Tributylétain

Tributylétain
Tributylétain
Tributylétain
Tributylétain
Général
No CAS 688-73-3
No EINECS 211-704-4
PubChem 3032732
SMILES
InChI
Apparence liquide incolore à jaune
Propriétés chimiques
Formule brute C12H28Sn  [Isomères]
Masse molaire[1] 291,061 ± 0,019 g·mol-1
C 49,52 %, H 9,7 %, Sn 40,79 %,
Propriétés physiques
T° ébullition 80 °C (0,4 mmHg)
Solubilité réagit avec l'eau
Masse volumique 1.082
Point d’éclair 40 °C
Propriétés optiques
Indice de réfraction 1.472-1.474
Précautions
Directive 67/548/EEC
Toxique
T
Dangereux pour l’environnement
N
Phrases R : 10, 15, 21, 25, 36/38, 48/23/25, 50/53,
Phrases S : 35, 36/37/39, 45, 60, 61,
Transport
66
   2788   
NFPA 704

Symbole NFPA 704

 
Composés apparentés
Autres composés Hydrure de tributylétain
Unités du SI & CNTP, sauf indication contraire.

Le tributylétain (ou TBT) est un composé organo-stannique (stannane) de formule chimique (n-C4H9)3Sn-H. C'est aussi le composé parent de la famille de composés de formule (n-C4H9)3Sn-XX est un anion, où X est un groupement anionique de charge unitaire.

Le TBT est un puissant biocide, toxique pour les végétaux et d'autres organismes, utilisé pour cette raison comme pesticide et dans les antifoulings dès les années 60 mais surtout dans les années 70 avec l'explosion de la construction navale et de la plaisance.

Il s'est avéré être aussi un leurre hormonal capable à faible doses de masculiniser les femelles de certaines espèces aquatiques, et on peut craindre des effets similaires sur d'autres espèces, dont l'Homme. De nombreuses alternatives sont testées ou vendues, mais rares sont celles qui ne semblent pas poser de problèmes d'environnement ou de santé.

C'est un des polluants de l’annexe 2 de la stratégie de l’OSPAR. Comme le plomb, il a été interdit dans les peintures qui en contenaient 20 % à la fin des années 1980 et qui en Europe n'en contiennent théoriquement plus[2].

Sommaire

usages

On en a tiré les dérivés industriels suivants :

  • Oxyde de tributylétain (TBTO),
  • Benzoate de tributylétain (TBTB),
  • Linoléate de tributylétain (TBTL),
  • Méthacrylate de tributylétain (TBTM),
  • Fluorure de tributylétain (TBTF),
  • Chlorure de tributylétain (TBTCl),
  • Phosphate de tributylétain
  • Naphténate de tributylétain (TBTN).

Règlementation

La France (avec un décret en 1981 puis un arrêté du 19 janvier 1982) a été le premier pays à limiter l'emploi du TBT toxique dans les antifoulings (peintures dites « antisalissure »[3]. Elle l'a fait pour protéger l’exploitation de coquilles Saint-Jacques, des moules et surtout des huîtres qui dès 1975, paraissaient affectées par ce produit sur certaines zones du littoral atlantique. Le lien avec le TBT n'a été vraiment scientifiquement prouvé que dans les années 80, notamment dans le bassin d'Arcachon. La chute de production de coquillage a été de 15 000 T à 3000T, avec chez l'huître une déformation de la chambre (« Chambrage »), une inhibition complète de la fécondation à partir d'environ 100g/L, des anomalie de développement des embryons et larves à partir d'environ 2g/L, et des perturbation de la croissance larvaire dès 20 nanogrammes par litre. Chez les gastéropodes (le plus étudié a été), un « Imposex » était constaté à très faible dose[3].

Après la France, et avant l'interdiction par l'OMI, le TBT a été partiellement ou totalement interdit dans les antifouling au Royaume-Uni(1987), aux États-Unis (1988), en Nouvelle-Zélande (1988), Australie (1989) et Norvège (1989) ainsi que dans d'autres pays[4].

Processus d'interdiction

En 1982, la France a la première interdit l'emploi du TBT sur les bateaux, mais uniquement pour les coques de moins de 25 m de long. En novembre 1999, une résolution de l’OMI (A.895) a été proposée et adopté le 5 octobre 2001, interdisant les peintures antifouling à base d’étain à compter du 1er janvier 2003. Leur présence sur la coque d’un navire sera interdite dès 2008.Ses molécules de dégradation et métabolites (dont l'étain qui n'est pas dégradable) persisteront néanmoins longtemps dans les sédiments des ports et sur les sites d'immersion de boues de dragage et à leur aval suite aux remises en suspension le cas échéant.

En 2005, selon l'INERIS[5], du tributylétain pourrait encore servir

  • comme antifongique (anti-moisissure) dans l’industrie du papier, du cuir et du textile et dans les circuits de refroidissement ;
  • comme désinfectant et biocide dans les tours de réfrigération et les centrales électriques, en milieu hospitalier, etc.
  • comme répulsif pour rongeurs ;
  • comme anti-parasitaire dans la brasserie et la maçonnerie.
  • comme biocide certains produits grands publics (oreillers anti-allergéniques, aérosols pour les pieds,
  • comme biocide pour des fibres textiles,
  • comme catalyseur dont des traces pourraient subsister dans le cuir, le polyuréthane, le polyacrylate)
  • Comme élément dans des produits pharmaceutiques (RPA, 2003) ou certaines mousses polyuréthanes. L’Agence Danoise de l’Environnement a détecté du TBT (à des taux de l’ordre du mg/kg) dans des produits de grande consommation en PVC[6], qui pourraient être des impuretés de composés organostanniques (MBT, DBT) utilisés comme additifs stabilisants du PVC.

En France, dans le bassin Adour-Garonne, une augmentation ponctuelle (dans l'espace et le temps) des taux de TBT (> 10 ng/l) a été mesurée dans l'eau en aval des stations d’épuration.

Cinétique et comportement dans l'environnement[7]

Il est soluble dans l'eau de mer, dans laquelle il se dissout sous forme d’hydroxydes de carbonates ou de chlorures. Il est mal adsorbé sur les matières en suspension (5 % max). Il se dégrade sous l'action de la lumière et de certains microbes, mais de nombreux organismes ont le temps de l'ingérer avant qu'il ne disparaisse de l'environnement.

En eau douce (canaux, rivières, lacs..), il est au contraire fortement adsorbé sur des matières en suspension, d'où des contaminations importantes des sédiments jusqu’à 1 000 fois plus importantes (jusqu'au mg/kg) que dans la colonne d’eau (en µg/l).

Sa demi-vie en eau douce varie de 360 à 775 jours dans les sédiments de surface, et de 10 ans voire plus en condition anaérobie.

Produits de dégradation

Le tributylétain se dégrade en libérant du dibutylétain (DBT) et du monobutylétain (MBT), également toxiques, mais moins que ne l'est le TBT.

Toxicologie

Cinétique environnementale

le TBT est perdu dans l'environnement marin en grande quantité par les peintures antisalissure, et il est bioaccumulable, notamment par les organismes filtreurs.

Il peut être dégradé, par photolyse[8] (dans la partie de la colonne d'eau exposée à la lumière, et sur l'estran, très exposé aux UV à marée basse. Il peut aussi être dégradé par des micro-organismes (biodégradation)[8]. Il donne alors deux molécules de dégradation réputés moins toxiques que lui ; le dibutylétain et le monobutylétain[8].

La demi-vie de la molécule de TBT varie de quelques jours (au soleil, en milieu agité et oxygéné) à quelques semaines dans la colonne d'eau. Sa décomposition est par contre beaucoup plus lente quand il a été accumulé par des sédiments[8], en particulier si ces derniers sont anoxiques[8], ce qui est très fréquent dans les estuaires et dans les ports ; Sa demie vie est alors de plusieurs années, ce qui laisse penser que les zones portuaires fermées, de chantiers navals, et de carénage, ou autres zones très polluées ne s'épureront que lentement, comme le confirment les mesures faites depuis son interdiction dans la plupart des antifoulings.

Écotoxicologie

Sa toxicité pour l'environnement et certains organismes n'a fait l'objet d'inquiétudes qu'au milieu des années 1970.

On a d'abord constaté qu'un petit escargot marin, le pourpre de l'Atlantique femelle (Nucella lapillus) s'avérait sensible à des concentrations infimes de TBT (un demi-nanogramme (ng) par litre, suffisantes pour faire apparaître un pénis chez la femelle de cet animal, lequel finit par bloquer l'oviducte, bloquant la reproduction de l'espèce, provoquant en quelques années des diminutions brutales de population, voire des extinctions locales[8]. Ce phénomène baptisé « imposex » (pour imposition des caractéristiques physiologiques sexuelles mâles sur les femelles d'une même espèce) est l'un des effets de polluants dits perturbateurs endocriniens a ensuite été constaté chez plus de 70 espèces de gastéropodes marins de par le monde[8].

On a aussi constaté que les huîtres qui l'accumulaient se déformaient (formation de chambres se remplissant d'une substance mucilagineuse translucide dans la coquille) et à forte dose mourraient, en raison d'interactions du produit avec le métabolisme du calcium chez l'huître[8].

Comme le montre la contamination des espèces du sommet de la pyramide alimentaire, tout le réseau trophique est concerné. Le TBT est bioconcentré plus vite qu'il ne se dégrade. On le retrouve notamment chez les grands et petits cétacés vivant dans les eaux des États-Unis, de l'Asie du sud-est, comme en Mer adriatique et en Mer noire[8].

Aux doses où il et trouvé, il diminue la résistance immunitaire des animaux, dont les poissons et en particulier les poissons plats qui en contiennent plus, notamment sur les sédiments vaseux à proximité des ports et estuaires [8].
Et il reste extrêmement toxique enfoui dans les sédiments d'où il peut être extrait par les animaux fouisseurs, ou remis en suspension lors des curages ou clappages en mer, ou dans les turbulences provoquées par les hélices de navires, ou encore lors d'opération de chalutage.

Des effets importants sur la démographie des populations de divers organismes sont observés dès 40 ng par gramme de poids sec.

Détection

les moyens d'analyses physicochimiques classiques restent couteux (plus de 150 euros l'analyse). Ce coût pourrait être divisé par 10, par exemple au moyen d'essais bactérien[3].

Liens externes

Pour en savoir plus

  • Rapport OMS, Concise International Chemical Assessment Document 14 TRIBUTYLTIN OXIDE, 1999
  • 11èmes journées de la médecine des Gens de mer, organisé avec le Ministère de l'Écologie et du Développement durable.
  • Revue Medicina Maritima qui a produit plusieurs articles dont « Risques toxicologiques à bord des navires » décembre 2004.
  • Fiche d'identité : (de) Laboratoires Merck

Notes

  1. Masse molaire calculée d’après Atomic weights of the elements 2007 sur www.chem.qmul.ac.uk.
  2. Royal Haskoning, 2003
  3. a, b et c Marie José Durand et Hervé Gueuné (Laboratoire CBAC ; Capteurs Bactérien pour l’Analyse et le Contrôle) UMR CNRS 6144 GEPEA, Un test bactérien pour la détection du Tributylétain dans des peintures antisalissures des navires, Reedexpo, Pollutec, consulté 2011/05/07
  4. OMI, Anti-fouling systems, Focus on IMO, 2002, consulté 2011/05/07
  5. INERIS qui cite une étude de l'Université de Pau et des Pays de l’Adour, Agence de l’eau Adour-Garonne. 2001 (Étude de spéciation des composés organostanniques sur eaux et sédiments du bassin Adour-Garonne
  6. MILJØ-KEMI, 2001)
  7. Université de Pau et des Pays de l’Adour, 2001
  8. a, b, c, d, e, f, g, h, i et j TBT in antifouling paints: National Institute for Coastal and Marine Management / RIKZ, Netherlands. MEPC42/Inf.10.

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Tributylétain de Wikipédia en français (auteurs)

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