T.R. Malthus

T.R. Malthus

Thomas Malthus

Thomas Robert Malthus
Thomas malthus.jpg
Naissance 13 février 1766
Dorking, dans le Surrey (Royaume-Uni)
Décès 23 décembre 1834
Somerset ()
Nationalité britannique
Champs Pasteur protestant, Économie
Institution Université de Cambridge, Collège de la Compagnie anglaise des Indes orientales
Diplômé Jesus College (Cambridge)
Célèbre pour École classique, Malthusianisme, annonciateur du keynésiannisme

Thomas Robert Malthus, né près de Guildford (Surrey) le 13 février 1766[1], et mort à Bath (Somerset) le 23 décembre 1834, est un pasteur anglican et un économiste britannique de l'École classique. Il est connu surtout pour ses travaux sur le problème des rapports entre la population et la production, analysés dans une perspective pessimiste, totalement opposée à l'idée smithienne d'un équilibre harmonieux et stable.

Son nom a donné dans le langage courant l'adjectif « malthusien » pour caractériser un état d'esprit conservateur qui s'oppose à l'investissement et craint la rareté et une doctrine, le malthusianisme, qui impose une politique active de contrôle de la croissance de la population.

Sommaire

Biographie

Malthus est né en février 1766 dans le Surrey, sixième enfant d'une famille aisée. Son père est un ami personnel de David Hume et une relation de Jean-Jacques Rousseau. À partir de 1784, Malthus étudie à Jesus College à l'université de Cambridge où il obtient une chaire en 1793. Il devient pasteur anglican en 1797.

En 1798, il publie sans nom d'auteur Essai sur le principe de population, qui connaît un immense succès et déclenche de nombreuses polémiques. Malthus entreprend alors d’approfondir ses recherches et voyage sur le continent, visitant le Danemark, la Suède et la Russie. En 1803, il donne une nouvelle édition, très augmentée, de son Essai et le signe de son nom. Le retentissement est considérable. Dès 1809, la quatrième édition de l'Essai fait l'objet d'une traduction en français, à Genève. En 1823, Pierre Prévost, premier traducteur de Malthus en français, avec son fils Guillaume, fait connaître une cinquième édition en français, plus complète ; une réédition de cette traduction sera effectuée en 1845 par Joseph Garnier.

En 1804, il se marie et, grâce à la protection de William Pitt le Jeune, devient professeur d'économie politique au Collège de la Compagnie anglaise des Indes orientalesHaileybury, dans le Hertfordshire), qui vient d’y être fondé pour les agents de la Compagnie, poste qu'il occupe jusqu'à sa mort. Il aura une influence certaine sur les fonctionnaires anglais affectés en Inde.

Il rencontre David Ricardo pour la première fois en 1811, les deux hommes tiennent ensuite une correspondance abondante qui lui permettra de développer des analyses nouvelles sur la demande. Il compose d’autres ouvrages, notamment Les Principes d’économie politique, publié en 1820.

Il décède en 1834 et est enterré à l'abbaye de Bath, dans le Somerset.

Malthus et les rapports entre la population et la production

Le contexte

La lecture d’Adam Smith et de Hume l’attire de bonne heure vers l’économie politique. Il tente d’appliquer les idées de William Godwin, un rationaliste du XVIIIe siècle, influencé par la pensée de Jean-Jacques Rousseau et celle de Condorcet et qui croit à un progrès sans limites. Le pasteur Malthus est chargé de l’aide aux pauvres dans sa commune ; les mauvaises récoltes de 1794 à 1800 engendrent misère et détresse, et frappent son imagination. Il écrit en 1796 un essai sur la crise que subit l’Angleterre qui prend position en faveur de la justice sociale et propose de développer le système d’assistance publique aux pauvres, mais il ne le publie pas.

Toutefois, le disciple de Godwin va se révolter contre son inspirateur lorsqu’il lit La justice politique (1793). Dans cet ouvrage utopiste, Godwin décrit une société où une population croissante va connaître la prospérité et la justice. Le divorce entre les idées de Godwin et la réalité brutale qu’il observe conduit Malthus à changer radicalement d’analyse. Son Essai sur le principe de population, publié en 1798, est un pamphlet en réaction contre ces idées.

Contre les réformateurs « moraux » qui attribuent au gouvernement la responsabilité des maux de la société, Malthus veut démontrer que ceux-ci viennent en réalité de lois naturelles et inéluctables.

L'essai

Portrait par Félix Vallotton

Il prédit que la population augmente de façon exponentielle ou géométrique (par exemple : 1, 2, 4, 8, 16, 32, ...) tandis que les ressources croissent de façon arithmétique (1, 2, 3, 4, 5, 6, ...). Il en conclut à l'inévitabilité de catastrophes démographiques, à moins d'empêcher la population de croître.

Il prône aussi l'arrêt de toute aide aux nécessiteux, en opposition aux lois de Speenhamland et aux propositions de William Godwin qui souhaite généraliser l'assistance aux pauvres.

Les politiques de restriction démographique inspirées de Malthus sont appelées « malthusiennes ». Sa crainte tournait autour de l'idée que la progression démographique est plus rapide que l'augmentation des ressources, d'où une paupérisation de la population. Les anciens régulateurs démographiques (les guerres et les épidémies) ne jouant plus leurs rôles, il imagine de nouveaux obstacles, comme la limitation de la taille des familles et le recul de l'âge du mariage. Ces propositions ne sont appliquées à ce jour, toutes les deux, qu'en Chine populaire, qui en effet se pense obligée de limiter sévèrement sa démographie.

Le pronostic pessimiste de Malthus a été différé, car le monde a connu une grande augmentation des ressources et des rendements agricoles (révolution verte), de nouveaux moyens d'échanges internationaux des biens de subsistance et le départ d'une partie du trop plein d'individus vers les États-Unis ou les colonies, où les méthodes agricoles modernes créaient de nouvelles ressources. De deux habitants de la planète sur trois en malnutrition en 1950, on est ainsi passé à un sur 7 en 2000[2], alors que la planète passait dans le même temps de deux milliards et demi d'habitants à plus de six.

La contrainte naturelle a refait cependant surface aujourd'hui (2009) : la révolution verte a induit une forte dépréciation de la qualité des sols et des nappes phréatiques. L'épuisement des ressources fossiles se rapproche dangereusement, à court ou moyen terme, et ce à cause notamment de la croissance importante des échanges internationaux de marchandises et de personnes. Une large partie de la population consomme désormais les ressources à crédit ; il faudrait 9,2 terres pour que chaque individu puisse consommer comme un Américain[3].

Cependant, il est intéressant de comparer deux situations du monde :

1960: 3 milliards d'habitants, 2 milliards souffrant de malnutrition (soit 66%)[réf. nécessaire]. 2000 : 6 milliards d'habitants, 800 millions souffrant de malnutrition (soit 13,3%)[réf. nécessaire].

Les prévisions pessimistes de Malthus ont été retardées ponctuellement par la révolution industrielle et la révolution verte. Son analyse reste structurellement valide sur le long terme : il est exact que la population est en croissance dans certains pays (6 enfants par femme en Arabie saoudite[4][réf. nécessaire]), que les progrès de l'hygiène et de la médecine augmentent la taille de la population, que les ressources renouvelables sur Terre sont limitées, in fine, par l'énergie solaire que reçoit celle-ci, qui elle-même détermine la biomasse, sauf découverte scientifique majeure. Dans ces conditions, mathématiquement, il ne sera pas possible à la population terrestre d'augmenter sans cesse, et la régulation devra intervenir à un moment ou à un autre, et d'une manière ou d'une autre, la transition démographique étant la moins douloureuse, mais demandant deux ou trois générations. On peut remarquer que deux des pays émergents actuels, Inde et Chine ont eu ou ont encore des politiques malthusiennes (l'Inde offrait dans les années 1960 un poste à transistors aux pères de famille acceptant d'être stérilisés après la naissance de leurs premiers enfants ; la Chine applique en 2009 une politique stricte d'enfant unique à la majeure partie de sa population).

Malthus et Darwin

Le fait indéniable qu'il était impossible que tous les descendants d'une génération survivent (du moins en régime permanent) a fortement aiguillé Charles Darwin vers sa découverte de la sélection naturelle. L'existence seule de celle-ci rappelle s'il en était besoin l'exactitude du modèle de Malthus.

Une erreur de Malthus

Si l'analyse de Malthus correspond bien à l'évolution de la population et des ressources par le passé (il s'était entre autres fondé sur de copieuses données concernant les États-Unis, accumulées par Benjamin Franklin), elle devient caduque au moment même où elle est publiée : c'est alors que s'amorce la transition démographique, qui aboutit à une réduction volontaire des naissances.

Les faits économiques

Bien que le modèle sinistre de Malthus soit exact (à fécondité maximale, tous les descendants d'une génération ne peuvent survivre), ses prévisions ne se sont pas réalisées. Les éléments nouveaux ont été :

  • la transition démographique : dès 2005, « plus de la moitié de l'humanité est déjà au-dessous du seuil de remplacement » des générations (Gilles Pislon (INED, Six milliards d'hommes). Il faut toutefois noter que dans cette donne :
    • L'humanité est passée dans les années 1960 par une période où deux hommes sur trois souffraient de malnutrition (en 2005, un sur sept)
    • Les deux pays les plus peuplés au monde - Inde et Chine - ont adopté des politiques malthusiennes
  • le fait qu'une partie du trop-plein d'individus émigrerait vers les États-Unis ou les colonies, dont elle tirerait profit.
  • L'utilisation massive des énergies fossiles est venu fausser l'équation sur laquelle Malthus avait basé son raisonnement en :
    • augmentant les ressources énergétiques et les rendements agricoles (révolution verte)
    • permettant des échanges internationaux de biens de subsistance à des coûts de transports extrêmement bas.

Les thèses opposées

Davantage que d'oppositions à proprement parler, il s'agit ici de mise en garde contre des visions trop simplificatrices. John Stuart Mill, sans contester l'idée générale de Malthus, signale l'absence de justification de l'allégorie mathématique précise utilisée par celui-ci (voir culte du cargo). Meillassoux insiste sur la différence entre surpopulation absolue et relative.

Commentaires

« Certains ont obtenu une victoire facile sur une remarque que M. Malthus avait faite en passant, et avancée principalement en guise d'illustration, selon laquelle on pouvait peut-être supposer que l'accroissement de la nourriture avait lieu selon une proportion arithmétique, tandis que la population croissait selon une proportion géométrique ; alors que tout lecteur honnête sait bien que M. Malthus ne met aucun accent sur cette tentative malheureuse de donner une précision numérique à des choses qui ne la supportent pas, et tous ceux qui sont capables de raisonner doivent bien voir que cette remarque est un ajout superflu à son argument. » — John Stuart Mill, Principes d'économie politique, II, XI, 6.

Pour Meillassoux, Malthus « confond deux notions : celles de surpopulation absolue et relative. Or, il y aurait surpopulation absolue par rapport aux subsistances, si la population parvenait à croître jusqu’à être capable de se reproduire au-delà des capacités nutritionnelles des ressources existantes ; il s’agit donc d’une spéculation irréaliste. Par contre, il y a surpopulation relative quand une population existante est privée des ressources qui lui ont permis de croître jusqu’à son état présent » [5].

Malthus, annonciateur du keynésianisme

Fort du scandale provoqué par son Essai, Malthus passe le reste de sa vie à lui donner une apparence moins littéraire et plus scientifique, et à acquérir dans un domaine voisin, mais différent, l'économie, par ses traités et sa correspondance avec David Ricardo, une grande réputation de compétence.

Il en vient ainsi à considérer que la loi des débouchés est fausse :

« …Cependant cette doctrine [NDA : la loi de Say], avec toute l’extension qu’on lui a donné me semble tout à fait fausse, et en contradiction manifeste avec les grands principes qui règlent l’offre et la demande »[6]

Au contraire, selon Malthus , l'offre ne crée pas forcément la demande, le niveau de la production et celui de la demande ne sont pas nécessairement identique à cause :

  • du fait que les produits ne s’échangent pas uniquement contre des produits, mais beaucoup s’échangent contre du travail ne se traduisant par un bien matériel (comme celui des domestiques), et
  • de l'épargne (se traduisant par le stockage de certains biens).

Un recul de la demande est donc possible avant une baisse de production (voire, paradoxalement, suite à un accroissement de production), ce qui provoquera un recul de l'activité économique. Malthus est un des premiers économistes (Jean de Sismondi développe aussi cette idée à ce moment) à tenter de théoriser les crises dites de surproduction, notion que réfute Jean-Baptiste Say. Cette idée sera reprise et développée par John Maynard Keynes pour analyser la crise de 1929, ce qui fait de Malthus un annonciateur du keynésianisme.

Ouvrages

  • An Essay on the Principle of Population, as it Affects the Future Improvement of Society with Remarks on the Speculations of Mr. Godwin, M. Condorcet, and Other Writers London, printed for J. Johnson, in St. Paul's Church-Yard, édition de 1798 et édition complétée de 1803 traduit en français en 1805 : Essai sur le principe de population,
  • Principes d'économie politique au point de vue de leur application pratique, 1820
  • Définitions en économie politique et mesure de la valeur, 1823
  • An Investigation of the Couse of the Present High Price of Provisions (1800)
  • Observations on the Effects of the Corn Laws, and of a Rise or Fall in the Price of Corn on the Agriculture and General Wealth of the Country (1814)
  • An Inquiry into the Nature and Progress of Rent, and the Principles by which it is regulated (1815)
  • The Grounds of an Opinion on the Policy of Restricting the Importation of Foreign Corn: intended as an Appendix to (1815)

Notes et références

  1. William Petersen, Malthus, Cambridge, Harvard University Press, 1979.
  2. Sources : FAO ; How many people can the Earth support ?, de Joel E. Cohen
  3. WWF:http://www.wwf.fr/s_informer/calculer_votre_empreinte_ecologique
  4. Source : Population et Sociétés, INED, 1995. Pour des chiffres à jour, consulter le site http://www.nationmaster.com/graph/peo_bir_rat-people-birth-rate
  5. Meillassoux, La Leçon de Malthus…, Paris, ORSTOM- EDI, CEPED, 1991, 15-32
  6. Principes d’économie politique de Malthus, cité par Marc Montoussé, Théories économiques, Paris, Bréal, 1999, p.25

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