Tours et ponts génois

Tours et ponts génois

Tours et ponts génois

Les ponts et tours génois sont des vestiges de l'héritage génois après leur occupation de la Corse. Ces vestiges sont classés monuments historiques.

Les tours génoises de Corse

Sommaire

Tours génoises

Plan de la tour génoise de la Parata.
Tour de la Parata à Ajaccio.

Le littoral corse est constellé de tours (en corse torri), devenues un des symboles de l'île. Bien que toutes ne soient pas d'origine génoise, on les appelle généralement "tours génoises", sans distinction.

La construction de ces tours génoises débuta au XVIe siècle à la demande des communautés villageoises pour se protéger des pirates. En 1530, la république de Gênes dépêche deux commissaires extraordinaires, Paolo Battista Calvo et Francesco Doria, pour inspecter les tours et fortifications chargées de défendre l'île des invasions barbaresques. Dès 1531, l'édification de quatre vingt-dix tours est décidée sur le littoral corse, dont trente-deux dans le Cap Corse. Les travaux commencent sous la supervision de deux nouveaux commissaires extraordinaires génois : Sebastiano Doria et Pietro Filippo Grimaldi Podio. Il s'agissait d'étendre à la Corse le système de vigilance déjà en vigueur sur le pourtour méditerranéen. Ces vigies placées en avant-poste prévenaient et défendaient des attaques des Barbaresques et de tous les dangers venant de la mer.

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Aujourd'hui, sur les 85 tours dénombrées au début du XVIIIe siècle, 67 demeurent encore debout.

Fonction

La garnison d'une tour se constituait de deux à six hommes (les torregiani) recrutés parmi les habitants et payés sur les taxes locales. Ces gardiens devaient résider en permanence dans la tour. Ils ne pouvaient s'en éloigner que deux jours maximum, pour le ravitaillement et la paye, et un par un. Ils assuraient la vigie avec les feux et signaux réglementaires: ils montaient matin et soir sur la plate-forme, renseignaient navigateurs, bergers et laboureurs sur la sécurité, communiquaient par feux avec les tours les plus proches astucieusement positionnées à portée de vue, et surveillaient l'arrivée d'éventuels pirates. En cas d'alerte, le signal donné sur la terrasse au sommet de la tour, sous forme de fumée, de feu ou d'un son de culombu (grande conque marine), prévenait les environs de l'approche d'un navire hostile. S'en suivait le repli général des bêtes et des gens vers l'intérieur. Les deux tours les plus proches s'allumaient alors et ainsi de suite, ce qui permettait de mettre toute l'île en alerte en quelques heures.

Certaines garnisons ont dû se défendre contre les envahisseurs, et on retrouve à leur base les restes des combattants. C'est ainsi que la fameuse tour de l'Osse doit son nom aux ossements ensevelis à ses pieds.

Les tours étaient toujours insuffisamment armées. Elles servaient principalement de postes douaniers et d'amers. Les torregiani négligeaient souvent leur rôle militaire, pour se concentrer sur le contrôle du commerce maritime et la perception de diverses taxes. Ils pratiquaient aussi le négoce du bois et l'agriculture sur les terres environnantes.

Bien que les absences injustifiées soient interdites sous peine de galères ainsi que le remplacement par une personne autre que les gardiens titulaires, au fil du temps, certaines tours sont désertées par leurs gardiens. Elles se dégraderont, tomberont en ruines, ou seront détruites, faute de défense.

Gestion

Ces tours ne cesseront de poser de multiples problèmes aux autorités génoises, d'une part à cause de leur éparpillement, ce qui en en fait des cibles privilégiées, d'une autre à cause des défauts de construction, provoquant des effondrements. Plusieurs recensements des tours furent effectués mais aucun nombre précis ne put être avancé. La République de Gênes dut également intervenir dans de très nombreux conflits financiers et querelles de communautés, refus de gardiennage, non paiement de dettes, demandes de fournitures ou d'armes.

En conséquence, à partir de la fin du XVIIe siècle, et jusqu'en 1768, date de la conquête de l'île par la France, le nombre de tours entretenues diminue considérablement. A l'élection de Pascal Paoli au poste de Général de la Patrie, en 1755, il n'en reste que 22, dont certaines occupées par les troupes françaises. La guérilla continuelle pendant la période paolienne entraîne la destruction de plusieurs édifices, dont les tours de Tizzano, Caldane, Solenzara etc. Les combats du débarquement des troupes britanniques du Royaume Anglo-Corse, en 1794, ruinent les tours de Santa Maria Chjapella (cf. image) et Mortella... A la fin du XVIIIe siècle seules quelques tours sont encore intactes.

Architecture

Tour Santa Maria (Cap Corse)
Tour Santa Maria (Cap corse)
1 : guardiola
2 : terrasse
3 : salle de garde
4 : salle de repos
5 : réserves

Les tours génoises sont des édifices en pierre de 12 à 17 m de haut sur 8 à 10 m de diamètre. Parfois carrées, le plus souvent circulaires, elles sont toujours construites sur quatre niveaux.

  • la réserve : au sous-sol de la tour ; une niche servait à ranger les vivres ; on y stockait également les munitions ; et l'eau y était conservée dans une citerne, alimentée depuis la terrasse par une conduite directe ;
  • la salle de repos : au premier étage ; parfois séparée de la salle de garde par un simple plancher sommaire et formant avec elle un espace de vie unique ;
  • la salle de garde : au deuxième étage ; percée de meurtrières pour permettre aux torregiani de guetter ;
  • la terrasse : au sommet de la tour ; pour la surveillance ; percée de mâchicoulis ou munie de bretèches, était flanquée d'une guardiola.

On passait d'un niveau à l'autre par des trappes et des échelles. L'accès à la porte d'entrée se faisait par une longue échelle mobile, directement au premier étage. Les gardes habitaient à tour de rôle la pièce unique pourvue de niches et d'une cheminée, et située sous la salle de guet.

État actuel

Aujourd'hui les tours génoises représentent un patrimoine considérable. Sur la centaine de tours construites, il n'en demeure qu'une soixantaine. Si certaines sont en ruine, d'autres sont en très bon état. Beaucoup d'entre elles sont classées Monuments Historiques. Certaines ont fait l'objet de travaux de restauration importants, financés pour l'essentiel par la collectivité territoriale, bien qu'elle n'en soit pas propriétaire. Malheureusement, faute de moyens et de programme de restauration, beaucoup se détériorent de plus en plus.

Ponts génois

Pont de Pianella dans les Gorges de la Spelunca

Lors de l'occupation de la Corse par Pise et Gênes durant plusieurs siècles, un grand nombre de ponts en pierre ont été construits entre le XIIIe siècle et le XVIIIe siècle. Le nombre de ces ponts témoigne de la réorganisation économique de l'île lors de la domination génoise. Ces ouvrages d'art ont été fondamentaux pour le progrès car routes et ponts deviennent alors indispensables au transport des principales productions de l'île : le blé, le vin, l'huile d'olive et les châtaignes qui sont les bases de la nourriture et de l'économie de l'île.

Architecture

Les ponts génois et pisans sont des édifices de pierres, caractérisées par un dos d'âne, une arche unique et un tablier étroit. Leur construction s'étendit du XIIe siècle au XVIIIe siècle. Cependant, c'est surtout au XVe siècle que l'administration génoise décida de les multiplier afin de relancer l'économie insulaire et de favoriser les échanges entre les communautés isolées.

Pont'à u large, com. d'Altiani

Bien qu'abandonnés durant des siècles, ils font toujours preuve d'une étonnante solidité. En effet, leur hauteur et leur position à un endroit large du cours d'eau sont calculées en prévision des crues parfois subites et violentes du climat méditerranéen. Ils ont parfois dû suppléer un pont récent endommagé par une crue. Inspirés de l'art gothique, prédominant lors de leur construction, ces ponts se révèlent des chefs-d'œuvre de technicité et d'élégance qui vaut à certains d'entre eux d'être classés Monuments historiques.

Elargissement des ponts après 1778

Les ponts corses étaient des ponts muletiers. La largeur des grands ponts était initialement prévue (selon l'antique norme) pour le croisement de deux mulets bâtés. A partir de 1778, en prévision du charroi, l'intendant De Boucheporn [1] fit élargir les principaux ponts en reconstruisant les parapets en encorbellement. Pour cela, de solides consoles en marbre cortenais furent incrustées dans le vieux parement. Elles portent, depuis cette époque, les arcatures en tuf, sur lesquelles repose le parapet [2]

Ponte Novu, com. de Castello-di-Rostino, la vieille ricciata : calade de galets, avec les traces du charroi. Les chasse-roues bordant le pavement avaient aussi été ajoutés à la fin du XVIIIe siècle pour protéger les parapets.
Ponte Novu, com. de Castello-di-Rostino, rétabli dans son aspect caractéristique comme ceux de Ponte Leccia et de Francardu sur Golu, ou du Large sur Tavignanu.
Ponte Novu, com. de Castello-di-Rostino, détail de l'assise du parapet sur les arcatures en tuf léger et les consoles en marbre très dur de Corti.

Ce sont ces petites arcatures (exclusivement fonctionnelles) qui depuis la fin du XVIIIe siècle, donnent à ces grands ponts l'élégance qui les caractérise :

-Ponte Novu, sur Golu à Castello-di-Rostino

-Pont'à Leccia ("Ponte à a leccia" / "Ponte Leccia"), sur Golu à Morosaglia [3]

-Francardu, sur Golu à Omessa

-Pont'à u large, sur Tavignanu à Altiani [4]

État actuel des grands ponts

  • Au XXe siècle, face à la nécessité de permettre la circulation à double sens sur la route Ajaccio - Bastia, le pont sur Golu à Ponte Leccia (commune de Morosaglia) fut à nouveau élargi en le doublant. Ce monument historique aménagé reçut un parapet en encorbellement imitant ceux du XVIIIe siècle.
  • Quelques kilomètres en aval, le pont le plus célèbre, Ponte Novu (commune de Castello-di-Rostino), qui avait été dynamité le 9 septembre 1943 pour ralentir la 90e Panzer Division[5], vient d'être en partie restauré (2007-2008), et la restauration complète est programmée par la CTC.
La restauration actuelle permet de découvrir l'architecture et l'évolution des ponts corses :
Véritable musée libre en plein air [6], cette restauration offre la possibilité d'observer in situ le mode de construction des ponts corses :
- le pont initial, la largeur du tablier, a ricciata (pavement), et même (à cause des dommages de guerre) la "coupe" (provisoire !) qui permet de comprendre l'extreme solidité de ces ponts ;
- les transformations réalisées au XVIIIe siècle pour élargir ces ponts.
  • Autre franchissement de Golu par la RN 193, le pont de Francardu (Omessa) n'est plus en service grâce au nouveau contournement routier.
  • Au sud-est de Corte, le Pont'à u large (Altiani) (non doublé), édifice classé, est encore en service et subit un trafic routier important (franchissement du fleuve Tavignanu par la RN 200) ; son renforcement est étudié.

Notes et références

  1. Claude-François Bertrand de Boucheporn (Metz 1741 - Toulouse 1794, guillotiné), chirurgien, juriste, académicien. Il fut intendant (autoritaire) en Corse de avril 1775 à mai 1785. C'est lui qui eut l'initiative, à partir de 1778, de l'élargissement des grand ponts corses. C'est à cet intendant royal ( et non pas aux génois ! ) que les grands ponts corses doivent leur si caractéristique aspect actuel.
  2. " L'élargissement de l'ouvrage antérieur, conservé, a été obtenu en excentrant les parapets hors de l'emprise du tablier supportant la chaussée." Collectivité Territoriale de Corse, Panneau Piazza di i Naziunali, à Castello-di-Rostino.
  3. "Ponte à a leccia", Monument historique inscrit le 08/06/1928, propriétaire : commune de Morosaglia.
  4. Pont'à u large, monument historique classé le 14/01/77, propriétaire : Collectivité Territoriale de Corse.
  5. L’armée italienne refluait vers Corti devant l'avancée de la 90e Panzer Division (panneau CTC à Ponte Novu).
  6. Castello-di-Rostino), Piazza di i Naziunali, parking, esplanade aménagée par la commune et la CTC, panneaux d'information, parcours aménagé auprès du pont.

À voir aussi

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