- Tin Pan Alley
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Tin Pan Alley est le surnom de la musique populaire américaine de la fin du XIXe siècle jusqu'au milieu du XXe siècle. L'expression, qui signifie « l'allée des casseroles en métal »[1], est le nom donné, à New York, à la 28e Rue ouest, entre la Cinquième et la Sixième Avenue, où les éditeurs musicaux s'étaient regroupés vers la fin du XIXe siècle. Les musiciens jouaient généralement du piano dans la rue et y vendaient leurs partitions de musique, qui étaient la principale source de revenu des éditeurs et des compositeurs[2]. Ces partitions se vendaient 30 ou 40 cents, et le commerce devint si populaire que certains éditeurs vendirent leurs partitions à des centaines de milliers d'exemplaires[3]. Avec des artistes comme Irving Berlin ou encore Al Jolson, et à travers sa popularité lors des Première et Seconde Guerre mondiale, la musique de Tin Pan Alley influença les précurseurs du rock 'n' roll[4],[5].
Certains considèrent que la musique de Tin Pan Alley n'a connu son essor qu'au lendemain de la Grande Dépression, à l'époque où le phonographe et la radio se sont développés. D'autres considèrent que le mouvement s'est manifesté jusqu'aux années 1950, jusqu'à l'émergence du rock 'n' roll.
Tin Pan Alley était le plus grand moyen de diffusion de chansons populaires aux Etats-Unis à l’époque. Le nom du mouvement vient de Monroe Rosenfeld, journaliste engagé par le New York Herald pour écrire des articles sur l’industrie musicale croissante. Lors d’une visite au bureau de Harry Von Tilzer, sur 28ème avenue, Rosenfeld a rapporté au journal que les sons des pianos étaient semblables à des sons de battements sur des poêles en métal.
Sommaire
Edward B. Marks
Vers la fin des années 1800, New York devint le lieu central de la musique populaire aux États-Unis. Avec la popularité croissante de Broadway, théâtre et musique se marièrent de plus en plus et l’aspect dramatique joua un rôle plus important que jamais.
Après quarante ans d’expérience dans le domaine de la publication musicale, Marks écrivit un ouvrage décrivant les changements fondamentaux dans l’édition de la musique populaire. En 1890, un groupe d’éditeurs new yorkais révolutionna le commerce de la chanson populaire américaine en créant cette œuvre. Auparavant, les lois sur les droits d’auteurs n’étaient pas très strictes et vers la fin des années 1800, écrivains, compositeurs, interprètes et éditeurs se rejoignirent en groupes pour avoir plus de contrôle sur les revenus des chansons.
La nouvelle « formule » de production musicale décrite dans l’ouvrage de Marks incorporait tous les acteurs de l’industrie, soient troupes de théâtres, écrivains, et interprètes. La demande de nouvelles chansons se faisait alors en quatre étapes:
- Les troupes théâtrales de New York cherchaient du nouveau matériel et des acteurs pour réaliser leurs tournées.
- Un éditeur enrôle un membre de la troupe pour jouer (« plugger ») sa pièce.
- Grâce au chanteur, la chanson peut devenir un succès.
- L'éditeur profite des partitions vendus en achetant les droits d’auteur.
Avant le Tin Pan Alley, la plupart des grandes maisons d’édition étaient dispersées sur le sol américain. Les plus grandes manufactures se trouvaient à Chicago, Philadelphie, Cleveland, Cincinnati, Détroit, Boston et Baltimore. Mais vers la fin des années 1800, New York allait devenir la ville la plus importante du fait de la concentration d’artistes, de théâtres, et de la diversité artistique qui était présente à l’époque. Edward B. Marks fut l'un des grands contributeurs de la naissance du Tin Pan Alley et son nom continue d’être reconnu mondialement ; il a d'ailleurs donné son nom à plusieurs maisons de production.
La chanson After the Ball de Charles Harris
« After The Ball » fut la première chanson de Tin Pan Alley à s'être vendue à plus d’un million de copies. En 1892, les ventes ont franchi deux millions de copies pour atteindre ensuite cinq millions d'exemplaires vendus. Son grand succès tient à son caractère émouvant, car elle parle d’amour perdu, ce qui vient chercher des sentiments communs pour l’auditeur. En outre, le thème abordé était plus risqué que ceux qui existaient auparavant.
C’est l’histoire d’un vieil homme qui raconte à sa petite fille son expérience à un bal quand il était jeune. Il y était avec son amante, des gens partout dans la salle, bien habillés, à la fin du XIXe siècle. Il va lui chercher un verre d’eau et quand il revient, elle est en train d’embrasser un autre homme. Plus tard, il réalisa qu’elle embrassait son frère.
C'était un thème risqué pour l’époque, car au lieu de traiter d’amour traditionnel, « After The Ball » parle de flirt, d’événements sociaux avec des sous-entendus érotiques. Pour Harris, ce risque fut payant.
La chanson est formée d’une mesure à quatre temps avec une séquence de cordes qui est douce à l’oreille, facile à écouter, et apaisante. Charles Harris était connu pour ses chansons sentimentales.La première interprétation de cette chanson fut pourtant un désastre. Le premier à la chanter sur scène fut Sam Doctor, qui oublia la majorité des paroles. Au demeurant, après quelques reprises, la chanson gagna en popularité pour devenir un succès.
Lorsqu’ After The Ball a été publié, Union Square à New York devenait un centre artistique majeur aux États-Unis. Cette région de la ville abrite un théâtre de vaudeville, plusieurs théâtres dont le Dewy Theater, des théâtres burlesque, l’Académie de Musique, un nombre infini de restaurants et salles de danses. Cet endroit offrait maintes opportunités pour des jeunes compositeurs comme Harris et en 1885, il déménagea son institution de Milwaukee à Union Square. C’est à ce moment qu’il s’est joint à M. Whitmark & Sons, F.B. Haviland et Oliver Ditson pour ensuite former Tin Pan Alley, le groupe qui devint le noyau de la musique américaine.
« The Gay nineties »
Les années 1890 marquèrent une période de développement musical pour Tin Pan Alley. Sur le modèle des succès précédents, la forme d’une chanson réussite consistait à être écrite en majeur, surtout en ¾ (soit le tempo d’une valse), avec une introduction de piano suivie du refrain et ensuite du couplet. Les mêmes thèmes (l'amour, un amant perdu, les événements sociaux) que ceux que l’on retrouve dans « After the Ball », réapparurent, puisque ces thèmes sont universels.
On dit souvent du début des années 1890 que ce fut l’âge d’or de l’esthétique irlandaise à New York, notamment dans le théâtre, du fait d'une importante communauté d’immigrants irlandais, et leur influence dans le monde musical fut de plus en plus évidente. Quand Tin Pan Alley produisit les chansons «Sidewalks », « The Band Played On », « Sweet Rosie O’Grady », et « My Wild Irish Rose », leurs paroles reflétaient la vie dans les quartiers irlandais.
A la fin du XIXe siècle, le Minstrel (Minstrel Show) devint populaire avec une nouvelle génération d’afro-américains sur scène. L'année 1880 vit l’arrivée du personnage « Coon », un homme noir comique qui pouvait aussi parfois être dangereux. Les Mintrels étaient mixtes, par contre les rôles pour les noirs étaient beaucoup plus limités. Les textes du « Coon » étaient pleins de stéréotypes sur les Noirs, se rapportant souvent à l’alcool, aux problèmes causés par les paris, au melon d’eau, au poulet, etc. Les foules blanches adoraient le Coon et c’est un rôle qui est devenu un droit de passage pour les noirs dans le monde du divertissement. C’est au même moment que les lois ségrégationnistes commencèrent à être établies dans le Sud. Auteur et compositeur James Weldon Johnson a dit que le statut de l’afro-américain était pire à l’aube du XXe siècle que pendant la guerre civile aux États-Unis. Les comédiens afro-américains étaient perpétuellement confrontés au dilemme de plaire au public en sachant que leurs spectacles ridiculisaient le peuple noir.
Bert Williams et George Walker furent deux comédiens afro-américains notables du Tin Pan Alley, qui jouèrent le rôle du Coon et acceptèrent leur succès à bras ouverts. D’après Marks, ils étaient ouvertement résignés à toutes sortes de discrimination et chanteraient le coon en faisant des blagues au sujet des noirs.
Au contraire, les frères Johnson (The Johnson Brothers) auteurs et compositeurs, refusaient d’être perçus d’une telle façon et bannirent le mot « coon » de leur dictionnaire rythmique. Ils tenaient au fait de changer les stéréotypes envers les noirs et se servaient de leur éducation et leur talent pour gagner de l’attention, au lieu de se moquer des leurs. A l’aube du millénaire, la musique afro-américaine captait l’esprit moderne de la musique et on y retrouvait de plus en plus de diversité raciale à la tête de l’industrie.
La fin de Tin Pan Alley
Les années 1920 marquèrent les années d’or de Tin Pan Alley. La plupart des auteurs et compositeurs ont ensuite déménagé vers la 42ème Rue (42nd Street), toujours en suivant les théâtres les plus importants. Avec la création du phonographe, les ventes de partitions reculèrent et l’industrie musicale évolua rapidement. Plusieurs maisons d’édition ont fermé leurs portes et en 1928, on commença à voir de plus en plus de compagnies fusionner. Vers 1928, Hollywood devint le centre de cinéma et de musique et les éditeurs New Yorkais perdirent leur poids dans l’industrie. Warner Brothers acheta trois des plus grandes maisons d’édition New Yorkaises de l'époque: Harms, Witmark et Remick pour créer une unique entreprise : Music Publishers Holding Corporation. Après 1930, Tin Pan Alley n’existait plus aux yeux de nombreuses personnes.
Tin Pan Alley a eu une influence marquante dans le domaine de production musicale. Aujourd’hui, le modèle utilisé par la grande majorité des chanteurs/chanteuses populaires est celui du Tin Pan Alley. Même s'il n’existe plus dans le sens physique, on peut être sûr que sa place dans le monde de la musique est toujours présente et qu'il continue d’influencer la manière dont la musique populaire est actuellement enregistrée et présentée.
« Tin Pan Alley » est, par ailleurs, le titre d'une chanson de l'album éponyme (1975) de Little Milton, reprise avec succès par Stevie Ray Vaughan, qui respecte le plus pur style Tin Pan Alley, mais joué à la guitare. On y reconnait le son caractéristique, profond et claquant, d'une poêle doucement frappée.
Compositeurs et paroliers
Parmi les principaux compositeurs et paroliers de Tin Pan Alley on compte:
- Milton Ager
- Thomas S. Allen
- Ernest Ball
- Irving Berlin
- Shelton Brooks
- Nacio Herb Brown
- Irving Caesar
- Hoagy Carmichael
- George M. Cohan
- Con Conrad
- J. Fred Coots
- Buddy DeSylva
- Walter Donaldson
- Paul Dresser
- Dave Dreyer
- Al Dubin
- Dorothy Fields
- Ted Fio Rito
- Max Freedman
- Cliff Friend
- George Gershwin
- Ira Gershwin
- Charles K. Harris
- James P. Johnson
- Isham Jones
- Scott Joplin
- Gus Kahn
- Jerome Kern
- Al Lewis
- F.W Meacham
- Johnny Mercer
- Ethelbert Nevin
- Maceo Pinkard
- Lew Pollack
- Cole Porter
- Andy Razaf
- Harry Ruby
- Al Sherman
- Ted Snyder
- Kay Swift
- Albert von Tilzer
- Harry von Tilzer
- Fats Waller
- Harry Warren
- Richard A. Whiting
- Harry M. Woods
- Jack Yellen
- Vincent Youmans
Voir aussi
Références
- [1] mais qui peut aussi venir de l'expression « tinny piano », « piano qui est une casserole »
- (en) Garofalo (2008), p. 15
- (en) Garofalo (2008), p. 16
- (en) Garofalo (2008), p. 22
- (en) Garofalo (2008), p. 34
Bibliographie
- Garofalo, Reebee (2008). Rockin' Out : Popular Music in the U.S.A. (Fourth Edition). ISBN 0-13-234305-3
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