- Mémoire des martyrs
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Martyr
Pour les articles homonymes, voir Martyr (homonymie).Un martyr (du grec ancien μάρτυς,-υρος martus, « témoin ») est celui qui consent à aller jusqu’à se laisser tuer pour témoigner de sa foi, plutôt que d’abjurer. « Martyr » appartient essentiellement, et à l'origine, à la terminologie chrétienne ; il doit être différencié du martyre qui est l’acte même de mise à mort ou les tourments infligés.
- Polysémie : certains militants utilisent parfois le mot martyr dans un sens différent, celui de « victime » (les martyrs du génocide) voire - et cela constitue un contresens - celui de kamikaze, c’est-à-dire « celui qui se tue dans le but de tuer ».
Sommaire
Références scripturaires
Le mot a été utilisé pour la première fois dans un sens religieux par l’auteur des Actes des Apôtres :
« Mais vous recevrez une puissance, le Saint Esprit survenant sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. »— (1:8)
« Il faut donc que, parmi ceux qui nous ont accompagnés tout le temps que le Seigneur Jésus a vécu avec nous, depuis le baptême de Jean jusqu’au jour où il a été enlevé du milieu de nous, il y en ait un qui nous soit associé comme témoin de sa résurrection. »— (1:21–22)
Dans le sens de « témoin et victime », le mot est utilisé dans l’Apocalypse dans l'adresse à l’Église de Pergame, puis lors de l'ouverture du cinquième sceau :
« Tu retiens mon nom, et tu n’as pas renié ma foi, même aux jours d’Antipas, mon témoin fidèle, qui a été mis à mort chez vous, là où Satan a sa demeure. »— (2:13)
« Quand il ouvrit le cinquième sceau, je vis sous l’autel les âmes de ceux qui avaient été immolés à cause de la parole de Dieu et à cause du témoignage qu’ils avaient rendu. »— (6:9)
Peu à peu, le mot « martyr » garda uniquement ce sens.
Doctrine
L’Évangile indique l’attitude à adopter face à la persécution : « Si l’on vous persécute dans une ville, fuyez dans une autre »[1]. Il ne s’agit pas de rechercher le martyre de manière quasi suicidaire, par provocation. En même temps, il n’y a pas de plus bel amour que celui de mourir pour ses amis : le martyre est un idéal et une grâce. Celui qui est acculé au martyre (ayant p.ex. le choix entre un geste de reniement ou de profanation ou la confession de sa foi) doit l’accepter comme une grâce ; ceux qui « trébuchent » sont appelés lapsi et ne peuvent être réintégrés dans l’Église qu’au terme d’une période de pénitence. Le Christ a promis aux martyrs l’inspiration des paroles qu’ils devront prononcer et la force pour subir leur supplice, à l’image de celui de la Croix.
Le martyre est un « baptême sanglant ». Celui qui meurt ainsi, même non baptisé, a ses péchés pardonnés et il obtient ipso facto la béatitude céleste. Dès lors, le martyr peut devenir un intercesseur. (Dans l’Antiquité, certains futurs martyrs emprisonnés ont joué ce rôle de leur vivant, ce qui n’était pas sans poser des problèmes).
Seuls les martyrs en communion avec l’Église ou exprimant in extremis le désir de l’être (comme saint Hippolyte) méritent ce titre et obtiennent cette grâce. Les victimes hérétiques ou schismatiques des persécutions (donatistes p.ex.) ne sont pas vénérées comme des saints et l’Église ne se prononce pas sur leur salut.
Saint Ignace d'Antioche conçoit le martyr comme une libation pour accomplir l'Évangile du Christ Jésus.
L’Église commémore le dies natalis (jour de la naissance au Ciel) des martyrs et, en général, des saints ; le calendrier qui rappelle ces occurrences est appelé Martyrologe.
Martyrs célèbres
Pour les chrétiens, le premier martyr (ou protomartyr) est saint Étienne, lapidé par ses auditeurs à Jérusalem, en présence de Saul, connu comme saint Paul.
Jésus, même s'il fut crucifié, n'est pas appelé martyr par les chrétiens. Les chrétiens considèrent que le martyr rend témoignage de la mort de Jésus-Christ, lequel est mort pour salut de tous les hommes.
Parmi les apôtres de Jésus-Christ, beaucoup sont réputés avoir subi le martyre, tel saint Pierre, crucifié la tête en bas, sous l'empereur Néron (64), saint Paul, tué la même année, ou saint Barthélemy, écorché vif.
Saint Jean serait le seul apôtre ayant subi le martyre mais en serait sorti indemne (Tertullien). Il était très jeune pendant la vie de Jésus sur Terre, et est mort très âgé en exil. L'évangile selon saint Jean est, parmi les quatre évangiles retenus dans le canon, le dernier écrit (vers l'an 100). Saint Jean est le seul à employer l'expression Paraclet au sujet de l'Esprit Saint. L'expression figure dans le Discours de la Cène (par exemple Jn, 14, 16), qui n'a pas d'équivalent dans les évangiles synoptiques. Saint Jean peut ainsi être considéré comme un témoin.
Les premiers saints de l'Église étaient des martyrs. Par la suite, l'expression saint a été élargie.
L’Empire romain connut plusieurs époques de persécution contre les chrétiens. On reprochait particulièrement à ceux-ci leur refus de sacrifier au culte de l’Empereur et de servir dans l’armée. Le règne de Dioclétien connut la dernière, mais aussi la plus importante de ces persécutions de l'Antiquité.
Le siècle qui connut le plus grand nombre de martyrs chrétiens est le XXe siècle (communisme ; nazisme ; guerre d'Espagne, etc.).
Il y a eu des martyrs à toutes les époques de l'Histoire. Tous les martyres n'ont pu être relevés officiellement et tous les saints ne sont pas notés dans le calendrier ; la fête de Tous les Saints (Toussaint, 1er novembre) célèbre cette foule de noms connus ou inconnus.
Parmi les martyrs célèbres ou représentatifs, par ordre chronologique :
- Saint Etienne, premier martyr à Jérusalem en 35,
- Sainte Blandine, martyre à Lyon en 177 (livrée aux taureaux dans un cirque) en compagnie de saint Pothin,
- Saint Laurent, martyrisé en 258, supplicié sur le gril,
- Catherine d'Alexandrie, martyrisée au IVe siècle (supplice de la roue),
- Saint Maurice, décimé (au sens étymologique du terme), par les Romains, en compagnie d'autres soldats chrétiens, dont Sanctus. Les restes de saint Maurice furent les premières reliques.
- Sainte Jeanne d'Arc, voulant restaurer l'autorité du roi Charles VII, source de la libération de la France, brûlée.
- Bienheureux martyrs : on désigne sous cette expression les prêtres tués à cause de leur foi entre le 2 et le 5 septembre 1792, lors des massacres de septembre à Paris, au couvent des Carmes et en l'église Saint-Paul Saint-Louis. Une fête apparaît sur le calendrier liturgique, mais pas sur les agendas ordinaires.
- Saint Maximilien Kolbe, qui offrit sa vie en remplacement de celle d'un père de famille dans le camp de concentration d'Auschwitz.
- Martyrs de la guerre d'Espagne
Les martyrs sont usuellement représentés tenant une palme dans une main, symbole du martyre, et dans l’autre main l'objet de leur supplice. Les œuvres d'art plastique sont multiples ; les martyrs ont aussi été célébrés par la musique et, plus encore, par la littérature : récits de passions, hymnes (celles de saint Ambroise et de Prudence, Peristephanon, p.ex.), etc.
Par extension
Par extension, le mot désigne celui qui est torturé et/ou tué pour une cause ou un idéal. Il est parfois soumis à des dérives :
- On a parfois parlé de « martyrs du IIIe Reich », terminologie contestée par un article du Monde mentionnant qu’on ne peut parler de « martyr » lorsque la seule caractéristique réelle de la victime est d’avoir eu le malheur de croiser le chemin de son bourreau.
- Dans le Coran, est nommé « martyr » ou chahid celui qui est tué dans une opération liée à la propagation de l’islam. Il est précisé en certains passages que l’appellation se justifie à condition qu’il ait lui-même au préalable, ou en même temps, tué. C’est cette terminologie qui est adoptée par un groupe comme Al-Qaida bien que le suicide soit interdit, non pas par le Coran, mais par les Hadiths, qui représentent les paroles et actes du prophète musulman Mahomet. Par ailleurs, dans le soufisme, le martyr est celui qui a été supplicié et tué en raison de ses convictions religieuses fortes (comme Abu Mansur al-Hallaj).
- Le mot martyr (מרטיר en héb. martir) est entré récemment dans la langue hébraïque mais le judaïsme utilise le mot kadosh ou mekadesh hashem pour désigner un homme qui meurt pour la sanctification du Nom (קידוש השם en héb. kiddoush hashem).
Il importe donc lorsqu’on utilise ce mot de préciser quelle acception exacte on lui donne.
Le martyr est distinct du martyre, qui est le nom donné au supplice subi par le martyr. Au Moyen Âge, la forme « martre » était également utilisée. On la retrouve dans « Montmartre », le « mont des martyrs ».
« Martyrs » divers mais pas au sens religieux
En voici une liste :
- Hypatie, mathématicienne d'Alexandrie, massacrée par les chrétiens vers l'an 400[2] ;
- Cathares : ceux-ci étaient en fait hérétiques, et ne sont pas considérés comme martyrs par l'Église catholique, mais ils furent pourchassés à cause d'une foi assez divergente de la foi catholique ;
- William Wallace, facteur de la libération de l'Écosse, pendu et écartelé ;
- Jan Hus, réformateur tchèque au XIVe siècle, qui eut une influence très large bien au-delà de la Bohême ;
- Savonarole, moine dominicain qui critiquait la luxure à Florence au XVe siècle ;
- Mary Stuart, reine d'Écosse, fervente catholique, célèbre pour son destin tragique, qui se considérait elle-même comme une martyre et qui a porté une robe rouge (couleur des martyrs chez les catholiques) le jour de sa décapitation ;
- Giordano Bruno, brûlé par l'inquisition au XVIIe siècle pour avoir défendu la pluralité des mondes ainsi que des thèses religieuses considérées comme erronées ;
- Louis-Michel Lepeletier de Saint-Fargeau, Joseph Bara et Jean-Paul Marat sont considérés comme des "martyrs" de la Révolution
- René Carmille : ce polytechnicien cacha les fichiers de Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, et constitua clandestinement les fichiers de soldats qui furent employés pour le débarquement de Provence. Il fut envoyé en déportation et tué en 1942 ;
- Jean Moulin, héros de la résistance pendant la Seconde Guerre mondiale, torturé à mort.
- Francisco Ferrer Guardia exécuté sur une accusation formulée dans une lettre remise par les prélats catholiques de Barcelone.
- Federico García Lorca , poète espagnol républicain [3].
Bibliographie
- Bernard Bourrit, "Martyrs et reliques en Occident" dans Revue de l'histoire des religions, Armand Colin, 2008.
- Daniel Boyarin, Mourir pour Dieu : L'invention du martyre aux origines du judaïsme et du christianisme, Bayard, 2004
Voir aussi
Articles connexes
Notes
Catégorie : Martyr
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