Robert d'Arbrissel

Robert d'Arbrissel
Robert d'Arbrissel, fresque à la cire d'Alphonse Le Henaff, Cathédrale Saint-Pierre de Rennes, peinte entre 1871 et 1876.

Robert d’Arbrissel, né vers 1047 dans le village d’Arbrissel (actuel département d'Ille-et-Vilaine) dans le diocèse de Rennes en Bretagne et mort au Prieuré d'Orsan (Cher), probablement autour de 1117, est un ermite et moine breton.

Prêcheur itinérant, reconnu par le pape Urbain II, il suit une pratique érémitique extrême. Il est le fondateur des abbayes de Fontevraud et de la Roë et de l'ordre de Fontevraud.

Ses exigences spirituelles et sa conduite lui créeront des difficultés pendant toute sa vie et bloqueront les tentatives de canonisation au XVIIe siècle. Les historiens contemporains se disputent encore sur le sens de son action, le décrivant tour à tour comme un précurseur du féminisme, un défenseur des pauvres, un réformateur exigeant.

Sommaire

Origine familiale et formation

L'église Notre-Dame d'Arbrissel - XIe et XIIe

Le père de Robert d’Arbrissel, un prêtre nommé Damalioch[1], était descendant probable des Bretons venus de Grande-Bretagne et installés aux lisières romanes de l’Armorique[réf. nécessaire].

Robert, dont la date d'ordination est inconnue, aurait succédé à son père dans la charge de recteur d’Arbrissel et aurait comme lui vécu avec une femme (ce n'est qu'au premier concile du Latran de 1123 que le mariage et le concubinage des prêtres ont été interdits).

Compromis dans l’élection jugée irrégulière de Sylvestre de la Guerche comme évêque de Rennes en 1076 puis déposé en 1078, il s’exile à Paris.

Il y suit les enseignements théologiques, peut-être d'Anselme de Laon[2]. Il y est reçu docteur en théologie et devient un ardent partisan de la réforme grégorienne, promue par le pape Grégoire VII.

Réformateur du diocèse de Rennes

Son évêque, Sylvestre de la Guerche, rétabli sur son siège en 1089, l'appelle auprès de lui pour le seconder dans son effort de moralisation du clergé breton et lui confère les dignités d'archiprêtre et d'official. Dans ce nouveau rôle, il devient un exigeant opposant à la simonie, l'incontinence et les autres vices de son clergé.

Après avoir travaillé pendant quatre ans à l'extirpation de ces désordres, Robert se voit exposé, avec la mort de l'évêque en 1093, au ressentiment des ecclésiastiques qu'il a humiliés. Marbode, successeur de la Guerche, qui apparemment n'aime pas autant que celui-ci les réformateurs, le laisse partir pour Angers, où il va enseigner la théologie. Il s'y lie avec Geoffroy, abbé deVendôme qui apprécie ses qualités intellectuelles et religieuses

Ermite dans la forêt de Craon en Anjou

Vers 1095, Robert d'Arbrissel fait siens les principes de pauvreté prônés par Grégoire VII et, cédant à son goût pour la vie solitaire, va vivre en ermite dans la forêt de Craon, en Anjou, à proximité de la Bretagne.

L'évêque d'Angers, Geoffroy de Mayenne, le reçoit en audience avec Renaud Ier de Craon, fils de Robert le Bourguignon, seigneur de Craon, et ses fils. C'est là qu'a lieu la concession de sept masures dans la forêt où les chanoines peuvent s'établir.

Création de l'abbaye de la Roë

Article détaillé : Abbaye de la Roë.

Il est bientôt entouré d'une foule d'anachorètes attirés par la renommée de ses vertus et de la sainte austérité de sa vie. D'ermites, ils deviennent cénobites sous la direction de leur chef, qui leur donne la règle des chanoines réguliers récemment réformée et refondue par Yves de Chartres.

Sa réputation de sainteté se répand et de nombreux clercs et laïcs le rejoignent, ce qui conduit à créer des logements qui deviennent l’Abbaye de la Roë. Il les partage en trois colonies, se charge d'en gouverner une, et confie les autres à Vital de Savigny et Raoul de La Futaie. À Craon il rencontre également d'autres ermites de la région comme saint Alleaume ou Bernard de Tiron.

Le prêcheur

Le 11 février 1096, le pape Urbain II, qui a lancé, un an auparavant, l’appel à la première croisade, est à Angers, accompagné de nombreux prélats, Hugues de Bourgogne, archevêque de Lyon, Amat d’Oloron, archevêque de Bordeaux, Yves de Chartres, évêque de Chartres, Hoël, évêque du Mans, et des plus nobles seigneurs de la région.

Robert d'Arbrissel est aussi présent dans cette assemblée. Il a prêché la veille devant le pape à la consécration de l'église Saint-Nicolas de Craon. Urbain II apprécie tellement ses sermons qu'il lui confère le titre de prédicateur apostolique, avec la permission de prêcher per universum mundum.

En 1100, Robert assiste au concile de Poitiers en compagnie de Bernard de Tiron.

Fondation de l'abbaye et de l'ordre de Fontevraud

Réformateur religieux et itinérant avec le soutien du pape, Robert d'Arbrissel se retrouve à la tête d'un groupe de plusieurs centaines de personnes, à majorité féminine. Il sillonne l'Anjou, le Maine et même la Normandie, où il convainc même, à Rouen, des prostituées (terme ici ecclésiastique désignant les femmes de prêtres chassées du presbytère suite au célibat des prêtres institué par le deuxième concile du Latran[3]) à venir le rejoindre[4].

En 1101, avec l'aide de Pierre II, évêque de Poitiers, Robert d'Arbrissel installe sa communauté mixte, en Anjou, dans une enclave appartenant au diocèse de Poitiers, au fond du vallon de Fontevraud, proche de Saumur à côté de la source fons Ebraldi.

« Cependant, voyant augmenter la foule de ceux qui le suivaient, il décida, pour éviter tout acte inconsidéré, et puisqu'il importait que les femmes habitassent avec les hommes, de rechercher un lieu où ils pussent vivre sans scandale et de trouver un désert, s'il en rencontrait. Or, il y avait un lieu, inculte et aride, planté de buissons épineux, appelé Fontevraud depuis les temps anciens... »

— Baudri de Bourgueil, évêque de Dol de Bretagne, Vie du bienheureux Robert d'Arbrissel

Il commence à organiser la vie communautaire en fixant son groupe. Les fondations du monastère sont entreprises aussitôt. Le premier protecteur est le seigneur de Montsoreau, dont le château est tout proche. Le rayonnement du fondateur, apparaissant comme un féministe avant la lettre, y attire de nombreuses femmes nobles dont la duchesse de Bretagne, Ermengarde d'Anjou, qui y fait venir son frère, le duc d'Anjou, Foulque V d'Anjou, lequel favorise l'établissement par ses dons.

Il s'agit d'un monastère double et non mixte, c'est-à-dire que Robert s'engage à ce qu'à aucun moment il n'y ait de contact entre un moine et une moniale. Il répartit ses adeptes en quatre lieux distincts: le Grand-Moustier avec les contemplatives, des moniales de chœur, Sainte-Marie Madeleine avec des sœurs converses, des femmes ayant vécu dans le siècle, Saint-Jean-l'Habit pour les moines et Saint-Lazare pour les sœurs qui soigneront les lépreux qui seront, eux, hébergés à l'extérieur. Les contemplatives se consacrent à l'office divin (prières) les sœurs converses et les moines au travail à leur profit (seuls les moines pourront dire la messe).

La fondation rencontre un grand succès. On atteindra très vite 300 moniales de chœur. Cependant, Robert, qui dirige l'ensemble mais sans prendre le titre d'abbé, continue de fréquenter les différents lieux du monastère et notamment, s'entretient en privé avec les femmes. Il pratique à ces occasions le syneisaktisme, pratique ascétique que lui reproche dans sa lettre Geoffroy, abbé de la Trinité de Vendôme, vers 1106-1107[5],[6].

Retour à la prédication

Lorsqu'il croit que son établissement peut se passer de lui, il reprend son premier emploi de prédicateur ambulant, parcourt la France, exhortant les riches à la charité, les pauvres à l'humilité, les femmes à la continence, et les hommes à l'amour de Dieu. Il assiste, en 1104, au concile de Beaugency, et prend place parmi les prélats. L'évêque de Poitiers est si satisfait de sa doctrine et des lois qu'il donne à ses disciples, qu'il sollicite auprès du Saint-Siège les bulles de confirmation ; et, en les délivrant, le pape Pascal II déclare qu'il prend cet ordre sous sa protection spéciale.

La fin de sa vie

En 1115, sentant sa fin proche, Robert d'Arbrissel fixe les statuts de Fontevraud avec les moniales. Il convoque les évêques et les abbés afin de pouvoir faire nommer et reconnaître la nomination d'une abbesse à la tête de l'abbaye. La décision est avalisée et la même année est nommée une jeune femme d'origine noble, Pétronille de Chemillé.

La même année, il fait donner à son ami Géraud de Salles, les terres pour fonder l'abbaye de Cadouin, en présence du duc d'Anjou Foulque V et de personnalités angevines et poitevines[7].

C'est au milieu de ses travaux apostoliques que Robert tombe malade ; il est obligé de s'arrêter au prieuré d'Orsan, diocèse de Bourges dans le Berry. Il y meurt le 25 février 1116, léguant son cœur à Orsan et son corps à Fontevraud. L'archevêque de Bourges, son clergé, la noblesse des environs et une foule de laïcs, accompagnent son corps jusqu'à l'abbaye de Fontevraud, où on lui fait des obsèques solennelles.

Postérité

Son tombeau et son épitaphe

En 1655, Jeanne-Baptiste de Bourbon, abbesse de Fontevraud, fille légitimée d'Henri IV et de Charlotte des Essarts, comtesse de Romorantin, sœur naturelle de Louis XIII, dernière abbesse de la famille des Bourbon, fit placer les restes de Robert dans un superbe tombeau de marbre, sur lequel on lisait l'épitaphe qu'Hildebert, évêque du Mans, avait faite en son honneur, et dont voici quelques vers :

« Attrivit lorica laïus, silis arida fauces, Dura famés stomacbum, lumina cura vigil. Induisit raro requiem sibi, rarius eseam. Gultura pascebat graraiue, corda Deo. Legibus est subjecta carq dominas rationis ; Et sapor unus ei, sed sapor ille Deus. »

Notes et références

  1. Jean-Marc Bienvenu, L'étonnant fondateur de Fontevraud, Robert d'Arbrissel, Nouvelles Éditions Latines, 1981, p. 17
  2. Jean-Marc Bienvenu, op. cit., p. 20
  3. André Vauchez, « L'Église et le mariage des prêtres », dans L'Histoire, n° 185, p. 58
  4. Jacques Dalarun, Les deux vies de Robert d'Arbrissel, fondateur de Fontevraud: légendes, écrits et témoignages, Éditions Brepols, Turnhout, Belgique, 2007
  5. Jacques Dalarun, Robert d'Arbrissel ou l'impossible sainteté, p. 71-80
  6. La Lettre volée, le sens de la lettre : les reproches de Geoffroy à Robert
  7. Revue 303, n°67, L'Abbaye de Fontevraud, réédition de 2008

Voir aussi

Bibliographie

Bibliographie moderne

  • Jacques Dalarun, Les deux vies de Robert d'Arbrissel, fondateur de Fontevraud: légendes, écrits et témoignages, éd. Brepols, 2007, édition bilingue français et anglais, 772 p. (ISBN 2503524192)
  • Jacques Dalarun, Robert d'Arbrissel ou l'impossible sainteté, éd. Albin-Michel, 1986, 226 p. (ISBN 2226026282)
  • Jacqueline Martin-Bagnaudez, Petite vie de Robert d'Arbrissel, éd. Desclée de Brouwer, 2008, coll. Petites vies (ISBN 2220060349)
  • Jean-Marc Bienvenu, L'Étonnant fondateur de Fontevraud, Robert d'Arbrissel, Nouvelles Éditions latines, 1981 (ISBN 2723301494).
  • Genèse d'une abbaye canoniale, Notre-Dame de La Roë au tournant des années 1100 (analyse et édition critique des actes du cartulaire de La Roë des années 1096-1102/1105), Jean Bienvenu, mémoire de maîtrise sous la direction d'Olivier Guillot, UCO, Angers, 1989, publié dans La Mayenne, Archéologie, Histoire, n°14, 1991, bulletin de la Société d'archéologie et d'histoire de la Mayenne ; mémoire également consultable sur le blog de l'auteur : http://mes-recherches-en-histoire-medievale.over-blog.com/
  • Hervé Oudart, « Robert d'Arbrissel magister dans le récit de Baudri de Dol », in Ermites de France et d'Italie XIe-XVe siècle, collection de l'École française de Rome, n°313, déc. 2003, p. 137-154, sous la direction d'André Vauchez ; article également consultable sur le site de casalini digital division : http://digital.casalini.it/efr

Articles scientifiques

  • Dédales de la création historique : Robert d'Arbrissel vu par Michelet, Jacques Dalarun, Revue Persée, n°48, 1985
  • Colloque international Robert d'Arbrissel (1045-1116) et le monde de son temps, 9-11 juin 1988
  • Genèse d'une abbaye canoniale, Notre-Dame de La Roë au tournant des années 1100 (analyse et édition critique des actes du cartulaire de La Roë des années 1096-1102/1105), Jean Bienvenu, mémoire de maîtrise sous la direction d'Olivier Guillot, UCO, Angers, 1989, publié dans La Mayenne, Archéologie, Histoire, n°14, 1991, bulletin de la Société d'Archéologie et d'Histoire de la Mayenne ; mémoire également consultable sur le blog de l'auteur: http://mes-recherches-en-histoire-medievale.over-blog.com/
  • Hervé Oudart, « Robert d'Arbrissel magister dans le récit de Baudri de Dol », in Ermites de France et d'Italie XIe-XVe siècle, collection de l'École française de Rome, n°313, déc. 2003, p. 137-154, sous la direction d'André Vauchez ; article également consultable sur le site de casalini digital division : http://digital.casalini.it/efr

Bibliographie ancienne

  • Vita Roberti, in « Patrologia Latina », CLXII, 1050, hagiographie rédigée par Baldéric, au XIIème siècle, repris dans La Vie du bienheureux Robert d'Arbrissel, fondateur de l'ordre de Fontevraud (par Baldéric, traduite par Sébastien Ganot). - Les Maximes de la vie spirituelle tirées de la vie de l'esprit et de la conduite du bienheureux Robert d'Arbrissel,... La Flèche, G. Griveau, 1648.
  • Dissertation apologétique pour le bienheureux Robert d'Arbrissel, sur ce qu'en a dit M. Bayle dans son Dictionnaire, Père de Soris, Anvers, 1701
  • Le Fondateur de l'ordre de Fontevrault, Robert d'Arbrissel. Un apôtre du XIe siècle, son temps, sa vie, ses disciples, son œuvre par le colonel L. Picard, Louis-Auguste Picard, éd. Girouard et Richou, (1932)

Articles connexes

Liens externes


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