- Sens anagogique
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Quatre sens de l'Écriture
En herméneutique judaïque et chrétienne (école scolastique), la doctrine des quatre sens de l'Écriture désigne les quatre sens selon lesquels on peut interpréter les Écritures :
- Peshat, Remez, Drash, Sod (dans la tradition judaïque) ;
- littéral, allégorique, tropologique, et anagogique (dans la tradition chrétienne).
Sommaire
Historique
Origine : judaïsme
Article détaillé : Midrash.La doctrine des quatre sens est pratiquée dans la tradition judaïque pour l'étude de la Torah :
- Pshat : littéral ;
- Remez : allusif (littéralement : allusion) ;
- Drash : allégorique (littéralement : creuser, sonder, chercher) ;
- Sod (kabbale) : mystique (littéralement : secret).
L'acronyme forme prds (PaRDeS). Le Midrash se concentre sur le remez et le drash.
Rashi employait les quatre sens dans ses commentaires.[réf. nécessaire] Il employait souvent[évasif] le pshat, mais préférait parfois[évasif] le drash. Rashi évoque[Où ?] aussi le Sod Ha'ibour, au sens littéral le « secret du calendrier » (voir calendrier hébraïque).
Le sens mystique ou secret (sod) fait l'objet plus particulièrement des études kabbalistiques.
La kabbale chrétienne fut réprimée au Moyen Âge car elle était considérée comme une source d'occultisme ésotérique. Le père Marin Mersenne, ami très proche de Descartes, s'y opposa très fermement au XVIIe siècle. L'étude non-juive du Talmud est encore de nos jours controversée.[réf. nécessaire]
La question de savoir si l'herméneutique des quatre sens de l'Écriture est une transmission du judaïsme au christianisme ou une influence postérieure du christianisme sur le judaïsme est débattue[précision nécessaire]. Gershom Scholem, l'un des plus grands[évasif] spécialistes en la matière[Laquelle ?], penchait pour une influence chrétienne.[réf. nécessaire]
Transmission au christianisme
Selon Henri de Lubac [1], Origène (185-254), formé à l'école théologique d'Alexandrie, a été le premier à formuler la doctrine des quatre sens de l'Écriture dans la tradition chrétienne. Ces sens de l'Écriture servaient à interprêter l'Écriture lors de la prière, comme l'indiquait Origène en 238 dans une lettre en grec à son disciple Grégoire le thaumaturge qui se préparait à partir en mission d’évangélisation [2]. Il l’exhorte à se consacrer à l’étude des Écritures par la Lectio divina :
- « Consacre-toi à la lecture des Écritures divines. Applique-toi à cela avec persévérance… En te consacrant ainsi à la lectio divina cherche avec droiture et une confiance inébranlable en Dieu le sens des Écritures divines, qui y est renfermé en abondance. »
Origène utilise généralement trois sens dans ses commentaires d'Écriture : historique, mystique et anagogique, mais il utilise abondamment l'allégorie.
Jean Cassien, cité par K. Froehkich, a systématisé les quatre sens au Ve siècle. Il indique, dans sa XIVe Conférence (§ 8) :
- « Les quatre figures se trouveront réunies, si bien que la même Jérusalem pourra revêtir quatre acceptions différentes : au sens historique, elle sera la cité des Hébreux ; au sens allégorique, l’Église du Christ ; au sens anagogique, la cité céleste, 'qui est notre mère à tous' ; au sens tropologique, l’âme humaine ».
L'usage de la théorie des quatre sens a été repris par Jérôme, Augustin, Bède le Vénérable, Scot Erigène, Hugues de Saint-Victor et Richard de Saint-Victor, Alain de Lille, Bonaventure, Thomas d'Aquin [3]. Bernard de Clairvaux les utilisaient dans ses Sermons sur le Cantique [4].
Les quatre sens ont été formulés au Moyen Âge dans un fameux distique latin : « littera gesta docet, quid credas allegoria, moralis quid agas, quo tendas anagogia » [5].
Il s'est particulièrement développé lors de la Renaissance du XIIe siècle, avec l'introduction de la philosophie d'Aristote en occident, la naissance de la théologie scolastique (Abélard et Hugues de Saint-Victor), et la naissance des universités. C'est au XIIe siècle que la doctrine des quatre sens de l’Écriture, qui préconise une interprétation plurielle du texte de la Bible, atteint son apogée.
Lectio divina et interprétation selon les quatre sens
Article détaillé : Lectio divina.Les quatre sens correspondent à la méthode traditionnelle de lecture des Saintes Écritures, lors de la Lectio Divina (voir article de Zénith sur les réflexions d'Enzo Bianchi, fondateur du monastère de Bose en Italie, lien en italien).
Sens littéral
Ce premier sens est quelquefois appelé aussi sens historique.
Description
Le sens littéral est celui qui est issu de la compréhension linguistique de l’énoncé. Ce sens est découvert par l'exégèse qui suit les règles de la juste interprétation.
Ce sens concerne le passé.
Subdivisions
Thomas d'Aquin distingue à l'intérieur du sens littéral :
- un sens parabolique (interprétation à partir d'une parabole),
- un sens étiologique (lorsqu’un énoncé a été dit en fonction d’une condition particulière d’énonciation)
- et un sens analogique (comparaison de divers passages analogues afin de corroborer leurs suggestions).
Sens spirituels
Les trois autres sens sont regroupés sous l'expression sens spirituels.
Sens allégorique
Le sens allégorique est l’interprétation d’un passage de l’Ancien Testament (Premier Testament) en fonction de l’Incarnation du Christ. Ou si l'on préfère, c’est l’explication des événements de l’Ancien Testament par les événements de la vie du Christ décrits dans le Nouveau Testament.
Le sens allégorique fait la relation entre le passé et le présent.
Exemple : guérison d'un lépreux (Lc 5. 12-16)
Dans les pays développés, la guérison d'un lépreux ne peut être interprêtée selon le sens littéral, puisque cette maladie a quasiment disparu de ces pays. En revanche, il est possible d'en faire une interprétation selon le sens allégorique :
- dans le Premier Testament, les lépreux étaient tenus à l'écart de la société (Lv 14. 1-57). Il est donc possible de faire la relation entre le Premier et le Nouveau Testament.
- Le lépreux symbolise aujourd'hui l'exclusion sociale.
Voir les différentes interprétations faites de ce passage, et notamment l'interprétation de Bède le Vénérable, selon qui, dans le sens allégorique, ce lépreux représente le genre humain languissant et affaibli par suite de ses péchés ; et tout couvert de lèpre ; « car tous ont péché et ont besoin de la grâce de Dieu » (Rm 3) : Site Clerus.org.
On peut préférer l'utilisation du terme "typologique" pour désigner un texte du Premier relié à un texte du Second Testament.
Sens tropologique
Ce sens est quelquefois appelé aussi sens moral.
Le sens tropologique cherche dans le texte des figures, des vices ou vertus, des passions ou des étapes que l'esprit humain doit parcourir dans son ascension vers Dieu.
Ce sens concerne le présent.
Sens anagogique
Article détaillé : Anagogique.Le sens anagogique est obtenu par l'interprétation des Évangiles, afin de donner une idée des réalités dernières qui deviendront visibles à la fin des temps.
Ce sens concerne l'avenir.
Dans l'art et la littérature
Article détaillé : Allégorie médiévale.Les sens de l'Écriture ont été repris assez rapidement dans la littérature, sous la forme de ce que l'on appelle l'écriture allégorique, notamment dans un poème épique de l’auteur latin Prudence, la psychomachie.
Dans son Dialogus super auctores, Conrad de Hirsau parle d'une interprétation quadruple, valable pour le texte sacré en premier lieu, mais applicable aussi à la littérature profane.
L’écriture allégorique a été mise en œuvre pour la première fois dans un but littéraire par un contemporain de saint Augustin, Prudence (348-410), dans sa Psychomachie (Combat de l’âme) [6].
Puis, pendant tout le Moyen Âge, la littérature a cherché à s’adapter aux techniques herméneutiques.
La littérature allégorique était très développée au XIIIe siècle, en ancien ou en moyen français.
Certains des sens peuvent également s'appliquer à l'interprétation des œuvres d'art, particulièrement le sens allégorique dans l'art médiéval et à la Renaissance (voir allégorie).
Actualité
Cette doctrine conserve une certaine actualité, lorsque, par exemple, il s'agit d'éviter, dans les débats sur les théories de l'évolution, la crise écologique, ou la Création du monde selon la Genèse, une interprétation exclusivement littérale des Saintes Ecritures.
Plusieurs théologiens ou herméneutes contemporains l'ont maintenue : Henri de Lubac, Jean-Paul Michaud.
Le 55e congrès de l'ACEBAC en 1998 s'est tenu sur le thème des quatre sens.
A l'occasion de la Crise moderniste[7]Les papes Léon XIII et Pie XII ont publié des encycliques sur les études bibliques. Léon XIII, dans Providentissimus deus (1893), met en garde contre une interprétation exclusivement littérale :
- « Il importe, en effet, de remarquer à ce sujet qu'aux autres causes de difficultés qui se présentent dans l'explication de n'importe quels auteurs anciens, s'en ajoutent quelques-unes qui sont spéciales à l'interprétation des Livres Saints. Comme ils sont l'œuvre de l'Esprit-Saint, les mots y cachent nombre de vérités qui surpassent de beaucoup la force et la pénétration de la raison humaine, à savoir les divins mystères et ce qui s'y rattache. Le sens est parfois plus étendu et plus voilé que ne paraîtraient l'indiquer et la lettre et les règles de l'herméneutique ; en outre, le sens littéral cache lui-même d'autres sens qui servent soit à éclairer les dogmes, soit à donner des règles pour la vie.
- Aussi, l'on ne saurait nier que les Livres Saints sont enveloppés d'une certaine obscurité religieuse, de sorte que nul n'en doit aborder l'étude sans guide (Ps 18. 2) »
Notes
- ↑ Henri de Lubac, Exégèse médiévale : les quatre sens de l'Écriture
- ↑ cité par B. Secondin, La lettura orante della Parola. « Lectio divina » in comunità e in parrocchia (Padova, 2001) p.15. (cf. Sources Chrétiennes n° 148, p. 192)
- ↑ Michel Leter, Apories de l'herméneutique, 1991
- ↑ cité dans Bernard de Clairvaux, Sermons sur le Cantique, tome 2, Sermons 16 à 32, tome 3, Sermons 33 à 50. Texte latin des Sancti Bernardi Opera (SBO) par Jean Leclercq, Henri Rochais et Charles H. Talbot. Introduction, traduction et notes par Paul Verdeyen et Raffaele Fassetta. Paris, Les Éditions du Cerf (coll. « Sources Chrétiennes » 431 et 452), 1998 et 2000, 495 et 407 p.
- ↑ Cité par Henri de Lubac, Exégèse médiévale : les quatre sens de l’Écriture, t. I, Paris, Aubier-Montaigne, 1959, p. 23
- ↑ Voir Littérature allégorique, université de Bucarest
- ↑ réaction contre l'exégèse historico-critique, laquelle relativise le caractère "historique" des textes bibliques
Bibliographie
- Henri de Lubac, Exégèse médiévale, les quatre sens de l'écriture, Paris, 1959-1964.
- Henri de Lubac, Histoire et Esprit : L'Intelligence de l'Écriture d'après Origène, Les Éditions du Cerf, 2002, (ISBN 2-20406-761-X)
- K. Froehlich, Early christian interpretation, The Oxford companion to the Bible, éd. B.M. Metzger, M.D. Coogan, Oxford, 1993.
- Père Tanguy-Marie Pouliquen. La Parole, don de vie - La Lecture spirituelle à l'école de la Lectio Divina. (ISBN 2-84024-262-1)
Voir aussi
Tradition judaïque
Tradition chrétienne
Liens externes, sources
Tradition judaïque
Tradition chrétienne
- (fr) Dossier : A la rencontre des Pères de l'Eglise, sur Theologia.fr
- (fr) Prier la Bible, la Lectio divina, sur le site des Fraternités de Jérusalem
- (fr) Les quatre sens de l'Écriture, sur le site Zenit, selon Hans Urs von Balthasar et Henri de Lubac
- (fr) Site des études bibliques au Canada
- (it) La Lectio Divina : fondamenti e prassi, 7 avril 2007 à Rome, réflexion d'Enzo Bianchi, fondateur du monastère de Buse, près de Turin, sur la Lectio divina, et sur la méthode traditionnelle de lecture de l'écriture selon les quatre sens.
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