Sciences et techniques dans l'empire byzantin

Sciences et techniques dans l'empire byzantin

Sciences et techniques dans l'empire byzantin

Dans l'importante bibliographie byzantine conservée, histoire, droit, religion, littérature dominent largement. Les sources concernant les connaissances techniques et scientifiques des Byzantins sont surtout extérieures: voyageurs, ambassadeurs, Croisés (Ansbertus, Robert de Clary, Henry de Valenciennes, Geoffroy de Villehardouin...), et plus récemment archéologues, architectes et byzantinologues. Nous avons aussi les traductions en latin de Boèce.

Sommaire

Géographie et navigation

En géographie et ethnographie Étienne de Byzance (Στέφανος Βυζάντιος = Stéphanos Byzántios) écrit vers 528535, soixante livres (les Ἐθνικά = Ethnika). Porphyrogénète reprend le flambeau en 934 et un Atlas de Ptolémée (copie du XIIIème siècle) trouvé à Istanbul en 1927, actuellement au musée Topkapi, prouve que les Byzantins ne s'étaient pas contentés de l'héritage d'Hérodote, de Claude Ptolémée et de Strabon, mais avaient continué à recueillir des données actualisées sur l'Ancien monde. Une partie de ces données ont pu leur parvenir, du moins jusqu'au Vème siècle, par le commerce entre l'Égypte byzantine et les côtes de l'océan Indien (notamment les routes de l'ivoire, de l'encens, des épices et des pierres précieuses depuis l'Afrique orientale et l'Inde occidentale): l'île de Dioscoride (aujourd'hui Socotra) a été un comptoir égypto-byzantin jusqu'en 639.

Le Περίπλους τῆς Ἐρυθρᾶς Θαλάσσης: "Voyage par mer de la Mer Rouge" en grec, est un « périple » décrivant la navigation et les opportunités commerciales depuis les ports de Bérénice le long de la côte de la mer Rouge, alors appelée mer Érythrée (Ἐρυθρος: "rouge" en grec ancien), et jusqu'en Afrique orientale et de l'Inde[1]; nous disposons d'une copie de celui-ci datant du XIVe ou XVe siècle et conservée au British Museum[2].

Dans un grand nombre de cas, la description est suffisamment précise pour pouvoir identifier les emplacements actuels correspondants, tandis que pour d'autres, les hypothèses sont très nombreuses. Par exemple, le lieu dénommé « Rhapta » est mentionné comme étant le marché le plus lointain le long de la côte africaine « d'Azania » ; des chercheurs ont reconnu au moins cinq endroits correspondant à la description, dans une zone s'étendant du sud de Tanga jusqu'au delta de fleuve Rufiji.

La description de la côte indienne mentionne le Gange tout à fait clairement, mais le périple perd beaucoup en précision lorsqu'en décrivant la Chine, il cite comme une « grande ville intérieure », « Thina qui est une source de soie brute ».

Une autre caractéristique du Périple est que certains des mots décrivant les marchandises n'apparaissent dans aucun autre texte de la littérature antique, obligeant à faire des conjectures sur leur signification.

Dromon du Xème siècle à gouvernail d'étambot.
Hippocrate: fresque byzantine du XIVème siècle.

Sur mer, les dromons de haute mer, les pamphylies et les ophidies plus côtières utilisaient des voiles latines ou carrées selon les vents. A bord des dromons, qui ont contribué à repousser plusieurs invasions arabes de 670 à 718, varègues de 866 à 941 et normandes de 1027 à 1084, des machines de guerre constituait une "artillerie" efficace, capable de mettre le feu aux navires ennemis grâce à un mélange inflammable même sur l'eau, nommé en français feu grégeois.

L'Empire étant situé à l'extrémité occidentale de la route de la soie, certaines inventions ont été diffusées en Méditerranée par Byzance : la soie (selon la légende, les premiers cocons furent apportés, cachés dans leurs bâtons, par deux moines), la boussole d'origine chinoise (les capitaines byzantins avaient conservé l'usage antique des astrolabes pour la navigation), et le gouvernail d'étambot, que les Varègues avaient apporté depuis les mers du Nord (l'historigraphie grecque, elle, préfère la version inverse: les Varègues auraient découvert le safran et la barre à Byzance, et les auraient diffusés dans toute l'Europe[3]).

Astronomie et mathématiques

La mort d'Hypatie en 415 marque le déclin de l'école d'Alexandrie. Dès cette époque, la science alexandrine, où l'astronomie et les mathématiques occupent une place de choix, migre vers Constantinople. La science grecque y survivra, avec des hauts et des bas, jusqu'après la chute de cette ville aux mains des Turcs en 1453.

Les scientifiques byzantins apportent de nouvelles contributions à la science, soit par de nouvelles théories, soit, surtout, en développant les acquis grecs antérieurs, continuant en cela la lignée des "commentateurs"[4]. C'est le cas en particulier lors de la « Renaissance byzantine » à la fin du premier millénaire.[5],[6]. Ils intègrent alors l'évolution scientifique des Arabes et des Perses, dont ils deviennent des experts[7].

Au XIVe siècle, le dernier sursaut, centré sur l'astronomie, est à mettre au crédit de Théodore Métochitès et de ses disciples Nicéphore Grégoras et Barlaam de Seminara. Ces derniers, outre leurs querelles théologiques, se livrèrent à une véritable compétition astronomique centrée sur la prédiction des éclipses solaires[8], exceptionnellement nombreuses au cours de cette période. L'Empire byzantin était alors englué dans les querelles religieuses, mais elles restaient purement théologiques et, contrairement à ce qui se passait en Occident, les scientifiques jouissaient d'une grande liberté d'expression. L'astronomie, d'ailleurs, était précieuse pour effectuer le comput pascal.

Médecine, hygiène, hydraulique et architecture

Hippocrate plus que Gallien inspirait les médecins byzantins, au grand étonnement des Croisés, et un système efficace de citernes, d'aqueducs, de fontaines et d'égouts (bien conservé jusqu'à nos jours dans la plupart des cas) permettait aux citadins des grandes villes de pratiquer une hygiène alors inconnue dans le reste de l'Europe. Les byzantins construisaient également des horloges à eau et de grandes norias pour l'irrigation: technologies hydrauliques dont la civilisation arabe a hérité et qu'elle a transmises à son tour.

L'architecture byzantine, dont la basilique Sainte Sophie de Constantinople est le fleuron le plus connu, et qui avait hérité d'influences grecques, romaines et perses sassanides, a influencé à son tour les architectes arabes, italiens du Quattrocento (notamment à Venise et Florence) et ottomans. Cette influence est encore très présente en Europe méridionale et orientale, et au Proche Orient, des Balkans au Caucase.

Transmission vers l'Occident

Ce n'est qu'au XVe siècle qu'on redécouvrit véritablement en Occident la science antique, principalement à travers Aristote et Ptolémée, en grande partie par l'intermédiaire de manuscrits byzantins. Quelques décennies avant la chute de Constantinople, des érudits grecs commencèrent à émigrer vers Venise et les principautés italiennes, emportant avec eux quantité de manuscrits. L'évènement emblématique de ce mouvement est le concile de Florence de 1438, au cours duquel l'empereur byzantin Jean VIII Paléologue sollicita (vainement) l'appui des royaumes chrétiens occidentaux contre la menace d'invasion musulmane. Des érudits comme François Philelphe, Giovanni Aurispa, ou Basilius Bessarion jouèrent un rôle particulièrement actif dans la transmission des écrits grecs[9]. Ce fait fut déterminant dans l'avènement de la Renaissance.

Un héritage occulté

Dans l´historiographie ouest-européenne moderne, l´héritage byzantin est généralement ignoré en tant que tel : il est intégré dans les descriptions de l´héritage arabe, parvenu en occident par l´Espagne (dont le sud a aussi été byzantin avant d´être arabe), par la Sicile (successivement byzantine, arabe puis normande) et par les Croisades. Selon Paul Tannery, cette occultation est un héritage culturel du schisme entre Rome et Constantinople, qui a inauguré en occident un mépris diffus des "Grecs schismatiques": nourris de Voltaire qui avouait "détester Byzance" ou de Thouvenel pour qui "l'Orient est un détritus de peuples et de religions". Beaucoup d'historiens occidentaux pensent que l'Empire byzantin, synonyme, dans leur culture générale, d'une église conservatrice et dogmatique (c'est l'un des sens du mot "orthodoxe" !) n'avait rien d'intéressant à léguer à l'occident... Les recherches dans ce domaine s'en ressentent.

Notes et références

  1. CPG 398 : 40v-54v
  2. B.M. Add 19391 9r-12r
  3. Nikolaos G. Svoronos, Iστορια των μησων χρονων, Athènes 1955, Histoire du Moyen-Âge, P.U.F. 1956
  4. Voir science grecque
  5. H. Floris Cohen, The Scientific Revolution : A Historiographical Inquiry, chap. « The Emergence of Early Modern Science », University of Chicago Press, 1994, p.395
  6. Paul Dickson, Mathematics Through the Middle Ages (320-1660 AD), University of South Australia, (lire en ligne)
  7. David A. King, citation de « Reviews: The Astronomical Works of Gregory Chioniades, Volume I : The Zij al- Ala'i de Gregory Chioniades et David Pingree ; An Eleventh-Century Manual of Arabo-Byzantine Astronomy de Alexander Jones », dans la revue « Isis », n°82, 1991, pp. 116-118.
  8. J. Mogenet et A. Tihon, Barlaam de Seminara, Louvain, 1977. / J. Mogenet, A. Tihon, R. Royez, A. Berg, Nicéphore Grégoras - Calcul de l’éclipse de soleil du 16 Juillet 1330, Corpus des astronomes byzantins, I, Gleben, 1983
  9. Les bibliothèques vaticane et vénitienne (Biblioteca marciana) recèlent encore de nombreux manuscrits astronomiques de cette époque, totalement inédits ou édités récemment, comme le Vaticanus Graecus 1059 ou le Marcianus Graecus 325 de Nicéphore Grégoras.

Bibliographie

  • Paul Tannery, Mémoires scientifiques, tome IV: Sciences exactes chez les Byzantins, Jacques Gabay, Paris, ISBN 978-2-87647-186-3
  • Hélène Ahrweiler, Byzance et la mer : la marine de guerre, la politique et les institutions maritimes de Byzance aux VIIe - XVe siècles, PUF, Paris, 1966, 502 p. 
  • Anonymi [Arriani, ut Fertur] Periplus Maris Erythraei, dans Geographi Graeci minores, vol. 1, éd. grecque et trad. latine par Karl Müller, Paris, 1855, p. 257-305 (en ligne).
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