- Stromatolite
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Stromatolithe
Un stromatolithe[1] ou stromatolite (on parle aussi parfois de thrombolites ») est une roche calcaire ou une structure marine biogénique et organique laminée double-couche.
Les stromatolithes sont biogéniques et organiques, car bio-construites par des communautés bactériennes, où dominent actuellement les cyanobactéries ; ils sont dits
- « laminée », car elle prend la forme de feuillets superposés de 0,1 à 5mm d'épaisseur, formant un tapis biominéral foncé produit par une colonie qui est une forme organisée d'un biofilm ; a priori la plus ancienne connue[2]
- « double-couche », car dans la plupart des stromatolithes, la structure en feuillet est nettement constituée d'une couche de bactéries, et d'une couche sédimentaire. La sédimentation semble être une forme de cristallisation induite par les bactéries dans une eau presque saturée en sels minéraux, ce qui explique la forme en boule des stromatolite alors qu'une sédimentation normale créerait une structure en feuillets horizontaux superposés. Macroscopiquement, les stromatolithes se présentent sous la forme de « coussins » discoïdes ou mamelonnées.
Le stromatolithe en tant que structure n'est pas vivant, seules les bactéries qui le construisent le sont. Selon les cas l'intérieur du stromatolithe peut être quasi-plein ou laisser une quantité significative de vides dans lesquels d'autres bactéries ou organismes peuvent trouver abri.
Quelques structures de forme proche des stromatolithes, comme les oncolithes, ne sont peut-être pas biogéniques (c'est à dire résultant de processus mis en œuvres par des organismes vivants bioconstructeurs) mais simplement issues de phénomènes de cristallisation. Leur microstructure, leur composition isotopique diffère de celle des stromatolithes.
Sommaire
Les stromatolithes dans le passé
Ils existaient déjà il y a 3,5 milliards d'années comme le montrent des fossiles trouvés au sud de Marble Bar dans le craton de Pilbara, l'un des plus vieux cratons du monde, dans le groupe de Warrawoona dans l'ouest-australien, mais il en existe sur tous les continents. Les premières publications scientifiques[3] ont laissé penser qu'ils ont connu un optimum d'extension mondiale et un maximum de diversité de formes et structure au Précambrien (il y a 1,5 milliards d'années) qui aurait persisté à ce niveau jusqu'il y a environ 700 millions d'années. Des données plus récentes[4] montrent que leur nombre et leur diversité se sont effondrées plus tôt, au profit d'autres espèces. On pense maintenant que s'il est possible qu'ils aient été la seule forme de vie, ou la forme très dominante jusqu'il y a environ 550 Ma, le déclin de leur diversité a été initié bien plus tôt qu'on l'a d'abord pensé. Inversement leur persistance est de plus d'1 milliard d'années. Le pic de diversité serait daté d'1 à 1,3 milliards d'années pour ensuite chuter à 75 % de ce niveau(entre - 1 milliard et - 700 millions d'années), pour enfin tomber à moins de 20 % de cette diversité au début du Cambrien.
MacNamara estime[5] que la baisse de leur diversité résulte sans doute de la concurrence avec l'émergence d'autres espèces à la fin du Protérozoïque. L'apparition de cette tendance si l'on se base sur les temps de divergence des séquences moléculaires, d'origine animale remonterait au moins à 1 milliard d'années.
Ils ont sans doute contribué à créer notre atmosphère riche en dioxygène et la couche d'ozone qui ont permis le développement d'une vie terrestre et océanique plus complexes. Leur croissance est lente, mais au cours des milliards d'années, elles ont été à l'origine de puissants récifs ou massifs calcaires ou dolomitiques imposants (jusqu'à 3 kilomètres d'épaisseur dans l'Anti-Atlas au Maroc) ou au Congo (créés il y a plus de 700 millions d'années. Ces communautés microbiennes sont ainsi, dans le passé, à l'origine d'une première importante séquestration du carbone (et du calcium, qui à dose élevée est un métal toxique pour les organismes complexes).
Les stromatolithes morts sont considérés comme des roches fossiles. Par principe d'actualisme, les plus anciens sont supposés avoir également été élaborés par une communauté d'organismes microscopiques, du type bactéries et algues primitives.
Les stromatolithes anciens sont parmi les plus anciennes roches fossiles d'origine biologique connues (plus anciennes connues : 3,465 milliard d'années). Elles sont les plus fréquentes dans les sédiments d'âge précambrien.
Ces communautés ont dominé la vie marine entre 3 500 et 500 Ma. L'apparition de formes de vie plus complexes tels que les mollusques, les crustacés et les vertébrés vers la fin du Précambrien et le début du Cambrien annoncent leur déclin. Les communautés qui forment ces roches se cantonnaient alors à des niches écologiques isolées, entre autres les milieux marins peu profonds et plutôt très salés, peu propices aux autres organismes. Ces roches se rencontrent dans des sédiments de tout âge.
Les stromatolithes aujourd'hui
Ils sont devenus très rares, mais des structures récifales qui semblent tout à fait similaires aux stromatolithes constitués il y a plus de 3 milliards d'années continuent à se construire actuellement. On en trouve de taille, structures et couleurs (gris-bleu, jaune crème, rougeâtre à presque noir) différentes, en quelques points du globe ; sur le littoral marin ou de lacs (Lac de Île Rottnest WA) en lagune ou lac saumâtre (Lac Clifton, WA) voire en eaux douce (Lac Richmond, WA) tous caractérisés par des eaux chaudes (27 à 35 °C). Les sites les plus connus sont ;
- La baie Shark, ("Hammelin Pool", au Centre du littoral ouest de l'Australie) ;
- Le lac Thetis, (un peu plus au sud, mais aussi sur le littoral ouest de l'Australie) ;
- le lac bleu, (ouest de l'Australie) ;
- Le lac Salgada, (Brésil) ;
- Le lac solaire, Israël ;
- Le golfe Persique, Green Lake, Salt Lake ;
- Les Bahamas ;
- L'île de Hannan en Chine, ...
De très nombreuses sources chaudes sulfureuses, comme au Parc national de Yellowstone, abritent des cyanobactéries créant souvent des structures stromatolithiques, bien qu'elles soient moins nombreuses et différentes que les espèces vivant dans des eaux moins chaudes.
Ils ont des formes, tailles, densité qui varient selon les sites géographies, et localement selon un gradient de profondeur, le sens du vent et des vagues (ils s'allongent dans ce sens). Là où ils sont le plus variés[6], à thetis Lake, on distingue
- une variété pustuleuse à Eontophysalis, la plus souvent exondée par la marée. Ces stromatolithes sont pas ou peu laminés et moins denses, en blocs globalement circulaires de un mètre de large et de dix centimètres de hauteur. Ils sont essentiellement produits par la bactérie Eontophysalis major, qui pourrait descendre d'Eontophysalis (ce qui en ferait la lignée vivante directe la plus ancienne connue sur terre pour un organisme non-fossile).
- une variété lisse à Microcoleus et Schizothrix caractérisée par des colonnes plus hautes et nettement laminées, qui ne croissent que dans la partie inférieure de la zone intertidale produite par une cyanobactérie filamenteuse Microcoleus chthonoplastes et diverses espèces de bactéries du genre Schizothrix associées à d'autres variétés de bactéries.
- La variété botryoïde qui est elle produite par une association de diatomées et de cyanobactéries. Ces massifs qui sont toujours immergées (jusqu'à 4 m de fond) secrètent un film important de mucus. Ils peuvent être colonisées par des algues du genre Acetabularia.
Leur croissance est très lente : à Shark Bay on a mesuré un gain annuel de moins d'un demi millimètre (0,4 mm) par an.
Mécanisme de développement
La genèse de ces formations de stromatolithes par des organismes vivant a été très controversée, mais la découverte et l'étude de stromatolithes encore actifs en Australie à Shark Bay (WA) puis dans quelques autres endroits du monde a convaincu les géologues que les feuillets minéraux structurant les stromatolithes anciens ont pu être lentement créés au fil du développement des colonies microbiennes en couches successives.
Deux mécanismes principaux ont été identifiés : les cyanobactéries lors de leur croissance en colonies ou amas forment un plexus de filaments bactériens qualifié de matrice mucilagineuse procaryotique ou encore de matte bactérien. Le mucilage qu'elles produisent est capable de piéger certaines des particules en suspension disponibles dans l'eau qui finissent par former une croute riche en bicarbonates solubles et en carbonates de calcium insolubles qui durcissent cette croute.
Certaines autres bactéries peuvent aussi précipiter le calcium en calcaire à l'intérieur de la cellule, en cristaux insolubles qui perdureront après la mort de la bactérie.
Hypothèses concernant le rôle de l'évolution dans l'apparition des stromatolithes
Le mucilage et la structure multicouche produits par ces bactéries très anciennes (et dites pour cette raison "primitives") pourrait tous deux avoir comme origine la sélection naturelle ;
Lorsque ces organismes sont apparus et ont commencé à coloniser la zone intertidale et les lagunes arrières-littorales des terres à cette époque émergées, l'absence d'oxygène dans l'atmosphère, puis sa rareté, n'ont longtemps pas permis l'existence d'une couche d'ozone telle que celle qui nous protège aujourd'hui des radiations solaires et en particulier des UV, mortels pour les bactéries.
Cette substances gélatineuse a pu jouer un rôle d'écran solaire anti-radiations UV. Ce rôle existait peut-être encore chez la Faune de l'Édiacarien, plus complexe mais dont les fossiles laissent penser qu'elle était constituée d'organismes animaux gélatineux comme le sont les méduses.
De nos jours, on peut encore observer des colonies bactériennes (ex nostoc ou des algues supérieures qui supportent d'être exposées plusieurs heures au plein soleil à marée basse grâce à un mucus ou une substance mucilagineuse.
- rôle de protection contre l'oxygène. L'oxygène est un déchet du métabolisme des bactéries photosynthétiques. Il est toxique (oxydant produisant des radicaux libres) pour les bactéries si elles l'accumulent dans leur milieu interne.
- rôle de protection contre l'acide carbonique et le bicarbonate issus du CO2 dissous dans l'océan primitif (les stromatolithes ont contribué à désacidifier l'océan primitif et à permettre une vie plus complexe)
De son côté, le feuillet externe de calcaire biogénique (formée par les colonies de cellules à partir d'un biofilm "externe" et de la substance mucilagineuse qui facilite la précipitation du calcium en calcaire) semble jouer plusieurs rôles complémentaires.
- il « double » la protection offerte par les mucilages contre les UV, la chaleur et la déshydratation (notamment à marée basse quand les stromatolithes étaient exposés au soleil et au vent) ;
- C'est un support (autoconstruit) favorable à ce type de colonies bactériennes ; Cette structure leur permet en effet de ne pas être emporté au gré des courants et de rester idéalement fixées dans leur zone d'optimum écologique, disposant d'un ensoleillement maximal (sans ses inconvénients), mais aussi de sels minéraux et d'oligo-éléments apportés par le lessivage des roches continentales.
- protection physique contre les vagues et l'érosion par les particules sableuses dures en suspension ; individuellement pour chaque colonie, et collectivement pour les "colonies de colonies" que forment les zones de stromatolithes.
Deux autres hypothèses sont évoquées, notamment par James Lovelock dans son hypothèse Gaïa et ses développements ultérieurs :
- la création d'un « biomatériau » calcaire a fortement contribué à la détoxication du milieu intérieur de ces bactéries (qui ne doit pas être trop riche en calcium, toxique à partir de faibles concentration à l'intérieur de la cellule, ni en acide carbonique, qui se forme lorsqu'il y a une grande quantité de CO2 dissous dans l'eau ou le milieu intérieur - À cette époque on pense que l'atmosphère était surtout composée de CO2.
- Rôle dans la physiologie biogéoplanétaire et de la biosphère, grâce à l'absorption et l'inertage du CO2, conjointement au calcium. Alors que la température du soleil et les radiations infrarouges reçues par la terre augmentaient menaçant la vie naissante, le gigantesque puits de carbone constitué par les stromatolites (puis ensuite par tous les autres organismes impliqués dans la création de roches calcaires biogéniques (récifs coraliens, calcaire coquillers..) ou sédimentaires (nécromasse) a permis qu'alors que la tempétature du soleil augmente depuis l'apparition de la vie, celle de la terre soit restée relativement stable grâce à cette séquestration (naturelle) du CO2 de l'atmosphère...
Intérêt pour la paléoécologie et la connaissance des paléoclimat
En tant que roche biogénique, elles portent la trace des organismes et organisations vivantes les plus anciennes[7] ils ne sont pas les restes d'un organisme particulier, mais la fossilisation d'un récif non corallien. Les cyanobactéries actuellement dominantes sur ces structures, si elles l'étaient également dans les temps précambriens, sont un indice d'activité photosynthétique et donc de puits de carbone et de production significative d'oxygène à un moment très ancien de l'histoire de l'atmosphère primitive. En l'absence d'un contre-modèle biologique, c'est cette hypothèse qui prévaut en sciences de la Terre Ces récifs microbiens une fois fossilisés donnent aux roches des structures variées dont l'étude nous permet de mieux rétrospectivement comprendre le passé, y compris climatique[8]. Sont souvent qualifiés de « stromatolithiques » tous les récifs fossilisés présumés formés par l'activité de micro-organismes bioconstructeurs.
Par activité photosynthétique, le carbone 12 (12C) disponible dans le gaz carbonique dissous est fractionné préférentiellement avec le carbone 13 (13C), ce second isotope se retrouvant en excès dans l'eau des océans : il constitue de ce fait un bon proxy géochimique des variations de l'activité autotrophique au Précambrien. En plus du piégage sédimentaire, les colonies bactériennes sont donc responsables d'une partie de la précipitation des carbonates et de sels de fer. Lorsqu'une matrice microbienne est saturée, les filaments meurent et servent de support solide calcaire au développement d'une autre matrice, par activité microbienne renouvelée.
Voir aussi
Articles connexes
Bibliographie
- Awramik, S.M., J. Sprinkle. 1999. Proterozoic stromatolites: the first marine evolutionary biota. Historical Biology. Volume 13. PP 241-253.
- Reid R.P., I.G. Macintyre, K.M. Browne, R.S. Steneck, and T. Miller. 1995. Modern marine stromatolites in the Exuma Cays, Bahamas: uncommonly common. Facies. Volume 33. PP 1-18.
- Reid R.P., P.T. Visscher, A.W. Decho, J.F. Stolz, B.M. Bebout, C. Dupraz, I.G. Macintyre, H.W. Paerl, H.L. Pinckney, L. Prufert-Bebout, T.F. Stepper, and D.J. MesMarais. 2000. The role of microbes in accretion, lamination and early lithification of modern marine stromatolites. Nature. Volume 406. PP 989-992.
- Steneck R.S., T.E. Miller; R.P. Reid; I.G. Macintyre. 1998. Ecological controls on stromatolite development in a modern reef environment: a test of ecological refuge. Carbonates and Evaporates. Volume 13. PP 48-65.
Liens externes
- Les stromatolithes, structures columnaires du Précambrien
- Les stromatolithes de Shark Bay
- Cyanobacteria and Stromatolites Links
Notes et références
- ↑ Du grec strôma, tapis, et lithos, pierre.
- ↑ Riding, R. 2000. Microbial carbonates: The geological record of calcified bacterial-algal mats and biofilms. Sedimentology. Volume 47. PP 179-214.
- ↑ Molecular Evidence for Deep Precambrian Divergences Among Metazoan Phyla Science AAAS
- ↑ S. M. Awramik, in Early Organic Evolution: Implications for Mineral and Energy Resources, M. Schidlowski et al., Eds. (Springer-Verlag, Berlin, 1992), pp. 435-449; K. J. McNamara and S. M. Awramik, Sci. Prog. Oxf. 77, 1 (1994)
- ↑ [http://www.sciencemag.org/cgi/content/short/274/5295/1993f Résumé du point de vue de Kenneth J. McNamara (Department of Earth and Planetary Sciences, Western Australian Museum)
- ↑ Page de Futura-sciences sur les stromatolithes
- ↑ Stromatolites - The longest living organisms on the Earth (Paleoenvironments and Present Environments in the Bahamas)
- ↑ McNamara K.J., S.M. Awramik. 1992. Stromatolites: a key to understanding the early evolution of life. Science Progress. Volume 76. PP 345-364.
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