcclésiaste[74] et celui de la caducité des choses sur le Livre des Psaumes[75].

On ne sétonnera donc pas de la place quoccupe la tulipe dans les natures mortes hollandaises et flamandes du début du XVIIe siècle, traitées comme des Vanités[76]. Dabord simple curiosité pour les botanistes au début du siècle auxquelles sont destinées les planches illustrées[11], la tulipe devient un sujet à la mode[77] pour les peintres, les tableaux la représentant étant une alternative durable aux fleurs périssables[76]. La tulipe sajoute alors à la liste dobjets qui symbolisent à la fois la caducité, comme les fleurs et le crâne, mais en raison de lenvol des cours elle peut également signifier la vanité du luxe, comme les bijoux ou les bibelots rares[73],[76]. La chute brutale des cours en 1637 ne fait que conforter cette symbolique[76].

Si la rose représente souvent la vanité de la beauté éphémère (Mignonne allons voir si la rose), la tulipe prend donc d'autres significations dans l'art. Dans la Vanité ci-contre de Jacob de Gheyn, peinte en 1603, la tulipe est associée à la fortune et lostentation des richesses, symbolisées par les pièces dor espagnoles abandonnées sur le rebord de la niche par leur propriétaire[78] (riche négociant ou changeur ?) dont il ne reste que le crâne. Lœuvre précède la crise, mais la tulipe dénote déjà lobjet rare, précieux, essentiellement périssable[78]. Une inscription en haut de la niche porte les mots Vita Humana (« vie humaine »), ici résumée à la recherche des vanités. Les figures des philosophes[78] sculptés dans la partie supérieure du tableau de part et dautre de la niche, tendent le doigt vers la bulle transparente qui représente le monde trompeur des apparences (le reflet) et donc la folie des hommes[78].

En 1635, deux ans avant la crise, le peintre Jacob Marrel se représente devant son chevalet en train de peindre un bouquet de fleurs triomphe une tulipe. Mais en 1637, il peint une Vanité qui représente une niche un bouquet semblable, un violon, un recueil de musique et de menus objets du quotidien voisinent avec un crâne, tandis quun angelot de pierre souffle des bulles de savon ironiques[79].

Le triomphe de Flore dans le char de la Fortune, vers 1640.

En 1640, Hendrick Pot se moque de la crise dans un tableau allégorique, Char des fous de Flore[80]. Flora, déesse des fleurs, est assise sur un char poussé par le vent (symbole de la légèreté et de linconstance), les bras remplis de tulipes. Ses compagnons, qui portent le capuchon des fous (ou des sots) orné de tulipes, sont un alcoolique (allusion aux tavernes se négociaient les effets, lieux de débauche et de jeux dargent) et deux hommes (sans doute le Gaergoedt des pamphlets, ou lAvarice, et la fraude) prenant largent des naïfs qui va gonfler une bourse déjà bien remplie (représentant littéralement l’« appât du gain »). Le char est conduit par une femme aux deux visages, allégorie polysémique de la fausseté et du mensonge, de lavant et de laprès, et, ironiquement, de la prudence; cest aussi la fortune aux deux visages, souriant un jour aux fous et le lendemain leur faisant grise mine. Le char est suivi par des tisserands en goguette (les acheteurs irréfléchis, qui se ruinent en échangeant le fruit de leurs labeurs contre du vent). Le char de la Fortune qui passe au premier plan a pour linstant le vent en poupe, mais on voit au second plan un char identique voguer sur les flots cette fois en luttant contre des vents contraires[81]. Le motif de lhorloge est comme dans les vanités lemblème du temps qui passe et que lon ne peut racheter si on la gaspillé en vaines poursuites. Ce tableau est à rapprocher de la Nef des fous ou du Char de foin de Jérôme Bosch au musée du Prado. Le tableau de Pot, comme celui de Gheyn, insiste sur le thème du vent, allusion à lEcclésiaste : Gheyn peint la légère fumée qui sélève du gobelet dargent placé symétriquement à la tulipe dans sa Vanité, et Pot peint une fumée noire qui sexhale de la bouche de la figure de proue du char de la Fortune dans le second tableau. Tout part en une fumée emportée par le vent. Les spectateurs auraient identifié sans peine les codes dune scène qui sinscrit dans la tradition des soties, mais aussi du carnaval et de la fête des fous[82].

Au même moment, Jan Bruegel le Jeune peint une Satire de la tulipomanie lon voit une société de singes plantant, récoltant, vendant des tulipes, comptant leur argent, passant en jugement pour défaut de paiement, finissant au pilori ou même au cimetière[83]. On doit aussi à Jan Bruegel le jeune un Panier de fleurs dans le style des compositions florales de son père, d pendent tristement des tulipes à longue tige, tombées comme Icare pour avoir voulu sélever trop haut[84]. Se greffant sur le thème traditionnel de la Chute dAdam et Ève, mais aussi sur celui des vicissitudes de la roue de la Fortune, la débâcle annoncée de 1637 (« LOrgueil » dit la Bible que les calvinistes sont tenus de lire, « précède la chute »[85]) se coule naturellement dans le moule de récits archétypaux qui peuvent expliquer sa popularité en tant quexemplum.

Philippe de Champaigne, Vanitas, ou Allégorie de la vie humaine, 1646, musée de Tessé, Le Mans

Cependant la crise de la tulipe naffecte pas le genre de la nature morte, elle continue à simposer longtemps après 1637, avec des variétés toujours nouvelles et plus somptueuses, reflétant le succès commercial de cette fleur et lengouement durable quelle suscite chez les amateurs. Ce succès ne sest jamais démenti et fait delle encore aujourdhui un des fleurons de lhorticulture néerlandaise.

Lorsque le flamand Philippe de Champaigne peint la Vanité ci-contre à laustérité toute janséniste en 1646, il na besoin que de trois objets pour résumer la vie humaine : tout est dit avec le crâne (memento mori), le sablier qui marque la fuite du temps et la tulipe flammée dans un vase bulle. Neuf ans après la crise de la tulipe, la fleur, ici une variété panachée précieuse, reste pour ses contemporains une métonymie riche de sens, qui évoque nécessairement lorgueil, la chute et la vanité des entreprises humaines[86].

La tulipomanie dans la littérature

Tulipe noire

En 1688, lorsque Jean de la Bruyère mentionne lamateur de tulipes dans les Caractères au chapitre « De la mode », il ne mentionne nullement la tulipomanie comme un phénomène économique de masse, mais comme une mode qui fait des victimes chez les fous[87]. De même lorsquAlexandre Dumas et Auguste Maquet rédigent La Tulipe noire (1850) ils en situent laction en 1672, lannée de laccession de Guillaume dOrange au poste de Stathouder des Provinces-Unies, trente-cinq ans donc après la crise de la tulipe. Le héros du roman, comme le personnage de La Bruyère, consacre tous ses efforts à créer une tulipe noire, symbole de limpossible rêve, surveillé de près, mais en secret, par un rival qui convoite la fleur précieuse. De la tulipomanie, Dumas na conservé que lidée dune quête obsessionnelle de la fleur rare et unique et de lappât du gain quelle peut susciter.

À la fin des années 1980, le livre de Simon Schama, LEmbarras de richesses, produit un regain dintérêt durable pour le siècle dor néerlandais en dehors dun public de spécialistes. Des romanciers tels que Gregory Maguire (Confessions of an Ugly Stepsister : Les Confessions dune des méchantes belles-sœurs, 1999[88],[89]) ou Deborah Moggach (Tulip Fever : La Fièvre de la tulipe[90]) et plus récemment Olivier Bleys[91] (Semper Augustus) semparent de cet épisode haut en couleurs et utilisent la folie de la tulipe comme ressort dramatique. Laction du roman dOlivier Bleys commence au moment la spéculation sur la tulipe commence à semballer, miroir aux alouettes le héros va se faire prendre. Les détails de la crise correspondent au tableau brossé par McKay et la chute des prix résulte, comme chez cet auteur, de lintervention des autorités. Selon un critique, le roman dOlivier Bleys est « est inspiré de Max Weber, ce sociologue qui pointa la naissance du capitalisme moderne »[92].

La tulipomanie dans la culture populaire

Léditeur anglais JKLM Games a publié en 2008 le jeu de société Tulipmania inspiré de cet épisode historique.

Bibliographie

  • (en) Robert J. Shiller, Irrational Exuberance, Princeton University Press, Princeton, 2005 (ISBN 0691123357)  ;
  • traduction française Robert J. Shiller, Exubérance Irrationnelle, Valor, Paris (ISBN 978-2909356211)  ;
  • (en) Charles Mackay, Memoirs of Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds, Wilder Publications, 2008 (ISBN 978-1604594416)  ;
  • (en) Charles P. Kindleberger et Robert Aliber, Manias, Panics, and Crashes: A History of Financial Crises (5th ed.), John Wiley & Sons, Hoboken, New Jersey, 2005 (ISBN 978-0-471-46714-4) 
    • La 4e édition de cet ouvrage est disponible en français : Charles P. Kindleberger, Histoire des crises financières (4e édition), Valor, Paris, 2005 (ISBN 978-2909356228) 
  • (en) Peter M. Garber, « Tulipmania », dans Journal of Political Economy, vol97, no 3, 1989, p. 535-560 [1942889 (abonnés seulement) texte intégral (page consultée le 15 août 2008)]  ;
  • (en) Peter M. Garber, Famous First Bubbles (Célèbres bulles spéculatives de lhistoire), MIT Press, Cambridge, 2000, 3554 p.  ;
  • (en) Anne Goldgar, Tulipmania: Money, Honor, and Knowledge in the Dutch Golden Age, University of Chicago Press, Chicago, 2007 (ISBN 978-0-226-30125-9)  ;
  • (en) Mike Dash, Tulipomania: The Story of the Worlds Most Coveted Flower and the Extraordinary Passions It Aroused (La Tulipomanie, histoire de la fleur la plus convoitée et des passions extraordinaires quelle a suscitées), Gollancz, Londres, 1999 (ISBN 0-575-06723-3)  ;
  • (en) Earl Thompson, « The tulipmania: Fact or artifact? (La tulipomanie, vérité ou fabrication ?) », dans Public Choice, vol130, no 12, 2007, p. 99114 [[pdf] texte intégral lien DOI (pages consultées le 15 août 2008)]  ;
  • Alain Tapié, Le sens caché des fleurs dans la peinture au XVIIe siècle, in Symbolique et botanique, Musée des Beaux-Arts de Caen, Caen, 1987.
    Catalogue de lexposition.
     
  • Alain Tapié, Les Vanités dans la peinture au XVIIe siècle : méditation sur la richesse, le dénuement et la rédemption, Musée des Beaux-Arts de Caen ; musée du Petit-Palais à Paris, Caen - Paris, 1990 (réimpr1991).
    Catalogue de lexposition.
     
  • Anna Pavord (2001). La Tulipe, Actes Sud (Arles: 439 p. (ISBN 978-2-7427-2913-5)

Références

  • (en) Cet article est partiellement ou en totalité issu dune traduction de larticle de Wikipédia en anglais intitulé « Tulip mania ».
  1. Shiller, 2005, p.85. Aux pages 247-248, lauteur étudie plus en détail la question du statut de cette crise comme premier exemple de bulle spéculative de lhistoire.
  2. Que lon pourrait traduire par Les Illusions extraordinaires de lopinion et la folie collective.
  3. a, b, c, d, e, f, g et h The Tulipomania, chapitre 3, Mackay, 1841
  4. a et b Thompson, 2007, p.100
  5. a et b Simon Kuper, Petal Power (critique de Goldgar parue dans le Financial Times, 12 mai 2007. Consulté le 1er juillet 2008.
  6. Pamphlet sur la tulipomanie néerlandaise bibliothèque digitale Wageningen 14 juillet 2006. Consulté le 13 août 2008.
  7. a, b, c, d, e, f, g, h, i et j Hans-Jorg-Rheinberger, « Vision, A Thousand Flowers », 1998, Max Planck Institut für Wissenschaftgeschichte. Consulté le 12 novembre 2008
  8. Dash, 1999, p.5960
  9. a et b Charles de LÉcluse, Rariorum aliquot stirpium, per Pannoniam, Austriam, & vicinas quasdam provincias observatarum historia (Histoire de quelques espèces de plantes rares observées en Pannonie, en Autriche et dans les provinces voisines), imprimé chez Christophe Plantin en 1583
  10. Busbecquius, A.G., 1589: Legationis Turcicae epistolae quator. Vier brieven over het gezantschap naar. Turkije, (édité par Z. von Martels), Hilversum 1994. Four epistles of A.G. Busbecquius, concerning his embassy into Turkey (Londres, 1676 ; édition néerlandaise 1662, exemplaire disponible à la bibliothèque UR de Wageningen)
  11. a, b, c, d, e, f, g, h et i Liesbeth Missel, curateur de la bibliothèque Wageningen UR, « Sources on the Dutch tulip history », pages consultées le 6 novembre 2008
  12. Goldgar, 2007, p.32
  13. Dash, 1999, p.66
  14. S. Philipps, « Phytovirus en ligne : description et catalogue de la base de données VIDE », 20 août 1996. Consulté le 15 août 2008
  15. Garber, 1989, p.542
  16. Dash, 1999, p.10607
  17. Garber, 2000, p.41
  18. Madrid, musée du Prado
  19. Vancouver art gallery, « Roland Savery (Untitled) Flowers in a Vase (Vase de fleurs), 1615 »
  20. Voir notamment la page Les Tulipes dans lart sur Wikipedia Commons
  21. (en) John Parkinson, Paradisi in Sole Paradisus Terrestris : Or A Garden of All Sorts of Pleasant Flowers which our English Ayre will Permitt to be Noursed Vp. With a Kitchen Garden of All Manner of Herbes, Rootes, & Fruites, for Meate or Sause Vsed with Vs, and an Orchard of All Sorte of Fruitbearing Trees and Shrubbes Fit for Our Land. Together with the Right Orderinge, Planting & Preserving of Them and Their Uses and Vertues Collected by Iohn Parkinson Apothecary of London, Humfrey Lownes et Robert Young à lenseigne de létoile sur Bread-Street Hill, Londres, 1635 
  22. Thompson, 2007, p.10911
  23. a et b Garber, 1989, p.54142
  24. Garber, 1989, p.537
  25. Garber, 2000, p.3336
  26. Garber, 1989, p.543
  27. Par exemple : (nl) Eerste tsamen-spraeck, tusschen Waermondt ende Gaergoedt, nopende de opkomste ende ondergang van flora, Cornelis Danckaertsz. 
  28. Garber 2000, p. 4959 et 138144
  29. a, b, c et d Jacques Marseille, « Les grandes crises et ce quelles nous ont appris : Laffaire des tulipes hollandaises, première folie spéculative de lhistoire », dans Capital « Hors série », no 3, mai 2007, p. 71 (ISSN 1162-6704) .
  30. Goldgar, 2007, p.322
  31. Garber, 1989, p.54344
  32. Garber, 2000, p. 3738, 4447
  33. a et b Garber, 1990, p.37
  34. a et b Au chapitre III de son ouvrage (1841) Mackay affirme que cet ensemble de marchandises aurait bien été échangé contre un bulbe de tulipe (Mackay, 1841), information reprise par Simon Schama (LEmbarras de richesses) en 1987, mais Krelage (1942) et Garber (2000), p. 8183 critiquent cette interprétation de la source primaire, un pamphlet anonyme ; ils pensent que lauteur na dressé ce catalogue des prix et des biens qui y figurent que pour donner aux lecteurs une base de comparaison afin quils se fassent une idée de la valeur du florin.
  35. Goldgar, 2007 p. 323
  36. (en) Tulip Bulb Mania sur Stock Market Crash!. Consulté le 10 mai 2008
  37. Earl A. Thompson et Jonathan Treussard, « The Tulipmania: Fact or Artifact?' », 31 décembre 2002. Consulté le 10 mai 2008
  38. Garber, 1989, p.535
  39. Kindleberger, 2005, p.115
  40. Garber, 2000, p.81
  41. Goldgar, 2007, p. 141
  42. Goldgar, 2007, p. 24748
  43. Goldgar, 2007, p. 233
  44. Thompson, 2007, p.103
  45. Garber, 1989, p. 55354
  46. Garber, 1989, p.555
  47. Garber, 1989, p.55556
  48. Thompson, 2007, p. 100
  49. Thompson, 2007, p.10304
  50. a, b, c et d Thompson, 2007, p.101
  51. a et b Thompson, 2007, p.111
  52. Thompson, 2007, p.109
  53. Kindleberger, Aliber, 2005, p. 11516
  54. French, 2006, p.3
  55. French, 2006,p.1112
  56. (en) Introduction by Andrew Tobias to Extraordinary Popular Delusions and the Madness of Crowds (New York: Harmony Press, 1980) disponible en ligne Andrew Tobias, De largent et dautres thèmes, page consultée le 12 août 2008
  57. Goldgar, 2007, p.18
  58. Goldgar, 2007, p. 27677
  59. Goldgar, 2007, p.26061
  60. Goldgar, 2007, p.30709
  61. Goldgar, 2007, p.313
  62. Goldgar, 2007, p.314
  63. Galbraith, 1990, p.34
  64. Malkiel, 2007, p.3538
  65. Jack Goody, La Culture des fleurs, Paris, Seuil, 1994, p. 215-6 (Édition originale, The Culture of Flowers, Cambridge, Cambridge University Press, 1993)
  66. Goldgar, 2007, p.314
  67. The Washington Post, « Bubble and Bust; As the subprime mortgage market tanks, policymakers must keep their nerve », 2007, page consultée le 17 juillet 2008
  68. Horton, Scott. La Bulle éclate, Harper's Magazine, 27 janvier 2008; page consultée le 17 juillet 2008
  69. Daniel Gross. Les Problèmes de la bulle des bulbes : cette bulle des tulipes hollandaises nétait peut-être pas aussi folle que cela, Slate, 16 juillet 2004 page consultée le 22 juillet 2008
  70. a et b Toni Beutler, Aldric Petit et Pierre Stadelmann, « Histoire économique des Pays-Bas : Les Provinces Unies », mai 2003, HEC Lausance. Consulté le 25 février 2009.
  71. Goldgar, 2007, p.322
  72. Voir dans la littérature Sébastien Brant et Thomas More, en peinture Jérôme Bosch et Pieter Bruegel l'Ancien, au théâtre les Soties
  73. a et b (en) Vanitas and Transience (Vanité et caducité), Rijksmuseum, Amsterdam. Consulté le 10 novembre 2008
  74. ec 1,2, ec 2,5, mais aussi des passages tels que « sorti nu du sein de sa mère, [l'homme] sen va tel quil est venu [..] Quel profit lui revient-il davoir travaillé pour le vent ? » ec 5,15
  75. ps 103,15
  76. a, b, c et d (en) Introduction à lexposition Flowers (Fleurs), 8 décembre 200527 février 2006, « Tulips, roses and hyacinths at the Rijksmuseum Schiphol Amsterdam », 2005, Rijksmuseum (Amsterdam). Consulté le 10 novembre 2008
  77. Le musée Boijmans van Beuningen de Rotterdam possède même des carreaux de faïence représentant des variétés rares et chères de tulipes, probablement copiées à partir des herbiers peints des botanistes cartel du musée, « Tulip tiles, anonymous, Netherland c. 1640 (Carreaux avec tulipes, anonyme, Pays-Bas vers 1640) », page consultée le 10 novembre 2008
  78. a, b, c et d Voir le cartel du tableau sur le site du Metropolitan Museum of Art de New York : In Heilbrunn Timeline of Art History. New York: The Metropolitan Museum of Art, « Jacques de Gheyn the Elder: Vanitas Still Life (1974.1) (Nature morte au crâne) », octobre 2006, page consultée le 10 novembre 2008
  79. Reproduction visible sur le site de la Staatliche Kunsthalle Karlsruhe en suivant ce lien
  80. Château Royal de Quierzy, « LArt des jardins de lantiquité à nos jours »
  81. Ecclésiaste I, vi, « Le vent se dirige vers le midi, tourne vers le nord ; puis il tourne encore, et reprend les mêmes circuits. » (trad. Louis Segond).
  82. Pour la symbolique du fou dans le carnaval, voir Jacques Heers, Fête des fous et carnaval, ISBN 2-01-278828-9
  83. Frans Hals Museum - Collections / Paintings / Highlights, page consultée le 6 novembre 2008
  84. The Metropolitan Museum of Art
  85. Spr 16,18
  86. Pour la tulipe flammée comme symbole du luxe à lépoque baroque voir Rijksmuseum, Amsterdam, « Still-life with flowers (Nature morte aux fleurs) »
  87. « Le fleuriste a un jardin dans un faubourg: il y court au lever du soleil, et il en revient à son coucher. Vous le voyez planté, et qui a pris racine au milieu de ses tulipes et devant la Solitaire: il ouvre de grands yeux, il frotte ses mains, il se baisse, il la voit de plus près, il ne la jamais vue si belle, il a le cœur épanoui de joie; il la quitte pour lOrientale, de il va à la Veuve, il passe au Drap dor, de celle-ci à lAgathe, d il revient enfin à la Solitaire, il se fixe, il se lasse, il sassit, il oublie de dîner [..] »
  88. Maguire, HarperCollins, 1999
  89. Goldgar, 2007, p.329
  90. William Heinemann le 6 mai 1999 (ISBN 043400779X).
  91. Olivier Bleys, Semper Augustus, Gallimard, Paris 
  92. Gilles Heuré, « Olivier Bleys. Semper Augustus ; Dites-le avec des florins », dans Telerama, no 3001, 21 juillet 2007 
Bon article
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  • Tulip mania — A tulip, known as the Viceroy , displayed in a 1637 Dutch catalog. Its bulb cost between 3000 and 4200 florins depending on size. A skilled craftsman at the time earned about 300 florins a year.[1] Tulip mania or tulipomania (Dutch names include …   Wikipedia

  • Tulpenmanie — Broschüre von der Tulpenmanie in den Niederlanden, gedruckt 1637 …   Deutsch Wikipedia

  • Tulipa — «Tulipán» redirige aquí. Para otra planta llamada del mismo modo, véase Primula veris. Para la canción de Amaia Montero, véase Tulipán (canción) …   Wikipedia Español

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