- Pensée marxiste
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Pensée de Karl Marx
Cet article présente un résumé succinct de la pensée de Karl Marx.
Karl Marx est aujourd'hui surtout connu pour ses écrits politiques et économiques, mais c'était avant tout un philosophe et un historien, qui a essayé de comprendre, interpréter et surtout changer le monde. Nous essayons ici d'expliquer la « pensée » de Karl Marx. Cet article ne recouvre pas l'article marxisme, qui est propre à ceux qui se revendiquent de ce « courant politique » multiforme.
Avertissement : La plupart des liens de cette page ne permettront pas d'éclairer le lecteur. Les notions de capital, praxis, production, échange, dialectique, distribution, etc. sont bien spécifiques chez Marx, et ne sont souvent pas décrites dans ces articles.
Matérialisme philosophique
S'inspirant du matérialisme antique (sa thèse d'admission au doctorat portait sur l'atomisme de Démocrite et Épicure et sa théorie du clinamen, qui lui permettait de préserver la liberté de la volonté humaine au sein d'une théorie physique déterministe) et se voulant une critique de l'économie politique, la pensée de Karl Marx est résolument matérialiste : « L'histoire de toute société jusqu'à nos jours est l'histoire de luttes de classes » écrit-il ainsi dans le Manifeste communiste, rédigé peu avant les Révolutions de 1848. Comme Marx le remarque dans les Thèses sur Feuerbach, « les philosophes n'ont jusqu'ici qu'interprété le monde, il s'agit maintenant de le transformer. » C'est en cela que le marxisme peut être vu comme un dépassement de la philosophie.
Marx veut remettre « la dialectique hégélienne sur ses pieds », et estime donc que c’est la matière qui est première, et non l’esprit, c'est-à-dire que « le mouvement de la pensée n’est que le reflet du mouvement réel, transporté et transposé dans le cerveau de l’homme » (Le Capital). Il rompt ainsi avec l’idéalisme de la Phénoménologie de l'Esprit de Hegel, ainsi qu'avec l'Idéalisme allemand, pour lequel les objets sont de simples copies de « l’Idée » et pour lequel le « mouvement réel » de l'Esprit Absolu dans l'Histoire (Hegel) ne prend conscience de lui-même que dans la conscience du philosophe.
Le matérialisme selon Marx ne s'arrête pas à la dimension purement physique de l'Homme, comme c'était le cas de ces prédécesseurs. Marx insiste sur le « matérialisme social » qui fait (réalise) l'Homme, c’est-à-dire toutes les relations sociales qui le construisent (la famille, les rapports hiérarchiques, la réalisation (objet) de son travail au sein de la société et les formulations qu'il en donne, etc.)
Selon Ellul, il n'existe pas pour Marx une "nature humaine", mais une "condition humaine", qui varie selon les époques. Marx parle de "Gattungwesen".
Cependant, Marx reproche à l’ancien matérialisme le fait qu’il conçoive l’être humain comme une abstraction, et non comme le produit de l’ensemble de tous ses rapports sociaux, le fait qu’il ne serait pas historique, etc. ce qu’il qualifie de matérialisme « vulgaire » par son aspect mécaniste.
La dialectique
La dialectique hégélienne (essentiellement formulée sur une base idéaliste)[réf. nécessaire] implique l’idée selon laquelle le monde ne peut être considéré que comme « un complexe de choses achevées » (Engels)[réf. nécessaire], une succession de processus complexes où les choses (y compris les reflets qui s'y impriment dans le cerveau de celui qui pense) sont en constant développement alternant entre l'être et le devenir quant à une finalité (Dieu). Selon Hegel, ce développement est une évolution discontinue, faite de bonds, de catastrophes, mue d'impulsions internes, de contradictions, etc., allant vers une finalité prédéterminée : l'Absolu[réf. nécessaire].
La dialectique selon Hegel (dont se serait inspiré Marx, tout en la critiquant), c'est un enchaînement historique inéluctable : affirmation - négation - négation de la négation. Ce qui peut s'interpréter dans le champ économique et politique comme, par exemple :[réf. nécessaire]
* affirmation : la propriété privée permet à la classe bourgeoise de créer des richesses ;
- négation : la classe ouvrière s'appauvrit et ne peut accéder à la propriété privée ;
- négation de la négation : doit donc être abolie la propriété privée comme forme privée d'universalité.[réf. nécessaire]
Marx énonce, au contraire, que la notion d'abolition de la notion même de propriété privée (différente de la propriété "intime") est le sens de l'Histoire.[réf. nécessaire]
Il faut noter qu'il existe d'autres systèmes, contemporains de celui de Marx, qui se disent dialectiques : Proudhon, par exemple, qui propose comme troisième étape que la classe ouvrière accède à la propriété privée.[réf. nécessaire]
La conception matérialiste de l'Histoire
La conception matérialiste de l'Histoire est l’application du matérialisme à l’étude du développement historique des sociétés. Selon cette conception, c’est l’être social qui explique la conscience sociale : dans la production sociale de leur existence, les hommes entrent en des rapports déterminés, nécessaires, indépendants de leur volonté, rapports de production qui correspondent à un degré de développement déterminé de leurs forces productives matérielles. (Contribution à la Critique de l’Économie Politique)
La technologie, dit Marx, met à nu le mode d'action de l'homme vis-à-vis de la nature, le procès de production de sa vie matérielle, et, par conséquent, l'origine des rapports sociaux et des idées ou conceptions intellectuelles qui en découlent (Le Capital, livre I). Pour les marxiens, une telle conception permet de ne pas expliquer l’histoire uniquement par les désirs et volontés des hommes, mais de rechercher dans les rapports sociaux les causes de ces désirs. Elle permet également de ne pas négliger l’action des masses de la population, en étudiant les conditions de vie de la population et leur évolution. Ainsi, quelles que soient les conditions données qu'ils réalisent dans l'histoire, les hommes sont les artisans de leur propre histoire, de ce qu'ils sont.
Ainsi, l'Histoire, selon Marx, est avant tout la transformation de la Nature par le travail de l'Homme qui, en retour, transforme l'homme lui-même (la "praxis"). Selon une interprétation particulière de la dialectique du Maître et de l'Esclave exposée par Hegel dans La Phénoménologie de l'Esprit, l'esclave est l'être qui, transformant la Nature, accède immédiatement à l'objet dans son côté passif et actif. Le maître, qui pour sa part ne travaille pas mais fait réaliser vit immédiatement dans la jouissance de l'objet consommable : il ne connaît que son aspect passif. Il apparaît que l'esclave, travaillant (réalisant) à transformer le monde humain, se transforme lui-même et revendique son autonomie au monde naturel dans sa transformation humaine du monde, tandis que le maître se rend étranger à son monde, qu'il ne reconnaît plus dans la connaissance que l'esclave s'en fait. Ainsi celui-ci, par le produit de son travail et la maîtrise induite par sa pratique, peut renverser le rapport de domination ancestrale pour se réaliser dans l'accomplissement du monde humain, dont la notion d'égalité constitue l'un des fondements conceptuels.
Le travail, par les améliorations techniques que son évolution implique, conduit à transformer les structures de la société. Qu'on pense seulement à la différence entre le travail d'un paysan du siècle dernier et un informaticien, ou bien, pour reprendre un exemple de Karl Marx, extrait de Misère de la philosophie [1]
En acquérant de nouvelles forces productives, les hommes changent leur mode de production, et en changeant le mode de production, la manière de gagner leur vie, ils changent tous leurs rapports sociaux. Le moulin à bras vous donnera la société avec le suzerain; le moulin à vapeur, la société avec le capitalisme industriel.
Le mouvement de l'Histoire
Au cours de l'Histoire, les progrès techniques permettent d'accroître la production. Après un certain temps, un conflit naît au sein de la société, où les rapports sociaux changent : la classe sociale qui détient les nouvelles techniques prend de l'importance sur la classe sociale dominante, fondée sur l'ancien modèle de production. Exemple : du système féodal où le suzerain possédait les terres et ceux qui la travaillaient, et le rôle du clergé sur la société, on est passé à une société dominée par la bourgeoisie au cours de la révolution industrielle du XVIIIe siècle. Ainsi selon Marx est née une nouvelle forme de l'économie : le capitalisme, qui suppose une nouvelle forme de propriété privée, garantie par une institution juridique nouvelle.
Marx, dans son œuvre, [2], a résumé l'histoire humaine en 4 étapes (la cinquième à venir étant, selon lui, la période socialiste), correspondant à des techniques et des modes de production différente :
- la communauté primitive
- la société esclavagiste (la société Romaine)
- le régime féodal
- le régime capitaliste
Marx pense que le sens de l'Histoire est à terme inéluctable, et qu'elle aboutit toujours à cette troisième étape, critique, de restructuration sociale. Les rapports de production finissent tôt ou tard par être contestés, par ne plus être adaptés au développement, par être insupportables pour une part importante de la population : les structures de la société, qui paraissaient immuables, doivent alors changer.
La Lutte des classes
L’idée que la société n’est pas homogène, mais que ses membres ont des aspirations divergentes, et parfois contradictoires, n’est pas nouvelle. Mais Marx a pour la première fois avancé l’idée que les oppositions entre ces différentes classes sociales constituent le fil conducteur qui permet de comprendre la succession des sociétés et des périodes historiques. La théorie de la lutte des classes avance qu'exceptées les communautés primitives, toutes les sociétés sont composées de classes (homme libre et esclave, patricien et plébéien, seigneur et serf, patrons et ouvriers) en opposition constante et que cette opposition est le moteur de l’histoire.
Marx étudie la manière dont la bourgeoisie moderne est née au sein même de la société féodale, a grandi jusqu’à représenter une force sociale qui est entrée en conflit avec l’ancienne classe dominante des nobles. Après avoir renversé le régime féodal, la bourgeoisie a bouleversé le monde, modifié les rapports sociaux, les valeurs, l’idéologie dominante, et développé les sciences et les techniques à un point inimaginable auparavant.
Toutefois, selon Marx, elle a également fait surgir une nouvelle classe sociale, le prolétariat moderne, c'est-à-dire la classe de tous ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre, et dont les intérêts entrent directement en conflit avec ceux de la bourgeoisie. Marx estime que de toutes les classes existantes dans la société moderne, seule la classe ouvrière est réellement capable de transformer la société.
Le capitalisme
Il naît du développement de l'artisanat dans le régime féodal et de l'apparition de la classe bourgeoise. Le développement de la technique demande de plus en plus à l'artisan de faire appel à de nouveaux travailleurs, qui sont alors sous l'égide du seigneur (les serfs, paysans).
Le régime capitaliste se caractérise ensuite par le développement continu des techniques, qui permettent de produire de plus en plus. Les prix diminuent alors et font disparaître les entreprises les moins rentables, augmentant la classe prolétarienne. Cette classe a de plus en plus de mal à acheter les marchandises produites par le système, qui entre en contradiction. Une autre contradiction est la concentration du capital dans un petit nombre de mains, situation qui ne peut durer face à l'organisation de la classe prolétarienne.
L'économie selon Marx
Note: Le lecteur pourra également lire l'article Marxisme économique, plus détaillé
Marx ne s’est pas contenté de dénoncer les méfaits du capitalisme naissant de l’époque (comme l’extrême misère des ouvriers anglais d’alors), mais il a cherché à analyser les conditions qui ont permis la naissance du capitalisme, et les lois qui guident la production de marchandises. Pour cela, il s'est appuyé sur les travaux des économistes de son temps, et reconnaissait la valeur de certaines de leurs observations, mais les trouvait incomplètes.
Il reprochait à l'économie politique d'être formée comme une science exacte, qui avait éliminé l'Homme de ses paramètres, et l'avait réduit à ses qualités de producteurs et consommateurs. Un autre reproche était le manque de questionnement de ses fondements[3] :
L'économie politique part de fait de la propriété privée. Elle ne vous l'explique pas. Elle exprime le processus matériel que décrit en réalité la propriété privée, en formules générales et abstraites, qui ont ensuite pour elle valeur de lois. Elle ne saisit pas ces lois, c’est-à-dire qu'elle ne montre pas comment elles résultent de l'essence de la propriété privée.
Le travail et la propriété privée
Dans sa conception philosophique, selon Marx, le travail est le prolongement de l'Homme, c'est une partie de son existence individuelle, et il aboutit à une reconnaissance par les autres hommes, et il crée une solidarité entre individus. Il lie intimement le travailleur et celui qui bénéficie de ce travail. C'est aussi un moyen de subsistance, directe dans les systèmes pré-capitalistes (sociétés paysannes), indirecte dans le système capitaliste.
Dans la société capitaliste, le travail a changé de nature : il est devenu aliénant, il subordonne l'individu aux moyens de production privée. Il est dépourvu de ses valeurs humaines. Il n'a d'autres finalités qu'une production de marchandises vénales, destinées à des échanges économiques. Le producteur devient un anonyme aux yeux de l'acheteur. Le travail devient alors abstrait.
Marx différencie la propriété des objets (propriété objective) qui existent indépendamment du travail humain (une terre, un arbre, un cheval), de la propriété subjective induite par le système capitaliste.
La propriété subjective existe lorsque intervient le travail humain dans la production d'un objet. Une marchandise contient du travail humain. La propriété privée subjective (subjective, parce qu'elle contient l'idée qu'un sujet - l'homme - l'a produite) est une appropriation du travail humain. Posséder une marchandise (une maison, une entreprise, une machine), c'est détenir du travail humain, donc cela crée une domination de l'homme par lui-même. N'oublions pas que le travail est, chez Marx, une partie et un prolongement de l'homme.
La consommation et la production
Ces concepts sont intimement liés chez Marx. La consommation, chez Marx, n'a pas le sens commun des économistes. Elle regroupe à la fois la consommation d'objets (matières premières, produits manufacturés, etc) et la consommation du travail de l'homme. L'homme est toujours présent dans la réflexion de Marx, cela fait partie de son originalité par rapport aux économistes classiques. La production, c'est notamment la consommation du travail. Réciproquement, l'acte de consommer (au sens commun) un objet, c'est l'étape finale de la production. Il y a une identité entre les deux notions.
Production, distribution et échange
Dans la société capitaliste, il n'y a plus rapport direct entre le producteur d'un bien, et celui qui va le consommer. La distribution, fonction intermédiaire, dépend de la structure sociale (rapports de domination sociale, salaires, etc.).
Dans sa notion de distribution, Marx, encore une fois, inclut aussi la distribution sociale, à comprendre au sens de proportions de personnes dans les différentes classes sociales.
L'échange final du bien, qui s'opère avec de l'argent dans la société capitaliste, finalise le cycle.
Origines du capitalisme
Le capitalisme nécessite la libération du travail. Qu'est ce qu'un travailleur "libre" selon Marx ? C'est un travailleur disponible pour être utilisé comme moyen de production, à la différence des sociétés paysannes, où les individus étaient la propriété du seigneur, et donc indisponible pour des activités industrielles. Une personne "non libre" selon Marx sera par exemple une femme au foyer, ou une personne âgée retraitée et étant empêchée de travailler, ou encore un mineur que des lois protègent. Les institutions (par exemple les États, par les lois) peuvent jouer un rôle empêchant ou diminuant cette "libération". Les coutumes et les religions aussi (refus du travail des femmes, par exemple).
Une autre condition pour que le système capitaliste existe, c'est que les moyens de la production soient également "libérés", c’est-à-dire disponible pour les capitalistes. Il ne faut pas qu'ils soient détenus de façon constante par des personnes. Les personnes ne doivent pas être intimement liés à ces moyens de production, comme pouvaient l'être les serfs vis-à-vis de la terre du seigneur au Moyen-âge, ou les esclaves dans l'Antiquité ou dans les empires coloniaux. Un esclave est directement un objet pour la production. Dans la même idée, il ne faut pas que le travailleur possède ses instruments de travail (sinon, il pourrait subvenir lui-même à ses besoins, sans intermédiation).
Lorsque ces conditions sont réunies, les hommes sont disponibles, le travail peut alors être acheté.
Le capital
Voir aussi l'article détaillé sur le livre de Marx : Le Capital
Il regroupe plusieurs formes : le capital-objet (les machines, les produits), le capital-travail (les hommes à qui on peut acheter le travail), le capital-argent.
La formation des richesses avait plusieurs origines avant Marx: les physiocrates y voyaient la productivité de la terre (cultures, élevages), les socialistes de l'époque y voyaient une exploitation des ouvriers par les patrons, et les libéraux y voyaient un prélèvement sur le prix de ventes des marchandises.
Marx nie tout cela. L'enrichissement vient de la création de la richesse. Cette création de la richesse vient du travail (la valeur-travail). L'employé vend sa force de travail à un patron qui utilise celle-ci à sa guise. Le prix de la force de travail est le salaire. Le travail permet de dégager une valeur supplémentaire, qui sera récupéré par le patron, c'est la plus-value. Ce n'est pas à proprement parler un vol : le salaire sert à couvrir les moyens de subsistance de l'employé, pour lui permettre de régénérer sa force de travail.
Ce mécanisme de production de capital va se concentrer par la circulation du capital : Les patrons dans leur ensemble dégagent un bénéfice, peuvent réinvestir et bénéficie ainsi d'une croissance infinie en capital. Cependant, certains feront faillite, réduisant le nombre de capitalistes. Ils rejoindront la classe ouvrière et permettront d'augmenter la force de travail employable pour les capitalistes. Ce phénomène de concentration du capital est constant, et a nécessairement une limite, au-delà de laquelle la société capitaliste disparaîtra.
La classe ouvrière selon Marx est la classe des personnes qui travaillent pour un capitaliste. On dirait aujourd'hui que cela représente l'ensemble des salariés. Un cadre en informatique est un "ouvrier" selon Marx, un dirigeant salarié d'une entreprise en est un aussi : il travaille pour les actionnaires, qui sont eux les capitalistes. Un employé d'une boulangerie n'est pas un capitaliste, mais son patron en est un. Selon l'analyse marxiste, le capital lié à l'activité des boulangeries, comme tout capital, se concentre. On pourrait ainsi estimer que l'apparition des réseaux de distribution de pains moderne (comme l'entreprise Banette (entreprise)) fait partie du sens de l'Histoire. Les anciens boulangers propriétaires disparaissent, et rejoignent la classe ouvrière, alors que le capital se concentre.
La théorie de la valeur
La théorie de la valeur consiste en l'idée que la valeur d'une marchandise vient du travail nécessaire pour la produire et l'amener au marché.
voir l'article principal : théorie de la valeur
La plus-value
La plus-value est la valeur prise par les capitalistes sur le prix de la marchandise, après avoir payé les frais des matières premières, et les salaires des travailleurs.
voir l'article principal : plus-value
L'argent, la monnaie, la richesse
La monnaie (à comprendre au sens de pièces de monnaie) est la forme objective de l'argent.
Dans le système de pensée de Marx, l'argent (concept) occupe une place importante.
D'abord, l'argent apparaît lors des échanges (achat-vente de marchandises). Ensuite, il est la substance de la richesse. La richesse et l'argent sont avant tout des abstractions. La monnaie, elle, est sa forme objective.
Chez Marx, tout est marchandise en système capitaliste (objet manufacturé, comme travail humain). Dans le système capitaliste, toute marchandise a donc un équivalent-argent.
Or, dans la conception philosophique de Marx, le travail est intimement lié à l'Homme. Le travail est une caractéristique essentielle de l'homme, et est ce qui forme les relations entre eux. Le consommateur est lié au producteur, et vice-versa.
Comme ce travail peut s'acheter avec l'argent (abstraction), dans le système capitaliste, les relations entre les hommes tendent à être suboordonnées aux relations basées sur l'argent. L'argent détruit la réalité de l'homme en détruisant les médiations entre eux. C'est l'argent qui devient la médiation entre les hommes (par le salaire, et les échanges économiques).
Marx pense même que les relations entre les serfs et les seigneurs au Moyen-Âge étaient de ce point de vue beaucoup plus humaines que celle des ouvriers de l'ère industrielle.
L'argent comporte également plusieurs contradictions dont en voici une importante : l'argent n'est au début qu'un moyen d'échange de marchandises. Mais, dans le système capitaliste, il va devenir le but du capitaliste.
L'homme a une dépendance vis-à-vis de l'argent : L'homme ne peut rien, par contre l'argent peut tout : il est le pouvoir, il est l'équivalent des marchandises. L'homme a donc inventé une abstraction qu'il vénère et qui le surpasse.
L'argent a également un effet sur la moralité des hommes. Comme on peut échanger toute marchandise contre toute autre (dont le travail humain, c’est-à-dire l'homme), la forme ultime du capitalisme est la prostitution généralisée de l'homme.
Chez Marx, la monnaie permet de tromper le salarié. L'esclave est payé par les subsistances vitales que lui procure son maître, tandis que le salarié croit obtenir un salaire monétaire qui lui offre une liberté de choix dans sa consommation. Mais cette liberté n'est qu'une illusion qui vient tromper le salarié sur sa situation réelle : en fait son salaire monétaire ne lui permet que d'acheter le minimum vital que le maître procurait directement à l'esclave. Cette illusion est l'apport essentiel de la monnaie dans les rapports sociaux du système de production capitaliste.
Les conceptions politiques de Marx
Les idéologies et la domination
Pour Marx, les idéologies sont des théories produites par les hommes, de façon consciente. Mais ce sont en même temps des mystifications, des illusions collectives, que les hommes se font d'eux-mêmes, car elles sont déterminées par les rapports que l'homme a avec le monde, elles sont déterminées par le contexte social dans lequel vit l'homme. Si le théoricien ne fait pas un travail d'auto-analyse, il ne pourra pas construire des idées et des concepts pertinents, décrivant véritablement la réalité.
Pourquoi les hommes construisent-ils des idéologies, selon Marx ? Essentiellement pour se justifier, et se donner bonne conscience.
Par exemple, un monde où la classe dominante exploite la classe dominée va produire une idéologie qui va non pas mettre en évidence l'exploitation, mais bien au contraire justifier les rapports entre les classes (avec des principes, des institutions, des lois, des coutumes, etc. qui sont des produits de l'idéologie de justification des inégalités de classe).
Si l'idéologie est surtout produite par la classe dominante, il est nécessaire que l'ensemble des hommes croient en l'idéologie ainsi mise en place, aussi bien la classe dominante que la dominée. Elle doit être universellement admise. La classe dominée ne doit pas voir le produit de l'idéologie comme une manipulation, mais plutôt comme le destin, le produit de l'histoire.
C’est ainsi que Marx considère que « les idées dominantes d'une époque n'ont jamais été que les idées de la classe dominante » (Manifeste du parti communiste). Contre les idéologies aliénantes issues des classes dominantes au fil du temps, Marx estime que l’Humanité doit instaurer une société sans division en classes sociales, empêchant ainsi la domination d’une classe dominante.
La religion
Marx critique fortement le rôle de la religion. Il critique les aspects philosophiques et sociaux de la religion. Marx est athée et s’en revendique, sans faire de l'athéisme une nouvelle « religion ».
Marx s'intéresse surtout à la religion à cause du rôle qu'elle exerce sur la société. Pour Marx, la religion est une structure créée par la société de classes, et qui évolue selon ses besoins. La religion et les hommes qui la font (prêtres, évêques, etc) sont des alliés objectifs de la classe dominante (et, pour ce qui est du haut clergé, en est directement membre).
Il analyse l'évolution de la religion en Europe : des structures religieuses païennes, qui permettaient aux hommes de justifier des phénomènes climatiques qu'ils ne comprenaient pas. Les dieux étaient des dieux locaux, chaque peuple avait les siens, ils étaient souvent liés à des phénomènes de la nature.
Ensuite, l'expansion romaine à travers l'Europe a fait naître une conscience géographique plus étendue, et les religions locales ont disparu au profit du christianisme. Pendant le Moyen-Âge, la transition au catholicisme a structuré l'Église : des hiérarchies structurées sont apparues (Pape, évêques, curés), avec qui le pouvoir (les rois et la noblesse) ont dialogué de façon constante pour le partage du pouvoir sur les peuples. La dîme, prélevée au peuple au profit de l'Église, a été instaurée. L'éducation des enfants était prise en charge directement par l'Église.
La naissance du capitalisme a fait apparaître une volonté de réforme du catholicisme à travers le protestantisme et le « capitalisme judaïque ». Ce terme a valu des critiques à Marx et un débat sur son éventuel antisémitisme, bien que Marx soit juif d’origine, mais athée. Dans les faits, Marx s'oppose au judaïsme en tant que religion, car elle est une oppression comme selon lui toutes les autres religions. Il rappelle également que la plupart des juifs étaient pauvres et exploités. Il critique donc le judaïsme, comme d'une manière générale le christianisme, pour avoir aidé le système capitaliste à apparaître. En revanche il milite et pétitionne auprès de son Assemblée provinciale pour obtenir l'émancipation politique des juifs sans que ceux-ci n'aient à renier leur religion[4].
Selon Marx, la religion permet de justifier les inégalités sociales, et permet au prolétariat de mieux les supporter. Elle laisse le peuple dans l'illusion que sa condition n'est pas si terrible, en lui donnant des exemples de morales religieuses, des bienfaits de la souffrance, etc.
Marx pense que si on élimine la religion, la classe ouvrière prendra conscience de sa misère, la refusera, et permettra la naissance d'une société socialiste.
Ce que récuse avant tout Marx, c'est l’effet anesthésiant, aliénant et mystifiant des religions sur la mentalité collective. De là son expression célèbre : « La religion est l'opium du peuple »[5].
Marx est conscient que la racine de la croyance religieuse se trouve dans les conditions de vie misérables de la plus grande partie de la population. C'est la raison pour laquelle il ne pense pas que la lutte contre la religion doit se trouver au centre du militantisme communiste. Après avoir défini la religion comme «l'âme dans un monde sans âme... l'opium du peuple», il poursuit « L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’exigence de son bonheur réel. Exiger qu’il renonce aux illusions sur sa situation c’est exiger qu’il renonce à une situation qui a besoin d’illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes dont la religion est l’auréole. La critique a dépouillé les chaînes des fleurs imaginaires qui les recouvraient, non pour que l’homme continue à porter des chaînes sans fantaisie, désespérantes, mais pour qu’il rejette ces chaînes et cueille les fleurs vivantes. La critique de la religion détruit les illusions de l’homme pour qu’il pense, agisse, façonne sa réalité comme un homme sans illusions parvenu à l’âge de la raison, pour qu’il gravite autour de lui-même, c’est-à-dire de son soleil réel. La religion n’est que le soleil illusoire qui gravite autour de l’homme tant que l’homme ne gravite pas autour de lui-même. » (l’introduction à la Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel)
La démocratie
Dans le Manifeste communiste, Marx considère que la première nécessité pour le prolétariat est « la conquête de la démocratie » (chapitre 2).
La démocratie réelle est selon Marx un des buts et des moyens essentiels de l’action du prolétariat. Cela est illustré par sa célèbre formule de 1864 : « L’émancipation des travailleurs doit être l’œuvre des travailleurs eux-mêmes ».
L'aliénation
L'aliénation a des sens différents selon ses applications.
Aliénation dans le travail
Le travail est dans le système capitaliste une simple marchandise vendue. Le travail tue l'homme en tuant son temps de vie.
«Un homme qui ne dispose d'aucun loisir, dont la vie tout entière, en dehors des simples interruptions purement physiques pour le sommeil, les repas, etc., est accaparée par son travail pour le capitaliste, est moins qu'une bête de somme. C'est une simple machine à produire la richesse pour autrui, écrasée physiquement et abrutie intellectuellement. Et pourtant, toute l'histoire moderne montre que le capital, si on n'y met pas obstacle, travaille sans égard ni pitié à abaisser toute la classe ouvrière à ce niveau d'extrême dégradation»
Aliénation dans l'argent
L'argent, dans la société capitaliste, est le seul signe de puissance, et le seul besoin. Les hommes luttent pour l'argent. Il est l'objet de toutes les convoitises. Or l'argent est une pure abstraction. L'argent coupe de la réalité du monde, et en même temps devient l'unique vecteur pour pouvoir agir sur lui. La société de l’argent est une aliénation surtout pour ceux qui en manquent, mais aussi pour ceux qui en ont beaucoup (grâce à la pauvreté d’autres êtres humains).
Aliénation morale
L'aliénation morale est l'aliénation par l'État et la religion. L'État entretient le mythe des "citoyens" égaux (alors que les inégalités demeurent), et la religion crée une morale artificielle qui sert les intérêts de certains êtres humains (en général : de sexe masculin, riches, âgés, etc).
Détruire les objets de l'aliénation
Pour sortir de ce système, Marx préconise la destruction des objets de l'aliénation, c'est-à-dire la destruction de l'État, de la religion, de l'argent, du travail.
Cette destruction est en partie idéologique : aucune violence n'est à craindre. Il suffit d'une prise de conscience. Un jour, les hommes peuvent décider d'arrêter de croire à l'état, ils peuvent décider de ne plus croire à la religion, ils peuvent décider que la monnaie n'a plus de valeur et refuser de s'en servir comme moyen d'échange, et ils peuvent décider d'arrêter de travailler en tant que marchandise. Cela ne signifie pas l'arrêt du travail, bien sûr, mais l'arrêt de l'idée qu'il faut le faire contre un salaire. A cette prise de conscience doit s’associer un changement radical des institutions et structures de la société, pour dépasser le stade capitaliste et créer le communisme.
« A la place de l'ancienne société bourgeoise, avec ses classes et ses antagonismes de classes, surgit une association où le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous » [6]
Théorie du prolétariat
Chez Marx, les prolétaires ne sont pas que les pauvres.
Les prolétaires sont le résultat de la dynamique du système capitaliste, et d'un mouvement historique irréversible.
La prolétarisation est la double conjonction de la transformation de l'homme en prolétaire et de l'augmentation de leurs nombres.
Qu'est ce qu'un prolétaire ? C'est un individu qui ne possède que sa seule force de travail, et pas les moyens de la production. Il est par conséquent obligé de vendre sa force de travail au capitaliste sous forme de salaire pour subvenir à ses besoins. Tout travailleur salarié est un prolétaire.
Marx avait très bien anticipé le développement du taylorisme à ce sujet. La division du travail est en effet un mouvement constant du capitalisme. Il est dû à l'amélioration des techniques et notamment des machines, qui ont fait apparaître les ouvriers spécialisés. Il est également la conséquence d'une recherche de rentabilité accrue.
Chaque salarié du système capitaliste ne devient capable que d'assurer une infime partie de la production. Son travail n'a pas de sens en lui-même. Il n'est qu'un rouage d'un immense mécanisme. Il ne peut plus avoir de vie individuelle.
De plus, grâce à cette division continue du travail, et le développement des techniques, le chômage est appelé à se développer. C'est l'« armée de réserve », et celle-ci, par sa simple présence, exerce une pression sur les salariés, qui ont peur de se retrouver au chômage. Le chômage empêche les travailleurs de se révolter. Les salaires ont donc une tendance continue à la baisse à long terme relativement aux possibilités qu'offre l'époque dans laquelle vivent les travailleurs, et la concentration du capital est aussi inéluctable.
La prolétarisation est donc la « corrélation entre l'accumulation de richesses et l'accumulation de misères ».
Le prolétaire possède également d'autres caractéristiques[7], telle que l'absence de propriété.
Comment sortir de cette misère (parfois matérielle, mais aussi surtout psychologique) ? Il faut, selon Marx, que la société se libère du capitalisme par la révolution. Cette révolution doit libérer le prolétariat, mais aussi toutes les classes sociales, notamment les classes dominantes, qui sont également aliénées (par l'argent notamment, comme on l'a vu plus haut). C'est donc une révolution pour toutes les classes visant à abolir les divisions de classes. Cette révolution doit être globale.
La lutte des classes
Lire l'article détaillé : Lutte des classes
Références
- ↑ Misère de la philosophie - K. Marx, texte disponible sur internet
- ↑ Notamment Le Capital, Livre I, section 8 et Le manifeste du Parti communiste, I. Bourgeois et prolétaires
- ↑ K. Marx, Manuscrits de 1844, Éditions Sociales, p. 149.
- ↑ Jacques Attali, Karl Marx ou l'esprit monde, pp. 71-73, Fayard, 2005
- ↑ K. Marx, Critique de la philosophie du droit de Hegel
- ↑ Karl Marx, Manifeste du parti communiste, 1848.
- ↑ Mentionnées dans l'ouvrage de Marx La Sainte Famille
Bibliographie
- Karl Marx, Œuvres, 4 tomes parus (Économie 1, Économie 2, Philosophie, Politique 1), Bibliothèque de la Pléiade, édition dirigée par Maximilien Rubel. Voir le détail de cette édition des Œuvres de Karl Marx dans la Bibliothèque de la Pléiade.
- L’économie politique et son champ d’étude, Christian Deblock et Pierre Paquette, 1978 [1]
- Le Capital, Karl Marx, partiellement disponible en ligne [2]
- Karl Kautsky, Les trois sources du marxisme, 1908
- Denis Collin, Comprendre Marx, éd. Armand Colin, 2006, (ISBN 2200269560).
- Jacques Ellul, La Pensée marxiste, 2003, (ISBN 2710325748).
- Maximilien Rubel, Marx critique du marxisme, 1974, (ISBN 2228892963).
- Raymond Aron, Le Marxisme de Marx, Paris, Fallois, 2002, (ISBN 2877064239) et en livre de poche, 2004, (ISBN 2253108006), publication posthume de son cours d'agrégation à la Sorbonne en 1962.
- Michel Henry, Marx, collection Tel Gallimard, 1991 :
- I. Une philosophie de la réalité (ISBN 2070722198)
- II. Une philosophie de l’économie (ISBN 2070722201)
- Patrick Tort, Marx et le problème de l'idéologie. Le modèle égyptien, Paris, PUF, 1988, 150 p.
- Patrick Tort, Être marxiste aujourd'hui, Paris, Aubier, 1986.
- Michel Vadée, Marx, penseur du possible, Paris, Méridiens Klincksieck, 1992.
- Jad Hatem, Marx, philosophe de l'intersubjectivité, Paris, L'Harmattan, 2002.
- Nietzsche-Marx ou l'équilibre de nouvelles singularités, Concepts, no 6, Editions Sils Maria, 2003, 115 p.
- Karl Korsch, Karl Marx, Champ libre, 287 p.
- Pascal Combemale, Introduction à Marx, La Découverte, collection Repères, 2006.
- Jürgen Habermas, Après Marx, 1976.
- Louis Althusser, Pour Marx, Maspero, coll. « Théorie », 1965; réédition augmentée (avant-propos d'Étienne Balibar, postface de Louis Althusser), La Découverte, coll. « La Découverte / Poche », 1996.
- Louis Althusser, Lire le Capital (en collaboration avec Étienne Balibar, Roger Establet, Pierre Macherey et Jacques Rancière), Maspero, coll. « Théorie », 2 volumes, 1965; rééditions coll. « PCM », 4 volumes, 1968 et 1973 ; puis PUF, coll. « Quadrige », 1 volume, 1996.
- Jacques Derrida, Spectres de Marx, 1993, Galilée. (ISBN 2718604298)
- Jean-Yves Calvez, La pensée de Karl Marx, Paris, Éditions du Seuil, 1956; édition revue et abrégée, Points Politique, Paris, Seuil, 1970.
Voir aussi
- Karl Marx
- Marxisme économique
- Catégorie:Marxisme
- Plus-value (marxisme)
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