Prudence (Aurelius Prudentius Clemens)

Prudence (Aurelius Prudentius Clemens)

Prudence (Aurelius Prudentius Clemens)

Page d'aide sur l'homonymie Pour les articles homonymes, voir Prudence.

Prudence (Aurelius Prudentius Clemens) (né en 348 à Calagurris (auj. Calahorra), patrie également de Quintilien, dans la province de Tarragone, (Espagne) - mort entre 405 et 410) est un poète lyrique latin qui mit sa poésie au service de la religion chrétienne.

Sommaire

Vie

Prudence appartient à une famille chrétienne, qui lui a donné une excellente éducation. Il a étudié le droit, avant de devenir fonctionnaire. Sa carrière a connu une ascension rapide, puisqu'il fut - à deux reprises - gouverneur d'une province. Il la termina à la cour de Théodose Ier, et, considérant ce qu'avait été sa vie jusque là, il la trouva médiocre et se retira de la vie publique, renonçant aux vanités du monde pour pratiquer un ascétisme rigoureux et se consacrer à la poésie, qu'il mit au service de la religion et de l'Église.

Il compose ses poèmes après sa retraite d'une carrière menée sous Théodose Ier - il a 56 ans lorsqu'il commence à écrire (en 404), d'après sa Praefatio, poème programmatique. D'autres indications, moins précises, concernent sa carrière : après avoir gouverné deux villes importantes et y avoir rendu la justice, Prudence fut appelé à la cour de l'empereur, avec un rang de proximus. Ce qui concerne sa jeunesse, hormis le fait de la pratique du droit, est stéréotypé, peut-être sur le modèle du début des Confessions de saint Augustin.

Âgé de 14 ans au début de la réaction païenne de Julien l'Apostat, il a pu être concerné d'assez près par ses mesures contre les enseignants chrétiens. Il a probablement résidé à Milan durant l'épiscopat de saint Ambroise ; il a pu être témoin de ses luttes contre le dernier carré païen (affaire de l'autel de la Victoire en 383) et contre des hérétiques (entre 385 et 386, occupation de la basilique Porcienne revendiquée par l'impératrice-mère Justine, arienne), ainsi que de la découverte des restes de saints Gervais et Protais (en 386) ou de la pénitence publique de Théodose Ier après le massacre de Thessalonique (en 390). Il meurt probablement avant la prise de Rome par Alaric (410).

Prudence conclut la Præfatio par l'affirmation de sa conversion et de son désir de plaire à Dieu, sinon par ses mérites, du moins grâce à ses poèmes, qu'il énumère en évoquant leur propos. On entrevoit dans le Cathemerinon la vie ascétique qu'il mène, avec la célébration des heures, l'observation de jeûnes et même un régime édénique fait de produits végétaux, de lait et de miel.

Œuvres

Comme Horace, Prudence a écrit une partie de son œuvre en hexamètres dactyliques, et plus de la moitié dans d'autres formes poétiques. Ses œuvres peuvent être classées en trois groupes : lyriques, didactiques et polémiques.

Les poèmes hexamétriques sont épigraphiques :

  • Dittochæon, tableaux de scènes bibliques, quatrains en hexamètres dactyliques,
  • Peristephanon 8, inscription pour un baptistère, en distiques élégiaques,

et didactiques ;

Article détaillé : Psychomachia.

Parmi les autres pièces, composées dans des formes mètriques variées, on peut distinguer :

  • les hymnes, regroupées dans des recueils :
    • Cathemerinon, sur les heures, les circonstances de la vie, les fêtes,
    • Peristephanon, sur les martyrs,
  • les poèmes servant de cadre aux œuvres de Prudence :
    • (Præfatio', Epilogus)
    • ou de préface à chacun des traités didactiques (præfationes, sans titre)
    • ou encore à l'ensemble de ces traités (Hymnus de Trinitate).

L'œuvre de Prudence est entièrement « chrétienne » : ses poèmes didactiques ont un contenu théologique et moral (Apotheosis : nature de Dieu - en particulier, doctrine de la Trinité ; Hamartigenia : origine du mal ; Psychomachia : combat de l'âme, et dans l'âme, de Vertus et de Vices personnifiés) ou polémique (Contra Symmachum : contre le paganisme) ; sa partie lyrique ou épigraphique est liée soit à la prière et à la liturgie (Cathemerinon : heures, circonstances de la vie chrétienne, fêtes du Seigneur ; Peristephanon : martyrs), soit à leur cadre (Dittochæon, ainsi que Peristephanon).

Un tel éclectisme dans les sujets et dans les formes métriques, mettant les ressources de la poésie profane au service de la culture et de la pensée chrétiennes, évoque celui des premiers auteurs latins (Livius Andronicus, Nævius), polygraphes qui transposaient les genres littéraires grecs au domaine romain. Ce qu'il y a de singulier chez Prudence est l'organisation de ses poèmes variés en un ensemble structuré - tentative apparemment sans parallèle dans l' Antiquité. Prudence ne se limitait donc pas à donner une réponse concrète aux attaques dirigées par ceux qui voulaient, pour diverses raisons, dissocier le christianisme de la culture latine, mais, sur le plan littéraire même, il introduisait un concept nouveau.

Sources

Prudence est un poète "alexandrin", chez qui la tradition littéraire est omniprésente et en même temps sans cesse revisitée, déformée. Ses sources sont nombreuses.

Comme tout Romain lettré, Prudence connaît par cœur Virgile (cette évolution perdure chez les chrétiens, qui voient dans la IVe Bucolique un texte prophétique) et compte également Horace parmi ses références. Horace est l’un des grands modèles de Prudence : on le voit avec la nature des mètres choisis, et la bipartition d'une œuvre entre poèmes hexamétriques et pièces lyriques de formes variées. On identifie nombre d'autres réminiscences lexicales ou thématiques d'auteurs profanes, notamment de poètes.

Prudence a pu fréquenter des poètes de cour tels Ausone et Claudien (avec lequel il polémique indirectement). Il a peut-être rencontré à Rome saint Paulin de Nole, auquel il rend hommage dans un catalogue de pèlerins. L’influence de ses contemporains fut surtout celle de saint Ambroise, qui lui fournit l'essentiel de ses thèmes et – par l'intermédiaire de l'évêque de Milan , puis de manière posthume, à Rome – du pape saint Damase, auteur d'épigrammes consacrées aux martyrs .

D'un autre ordre est l'inspiration biblique, très présente dans certains passages . Enfin, on constate que, conformément au goût des anciens, affleure ici et là le vocabulaire technique – qui, par sa singularité ou sa rareté, peut prendre une valeur poétique –, emprunté notamment au droit (que Prudence a pratiqué), à la critique littéraire, à la médecine et aux arts appliqués .

Réception (postérité)

Prudence aura une renommée considérable durant tout le Moyen Âge, et notamment à l'époque carolingienne : on étudie ses œuvres dans les monastères, on les commente. Les manuscrits (conservés) de Prudence sont très nombreux - seule la Bible a davantage été copiée.

Éditions contemporaines des œuvres de Prudence

Édition ancienne des œuvres de Prudence

Editions critiques (texte latin seulement)

  • Aurelii Prudentis Clementis carmina = CSEL 61, ed. Johannes Bergman, Vindobonæ - Lipsiæ, 1926
  • Prudentii carmina (= CCL 126), ed. Maurice P. Cunningham, Turnhout, 1966

Edition avec traduction française

  • Tome I : « Cathemerinon Liber (Livre d’heures) », Édité par M. Lavarenne, 152 p., Les Belles Lettres (coll. Budé Série latine), 1944 (3e édition, 1972) (ISBN 2251-01194-3)
  • Tome II : « Apotheosis (Traité de la nature de Dieu) - Hamartigenia (De l'origine du mal) », Édité par M. Lavarenne, 154 p., Les Belles Lettres (coll. Budé Série latine), 1945 (2e édition, 1961) (ISBN 2251-01195-1)
  • Tome III : « Psychomachie - Contre Symmaque », Édité par M. Lavarenne, 334 p., Les Belles Lettres (coll. Budé Série latine), 1948 (3e édition, revue par Jean-Louis Charlet, 1992) (ISBN 2251-01196-X)
  • Tome IV : « Le Livre des couronnes - Dittochaeon - Epilogue », Édité par M. Lavarenne, 284 p., Les Belles Lettres (coll. Budé Série latine), 1951 (2e édition, 1963) (ISBN 2251-01197-8)

Bibliographie

  • Jean-Louis Charlet, « L'Influence d'Ausone sur la poésie de Prudence », Thèse, Université de Provence, Aix en Provence, 1980 (Éditions Champion, Paris, 1980)
  • Jean-Louis Charlet, « Culture et imagination créatrice chez Prudence », dans « De Tertullien aux Mozarabes », Mélanges offerts à Jacques Fontaine, Paris, 1992
  • Roy J. Deferrari & James M. Campbell, « A Concordance of Prudence », Cambridge Mass. 1932 (réimpr. Hildesheim 1966)
  • Jacques Fontaine, « Le pèlerinage de Prudence à Saint-Pierre et la spiritualité des eaux vives », dans Orpheus 11 (1964), p. 99-122
  • Pierre-Yves Fux, « Les sept Passions de Prudence (Peristephanon 2.5.9.11-14). Introduction générale et commentaire », 496 pages, Éditions Universitaires Fribourg, 2003
  • Laurence Gosserez, « Poésie de lumière. Une lecture de Prudence », 298 pages, Éditions Peeters, 2001
  • Maurice Lavarenne, « Étude sur la langue du poète Prudence », Paris 1933
  • Michael Roberts, « Poetry and the Cult of the Martyrs. The Liber Peristephanon of Prudentius », Ann Arbor 1993
  • Géraldine Viscardi, « La vision du martyre de saint Hippolyte ou La mortification transfigurée : Prudence, Peristephanon 11 », dans Latomus 56 (1997), p. 360-381

Liens

Symmaque|saint Augustin|

Liens externes

Traduction intégrale du "Cathemerinon" en mode texte sur le site de Philippe Remacle accompagnée du texte latin

Une étude sur Prudence par l'abbé Bayle (1860), avec traduction intégrale du "Cathemerinon" à télécharger

Introduction au "Peristephanon" et texte, traduction et commentaire de certains poèmes par Pierre-Yves Fux, site de l'Université de Genève

  • Portail de la Rome antique Portail de la Rome antique
  • Portail de la poésie Portail de la poésie
Ce document provient de « Prudence (Aurelius Prudentius Clemens) ».

Wikimedia Foundation. 2010.

Contenu soumis à la licence CC-BY-SA. Source : Article Prudence (Aurelius Prudentius Clemens) de Wikipédia en français (auteurs)

Игры ⚽ Поможем написать реферат

Regardez d'autres dictionnaires:

  • Prudence (poète) — Pour les articles homonymes, voir Prudence. Aurelius Prudentius Clemens, dit Prudence (né en 348 à Calagurris (auj. Calahorra), patrie également de Quintilien, dans le nord de l Espagne mort entre 405 et 410) est un poète lyrique latin qui mit sa …   Wikipédia en Français

  • PRUDENCE — PRUDENCE, lat. AURELIUS PRUDENTIUS CLEMENS (348 env. env. 410) Né à Calagurris (Calahorra), en Espagne, il eut une brillante carrière juridique et politique; deux fois gouverneur de province en Espagne, il exerça de hautes fonctions à la cour de… …   Encyclopédie Universelle

  • Prudentius — For the ninth century writer and bishop, see Prudentius of Troyes. Aurelius Prudentius Clemens was a Roman Christian poet, born in the Roman province of Tarraconensis (now Northern Spain) in 348. He probably died in Spain, as well, some time… …   Wikipedia

  • Aurelius — Aurelii Principales gentes romaines Gens Aemilia Gens Claudia Gens Cornelia Gens Fabia Gens Iulia Gens Iunia …   Wikipédia en Français

  • Clemens — Cette page d’homonymie répertorie les différents sujets et articles partageant un même nom.  Pour l’article homophone, voir Klemens. Clemens, prénom allemand, équivalent de Clément en français, peut désigner : Sommaire …   Wikipédia en Français

  • Prudentius — Prudẹntius,   Aurelius Prudentius Clemens, der bedeutendste christliche lateinische Dichter des Altertums, * in Spanien 348, ✝ nach 405. Prudentius war nach rethorischer und juristischer Ausbildung hoher Staatsbeamter; trat dann zum Christentum… …   Universal-Lexikon

  • Prudentĭus — (Aurelius P. Clemens), der bedeutendste christliche röm. Dichter, geb. 348 im tarrakonensischen Spanien, 402–403 in Rom und bald darauf gestorben, war erst Advokat, dann hoher Staatsbeamter, bis er sich im 57. Lebensjahr aus dem öffentlichen… …   Meyers Großes Konversations-Lexikon

  • Aurelius Clemens Prudentius —     Aurelius Clemens Prudentius     † Catholic Encyclopedia ► Aurelius Clemens Prudentius     A Christian poet, born in the Tarraconensis, Northern Spain, 348; died probably in Spain, after 405. He must have been born a Christian, for he nowhere… …   Catholic encyclopedia

  • Antiquité (littérature) — Littérature antique La littérature de l’Antiquité occidentale se compose principalement des littératures grecque et romaine. En effet, Les Égyptiens et les Hébreux n’écrivaient que des textes fonctionnels ou sacrés. Il n’existe pas non plus de… …   Wikipédia en Français

  • Auteurs latins par ordre chronologique — Sommaire 1 Les origines 2 IIIe et IIe siècles av. J. C. 3 Ier siècle av. J.‑C. 4 Ier siècle ap. J. C …   Wikipédia en Français

Share the article and excerpts

Direct link
Do a right-click on the link above
and select “Copy Link”