Le Déclin de L'Occident

Le Déclin de L'Occident

Le Déclin de l'Occident

Le Déclin de l’Occident
Auteur Oswald Spengler
Genre essai historique
Version originale
Titre original Der Untergang des Abendlandes – Umrisse einer Morphologie der Weltgeschichte
Éditeur original Verlag C. H. Beck
Langue originale allemand
Pays d'origine République de Weimar République de Weimar
Lieu de parution original Vienne puis Munich
Date de parution originale 1918-1923
Version française
Traducteur Mohand Tazerout
Lieu de parution Paris
Éditeur Gallimard
Date de parution 1948
Type de média 2 vol. (1. Forme et vérité / 2. Perspectives de l’histoire mondiale)
Nombre de pages 412+458 p.
Série Bibliothèque des Idées

Le Déclin de l'Occident (Der Untergang des Abendlandes) est un essai en langue allemande publié en 1918 (pour la première partie) et 1922 (pour la seconde) par Oswald Spengler. L'auteur y développe une synthèse historique qui rassemble tout à la fois l'économie politique et la politique, les sciences et les mathématiques, les arts plastiques et la musique. Cet ouvrage se présente comme une application aux phénomènes culturels de la méthode morphologique qu'avait élaborée Goethe pour les sciences naturelles et qui consiste dans le fait de dériver les phénomènes à partir d'un « phénomène primitif unique ».

« Esquisse d'une morphologie de l'histoire universelle »

C'est pour souligner cette influence que Spengler lui a donné pour sous-titre « Esquisse d'une morphologie de l'histoire universelle ». Cette œuvre analyse l'histoire en distinguant des grandes cultures historiques qui, semblables à des êtres biologiques, naissent, croissent, déclinent et meurent. Il distingue huit grandes cultures principales et trois attitudes principales propres à l'Occident : l'attitude apollinienne, l'attitude magique et l'attitude faustienne. Cette synthèse se veut froide et lucide. Spengler est aussi un des derniers auteurs saisis par le romantisme du fracas des civilisations et la mélancolie des fins du monde.

Il développe par ailleurs une vision cyclique ou « sphérique » de l'histoire où cette dernière n'a pas de sens. Chaque culture est déterminée par son héritage, ses valeurs et son sentiment du destin. Il inspira de nombreux auteurs contemporains : Thomas Mann, Ernst Jünger, Emil Cioran, Martin Heidegger, Ludwig Wittgenstein[réf. nécessaire] et Arnold Joseph Toynbee, ainsi que Richard de Coudenhove-Kalergi.

Le Déclin de l'Occident est l'un des essais historiques les plus controversés parus depuis 1918. Son succès tient d'abord au contexte de sa parution, la Première guerre mondiale ayant ébranlé les thèses positivistes et scientistes; ensuite à la synthèse d'une profusion de faits scientifiques qu'effectue Spengler pour en former une fresque d'ensemble. Spengler conçoit ainsi une histoire universelle: une collection ordonnée des événements, passés, présents ou à venir, qui a fasciné nombre de lecteurs.

Les aspects particulièrement controversés de l'étude de Spengler auront été d'une part son formalisme historique, une juxtaposition d'analogies historiques qui le discrédite auprès des spécialistes ; et d'autre part les conclusions politiques que tire Spengler de sa conception cyclique des Grandes Cultures. Enfin, on lui reprochait son dilettantisme. Spengler lui-même qualifiait son livre de « Métaphysique », ce qui n'empêcha pas l'historien britannique Arnold Joseph Toynbee de l'admirer toute sa vie, et l'on trouve même chez un Franz Borkenau une discussion très fouillée des principes de Spengler. Même dans de larges couches du monde des lettres, particulièrement en Allemagne et en Autriche (Egon Friedell, Gottfried Benn, etc.), on prit au sérieux son épopée des civilisations.

Réactions

En conclusion d'une critique accablante, Robert Musil reconnaissait que si d'autres auteurs n'avaient pas commis autant d'erreurs, c'était qu'ils ne s'étaient aventurés que sur un seul versant des connaissances. Il caricature ainsi la « méthode Spengler » :

« Il y a des papillons jaune citron, il y a des Chinois jaune citron. On peut donc affirmer que dans une certaine mesure, le papillon est, pour l'Europe centrale, l'analogue nain et ailé du Chinois : papillon et Chinois sont en effet tous deux des évocations du plaisir des sens. Voilà pour la première fois établie la correspondance entre l'ère du Lépidoptère et la culture chinoise. Que le papillon ait des ailes et que le Chinois en soit dépourvu n'est qu'un épiphénomène[1] ... »

Thomas Mann fit d'abord l'éloge du livre avec emphase et proposa de lui décerner le Prix Nietzsche [réf. nécessaire]. Il y voyait un « livre empreint du sens tragique, aux hypothèses audacieuses, dans lequel on retrouve les traits essentiels nécessaires aujourd'hui à l'Allemand [2]. » Mais dès 1922, alors qu'il commençait à se réconcilier avec la République de Weimar, il prit davantage ses distances avec Spengler. S'il appréciait toujours la brillante épopée, il se démarquait du pessimisme schopenhauérien et du sens tragique de l'auteur. L'œuvre lui paraissait trop fataliste et défaitiste : « ...ces idées préconçues et ce mépris de l'Homme sont le fonds de commerce de Spengler... Il a tort de présenter Goethe, Schopenhauer et Nietzsche comme les inspirateurs de sa prophétie de hyène [3]

Karl Popper rédigea Misère de l'historicisme[4] en réaction contre le principe spenglerien selon lequel il y aurait des lois historiques immuables. Le critique marxiste Georg Lukács voyait dans l'essai de Spengler une étape entre Nietzsche et Hitler[5].

Theodor Adorno défendit la philosophie de l'histoire de Spengler contre les critiques tendancieuses et en partie parfois sciemment diffamantes de l'Après-guerre. Il les jugeait trop simplistes et trop définitives : « Spengler compte au nombre des théoriciens de l'extrémisme dont la critique du Libéralisme des progressistes se dévoile pas à pas. » [réf. nécessaire] Adorno approuve l'interprétation que fait Spengler du fascisme comme un césarisme moderne et développe les arguments par lesquels il s'en prend à la culture de masse et au système des partis. Toutefois, la plus grande partie de l'essai d'Adorno désapprouve fondamentalement l'interprétation de Spengler sur le cours sanglant de l'histoire : après avoir constaté que « Nietzsche, dont Spengler imite à satiété le style grandiloquent, sans jamais, contrairement à Nietzsche lui-même, se résigner à se réconcilier avec le monde, … », il en vient à la critique décisive suivante : « Spengler et ses semblables sont moins les prophètes du tour pris par l'Esprit du Monde que ses acteurs zélés[6] ».

Références

  1. Trad. d'après Robert Musil, Gesammelte Werke, vol. 8 : Essais et discours, Rowohlt Verlag, Reinbek-bei-Hamburg, 1921 (réimpr. 1978), « Geist und Erfahrung. Anmerkungen für Leser, welche dem Untergang des Abendlandes entronnen sind » 
  2. «...Ein Buch voller Schicksalsliebe und Tapferkeit der Erkenntnis, worin man die großen Gesichtspunkte findet, die man heute gerade als deutscher Mensch braucht“, cité par Klaus Harpprecht, Thomas Mann, eine Biographie, chap. 32.
  3. Thomas Mann, über die Lehre Spenglers, 1922.
  4. Édition française Karl Popper, Misère de l'historicisme [« Das Elend des Historizismus »], Presses Pocket, coll. « AGORA » (réimpr. 1991), Poche, 214 p. (ISBN 2-26604-378-6) .
  5. Cf. Lukács (trad. Peter Palmer), The destruction of Reason [« Die Zerstörung der Vernunft »], The Merlin Press, Londres, 1962 (réimpr. 1980), p. 751-752 :
    « If, in assessing Hitler, we put the accent solely on his low intellectual and moral standards... such an assessment is correct. But it was again historical necessity which caused the lowering of standards. It is a steep descent from Schelling and Schopenhauer — via Nietzsche, Dilthey, Spengler, etc.—to Hitler and Rosenberg. »
     . Cet ouvrage n'existe malheureusement encore pour l'instant qu’en traduction partielle en français, aucun éditeur n'ayant jugé opportun de faire connaître cette œuvre au public francophone.
  6. (de) Theodor W. Adorno, Spengler nach dem Untergang, 1941 (réimpr. 1950) 


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