- Ordre de Saint-Jean de Jérusalem en Terre Sainte
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Ordre de Saint-Jean de Jérusalem en Terre sainte
Pour les articles homonymes, voir Ordre de Malte.L'ordre des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, de Rhodes et de Malte, tel est l'appellation complète d'un ordre connu généralement comme ordre de Saint-Jean de Jérusalem, mais aussi sous le nom d'ordre de l'Hôpital, d'ordre Hospitalier ou plus simplement les Hospitaliers et en latin : Ordo Hospitalis sancti Johannis Ierosolimitani. Son origine remonterait au XIe siècle dans l'installation de marchands amalfitains à Jérusalem puis dans la création d'hôpitaux en Terre sainte (d'où le nom d'Hospitalier). À l'image des Templiers, il devient militaire en plus d'être hospitalier pour défendre d'abord les pèlerins malades dans les hôpitaux de l'ordre puis ensuite combattre les sarrasins. Après leur expulsion de Terre sainte, l'ordre s'installera à Chypre avant de conquérir l'ile de Rhodes. L'ordre devient alors une puissance maritime pour continuer à être le rempart des chrétiens contre les sarrasins. Expulsé une nouvelle fois, l'ordre deviendra prince de Malte, par le plaisir de Charles Quint. Avec ses chevaliers, l'Ordre se transforme en une puissance souveraine qui prend de plus en plus de place en Méditerranée centrale. Le général Bonaparte expulsera le grand maître et les chevaliers de l'ile de Malte au nom de la République française. Suite à la dissolution de l'ordre par Bonaparte, il se place sous la protection de Paul Ier de Russie. À sa mort s'en suit une période noire jusqu'au renouveau de l'ordre. C'est sous le nom d'ordre de Malte que l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem devient l'un des organismes humanitaires les plus actifs[1] mais plus tellement religieux et absolument plus militaire.
Article détaillé : Ordre de Saint-Jean de Jérusalem.Sommaire
Les origines de l'Ordre 1060–1158
Les xenodochium amalfitains 1035–1080
C'est vers 1035 que des marchands d’Amalfi s’introduisent auprès du calife Ma’ad al-Mustansir Billah de la dynastie des Fatimides d’Egypte et obtiennent de lui une concession pour soigner les voyageurs-pèlerins aux portes de Jérusalem[2]. En 1047, Nasir-i-Khusrau, poète et voyageur, décrit la ville de Jérusalem et « un merveilleux bimaristan qui soigne les malades avec des breuvages magiques et des lotions » mais sans faire état des amalfitains[3]. C'est pourquoi nombre d'auteurs situe plutôt vers 1050, l'édification d'une église, Sainte-Marie-Latine, et deux xenodochium, une auberge dédiée à sainte Magdeleine pour les femmes et une autre sous le patronage de saint Jean Baptiste pour les hommes. L’administration de ces auberges est confiée à des séculiers amalfitains souvent confondus avec des bénédictins du fait de leur habit noir. Le lieu de cette implantation, dans la partie chrétienne, serait celui de la maison de Zacharie (père de Jean Baptiste)[4].
En 1060 ou 1061, les moines de Sainte-Marie-Latine font construire un hospice devant l’afflux de voyageurs malades. Ils en confient la gestion à un laïc, Gérard Tenque, avec fonction de recteur et d’administrateur[5]. Mais en 1076, les Seldjoukides s’emparent de Jérusalem, persécutent les chrétiens et rasent leurs établissements. Aucun texte n’existe pour expliquer comment les amalfitains survécurent à ces persécutions, l’historien belge Alain Bletjens explique cela du fait que Zacharie est considéré par les musulmans comme un prophète secondaire et donc le lieu est respecté par eux[6].
L’hostellerie de Jérusalem 1080–1120
En 1080, le vénérable Gérard crée une nouvelle « hostellerie » (hôpital) de Jérusalem prenant ainsi ses distances avec les amalfitains[7]. C'est à cette période que les Seldjoukides, originaire du Turkestan, en pleine expansion conquièrent la Perse en 1055, Bagdad en 1060 et enfin l'Asie Mineure avec Jérusalem en 1076. Alexis Ier Comnène, empereur chrétien d’Orient, se sent menacé par leurs conquêtes et en 1095 il demande l’aide du pape lors du concile de Plaisance. Urbain II convoque le concile de Clermont où il prêche aux chrétiens de se croiser pour délivrer les lieux saints. Les Fatimides reprennent Jérusalem aux Seldjoukides en 1098 mais pour les chrétiens tous les arabes et tous les musulmans étant indistinctement des sarrasins, ils repoussent les ambassades fatimides[8].
C'est en 1099, que les armées croisées de Godefroy de Bouillon prennent Jérusalem et Godefroy devient Advocatus Sancti Sepuchri. Au début du siège, Gérard, rare chrétien de Jérusalem, est accusé de complicité par les sarrasins, il est torturé mais non exécuté. Expulsé de la ville, il se met au service des croisés et le calme revenu, il soigne avec ses servants tous les blessés. Pour services rendus, Godefroy offre aux « moines noirs » de Gérard le casual (village fortifié) de Hessilia en Palestine et son fief de Montboon en Brabant ainsi que deux fours banaux[9]. Gérard fait alors construire proche de l’hostellerie de Jérusalem une église dédiée à saint Jean Baptiste.
La reconnaissance officielle de l'Église vient en 1113 par le pape Pascal II « (nous) prescrivons que cette hôtellerie, véritable Maison de Dieu, demeure à la fois sous la tutelle du Siège apostolique et sous la protection de saint Pierre ». Cette promulgation fait de l’« hôtellerie de Jérusalem » une congrégation — il n’est pas encore possible de parler d’ordre Hospitalier. Cette bulle papale précise que tous les biens, charges ou possessions de l’Hostellerie lui sont définitivement acquis et que son supérieur, le frère Gérard, garde le droit de désigner de façon indépendante et autonome ses successeurs. Que l'hostellerie de Jérusalem avait exemption de paiement de la dîme sur ses biens et droit à perception sur les terres d'autrui. De plus le pape imposait, en plus des vœux de pauvreté, obéissance et chasteté, un quatrième vœu, celui d'hospitalité[10].
Le frère Gérard meurt le 3 septembre 1120 et les historiens sont partagés sur sa succession. Il est communément admis que le deuxième supérieur de l'hostellerie de Jérusalem est Raymond du Puy, nommé ou élu supérieur dès 1120[11], d'autres, tel Alain Bletjens, font état de l'intérim de Pierre de Barcelone suivi de frère Roger (ou Boyant Roger). Ce ne serait qu'en 1123 que Raymond du Puy est élu comme supérieur[12].
La confraternité de l’Hôpital 1120–1158
Ce serait vers 1130 que Raymond du Puy rédige et applique une première règle modelée sur celle de saint Augustin. La règle de saint Augustin est certainement la règle la plus communautaire, elle insiste plus sur le partage que le détachement, plus sur la communion que la chasteté et plus sur l'harmonie que l'obéissance. Composée en latin, elle comporte dix-neuf chapitres[13] :
- Comment les frères doivent faire leur profession
- Les droits auxquels les frères peuvent prétendre
- Du comportement des frères, du service des églises, de la réception des malades
- Comment les frères doivent se comporter à l'extérieur
- Qui doit collecter les aumônes et comment
- De la recette provenant d'aumônes et des labours des maisons
- Quels sont les frères qui peuvent aller prêcher et de quelle manière
- Des draps et de la nourriture des frères
- Des frères qui commettent le péché de fornication
- des frères qui se battent avec d'autres frères et leur portent des coups
- Du silence des frères
- Des frères qui se conduisent mal
- Des frères trouvés en possession de biens propres
- Des offices que l'on doit célébrer pour les frères défunts
- Comment les statuts, dont il est question ci-dessus, doivent être rigoureusement observés
- Comment les seigneurs malades doivent être accueillis et servis
- De quelle manière les frères peuvent corriger d'autres frères
- Comment un frère doit accuser un autre frère
- Les frères doivent porter sur leur poitrine le signe de la croix
Cette règle établit clairement trois choses, c'est bien une règle monastique, elle parle par deux fois de l'accueil des malades et elle fixe le signe distinctif des croisés, le signe de la croix sur la poitrine, pour les frères hospitaliers ; la chasuble sera noire et la croix sera blanche.
La date exacte de l'approbation de la règle par le pape Eugène III n'est pas connue avec exactitude mais les historiens la fixe avant 1159. Il est maintenant possible de parler de la confraternité de l’Hôpital[14]. Un nouvel ordre est né, l'ordre Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem.
Les moines-soldats
Les chevaliers de l'ordre du Temple 1118–1129
Article détaillé : Ordre du Temple.Depuis la prise de Jérusalem, un semblant de paix existe en Palestine. Des bandes de « grands ou petits chemin », des incursions sarrasines, font régner une insécurité constante. Un grande partie des croisés était rentré au pays après la conquête, il existe bien une soldatesque limitée trop souvent aux villes, les chemins nécessitaient des déplacements en groupe. L'augmentation des dispensaires et leur dispersion était un problème pour les pèlerins malades et pour les Hospitaliers[15].
Suivant Guillaume de Tyr, un baron champenois, Hugues de Payns, propose à Baudouin II, roi de Jérusalem, sa communauté des « Pauvres Chevaliers du Christ » pour assurer la sécurité des routes. Lors du concile de Naplouse, en 1120, ces « chanoines-chevaliers » sont invités à reprendre les armes. La nouvelle confrérie est installée par Baudouin et Gormond de Picquigny, patriarche de Jérusalem, sur l'ancienne mosquée al-Aqsa, dite aussi, aussi temple de Salomon. Il tiennent de là leur nom de miles Templii, les chevaliers du Temple, les Templiers[16].
Très vite ces « moines-soldats », qui prononcent les vœux d'obéissance, de pauvreté et de chasteté, mais qui combattent efficacement les infidèles, posent problème au regard des principes de l'Église, ils sont en état de péché les armes à la main. Hugues fait appel à son parent, l'abbé de Clairvaux, pour intercéder auprès du pape. Bernard de Clairvaux compose De laude nove militie dans laquelle il développe l'idée de malicidi, de non homicide en tuant le mal en l'homme et non l'homme. Hugues reprend ses propos dans sa lettre Christi militibus qu'il soumet au concile de Troyes en janvier 1129 qui approuve le nouvel ordre[16].
Les chevaliers de l'ordre de Saint-Jean 1137–1205
Article détaillé : Ordre de Saint-Jean de Jérusalem.Le rôle militaire des hospitaliers commence réellement en 1137 quand Foulques I, roi de Jérusalem leur cède le castel Bath-Gibelin à l'est de Gaza. Ils construisent en 1140 Margat au nord de Tripoli, ils achètent la même année Belvoir au nord de Naplouse. Puis ils détiennent Sare, Chastel Rouge, Akkar al-Atiqa, Belmont et font construire à Jérusalem, Acre, Tortosa, et Antioche. En 1142, Raymond II, comte de Tripoli, leur cède la forteresse d'Homs et surtout le krak des Chevaliers ainsi que toutes les terres perdues à charge pour eux de les reconquérir[17].
Dans le même temps où Raymond du Puy écrit la règle de l'ordre et la transmet à Rome, il propose l'adoption d'une bannière « de gueules à la croix latine d'argent » (rouge à croix blanche). Ce serait en 1130 que le pape Innocent II l'approuve. Elle flotte dès lors sur toutes les possessions de l'ordre. Ce serait l'ancêtre de tous ce qui deviendra les pavillons nationaux. Le huitième supérieur de l'ordre, Roger de Moulins (1177-1187), fait accepter par le chapitre général de l'ordre de 1181, le fait de recouvrir d'un drap rouge à croix blanche le cercueil des membres de l'ordre[18].
Nécessité faisant loi, le supérieur de l'ordre, Raymond du Puy, ajoute un nouveau vœu à sa règle, le secours, la défense des pèlerins et de la religion sans faire état d'un statut de chevalier. Il organise alors l'ordre en trois classes[19] :
- – ceux qui par naissance avaient tenu ou étaient destinés à tenir les armes ;
- – les prêtres et les chapelains destinés à assurer l'aumônerie ;
- – enfin, les autres frères servants destinés à assurer le service.
Mais de quelque classe qu'il soit l'Hospitalier se devait au service du malade.
À leur tour, les Templiers et à leur suite, les Teutoniques adoptent cette organisation hiérarchique.
L'Église proteste contre cette militarisation de l'ordre de Saint-Jean et ne voit dans les Hospitaliers, justement, que des hospitaliers. Le concile de Troyes n'a entériné le statut de « moine-soldat » que pour l'ordre du Temple mais d'aucune façon il n'a été question de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem. La règle de Raymond du Puy vers 1130, ni celle de Roger de Moulins en 1182, ne font état d'un quelconque statut de chevalier[20]. Mais après la bataille de Hattin, en 1187, l'Église reconnait en eux le meilleur rempart de la chrétienté comme Saladin a reconnu en eux ses pires ennemies[21]. Le statut de chevalier n'est confirmé, qu'en 1205 dans la forteresse de Margat, lors du chapitre général de l'ordre qui se tient sous le magistère d'Alphonse de Portugal[22].
Les chevaliers de l'ordre Teutonique 1190–1198
Article détaillé : Ordre Teutonique.Frédéric Barberousse, venu, lors de la troisième croisade, à la tête d'une forte armée de chevaliers germaniques, se noie en Turquie en traversant le Saleph (aujourd'hui le Göksu) le 10 juin 1190. Si ses troupes se dispersent immédiatement après sa mort en rentrant en Europe beaucoup reste sous les ordres du fils de Frédéric, Frédéric de Souabe. Ils rejoignent Antioche où le prince Bohémond III d’Antioche tente de les entraîner dans une opération sur Alep, mais finalement ils préfèrent rejoindre les croisés français et anglais à Saint-Jean-d’Acre[23]. Après le retour en France de Philippe Auguste, la prise de Chypre par Richard Cœur de Lion et le traité de paix de ce dernier avec Saladin le 2 septembre 1192, les chevaliers germaniques qui restent en Terre sainte se regroupent avec des Hospitaliers chevaliers germaniques pour former l’ordre Teutonique qui obtient la reconnaissance officielle du pape Innocent III en 1198.
Les combats en Terre sainte 1159–1189
La présence franque en Terre Sainte n'est qu'une suite de combats et d'escarmouches pour ces « moines-soldats ». Ils devaient être prêts à chaque instant pour le service, et pour ce faire, ils étaient dispensés de faire carême. C'est en août 1259, qu'un bulle papale d'Alexandre IV enjoint aux chevaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem de porter sur les champs de bataille un surcot écarlate meublé d'une croix blanche. C'est lors du chapitre général d'août 1278 que Nicolas de Lorgue confirme la « jupell vermeil avec la creis blanche »[24].
Normalement voués uniquement au secours des pèlerins, les Hospitaliers, à l'image des Templiers, vont prendre de plus en plus d'importance politique et s'investir dans l'organisation des États latins d'Orient, Comté d'Édesse, Principauté d'Antioche, Royaume de Jérusalem et Comté de Tripoli. Relevant directement du pape, donc des pouvoirs religieux, les Hospitaliers, l'étaient aussi des pouvoirs féodaux. S'ils étaient une « Église dans l'Église », ils étaient aussi un « État dans l'État ». Les hospitaliers et les templiers durent apprendre à cohabiter. Leurs intérêts étaient les mêmes mais souvent en concurrence. Malgré leur rivalité, ils s'entraidaient dans l'adversité. Ils joignaient souvent leurs forces dans les combats, ils se visitaient mais un frère ou un chevalier exclus d'un ordre était interdit dans l'autre ordre. Au fil du temps le militaire finit par prendre le pas sur le religieux, mais pour les Hospitaliers jamais sur le sanitaire[25].
En 1144, la perte d'Edesse est à l'origine de la deuxième croisade et en 1153 la victoire conjointe, à Ascalon, de Baudouin III et de Raymond du Puy avec ses chevaliers de Saint-Jean, apporte quelque répit en Orient. C'est le moment que choisi le pape Eugène III de confirmer à Raymond du Puy les règles de l'ordre que ce dernier avait écrites vingt ans plus tôt. En 1162, la succession de Baudouin III pose des problèmes d'acceptation. Le troisième supérieur de l'ordre, Auger de Balben, intervient à de multiples reprises pour désamorcer les intrigues et les querelles qui affaiblissaient les états d'Orient, permettant l'accession d'Amaury I au trône de Jérusalem[25].
Pour les supérieurs de l'ordre Hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, les successions sont rapides. Après trente-cinq ans de magistère de Raymond du Puy (1120 ou 1123–1158), Auger de Balben (1160–1162) tient la fonction moins de trois ans et le quatrième supérieur, Arnaud de Comps (1162 à 1163), moins de deux ans. Gilbert d'Aissailly (1163–1170) est le cinquième supérieur de l'ordre mais aussi le premier à se désister et à faire nommer son successeur Caste de Murols (1170–1172), ancien trésorier de l'ordre. Il nomme aussi aux fonctions de précepteur de l'ordre, Pons-Blan, qui visait la magistrature suprême. Celui-ci conteste alors à Gilbert d'Assailly la possibilité de se démettre[26].
Tous ces supérieurs de l'ordre et ses chevaliers participèrent au secours des pèlerins et à la guerre contre les sarrasins, principalement aux actions contre Nur ad-Din. Renaud de Châtillon, prince d'Antioche, puis après un emprisonnement de 16 ans par Nur ad-Din à Alep, seigneur d'Outre-Jourdain, va mettre le feu aux poudres dans tout le royaume d'Orient. Après de multiples razzias, en 1182, il monte une expédition en mer Rouge, pille les ports du Hedjaz et menace les villes saintes de l'Islam, La Mecque et Médine, sacrilège aux yeux des croyants. Salâh ad-Din (Saladin), neveu de l'émir kurde Shirkuh, s'empare d'Alep en 1183, réalisant l'unité syro-égyptienne[27].
Saladin affronte les francs à Cresson près de Nazareth, le 1er mai 1187, où Roger de Moulins, huitième supérieur des Hospitaliers, trouve la mort d'une blessure de lance. À la bataille de Hattin, les 3, 4 et 5 juillet 1187, il exécute sa froide vengeance. Il capture, entre autres, Guy de Lusignan et Gérard de Ridefort, maître de l'Ordre du Temple, décapite devant sa tente Chatillon et à Damas près de 300 chevaliers templiers et hospitaliers seuls survivants des combats sur un total d'environ 1200 chevaliers. Le 2 octobre 1187, Saladin s'empare de Jérusalem, il autorise le départ de la population à l'exception de dix hospitaliers qui reste un an de plus pour soigner les blessés[28]. Les Hospitaliers se replient sur le krak et Margat. Le nouveau supérieur de l'ordre, Hermangard d'Asp (1188-1190) n'est élu qu'en 1188[29].
La perte des États latins 1190–1291
Le successeur Hermangard d'Asp (1188–1190) est Garnier de Naplouse (1190–1192) dit le « Chevalier courtois ». Il participe, lors de la troisième croisade aux côtés des franco-anglais de Philippe Auguste et Richard Cœur de Lion, à la reprise d'Acre le 11 juillet 1191. La Chronique d'Amboise précise que les hospitaliers disposent de machines de guerre qui « font des coups qui plaisent bien à tous ». La même chronique rapporte les souvenirs du chevalier hospitalier Roman de Bruges qui s'étant lancé avec une telle ardeur qu'il dépasse toutes les troupes et rattrapé par Garnier de Naplouse, celui-ci lui ordonne de rentrer à pied au camp « Descendez de votre cheval et apprenez comment vous devez observer votre ordre »[30].
La troisième croisade ne permis que la reconquête d'une mince bande de terre littorale. Jean de Brienne, nommé roi de Jérusalem en 1210, mène la cinquième croisade avec l'aide des hospitaliers de Garin de Montaigu (1207 - 1227/28) avant d'abandonner son trône pour celui de Constantinople[31]. Frédéric II ayant promis des troupes au légat du pape Pélage, lors de la cinquième croisade, le nouveau supérieur de l'ordre Bertrand de Thessy (1228–1231), accompagné du prieur de Saint-Gilles, Bertrand de Barres, tente de rappeler, en vain, ses promesses à l'empereur. Quelques mois plus tard, le pape Grégoire IX ordonne par bulle à tous les patriarches et prélats de la Chrétienté d'excommunier tous ceux qui s'opposeraient à la personne et aux biens des Hospitaliers[32].
Le successeur de Thessy, Garin ou Guérin Lebrun (1231–1236), est resté longtemps un inconnu des listes des supérieurs de l'ordre, jusqu'à ce qu'il soit identifié par J. Raybaud au début du XXe siècle. Certains auteurs pensent qu'il fut fait prisonnier lors de la bataille de Corasmin, où fut tué le grand maître de Templiers, et emmené en Égypte où il mourus sans avoir été racheté[33]’[34]. La septième croisade dirigée par Louis IX (saint Louis) mène au désastre de Mansoura et à la captivité du roi et du supérieur de l'ordre Guillaume de Chateauneuf (1224–1258). Ils sont libérés le 6 avril 1250 contre paiement d'une rançon. Saint Louis laisse la défense de la Palestine aux hospitaliers encouragés par le pape Innocent IV qui leur confirme tous leurs privilèges[35]. Le titre de « grand maître » est accordé au supérieur de l'ordre par un bref du pape Clément IV en 1267. Il est élu à vie, dans les trois jours de la mort de son prédécesseur, par tous les chevaliers résidant au couvent depuis au moins trois ans, ayant effectué au moins trois « caravanes » (expéditions) contre les infidèles et âgés de plus de 18 ans[36].
Entre 1256 et 1268, le sultan mamelouk Baïbars, enlève, par la force ou la traitrise, Césarée, Arsuf, Saphet (forteresse des Templiers), Jaffa, Beaufort (aux Templiers) et Antioche. La huitième croisade prenant le chemin de Tunis et non d'Acre, Baïbars reprend les armes et enlève aux Templiers Chastel-Blanc et grâce à une trahison le krak des chevaliers hospitaliers du premier grand maître de l'ordre, Hugues de Revel 1259–1277. Le prince Édouard d'Angleterre, futur Édouard Ier, négocie une trêve de dix ans en 1272. Baïbars et le grand maître de Revel meurent la même année avant la fin de la trêve, son successeur, le grand maître Nicolas de Lorgne (1277 ou 1278–1284), perd Margat lors de la rupture de la trêve[37].
C'est le grand maître Jean de Villiers (1285–1294) qui va faire face aux forces considérables (plus de 200 000 hommes) que le nouveau sultan d'Égypte, Al-Ashraf Khalil, mobilise pour la prise d'Acre. En mai 1291, la ville compte 35 000 habitants dont 14 000 combattants et 800 chevaliers après le départ pour Chypre d'une partie de la population et des combattants hors d'état de combattre, de Villiers et Guillaume de Beaujeu, grand maître des Templiers, ne disposent que de trois cents chevaliers et 4 000 combattants pour soutenir le siège. De Villiers et de Beaujeu livrent un dur combat pendant dix jours pendant lesquels de Villiers est grièvement blessé et de Beaujeu tué. Le 28 mai 1291, la citadelle tombe ne laissant en vie que sept Hospitaliers et dix Templiers. Les dernières places fortes de Tyr, Sidon et Tartous sont évacuées sans combat[38].
En se regroupant autour de Jean de Villiers dans leurs commanderies de Chypre, notamment à Kolossi, les Hospitaliers forment l'espoir de reconquérir la Terre Sainte[39]. Ils mettent alors sur pieds une nouvelle organisation tout en devenant une nouvelle puissance navale en Méditerranée orientale. Entre 1307 et 1310, ils conquièrent l'île de Rhodes où ils se transportent pour encore deux siècles.
Article détaillé : Ordre de Saint-Jean de Jérusalem à Rhodes.Références
- ↑ « Grand Prix Humanitaire 2007 de l'Institut de France
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 15
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 14
- ↑ A. Bletjens (1995)
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 17
- ↑ A. Bletjens, 1995.
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 17
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 16
- ↑ acte conservé à la Bibliothèque nationale de Malte, B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 19
- ↑ Acte conservé à la Bibliothèque nationale de Malte, B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 13
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 24
- ↑ A. Bletjens (1995)
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 275
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 25
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 26
- ↑ a et b B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 27
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, pp. 36–37
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, pp. 35-36
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 28
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 30
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 28
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 30
- ↑ R. Grousset, 1936, pp. 59–61
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 31
- ↑ a et b B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 63
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, pp. 64–65
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, pp. 64-65
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 66
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 67
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 67
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 68
- ↑ J. Raybaud (1904)
- ↑ B. G. Flavigny (2006) p.69
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, pp. 68–69
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 50
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, pp. 69-70
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 70
- ↑ B. Gallimard Flavigny, 2006, p. 71
Bibliographie
- (fr) Alain Beltjens, Aux origines de l'ordre de Malte, chez l'auteur, 1995
- (fr) Bertrand Galimard Flavigny, Histoire de l'ordre de Malte, Perrin, Paris, 2006
- (fr) René Grousset Histoire des croisades et du royaume franc de Jérusalem, tome III 1188–1291, L'Anarchie franque, 1936, rééd. 2006, Perrin, Paris
- (fr) J. Raybaud, Histoire des grands prieurs et du prieuré de Saint-Gilles, C. Nicolas éditeur, 1904
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